Publié le 4 décembre 2023 par : M. Ciotti.
Après le dixième alinéa de l’article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – l’établissement de la liste des pays pour lesquels les demandes d’asile et de protection internationale peuvent être rejetées pour irrecevabilité sans examen au fond. »
Le présent amendement a pour objet de permettre au législateur de fixer une liste de pays tiers à l’Union européenne sûrs et des pays d’origine sûrs pour lesquels les demandes d’asile et de protection internationale peuvent être rejetées pour irrecevabilité sans examen au fond.
Le concept de « pays tiers sûr » figure à l’article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. Le paragraphe 3 de cet article prévoit que : « Tout État membre conserve le droit d’envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE ». Dans ce cas la demande d’asile est considérée comme irrecevable.
La définition de la notion de pays d’origine sûr est donnée par l’article L. 531-25 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) : « un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne. ». Cette est définition est calquée sur celle énoncée à l’annexe I de la directive européenne 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
Le soin d’établir et d’actualiser la liste des pays d’origine sûrs a été confiée en France à l’Office Français des réfugiés et des apatrides (OFPRA). En vertu de l’article L. 531-25 CESEDA, le conseil d’administration de l’office « examine régulièrement la situation dans les pays considérés comme des pays d’origine sûrs » et « veille à l’actualité et à la pertinence des inscriptions ». « Il radie de la liste les pays ne remplissant plus les critères » pour figurer sur la liste des pays d’origine sûrs. Il peut aussi, « en cas d'évolution rapide et incertaine de la situation dans un pays, en suspendre l'inscription ».
Ce système de liste des pays d’origine sûrs a été jugé comme ne méconnaissant pas le principe d’égalité et n’affectant pas la substance du droit d’asile (voir la décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003 sur la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, qui introduisait ces notions en droit français et la jurisprudence du Conseil d’État, notamment la décision rendue sur la 1ère liste : Conseil d'État, 5 avril 2006, GISTI et a., n° 284706).
L’inscription d’un pays sur la liste n’exempte pas les officiers de l’OFPRA de protection de procéder à un examen individuel de la demande, ainsi que le Conseil d’État l’a rappelé sur la première liste de pays d’origine sûrs établie par la France le 30 juin 2005 (CE, 5 avril 2006, GISTI et autres, n° 284706, p. 186). En effet, le quatrième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958 dispose que : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République », ce qui implique un examen individuel de la demande au fond, quel que soit le pays d’origine du demandeur. A l’heure actuelle, les listes des pays tiers sûrs et des pays d’origine sûrs permettent uniquement au législateur d’autoriser l’OFPRA à engager une procédure d’examen accéléré au fond des demandes d’asile.
Les dispositions introduites par cet amendement permettront à l’OFPRA de ne pas procéder à un examen individuel de fond de la demande d’asile ou de protection internationale des ressortissants de pays d’origine sûrs et de demandeurs passés par des pays tiers sûrs mais de les rejeter pour irrecevabilité.
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