Publié le 6 avril 2023 par : Mme Ménard.
I. – Le II de la section V du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 199 quindecies est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « d’une réduction d’impôt égale » sont remplacés par les mots : « d’un crédit d’impôt égal » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « à la réduction d’impôt » sont remplacés par les mots : « au crédit d’impôt » .
2° L’article 199 sexdecies est complété par un 7 ainsi rédigé :
« 7. Les dépenses mentionnées au 1, et versées pour les services mentionnés au 2° de l’article L. 7231‑1 du code du travail, ouvrent droit au crédit d’impôt lorsque les revenus du ménage sont inférieurs à 54 000 € ».
II. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Cet amendement propose de transformer la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé en un crédit d’impôt.
L’article 199 quindecies du code général des impôts accorde une réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé.
Le coût de cette dépense fiscale est estimé, pour 2022, à 263 millions d'euros pour plus de 432 000 bénéficiaires.
La réduction d’impôt s’élève à 25 % des dépenses engagées au titre de la dépense et de l’hébergement des seules personnes dépendantes hébergées dans un établissement spécialisé, à l’exclusion des dépenses de soins, qui sont couvertes par la Sécurité sociale. Ces dépenses sont plafonnées à 10 000 € par an, par bénéficiaire.
Cette réduction d’impôt est cumulable avec le bénéfice d’autres aides, et notamment l’allocation personnalisée en établissement (APA), qui couvre une partie des dépenses de dépendance, l’aide sociale à l’hébergement en établissement (ASH), les aides personnalisées au logement (APL) ou l’allocation de logement sociale (ALS), qui prennent en charge tout ou partie des frais associés à l’hébergement des personnes.
Malgré ces différents dispositifs, le reste à charge des personnes dépendantes reste très important. Le rapport Libault relevait ainsi que « selon l’enquête Care de la DREES, le reste à charge après aides diverses atteint 1 850 € par mois (niveau médian avant aide sociale à l’hébergement) et excède les ressources courantes de la personne âgée dans 75 % des cas ». La même enquête relevait à la fin de l’année 2018 que « 11 % [des résidents déclaraient] devoir mobiliser leur entourage pour payer une partie de ces frais » (Drees, Études et résultats n° 1095).
Le rapport Libault relevait qu’à domicile, le reste à charge restait « maîtrisé » et s’établissait en moyenne à 60 € par mois.
Si la réduction d’impôt instituée par l’article 199 quindecies permet d’apporter une aide nécessaire à certains ménages, ce dispositif reste perfectible.
Ainsi, si le montant maximal théorique de la réduction d’impôt s’élève à 25 % x 10 000 € = 2 500 €, le montant médian par bénéficiaire s’élève à 1 240 €, et le montant moyen, à 1 437 €, principalement du fait de la nature non restituable du dispositif.
Une évaluation réalisée à l’occasion du rapport Guillaume (2011) relevait que « cette dépense présente deux inconvénients : [1] elle est largement anti-redistributive. Ainsi, la dépense bénéficie exclusivement aux quatre déciles supérieurs ; [2] elle est mal ciblée. D’une part, les personnes les plus âgées ont des revenus plus faibles et sont donc sous-représentées parmi les bénéficiaires de la dépense. D’autre part, le plafonnement de la dépense affecte davantage les foyers fiscaux les plus dépendants, qui font face aux dépenses les plus élevées ».
De même, une étude de la Drees (2016) relevait également que du fait de sa nature, cette réduction d’impôt bénéficiait « aux résidents aux ressources les plus élevées ». Elle précisait que « du fait de leurs ressources plus élevées, les personnes bénéficiant de réductions d’impôt ne bénéficient ni de l’ASH ni des aides au logement, ou pour des montants très faibles ». Au total, « le montant des restes à charges est plus élevé pour les bénéficiaires de réductions d’impôts, mais cela représente en moyenne une part moins importante de leurs ressources (90 % contre 150 %) ».
La même étude précisait également que « chaque mois, en moyenne, les résidents ne bénéficiant pas de réduction d’impôt touchent 297 € d’APA, 127 € d’aide au logement et 301 € d’ASH. Leur reste à charge s’élève alors à 1 363 euros pour des ressources atteignant en moyenne 916 € par mois ».
Selon les éléments transmis par la Drees, sur la base de données produites en 2017, ce constat reste largement valable.
Cet amendement propose dès lors d'étendre le dispositif aux publics les plus fragiles, dans un objectif de justice sociale et de lutte contre les inégalités, en transformant la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé en un crédit d’impôt.
D’après la direction de la législation fiscale, le coût d’une telle transformation ne serait pas neutre pour les finances publiques.
L'administration fiscale avait ainsi calculé, pour l'année 2018, que « le coût budgétaire de la mesure consistant à transformer la RI au titre des frais de dépendance en crédit d’impôt était estimé à 675 M€ environ, au profit d’environ 371 000 foyers fiscaux qui bénéficieraient d’un allègement moyen de leur cotisation d’IR de 1 826 €. Parmi eux, environ 214 000 nouveaux bénéficiaires participeraient au coût de la mesure à hauteur d’environ 460 M€. Au total, la transformation de la RI en CI aboutirait à ce que le montant de la dépense fiscale atteigne environ 1 Md€ ». Cette transformation bénéficierait principalement aux personnes non imposables, dont le RFR est inférieur à 15 000 € environ, d’après les estimations de la DLF, et aux personnes dont l’impôt est inférieur au montant imputable.
Pour assurer la neutralité budgétaire d’une telle mesure, il est proposé de restreindre le bénéfice du crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile, pour les dépenses de dépendance uniquement, aux ménages les plus favorisés, le reste à charge étant, pour ces personnes, d’un montant limité.
Le seuil de RFR proposé est fixé à 54 000 euros, borne inférieure du dernier décile. Ce seuil a été déterminé en fonction des données transmises par la direction de la législation fiscale en 2021 au titre de l'année 2019 et permet de largement gager la mesure.
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