Publié le 6 avril 2023 par : M. Bazin.
À la fin de l’alinéa 4, substituer aux mots :
« les petits‑enfants et leurs descendants ne sont pas tenus à cette obligation »
les mots :
« le montant de l’aide fournie par les petits‑enfants et leurs descendants ne peut être supérieur à un montant fixé par décret ».
L’article 9 de cette proposition de loi entend, de façon louable et compréhensible, préserver le pouvoir d’achat des plus jeunes générations. Il s’agit d’un objectif largement partagé.
Cependant, l’adoption de cet article prévoyant que « les petits-enfants et leurs descendants sont dispensés de fournir cette aide à leurs grands-parents » créerait une grave inégalité pouvant déstabiliser notre Code civil, viendrait grever les finances publiques et contribuerait à accroître l’isolement de nos ainés en ne respectant pas le principe de solidarité intergénérationnelle et intra-familiale.
Premièrement, si l’article 205 de notre Code civil dispose que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin », une telle obligation ne se comprend qu’à la lumière de l’article 207 du même Code disposant que « les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques ».
Cette logique de réciprocité entre les ascendants et les descendants induit par exemple que des grands-parents puissent être amenés à verser une aide financière à leurs petits-enfants en cas de défaillance des parents.
Or, si les dispositions de cet article 9 entendent exonérer les descendants de leurs obligations vis-à-vis de leurs ascendants, elles le font de manière unilatérale puisqu’aucune exonération n’est prévue pour les ascendants. Concrètement, les grands-parents seront donc toujours tenus d’aider leurs petits-enfants mais ces derniers n’auront plus d’obligations en retour.
Dès lors, ces dispositions introduisent une rupture de réciprocité créant des obligations inégales et inéquitables entre les générations. Le principe d’égalité doit donc nous conduire à les rejeter.
Deuxièmement, en dispensant les petits-enfants et les descendants de l’obligation de verser une aide, cet article 9 va entrainer une augmentation mécanique des sommes perçues via l’aide sociale à l’hébergement puisque la « part » des petits-enfants et des descendants jusque-là déduite par le département du montant de l’aide ne le sera plus.
Cela ne sera pas sans conséquence sur les finances des conseils départementaux à moins que la solidarité nationale ne vienne compenser cette charge. Or cette proposition de loi fait l’impasse sur la question des moyens pour financer la dépendance.
L’alternative pour les départements, afin de maintenir un niveau de dépenses stable, pourrait être d’augmenter le montant de la « part » des enfants afin de compenser le retrait des autres descendants. Une telle option ne semble pas plus souhaitable alors que tous nos compatriotes sont durement touchés par l’inflation.
Ainsi, l’objectif de maintien d’une prise en charge équitable et soutenable de ces dépenses sociales, ne reposant ni uniquement sur la collectivité ni uniquement sur la première génération de descendants, doit également nous conduire à rejeter l’évolution proposée.
Enfin, il est important de maintenir dans notre droit des obligations concrètes entre les générations. L’affirmation d’une solidarité intergénérationnelle au sein de la famille, telle qu’elle existe dans notre Code civil depuis plus de deux siècles, doit être maintenue afin d’éviter que se développe une indifférence entre les générations et au sein de la famille. Ne plus reconnaître des devoirs, notamment financiers, entre les plus jeunes et les plus anciens, c’est contribuer à l’isolement de ces derniers, ce que nous voulons tous éviter.
Cet article 9, à retravailler, met en évidence la nécessité et l’urgence d’une loi grand âge afin de se donner les moyens d’accompagner le vieillissement de la population et la perte d’autonomie de nos aînés qui peut parfois y être liée.
Si sa motivation est partagée, il conviendrait sans doute mieux de réfléchir à un plafonnement homogène sur le territoire nationale (puisqu’il s’agit de solidarité nationale) de la contribution des descendants afin d’allier solidarité intergénérationnelle et poids financier soutenable pour les jeunes actifs.
Pour toutes ces raisons, l’objet de cet amendement est de proposer une nouvelle rédaction de cet article.
Concrètement, cet amendement propose que s’agissant de l’aide sociale à l’hébergement aux personnes âgées mentionnée à l’article L. 231‑4 du présent code, le montant de l’aide fournie par les petits‑enfants et leurs descendants ne peut être supérieure à un montant fixé par décret du ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées.
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