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Programmation militaire 2024-2030 — Texte n° 1033

Amendement N° DN174 (Irrecevable)

Publié le 4 mai 2023 par : M. Lainé, Mme Poueyto, M. Cubertafon, M. Blanchet, M. Bru, Mme Lingemann, Mme Thillaye.

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Après l’article 6 decies de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article ainsi rédigé :

« I. – Il est constitué une délégation parlementaire aux exportations d’armement et aux biens à double usage, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette délégation est composée de quatre députés et de quatre sénateurs.
« II. – Les présidents des commissions permanentes en charge des questions de défense et des affaires étrangères du Sénat et de l’Assemblée nationale sont membres de droit de la délégation parlementaire aux exportations d’armement et aux biens à double usage. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit. La présidence assurée par un député membre de droit est assurée, le cas échéant, alternativement entre les commissions compétentes. Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de leur assemblée respective en tâchant de reproduire les équilibres entre groupes politiques de chacune d’entre elles. Les deux députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les trois sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes et sous réserve des compétences de la délégation parlementaire au renseignement, la délégation parlementaire aux exportations d’armement et aux biens à double usage a pour mission de :
« 1° contrôler a posteriori les demandes d’exportation d’armement et de biens à double usage faisant l’objet d’un examen en commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre et en commission interministérielle des biens à double usage au regard des obligations de la France en matière d’exportation d’armes, et du respect, par les pays de destination, des conventions internationales dont la France est partie ;
« 2° évaluer la politique publique d’appui et de contrôle des exportations d’armement, notamment au prisme des intérêts de la défense nationale et de la compétitivité de la base industrielle et technologie de défense.
« IV. – À ces fins elle peut :
« 1° Demander au Gouvernement à consulter les licences d’exportation, les demandes ayant fait l’objet d’un refus explicite ou implicite ou d’un retrait de l’instruction, les avis rendus par la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, les directives afférentes du SGDSN et de la commission interministérielle des biens à double usage , les procès-verbaux des contrôles transmis au Comité ministériel du contrôle a posteriori et, le cas échéant, les rapports des inspections compétentes dans ce domaine
« 2° Entendre le Premier ministre, les ministres compétents, le Secrétaire Général de la Défense et de la Sécurité Nationale, le chef d’état-major des armées, le directeur général de l’armement, le directeur général de la sécurité extérieure, le directeur du renseignement militaire et l’administrateur général du Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives, accompagnés des collaborateurs de leur choix. Ces échanges peuvent porter sur des éléments afférents à des licences particulières.
« 3° Adresser des recommandations, des observations ainsi que des avis portant sur des licences particulières au Président de la République et au Premier ministre.
« V. – Les membres de la délégation sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d’appréciation définis au I et protégés au titre de l’article 413‑9 du code pénal, à l’exclusion des données dont la communication pourrait mettre en péril l’anonymat, la sécurité ou la vie d’une personne relevant ou non des services intéressés.
« Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres de la délégation doivent être habilités, dans les conditions définies pour l’application de l’article 413‑9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d’appréciation.
« VI. – Les travaux de la délégation parlementaire aux exportations d’armement et aux biens à double usage sont couverts par le secret de la défense nationale.
« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés au V sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités.
« VI. – Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité, qui ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation protégés par le secret de la défense nationale. Il peut contenir des recommandations publiques relatives à l’organisation du contrôle en général.
« VII. – La délégation parlementaire aux exportations d’armement et aux biens à double usage établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.
« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7. »

Exposé sommaire :

Cet amendement a pour objet la création d’une délégation parlementaire en charge du contrôle des exportations d’armement et des biens à double usage.

La constitution d’une telle délégation parlementaire est une reprise directe de la proposition n°30 du rapport d’information M. Jacques MAIRE et Mme Michèle TABAROT, députés, sur les exportations d’armement adopté le 18 novembre 2020 par la commission des affaires étrangères et initiée par Mme Marielle DE SARNEZ. Elle s’inscrit pleinement dans l’objectif de renforcement de la place de notre base industrielle et technologique de défense dans la dialectique stratégique et de son nécessaire contrôle démocratique.

Conformément aux conclusions de ce rapport, le présent amendement prend acte du fait que le rapport annuel sur les exportations d’armement en France n’est pas un outil de contrôle suffisant au regard de l’enjeu démocratique de celui-ci en vue de s’assurer de l’effectivité du contrôle et du respect de nos engagements européens et internationaux. En outre il affirme l’avance dans le domaine d’autres nations démocratiques occidentales – du parlement suédois opérant la décision, au contrôle et aux débats des parlements britanniques et allemand, en passant par la faculté du congrès américain de s’opposer à certaines ventes d’armes. Il prend acte de l’impossibilité pratique du contrôle systématique (plus de 6500 demandes de licences examinées chaque année) en réduisant et limite la portée du contrôle à un contrôle a posteriori sur la base des dossiers qui font l’objet d’une réunion plénière de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre, en conformité du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et de l’interdiction du contrôle du processus décisionnel de l’administration. Néanmoins, le contrôle des exportations d’armement suppose de s’intéresser aux licences d’exportation en vigueur, à la différence de la DPR qui n’exerce pas de contrôle sur les opérations en cours. Entre les licences d’exportation et les opérations de renseignement, il existe en effet une différence objective liée à la très longue durée dans laquelle s’inscrivent les contrats d’armement.

Quant aux détails, conformément au rapport de la mission d’information précitée compte tenu du besoin de consensus politique et de la volonté de calquer partie de son fonctionnement sur la délégation parlementaire au renseignement ayant fait ses preuves, la délégation parlementaire proposée est bicamérale. La présence du Sénat et de l’Assemblée nationale renforce le poids du contrôle. Cette configuration permet également une unité de représentation et de débat qui limite les risques de dissonance entre les parties prenantes. Le format est restreint compte tenu de l’exigence de confidentialité, de responsabilité et de confiance dans les relations avec l’administration dans ce domaine sensible. Toujours en conformité avec les conclusions des rapporteurs, avalisées en commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le présent amendement propose que les présidents des commissions en charge des questions de défense et d’affaires étrangères du Sénat et de l’Assemblée nationale soient membres de droit. Dans ce cadre il prend également en compte, dans la limite de l’égalité de représentation entre les deux chambres, l’existence de la séparation des commissions de la défense et des affaires étrangères à l’Assemblée nationale en attribuant une place de membre de droit à chacun de ces présidents et une alternance dans la présidence de la délégation basée sur cette même particularité. La délégation serait complétée de trois sénateurs et de deux députés issus des commissions concernées. Son format devrait associer majorité et opposition de chacune des deux chambres du Sénat et de l’Assemblée.

La portée des pouvoirs de la délégation reprend les éléments de la proposition n°33 du

rapport cité, à savoir que la délégation parlementaire en charge du contrôle des exportations d’armement et des biens à double usage pourrait :

- exercer un contrôle a posteriori sur certaines demandes d’exportation d’armement et de biens à double usage faisant l’objet d’un examen en CIEEMG et en CIBDU ;

- demander à consulter les licences d’exportation, les demandes ayant fait l’objet d’un refus explicite ou implicite ou d’un retrait de l’instruction, les avis rendus par la CIEEMG, les directives de haut niveau du SGDSN et de la CIBDU, les procès-verbaux des contrôles transmis au CMCAP et, le cas échéant, les rapports des inspections compétentes dans ce domaine ;

- procéder à des auditions des membres du Gouvernement et de la haute administration concernés ou de leurs représentants sur une base trimestrielle ;

- transmettre au Gouvernement des observations et des recommandations qui resteraient confidentielles ;

- publier un rapport d’activité annuel assorti de commentaires sur le rapport annuel au Parlement et de recommandations à caractère général.

Les modalités d’organisation de ce contrôle, calquée sur celle de la délégation parlementaire au renseignement, opéré autour du respect par les parlementaires et les administrateurs rattachés du secret de la défense nationale dont ils auraient le besoin d’en connaître, visent un contrôle équilibré et responsable, garant du secret et sans pénalité pour les industriels.

Associant ainsi sa pensée à celle de Mme Yaël BRAUN-PIVET, alors membre de droit de la DPR en sa qualité de présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale – déclarant que la création de la DPR représentait « une belle victoire parlementaire », cet amendement appuie ainsi le développement des moyens de contrôle parlementaire dont la démocratie française doit se doter ; appuyés sur un accès raisonnable et raisonné aux données protégées dont le Parlement est aujourd’hui exclu.

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