Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du mercredi 17 mars 2021 à 15h00
Réforme du courtage — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, avant son adoption définitive par la majorité, vise à instaurer un cadre de régulation pour les intermédiaires en courtage d'assurance et en opérations de banque et services de paiement.

En obligeant ces intermédiaires à adhérer à des associations représentatives agréées par l'ACPR, dont le coût, selon certains, pourrait avoisiner 500 euros par an, vous proposez une forme de régulation permettant aux courtiers légitimes de sanctionner leurs homologues dont les pratiques seraient nocives. Vous ajoutez un niveau de contrôle pour assister les organismes de régulation : l'ACPR pour les contrôles et l'ORIAS pour l'homologation des intermédiaires.

Si les risques de défaut d'indemnisation pour les assurés appellent naturellement des réponses, permettez-moi de nouveau de formuler des interrogations tant sur la forme que sur le fond, auxquelles la commission mixte paritaire n'a pas répondu de manière satisfaisante. Plusieurs points nous posent problème.

En premier lieu, nous sommes persuadés que le texte aurait pu proposer un dispositif alternatif, financièrement moins coûteux. Ainsi conçue, votre réforme fait peser sur les acteurs concernés une charge financière non négligeable, dont le coût supplémentaire est estimé à 20 millions d'euros par an. Il aurait pu être envisagé de proposer à l'ORIAS d'élargir ses missions, puisqu'il en accomplit déjà certaines et dispose des capacités financières et matérielles d'exercer, à coût presque constant, la quasi-totalité de celles prévues par la réforme.

Deuxièmement, il existe un risque de non-conformité au droit de l'Union européenne. Vous avez inscrit dans le texte la notion de contrôle, qui est en réalité non conforme – même si vous avez un peu de mal à l'admettre – aux dispositions de la directive sur la distribution d'assurances qui interdit aux États de déléguer le contrôle des pratiques commerciales à des associations professionnelles.

Troisièmement, nous avons du mal à comprendre pourquoi le texte ne s'applique pas aux agents généraux et aux intermédiaires en libre prestation de services. Par ailleurs, la proposition de loi ne rend pas obligatoire l'adhésion à des associations professionnelles des intermédiaires étrangers intervenant en libre prestation de services sur le territoire français. C'est une rupture d'égalité juridiquement injustifiée entre les acteurs nationaux et ceux d'autres États membres de l'Union européenne.

Relevons également le manque de transparence du fonctionnement des futures associations agréées. Dans la rédaction actuelle, rien ne contraint une association professionnelle à accepter une adhésion même si les conditions sont remplies. Elles n'ont pas non plus à justifier les raisons de ce refus et aucun recours n'est ouvert aux professionnels.

Enfin, votre texte prévoit que ces associations auront la charge de la collecte des données nécessaires à la régulation par les deux autorités de référence. Quel est l'intérêt de confier à des associations professionnelles agréées par l'ACPR la collecte d'informations pour les transmettre ensuite à l'ORIAS ? Finalement, donner aux acteurs la mission de collecter eux-mêmes les données pour les organismes de contrôle, c'est leur offrir également la possibilité de ne transmettre que partiellement des données nécessaires à la régulation. Écarter ce risque d'un revers de main est au mieux naïf, au pire délibéré, dangereux et fondamentalement contraire à la déontologie qui devrait prévaloir.

Je le répète : ce texte, en heurtant les missions des acteurs du secteur – l'ACPR et l'ORIAS – et en ajoutant un dispositif dans un système de régulation existant, interroge quant à son réel effet et sur la complexité administrative qu'il suscite.

Comme j'ai eu l'occasion de le préciser dans nos amendements, nous craignons les dérives que votre réforme pourrait engendrer. Pis encore, nous redoutons qu'elle n'ait pour seul effet que de désarmer la puissance publique.

Nous aurions, à tout le moins, souhaité la remise d'un rapport au Parlement, deux ans après l'entrée en vigueur de la réforme, pour évaluer si les résultats escomptés ont été obtenus sans effet de bord. Cette proposition s'accompagnait de la possibilité pour l'ORIAS et l'ACPR de mener leurs évaluations et donner leurs avis sur le sujet. Nous comptions sur vous pour autoriser ce rapport : cela ne coûtait rien et aurait permis de dissiper nos craintes. On légifère mieux quand on est bien informé. C'est seulement grâce à un tel rapport que nous aurions pu savoir si cette réforme produit les effets escomptés et que nous aurions pu faire notre mea culpa, en cas d'erreur.

Madame la secrétaire d'État, vous nous aviez promis, au cours de la navette parlementaire, d'accepter cet amendement mais l'engagement n'a pas été tenu. Il n'y aura ni évaluation ni garantie, et nous espérons simplement ne pas avoir à réparer les pots cassés dans quelques années.

Si le Sénat a certes apporté quelques garanties aux consommateurs dans le cadre de relations commerciales par téléphone, trop d'interrogations subsistent sur ce texte. Pour ces raisons, nous ne le voterons pas.

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