Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mardi 17 novembre 2020 à 15h00
Programmation de la recherche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Une fois n'est pas coutume, le Sénat avait réussi là où nous avions échoué, en ramenant la période de programmation pluriannuelle de la recherche à sept ans au lieu de dix. Malheureusement, la commission mixte paritaire a rétabli la durée de dix ans. Il s'agit d'un point de désaccord majeur, que nous avions exprimé en première lecture. Nous souhaitons un horizon plus raisonnable et une trajectoire plus ambitieuse dès les premières années. Dès lors, nous ne pouvons que déplorer le maintien de cette programmation qui s'étend tout de même sur deux quinquennats !

La valeur des 25 milliards d'euros annoncés sur dix ans diminuera forcément à cause de l'inflation : le choc budgétaire que tout le monde appelle de ses voeux ne sera donc pas suffisant pour atteindre enfin les 3 % du PIB, objectif que nous ne parvenons pas à atteindre depuis vingt ans. Certes, nous prenons bonne note des 100 millions d'euros supplémentaires alloués à l'Agence nationale de la recherche par le plan de relance. Néanmoins, nous insistons sur le fait qu'il s'agit, à l'heure actuelle, d'autorisations d'engagement et non de crédits de paiement. Il faut donc rectifier le tir.

Au-delà de la question du volume des financements, le débat porte essentiellement sur leur nature. Comme beaucoup, nous avons regretté que les efforts budgétaires aillent principalement à l'ANR. En disant cela, nous ne remettons en cause ni l'Agence ni le système des appels à projet, pas plus que nous cherchons à opposer les financements récurrents aux financements par projet, car les deux sont essentiels à la recherche et doivent être significativement augmentés. Nous appelons, en revanche, à un fort rééquilibrage en faveur du temps long, indispensable à la recherche. Dans cette optique, nous accueillons favorablement l'amendement du Gouvernement, adopté par le Sénat, visant à augmenter les financements de base des laboratoires de 10 % en 2021 et de 25 % en 2023. Nous espérons sincèrement que ces engagements seront tenus. Le texte repose principalement sur le système des appels à projet, ce qui n'est pas de nature à nous rassurer sur l'avenir des financements récurrents, essentiels à la recherche.

Il est indispensable de poser la question de la revalorisation des traitements des chercheurs et des enseignants-chercheurs. Cette revalorisation doit se faire au travers de grilles indiciaires et non par le seul biais des primes, qui seront insuffisantes et pourraient créer des inégalités. Si nous prenons note de l'accord conclu le 12 octobre dernier avec les syndicats en faveur des revalorisations indemnitaires, nous ne comprenons pas pourquoi le comité de suivi, chargé d'établir les modalités de l'accord, ne sera composé que des organisations syndicales signataires, à l'exclusion des autres. En matière de dialogue social, cher à notre pays, nous pouvons faire mieux.

Le Sénat et la CMP ont maintenu les nouvelles voies de recrutement proposées par le projet de loi, en tentant de les encadrer quelque peu. La part des postes disponibles pour les chaires de professeurs juniors a ainsi été limitée à 20 % pour les directeurs de recherche et à 15 % pour les professeurs. Une durée minimale a également été instaurée pour le CDI de mission scientifique. Malgré tout, le groupe Libertés et territoires continue de s'opposer à ces contrats, peu convaincu de leurs bénéfices en termes de lutte contre la précarité et d'insertion précoce et durable sur le marché du travail. Même si ces voies demeurent facultatives et complémentaires, nous craignons que la multiplication des procédures de recrutement crée de l'illisibilité et un sentiment d'inégalité de traitement entre les chercheurs.

Point extrêmement important à nos yeux, notre groupe ne cache pas son inquiétude sur le nouvel article 3 bis, ajouté au Sénat avec l'avis favorable du Gouvernement. Adopté sans débat ou presque, il supprime la qualification par le Conseil national des universités pour les maîtres de conférences candidats à la fonction de professeur et ouvre aux établissements la possibilité de déroger à la qualification par le CNU pour les candidats à la fonction de maître de conférences, par le biais d'une expérimentation. Nous ne pouvons pas accepter que soit modifiée si brusquement une procédure aussi importante que la qualification par le CNU, surtout sans solliciter l'avis du Conseil d'État ou du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. Donner plus d'autonomie aux universités est un objectif auquel nous souscrivons totalement, mais il ne doit pas être poursuivi en affaiblissant le statut d'enseignant-chercheur et en privant le CNU de sa capacité à garantir un service public d'enseignement supérieur d'égale qualité dans l'ensemble du territoire. Nous refusons d'emprunter ce chemin.

Enfin, que dire de l'introduction du dispositif anti-blocage des facultés, qui veut museler les mobilisations étudiantes ? Il ne s'agit ni plus ni moins que d'un cavalier législatif, à ce titre purement inacceptable.

Madame la ministre, en première lecture, le groupe Libertés et territoires était réservé sur ce texte ; à présent, il y est résolument opposé.

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