Intervention de Général Jean Colin

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 16h15
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Général Jean Colin, président des Amis de la gendarmerie :

 « Les députés aiment les gendarmes », dites-vous. Je l'atteste, puisque cinquante-six d'entre sont membres des Amis de la gendarmerie. Les gendarmes aiment aussi leurs députés, et apprécient énormément leurs visites dans les casernes.

De nombreux escadrons sont, en ce moment, déployés en région parisienne. Je vous recommande d'aller leur rendre visite dans vos circonscriptions ; ce sera particulièrement apprécié des gendarmes. Car nous avons beaucoup parlé de chiffres, mais le soutien personnel aux gendarmes est aussi très important. Après l'engagement du 8 décembre 2018, j'ai écrit à tous les commandants d'escadron pour leur assurer notre soutien.

Alors, création d'escadrons ou cinquième peloton ? La gendarmerie compte aujourd'hui 109 escadrons de gendarmerie mobile, et la direction de la gendarmerie estime que le besoin journalier sur le terrain est de 65 unités. Les CRS ont 61 compagnies et l'emploi maximum est de 46 unités.

Lors des manifestations de Notre-Dame-des-Landes, nous avons atteint un pic d'emploi : 85 escadrons de gendarmerie mobile étaient déployés sur toute la France, outre-mer compris. Le mouvement des gilets jaunes a aussi entraîné une mobilisation importante des forces de l'ordre, et notamment de la gendarmerie mobile. Le 8 décembre, la totalité des escadrons, excepté ceux qui rentraient d'outre-mer, ont été engagés – soit 106 escadrons.

La gendarmerie a ainsi démontré qu'elle était en capacité de mobiliser la totalité de ses unités, une fois, deux fois, trois fois s'il le faut, ce qui n'est pas le cas de la police nationale. Le directeur général est disposé, si les événements l'exigent, à mobiliser toutes les unités. La solution la plus sage serait donc de renforcer les unités afin de pouvoir réagir rapidement – et envoyer toutes les unités si nécessaire.

Concernant la formation des gendarmes, il en existe de trois sortes. D'abord, la formation de base des sous-officiers. Ensuite, la formation des cadres de haut niveau, des officiers, qui se déroule à Melun et se poursuit pas strates successives par le biais de l'enseignement militaire supérieur. Enfin, la formation continue, qui est délivrée dans des centres de formation et qui concerne toutes les spécialités de la gendarmerie.

Par ailleurs, la gendarmerie va créer, à l'école de Dijon, un centre de formation à la sécurité publique qui permettra de recycler l'ensemble des gendarmes de la gendarmerie départementale. En effet, la technique évoluant, des moyens numériques sont mis en place dans les brigades ; une évolution qui conduit les jeunes gendarmes à être mieux formés que les anciens.

Avons-nous besoin d'une LOPSI ? La dernière fois que nous en avons parlé, c'était en 2007 : élection présidentielle, nouveau gouvernement, loi de finances rectificative, et préparation de la loi de finances pour 2008. Dans cette loi de finances, tous les ministères avaient « serré les boulons », et la gendarmerie était alors rattachée au ministère de la défense. Le ministre de la défense savait que la gendarmerie allait être transférée dans le périmètre budgétaire du ministère de l'intérieur – une promesse de campagne du Président de la République. C'est la raison pour laquelle, savamment conseillé, et avec beaucoup de bon sens, le ministre de Défense a pris la décision de peu investir sur le budget de la gendarmerie pour 2008.

La ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, qui savait elle aussi que la gendarmerie serait intégrée dans son budget, espérait une deuxième LOPSI – une première LOPSI ayant considérablement renforcé les forces de sécurité – qui lui permettrait d'étoffer le budget de la gendarmerie. Or, non seulement il n'y a pas eu de LOPSI, mais le mode de préparation budgétaire a changé : il est devenu triennal – 2009-2011. Un budget triennal a donc été élaboré en se fondant sur le budget 2008. C'est la raison pour laquelle la gendarmerie subit, depuis cette date, un déficit structurel, spécifique à cette institution. Et lorsque nous devons réduire les moyens budgétaires, par extrême nécessité, nous le faisons généralement sur le titre 5, à savoir l'immobilier.

Monsieur Thiériot, vous avez souhaité nous entendre réaffirmer l'importance du logement : je l'affirme. J'ai été sous-directeur de l'immobilier de 2005 à 2010, je puis donc vous confirmer la vétusté des logements. D'aucuns disent que le logement est le système d'armes de la gendarmerie. Pour la marine, c'est le porte-avions ; pour la force stratégique, les armes nucléaires ; pour la gendarmerie, c'est l'immobilier.

Nous avons besoin de terrains pour construire. La règle veut, notamment quand le projet de construction nécessite des investissements très importants, que ce soit l'État qui construise. Les grandes emprises domaniales, les constructions pour les escadrons, les constructions pour des groupements de gendarmerie départementale sont réalisées sur des terrains appartenant à l'État.

En ce qui concerne le locatif, toutes les possibilités sont ouvertes. À mon époque, nous avions utilisé la procédure du bail emphytéotique administratif (BEA) et fait appel à des financements innovants. Les constructions peuvent être réalisées par des acteurs privés ou des collectivités territoriales. Si le projet est bien monté, et si la collectivité reçoit l'aide d'autres collectivités territoriales, les opérations peuvent être équilibrées sur une quinzaine ou une vingtaine d'années. Ensuite, bien entendu, il faudra entretenir le parc, c'est primordial.

La question de l'immobilier n'est pas spécifique à la gendarmerie. Il serait peut-être intéressant de questionner les sociétés d'HLM, qui peuvent apporter des réponses aux questions que nous nous posons sur le logement de la gendarmerie.

Je terminerai par une anecdote. Il y a une dizaine d'années, un ministre s'est rendu à Melun dans le cadre de la politique de la ville, pour assister à la rénovation d'un ensemble immobilier HLM. On lui montre un très bel immeuble, qu'il trouve effectivement très bien. Un conseiller lui dit : « attention, regardez derrière, dans quel état désastreux est cet ensemble ». Le ministre fait remarquer au maire que l'ensemble n'est pas aussi beau que celui qui venait d'être rénové. Le maire lui répond alors : « oui, mais ça, c'est de l'immobilier d'État, c'est une caserne de gendarmerie. »

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