Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 16h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Présidence

La commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale entend, sous forme de table ronde des associations membres de l'Entente Gendarmerie : Le Trèfle, société d'entraide des élèves et anciens élèves de l'école des officiers de la Gendarmerie nationale : général Edmond Buchheit, président ; Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG) : M. Jean-Claude Fontaine, président ; Ailes de la gendarmerie : colonel Patrice Gras, président ; Association d'aide aux membres et familles de la gendarmerie (AAFMG) : Mmes Muriel Noël, présidente, et Virginie Rodriguez, vice-présidente ; Confédération française d'associations de retraités et de pensionnés de la gendarmerie (CFARPG) : colonel Jean-Jacques Vichery, coprésident ; Union nationale des personnels et retraités de la gendarmerie (UNPRG) : colonel Jean-Pierre Virolet, premier président national adjoint et colonel Gérard Sullet, secrétaire général ; Fédération nationale des réservistes opérationnels et citoyens de la Gendarmerie nationale (FNROCGN) : capitaine Renaud Ramillon-Deffarges, président national, chef d'escadron Laurent Huet, secrétaire général, et major Emmanuel Zammit, président pour le département de Loir-et-Cher ; Amis de la gendarmerie : général Jean Colin, président ; Association nationale des réservistes et des sympathisants de la gendarmerie (RESGEND) : colonel Luc Delnord, président ; Société nationale d'histoire et du patrimoine de la gendarmerie (SNHPG) : général Jean-Régis Véchambre, président.

L'audition commence à dix heures vingt-cinq.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous recevons aujourd'hui les associations membres de l'Entente Gendarmerie, un partenariat qui, depuis 2016, réunit les principales associations liées à la gendarmerie.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment. Je vous demande donc de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Les personnes auditionnées prêtent serment.

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Général Edmond Buchheit, président du Trèfle, société d'entraide des élèves et anciens élèves de l'école des officiers de la Gendarmerie nationale

Mesdames et messieurs je préside le Trèfle, société d'entraide qui regroupe la majorité des officiers de la gendarmerie. Je vais vous rapporter les informations que j'ai recueillies sur le terrain, en Alsace.

Je traiterai d'abord de la question du maintien de l'ordre et les atouts et les faiblesses de la gendarmerie mobile par rapport aux autres forces de sécurité, notamment les compagnies républicaines de sécurité (CRS).

La gendarmerie mobile est la seule force de la Gendarmerie nationale spécialisée dans le maintien de l'ordre. Elle présente trois atouts principaux.

D'abord, les gendarmes mobiles sont jeunes et en excellente condition physique, puisqu'ils sont mutés, au bout de sept ou huit ans, en gendarmerie départementale – à l'exception des gradés. Ensuite, ce sont des militaires, c'est-à-dire qu'ils sont mobiles, rustiques et capables de s'adapter à tout type de missions et d'horaires. Enfin, les gendarmes mobiles sont très bien entraînés. La Gendarmerie nationale dispose à Saint-Astier d'un centre d'entraînement qui leur est principalement destiné. Créé il y a trente ans, c'est un modèle en son genre. Les escadrons s'y rendent tous les deux ans – en théorie –, se remettre à niveau, pour une durée de trois semaines. Ce centre d'entraînement est un outil majeur, qui permet à la gendarmerie mobile de garder la force opérationnelle qu'elle a su montrer ces derniers temps.

Second point, les faiblesses. La principale faiblesse de la gendarmerie mobile est liée, non pas à la force elle-même, mais à un suremploi des gendarmes, qui dure depuis maintenant près de deux ans. Toutes les unités sont actuellement engagées, ce qui entraînera inévitablement une grande fatigue du personnel. Par ailleurs, l'entraînement ne peut plus être assuré, ce qui finira par se répercuter sur les escadrons, dont la qualité opérationnelle risque de diminuer. Il est donc important de garantir du temps à la gendarmerie mobile pour qu'elle puisse continuer à s'entraîner pour assurer, non seulement sa mission de maintien de l'ordre, mais également ses missions de défense.

Au regard de l'emploi actuel de l'ensemble des forces de l'ordre – gendarmerie mobile et CRS –, il est évident que nous manquons d'escadrons. Au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le gouvernement de François Fillon a réduit l'ensemble des effectifs des forces de l'ordre, notamment en supprimant quinze escadrons de la gendarmerie mobile. Si un rétablissement des effectifs a été, en partie, effectué, il n'a pas permis la création d'escadrons, de sorte qu'aujourd'hui la Gendarmerie nationale ne dispose pratiquement plus de marges de manoeuvre. Le 8 décembre 2018, par exemple, 106 des 109 escadrons étaient déployés sur le terrain ; c'est du jamais vu.

Il est donc nécessaire de recréer des escadrons de gendarmerie mobile, sachant que, s'ils ne sont pas redéployés pour le maintien de l'ordre, ils seront utilement employés en renfort de la gendarmerie départementale, comme c'est le cas depuis dix ans.

L'autre faiblesse de la gendarmerie mobile, ce sont ses équipements, notamment les véhicules, beaucoup trop anciens. Les véhicules Irisbus ont aujourd'hui douze ans et sont à bout de souffle. Les véhicules de commandement d'escadron ont vingt ans et les blindés, que vous avez pu voir récemment, quarante ans ! Il est urgent de trouver une solution pour rééquiper cette force ; j'attire particulièrement votre attention sur ce point.

Troisième faiblesse : le suremploi de la gendarmerie mobile nuit à la gendarmerie départementale, qui ne peut plus être renforcée. Les associations ici présentes évoqueront mieux que moi la question de la réserve. Je signalerai simplement qu'elle a été, ces dernières années, engagée de manière très forte. Cette année, la masse salariale destinée à son financement – en baisse de 40 % – est nettement insuffisante et ne permettra pas à la réserve de renforcer utilement la gendarmerie départementale, qui, de fait, ne pourra pas consacrer suffisamment de temps à la police de sécurité du quotidien (PSQ).

La dernière faiblesse est à la fois budgétaire et structurelle. Le budget de la Gendarmerie nationale, le programme 152, est insuffisant, notamment en termes de masse salariale ; je tiens cette information de la direction générale. La gendarmerie n'a pas été budgétée à la hauteur des effectifs qu'elle est en droit d'avoir. De sorte que le directeur géneral, non seulement est obligé de ralentir le recrutement, ce qui entraine un déficit d'effectifs dans les unités mobiles, mais ne peut plus faire appel, autant de fois que nécessaire, à la réserve.

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Jean-Claude Fontaine, président de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG)

Mesdames et messieurs, président de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG), je suis également, jusqu'à la fin du mois, secrétaire de l'Entente Gendarmerie.

Il faut donner aux forces de l'ordre les moyens de travailler plus sereinement. La France doit disposer de forces de l'ordre bien équipées et qui se sentent soutenues, pour garantir leur intégrité et mener à bien leurs missions, qui consistent essentiellement en la protection des citoyens.

L'article 431-3 du code pénal dispose que, lors d'une opération d'ordre public, en cas d'attroupement, l'usage du lanceur de balles de défense (LBD) est justifié si des violences ou des voies de fait sont commises à l'encontre des forces de l'ordre – et tout le monde sait à quel point les forces de l'ordre subissent des violences.

S'agissant des journées interminables effectuées par les forces de l'ordre – suspension des repos, temps de récupération dans les tiroirs, violences incessantes et comportements haineux à leur égard –, nous sommes en droit de nous demander jusqu'où nous allons aller. Mettons-nous à la place du gendarme ou du policier qui, avant de prendre son service le matin pour aller faire du maintien de l'ordre, embrasse son épouse et ses enfants et leur dit « à ce soir » ; il se dit probablement « ici ou à l'hôpital »…

Le Gouvernement a annoncé 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires – 7 500 policiers et 2 500 gendarmes. Pourtant, si certaines unités ont été renforcées de manière significative, notamment dans le cadre de la PSQ et des quartiers de reconquête républicaine, c'est en récupérant des personnels dans des groupements réputés plus calmes, mais dont les charges de travail ne cessent d'augmenter.

Nous avons, par ailleurs, besoin d'une réponse adaptée de la justice aux crimes et aux délits. Or, certainement par manque de moyens, mais aussi par la volonté de certains magistrats, nous déplorons aujourd'hui une forme de laxisme inquiétant dans le prononcé des peines. Les événements récents et les exactions des manifestants qui ont entraîné des dommages corporels et matériels graves ne débouchent pas sur des peines dissuasives, pourtant prévues par le code pénal. Le citoyen perd confiance.

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Colonel Patrice Gras, président des Ailes de la gendarmerie

Mesdames et messieurs les députés, Président des Ailes de la gendarmerie, je suis un ancien moniteur-pilote de la gendarmerie.

Je vous parlerai des hélicoptères que vous avez vus survoler Paris, ces derniers samedis, lors des manifestations des gilets jaunes ; des hélicoptères qui peuvent prendre des vues – lire une plaque d'immatriculation – jusqu'à trois kilomètres. Malheureusement, le parc, qui devait être rénové entièrement en 2015, ne l'a pas été pour des raisons financières, en lien direct avec la crise de 2008. Sur cinquante-six hélicoptères, vingt-six datent de 1980. Comme pour la gendarmerie mobile, quand il ne s'agit pas de véhicules conventionnels, la gendarmerie a du mal à remettre à niveau les véhicules.

Trente des cinquante-six hélicoptères possèdent des caméras adaptées, mais qui ont déjà dix ans. Si rien n'est fait dans les cinq ans à venir, cela va devenir problématique. Des « rétrofitages » doivent donc être rapidement envisagés, mais pour cela un budget doit être alloué à la gendarmerie sur plusieurs années, afin qu'elle puisse programmer ce renouvellement.

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Muriel Noël, présidente de l'Association d'aide aux membres et familles de la gendarmerie (AAFMG)

Mesdames et messieurs les députés, fille et femme de gendarmes, je connais bien la Gendarmerie nationale. Je suis accompagnée de ma collaboratrice, Virginie Rodriguez.

L'AAFMG est une association, née en avril 2000 du besoin de prendre la défense de la qualité de vie de la famille. À sa création, l'association avait pour nom le Mouvement des femmes de gendarmes ; elle est devenue en 2007, l'Association d'aide aux membres et familles de la gendarmerie (AAFMG). Elle a pour vocation d'alerter, de mobiliser et de sensibiliser sur les problèmes quotidiens et d'intervenir aux côtés des familles lorsque cela est nécessaire.

Nos membres sont répartis sur tout le territoire français, notamment en secteur rural. Ils ont besoin d'être écoutés, soutenus et de pouvoir compter sur une organisation dédiée de leurs problèmes.

L'AAMFG intervient directement auprès des familles, pour les aider dans la gestion de dossiers, sur des sujets aussi variés que le logement, l'emploi, les difficultés familiales de la vie en caserne ou le soutien des conjoints survivants, après les drames que nous connaissons. Nous essayons de rechercher la meilleure solution, celle qui sera la plus adaptée à la situation, pour laquelle nous avons été sollicités.

Mais tenter de trouver une réponse au besoin d'aide ne veut pas dire que nous donnons satisfaction à tout le monde. Chacun ayant sa façon de voir, il nous faut être clairvoyants et vigilants dans la façon de présenter les limites de l'intervention de l'association.

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Virginie Rodriguez, vice-présidente de l'Association d'aide aux membres et familles de la gendarmerie (AAFMG)

Membre du conseil d'administration de l'AAMFG, je m'occupe de la zone ouest de la France, qui regroupe les régions Bretagne, Normandie et Pays-de-la-Loire. Je développerai le thème principal qui est au coeur de nos préoccupations, je veux bien sûr parler de l'immobilier.

L'immobilier est un vaste sujet, connu de tous, et plus particulièrement des députés, des sénateurs et des différents ministres de l'intérieur qui se sont succédé, puisque les rapports et les débats sur ce sujet épineux ne manquent pas.

Je puis vous citer le rapport du député Boisserie en 2012, celui, plus récent, des sénateurs Grosdidier et Boutant, les rapporteurs des projets de loi de finances (PLF) de ces dernières années, ou encore les questions orales de plusieurs députés adressées au Gouvernement. Sans oublier, bien entendu, nos alertes et interventions récurrentes pour dénoncer le danger et les conditions de vie déplorables des casernes domaniales, auprès des différents ministres qui se suivent et se ressemblent dans leur incapacité à trouver une solution pérenne à cette tragique déliquescence.

Nous pouvons parler de « caractère urgent, alarmant, catastrophique, voire maintenant critique du parc immobilier de la gendarmerie » ; un sujet que personne ne peut plus ignorer et qui n'est pas une surprise. L'âge moyen des casernes domaniales est de quarante-deux ans ; 70 % d'entre elles ont entre vingt-six et plus de cent ans, et moins de 2 % avaient moins de dix ans en 2018, contre 7 % en 2011. Ces chiffres sont significatifs du désengagement de l'État de la construction de nouvelles casernes, laissant cette tâche au bon vouloir des collectivités.

La plupart de ces casernes sont totalement vétustes, voire insalubres, par manque de crédits d'investissement depuis plusieurs années. Certes, des moyens supplémentaires ont été alloués pour la réhabilitation des casernes les plus insalubres, par le biais des plans pluriannuels. Mais comme l'a justement souligné le rapporteur du projet de loi de finances pour 2019 au Sénat, M. Philippe Dominati, « le délabrement est tel que les crédits prévus pour les années 2018-2020 sont en réalité inférieurs de 450 millions d'euros au besoin identifié ». Je ne pense pas que nous puissions arrêter une hémorragie avec un simple pansement.

Les gouvernements successifs ont laissé, sous le prisme des récessions budgétaires, les logements tomber peu à peu en décrépitude. Ces mêmes logements, dans lesquels des familles sont encore installées au détriment de leur bien-être, et parfois même de leur santé. Or le logement, par nécessité absolue de service, constitue la contrepartie du régime de disponibilité des militaires de la gendarmerie. Il permet aussi le maillage de l'ensemble du territoire, grâce aux brigades départementales.

Aujourd'hui, le logement n'est plus un avantage, mais un véritable sacerdoce pour des familles qui ont la malchance de se voir affecter dans une de ces casernes domaniales ; il crée, de fait, un sentiment d'iniquité entre les gendarmes. Pourtant, les conditions de logement influencent directement l'existence des gendarmes, la famille étant la béquille du gendarme. Elle est une force de soutien indispensable. Notre dévotion et nos sacrifices participent à l'image honorifique de la gendarmerie. Les conditions de logement déterminent aussi notre capacité à supporter le reste. Vivre dans un taudis ne fait pas partie du contrat d'engagement des conjoints. La responsabilité de la vétusté du parc immobilier de la gendarmerie n'est pas de notre fait ; nous la subissons chaque jour.

Qui accepterait de loger sa famille dans un appartement où la moisissure et l'humidité provoquent des maladies pulmonaires ou de l'asthme chez les enfants ? Où l'isolation en papier mâché ne permet aucune intimité et provoque des infiltrations ? Où la température des chambres de nos enfants ne dépasse pas 11 degrés en hiver, alors que l'on vous assure que la chaudière fonctionne à plein régime et que les charges ne cessent d'augmenter ? Où la plomberie et les installations électriques ne répondent plus aux normes depuis bien longtemps ? Où les balcons et parements extérieurs s'effritent et deviennent un danger pour les passants ? La réponse, vous la connaissez tous : nous.

Ces mêmes gendarmes que l'on sollicite davantage chaque jour, qui ne comptent pas leurs heures et qui doivent faire face à une violence accrue – dont parfois la volonté de « tuer du bleu », comme il se dit –, aux injures quotidiennes et aux provocations, qui sacrifient souvent leur vie de famille pour honorer leur mission, qui sont représentants de l'État et que les politiciens de tout bord remercient pour leur courage et leur abnégation, sont contraints de vivre dans des conditions déplorables, indignes de leur statut.

À l'heure où le Gouvernement impose aux collectivités territoriales un quota de 25 % de logements sociaux à basse consommation, comment expliquer cette léthargie face à la détérioration de la qualité de vie des gendarmes et de leurs familles ? Comment ne pas ressentir de l'amertume lorsque les gendarmes qui patrouillent ou interviennent dans des cités reconstruites à neuf, avec digicodes, fenêtres PVC, isolation BBC et tout le confort du modernisme urbain, doivent à la fin de leur journée rentrer dans leur taudis étatique ? Nos nouvelles prisons seront bientôt plus accueillantes que certaines de nos casernes.

Au-delà des crédits d'investissement insuffisants, l'état des casernes est également impacté par le manque de techniciens, au sein des services des affaires immobilières de la gendarmerie. En effet, ces techniciens, qui sont les garants de leur entretien et du bon déroulement des travaux de rénovation et de construction, manquent cruellement, ce qui les conduit à ne traiter que les urgences. Pas assez de vérifications des travaux d'entretien, pas de visite annuelle de toutes les casernes, pas de suivi continu des chantiers : voilà qui constitue le meilleur terreau qui soit pour les abus et les malfaçons que nous constatons régulièrement. Pourtant, en remédiant à ce déficit en personnel technique, la déliquescence des casernes, qu'elles soit domaniales ou locatives, serait certainement moins rapide.

L'autre point qui accentue la détérioration des casernes, car il ampute de manière progressive les budgets alloués au fonctionnement courant, ce sont les contrats de maintenance ou les contrôles obligatoires annuels, à savoir l'entretien des chaudières et la vérification des équipements anti-incendie, des climatiseurs, des portails, qui sont gérés par les préfectures et sur lesquels la gendarmerie n'a plus de contrôle.

Le problème est que les constats effectués qui devraient déboucher sur des réparations ne sont pas honorés par manque, encore une fois, de moyens. Pour autant, un nouveau contrôle est effectué et payé l'année suivante ; et bien entendu, le constat est le même. Ces contrats représentent aujourd'hui 60 % du budget de fonctionnement courant, au détriment des travaux dont les logements ont cruellement besoin.

Pour les familles et les gendarmes, la seule solution envisageable pour répondre à cet état des lieux déplorable, est d'allouer des crédits visant remettre tous les logements dans un état satisfaisant.

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Colonel Jean-Jacques Vichery, coprésident de la Confédération française d'associations de retraités et de pensionnés de la gendarmerie (CFARPG)

Je ne reviendrai pas sur les propos du général Buchheit, que je partage totalement, de même que ses inquiétudes sur le renouvellement du matériel, et notamment des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (BBRG) qui entourent parfois l'Arc de Triomphe et qui sont âgés de quarante ans. La gendarmerie est très inquiète.

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Colonel Jean-Pierre Virolet, premier président national adjoint de l'Union nationale des personnels et retraités de la gendarmerie (UNPRG)

Forte de 30 000 adhérents, notre association est la plus importante de la gendarmerie. Elle compte en son sein des actifs, des réservistes, opérationnels et citoyens, et des retraités. Elle est totalement indépendante et n'a aucune vocation syndicale. Elle est implantée sur tout le territoire national et ultramarin et elle est représentée au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) et au Conseil permanent des retraités militaires (CPRM).

Pour répondre au mieux à vos questions, nous avons lancé une consultation nationale auprès de nos cent quatre présidents répertoriés. Nous avons étudié toutes les réponses, nous les avons classées, synthétisées selon les thèmes de l'enquête de votre commission. Elles viennent compléter les réflexions déjà émises lors de notre audition devant la commission d'enquête du Sénat, le 17 décembre dernier.

Je rejoins mes camarades dans leurs propos et j'ajouterai, concernant la gendarmerie mobile, qu'il ne faut surtout pas supprimer les LBD, qui ne sont pas des armes létales et qui sont presque obligatoires dans le cadre du rétablissement de l'ordre – et non pas du maintien de l'ordre. En effet, le gendarme ou le policier, à un moment ou un autre, peut se retrouver encerclé, situation qui risque de tourner au drame – un drame qui, jusqu'à présent, a pu être évité grâce au sang-froid de nos gendarmes et de nos policiers, notamment des gendarmes mobiles qui sont formés en la matière.

Le LBD ne doit donc pas être retiré mais, au contraire, utilisé. Pour ce faire, j'ai pris l'exemple du paintball. Pourquoi ne pas charger les LBD en munitions contenant de la peinture, afin de marquer et d'identifier les casseurs ? C'est une proposition que je vous présente.

En matière de PSQ, je suis porteur d'un projet qui a vu le jour en décembre 2017 et a été retenu par l'ancien ministre de l'intérieur, M. Gérard Collomb, qui a transmis ces observations au directeur de la Gendarmerie nationale, lequel en a pris acte et aurait souhaité un retour d'expérience.

Malheureusement, si la gendarmerie mobile est impactée, la gendarmerie départementale l'est encore davantage. Il arrive en effet que des préfets, en zone de police, demande l'intervention des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), voire des brigades territoriales. Ce qui veut dire que la gendarmerie, actuellement, couvre 60 % des opérations qui se déroulent sur le territoire national – en zone de police, en particulier.

Je dois être reçu le 10 avril, avec le colonel de gendarmerie du ministère de l'intérieur, par le préfet Pierre N'Gahane, qui a été nommé comme référent dans le cadre du grand débat, au ministère de l'intérieur. Nous disposerons donc de plus d'informations et j'esssaierai d'évoquer, à cette occasion, le problème de la PSQ – une PSQ qui n'est plus effectuée par les réservistes, par manque de moyens.

Pour les réservistes, on ne dispose que d'un budget à trois mois ; tous les trois mois, de l'argent est remis. Par ailleurs, les retraités de la gendarmerie qui effectuaient la PSQ faisaient également du renseignement sur le terrain, notamment en matière de terrorisme. Ce sont des réservistes très intéressants puisqu'ils ont tous été agents de police judiciaire (APJ) ou officiers de police judiciaire (OPJ), officiers ou sous-officiers. Il ne faut pas les confondre avec les « voisins vigilants », qui sont recrutés par les réservistes pour apporter du renseignement dans nos cellules de renseignement.

L'axe Paris-Reims-Charleville-Charleroi-Bruxelles est un axe terroriste. Les frères Coulibaly diposaient d'une base arrière à Charleville-Mézières. Et si certains présidents départementaux nous disent qu'ils n'ont pas de criminalité dans leur département, souvenez-vous que des membres du mouvement Action directe, dont Nathalie Ménigon, s'étaient réfugiés dans une ferme, à Vitry-aux-Loges ; alors pourquoi pas, aujourd'hui, dans la forêt ardennaise ?

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Colonel Gérard Sullet, secrétaire général de l'Union nationale des personnels et retraités de la gendarmerie (UNPRG)

L'état de notre gendarmerie mobile est très inquiétant, notamment quand on a connu un effectif de 15 000 gendarmes et 125 escadrons – des escadrons qui se déplaçaient sur le terrain avec au moins 75 gendarmes. Aujourd'hui, nous disposons de 109 escadrons qui fonctionnent, au mieux, à quatre pelotons. Quatre pelotons déployés sur les Champs-Élysées ne représentent que 64 gendarmes.

La gestion actuelle des gendarmes est infernale, étant donné leur niveau d'emploi. En ce moment, un escadron se déplace à 36 gendarmes – avec trois pelotons. Telle est la réalité. Depuis la suppression de quinze escadrons, on a joué sur les effectifs en les diminuant. Il en va de même pour les CRS.

La gendarmerie mobile compte aujourd'hui 13 000 gendarmes, chaque escadron étant doté de quatre pelotons. Vingt-deux escadrons ont bénéficié d'un cinquième peloton, qui leur permet d'étoffer un peu leurs moyens d'intervention. Mais la majorité des escadrons se déplacent, au maximum, à soixante-quatre gendarmes. Il est donc nécessaire de recréer quinze escadrons, ce qui correspond à 1 500 équivalents temps plein (ETP).

Comme le général, j'ai une totale confiance en la formation délivrée à la gendarmerie mobile, mais aussi en la jeunesse, la militarité et la disponibilité des gendarmes. Je rappelle que les gendarmes ne récupèrent pas les heures supplémentaires qu'ils ont effectuées. Ils sont disponibles 24 heures sur 24 et disposent de moyens largement insuffisants.

Tout le monde est conscient aujourd'hui, dans la période difficile que nous traversons, que les unités de maintien de l'ordre sont saturées et que, même si le mouvement des gilets jaunes devait s'arrêter, l'avenir dans le domaine de la violence urbaine nécessite une réflexion, notamment sur la remise à niveau de la gendarmerie mobile.

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Capitaine Renaud Ramillon-Deffarges, président national de la Fédération nationale des réservistes opérationnels et citoyens de la Gendarmerie nationale (FNROCGN)

Mesdames et messieurs, je préside la Fédération nationale des réservistes opérationnels et citoyens de la Gendarmerie nationale, la plus ancienne association de réservistes, créée en 1996 à la demande du directeur général de l'époque, et ayant pour vocation de faire remonter au commandement un certain nombre de faits constatés sur le terrain, mais également de participer à la réflexion collective de la gendarmerie sur le statut des réservistes.

Les manifestations actuelles démontrent la fragilité du contrat social. La remise en cause de l'autorité de l'État, constatée sur l'ensemble du territoire, nous interroge. Comme l'a indiqué le géographe Christophe Guilluy, « le service public de la sécurité, auquel la gendarmerie contribue, représente, matérialise le dernier lien dans beaucoup de territoires, entre le citoyen et l'État républicain ».

Cette seconde commission d'enquête, en moins d'un an, sur les forces de l'ordre, est une bonne chose. Il nous paraît important que la réflexion sur notre politique de sécurité intérieure se fasse, comme pour les armées, dans un schéma global.

Ces dernières années, deux Livres blancs et une revue stratégique ont été consacrés aux armées. Nous pensons, après l'adoption de la loi de programmation militaire (LPM), qu'il est important que la politique de sécurité intérieure s'inscrive dans la même dynamique, notamment au vu de l'évolution de la délinquance qui impose bien souvent des évolutions budgétaires en matière de matériel et des évolutions législatives.

Ainsi l'annonce d'une possible loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), par le ministre de l'intérieur lors de ses voeux aux forces de sécurité intérieure, est une bonne idée. Elle permettra notamment de fixer les grandes orientations de notre politique de sécurité intérieure, ainsi que les grandes orientations budgétaires, à l'heure où nous assistons à l'émergence du concept de sécurité globale, sur lequel le président de la commission d'enquête a beaucoup travaillé, et qui évoque la coproduction de sécurité, la politique partenariale et donc l'émergence d'un nouvel acteur dans le champ de la sécurité intérieure – les acteurs de sécurité privée.

La réserve militaire de la gendarmerie, ce sont 30 000 réservistes opérationnels et 1 500 réservistes citoyens. La réserve militaire, et plus particulièrement la réserve opérationnelle, permet à la gendarmerie de disposer d'un vivier d'utilisation souple, et ainsi de bénéficier d'une manoeuvre globale plus importante.

La réserve opérationnelle est un peu l'équivalent de l'effet multiplicateur keynésien dans le domaine économique, puisqu'elle nous permet de démultiplier nos forces sur le terrain et d'avoir une empreinte au sol beaucoup plus importante, notamment quand les brigades sont très occupées par des missions de police judiciaire alors que toutes les missions de police administrative, surveillance de proximité et sécurité du quotidien, doivent être assurées.

Notre réserve militaire est un modèle pour les autres armées notamment en termes de gestion. Par ailleurs, et c'est important de le rappeler dans le cadre des réflexions actuelles sur le service national universel, la réserve militaire de la gendarmerie participe fortement au lien nécessaire entre la nation et ses forces armées.

La sociologie du réserviste démontre toute sa richesse. Nous avons, d'une part, pour un tiers, les anciens de l'arme au passé militaire, et, d'autre part, des réservistes issus du civil. Il s'agit aussi bien d'étudiants, de chômeurs, de fonctionnaires, d'artisans que de professions libérales. Et c'est justement cette richesse qui participe à la réussite de notre modèle de réserve.

Ces réservistes, malgré leur vie professionnelle et personnelle, décident de renforcer, sur une partie de leur temps libre, les forces de la gendarmerie. Quand ils signent un engagement à servir dans la réserve (ESR), ils intègrent, comme leurs camarades d'active, la notion de sacrifice ultime, c'est-à-dire qu'ils peuvent payer de leur vie leur engagement. Je vous rappelle, mesdames et messieurs les députés, que quatre-vingts réservistes ont été blessés l'année dernière.

En ce qui concerne les freins actuels, le premier est budgétaire. Le budget de la réserve de la gendarmerie est une variable d'ajustement, non seulement pour la gendarmerie, mais également, de manière plus globale, pour le ministère de l'Intérieur.

Ce frein budgétaire est aujourd'hui problématique, alors même que le directeur général souhaite consolider notre modèle de réserve – la fidélisation de nos réservistes est une priorité. Il nuit également à nos chefs opérationnels, puisque le manque de visibilité budgétaire ne leur permet pas de concevoir une manoeuvre globale sur l'année. Comment, en effet, prévoir une manoeuvre pour les fêtes de fin d'année, quand vous n'avez aucune visibilité sur le budget ?

Ce coup de frein budgétaire est le second en moins de dix ans. Le premier a eu lieu en 2012, avec la mise en place de la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui avait entraîné le départ de nombreux cadres, de sous-officiers, de gradés de réserve ; c'est-à-dire de ceux qui constituent le squelette de notre réserve opérationnelle. Alors que, le 31 décembre 2011, nous disions aux adjudants, aux lieutenants et aux capitaines de réserve : « Vous êtes formidables », le 1er janvier 2012 le discours a été : « Vous nous coûtez trop cher, nous ne pouvons plus vous employer » ! Nous avons perdu, en 2012, un grand nombre de camarades expérimentés sur lesquels l'institution avait beaucoup investi en matière de formation. En termes de budget cumulé, je suis persuadé que nous avons perdu plus d'argent que nous en avons économisé.

L'année dernière, grâce à une action du directeur général et du ministre de l'Intérieur de l'époque, nous avions obtenu des autorisations d'engagement sur le second semestre 2018. Mais les crédits de paiement n'ont pu être libérés avant 2019. C'est-à-dire que des réservistes ont travaillé pendant six mois sans être payés, alors que le sacrifice ultime fait partie de leur contrat.

Au-delà des moyens alloués par votre assemblée dans le cadre des projets de loi de finances, cette problématique budgétaire nous pousse à réfléchir à la nécessité de rechercher de financements innovants. Notre association, à travers le programme « les cadets de la gendarmerie », avait notamment proposé à la région de gendarmerie d'Île-de-France un financement innovant : un dispositif selon lequel des réservistes opérationnels encadraient des jeunes en stage de découverte de la gendarmerie. L'encadrement de jeunes n'étant pas la mission prioritaire des réservistes – la loi du 3 août 2009 rappelle que leurs missions prioritaires sont des missions de type opérationnel –, nous avions imaginé que les crédits de personnel, dits de titre 2, puissent être remboursés à la gendarmerie. Forte de cette réflexion, la région de gendarmerie d'Île-de-France, avec le conseil régional d'Île-de-France et Île-de-France Mobilités, qui a la volonté d'employer des réservistes sur le réseau ferré francilien et de démultiplier ainsi les forces de sécurité sur les réseaux de transport publics, a imaginé un dispositif similaire pour rembourser à la gendarmerie les salaires des réservistes employés. Sachant qu'il ne s'agit pas d'une mise à disposition, l'autorité d'emploi et le donneur d'ordres restent la région de gendarmerie d'Île-de-France. Par ailleurs, je tiens à préciser que nous ne sommes pas en train de lever une armée de mercenaires au profit du conseil régional d'Île-de-France.

J'attire votre attention sur ce dispositif, car la direction générale rencontre des difficultés à mettre en place ce mécanisme de financements innovants. Mais sachez que, si cette convention se met en place, ce sont 500 000 euros qui seraient débloqués, étant donné qu'un réserviste est payé en moyenne 80 euros par jour. Je vous laisse imaginer le nombre de réservistes qui pourraient être déployés sur les réseaux de transport publics franciliens et ainsi contribuer à la sécurité publique.

Les restrictions budgétaires sont également un frein au perfectionnement de nos réservistes, puisqu'elles ne permettent pas à l'institution de leur offrir la formation continue dont ils doivent bénéficier. Cette formation se veut exigeante et approfondie, les réservistes ne travaillant pas à plein temps. Attention, je ne dis pas que nos réservistes ne sont pas des professionnels ; je parle de perfectionnement.

S'agissant des autres freins, je citerai la relation entre les réservistes et les employeurs. Je vous l'ai dit, la réussite de notre réserve repose sur la diversité sociale des réservistes. Or, ceux-ci ont souvent un problème avec leur employeur pour se libérer et, sont parfois, obligés de puiser dans leurs réductions du temps de travail (RTT).

Plus généralement, notre modèle de réserve repose sur la loi des 35heures. Chaque année le Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM) remet un prix à l'entreprise qui a libéré ses salariés pour qu'ils puissent partir en mission. Une année, j'ai proposé d'attribuer ce prix à Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn, auteurs de la loi sur les 35 heures, nos réservistes étant aujourd'hui obligés de poser des RTT pour partir en mission ; c'était une plaisanterie, bien évidemment.

Nous devons cependant sortir de cette logique et les partenaires sociaux doivent s'emparer de cette problématique. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et le secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS) doivent réfléchir, avec les syndicats, à cette question pour trouver une solution « gagnant-gagnant ». Un réserviste, épanoui par les missions qu'il accomplis, est plus performant et productif au travail – des études menées par le CSRM l'ont démontré.

Une personne qui souhaite intégrer la réserve doit suivre une préparation militaire gendarmerie de quinze jours. Or, aucune disposition légale ne contraint un employeur à libérer ses salariés pour qu'ils rejoignent la réserve. Ils suivent donc cette formation pendant leurs congés ou prennent parfois des congés sans solde. Nous devons débattre de cette question avec les employeurs ; je ne pense pas que 30 000 réservistes puissent mettre à mal l'économie de notre pays quand ils s'absentent pour se former.

Des aides ont déjà été mises en place dans le cadre de la création de la Garde nationale, notamment une incitation financière et des réductions d'impôt mais ces mesures fiscales sont lourdes à mettre en oeuvre, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME). Des aides plus souples seraient nécessaires.

Les conventions entreprise-Défense se développent ; c'est une bonne chose. Se pose néanmoins la question de l'effectivité des droits. Notre association milite pour que soit créé, auprès du secrétariat de la Garde nationale, un poste de médiateur, dont la vocation serait de régler les contentieux qui existent entre le salarié et son employeur, quand ce dernier refuse de le libérer.

Je terminerai sur la question de la protection des réservistes. Cette protection doit intégrer la protection fonctionnelle, la protection balistique – je pense au gilet pare-balles qui va enfin être remis aux réservistes, alors qu'il est inscrit depuis bien longtemps déjà sur la feuille de route élaborée par le général Denis Favier – et la protection du matériel.

Concernant le matériel, les réservistes étaient, jusque récemment, doté de la même arme que le personnel d'active, le SP 2022, une arme commune à la police, à la gendarmerie et aux douanes. Le recrutement de personnels d'active et la décision d'attribuer une arme au gendarme pour toute sa carrière ont changé la donne : désormais les SP 2022 prévus pour les réservistes sont utilisés dans les écoles ; la gendarmerie a donc ressorti le PA MAS G1. Les réservistes possèdent désormais une arme différente que les actifs, alors même que la force de la réserve est construite sur le postulat selon lequel il n'existe aucune différence entre un réserviste et un gendarme d'active. Il serait bon d'acheter des SP2022 et de les attribuer aux réservistes.

Dernier point, la protection sociale du réserviste – dossier que notre association porte depuis 1996. Je vous rappelle que quatre-vingts réservistes ont été blessés, et que ces blessures ont eu un impact sur leur vie professionnelle et personnelle.

La loi de 1999 a mis en place la réparation intégrale du préjudice – confirmée par la dernière loi de programmation militaire –, qui prévoit la responsabilité sans faute de l'État. Les réservistes, juridiquement parlant, bénéficient d'un régime de protection maximale.

La gendarmerie, sous l'impulsion du général Denis Favier, du général Richard Lizurey et du général Alain Coroir, a mis en place un dispositif d'accompagnement à la protection sociale du réserviste, qui vise à aider le commandement dans la gestion des dossiers des réservistes blessés en mission. Nous disposons donc, en interne, d'un système performant. Cependant, ce sont les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) qui traitent les dossiers. Or ils ne sont pas habitués à traiter un dossier de militaire de la gendarmerie – il traite plutôt des dossiers des fonctionnaires de police – et encore moins d'un réservsite ; de fait, les procédures sont longues.

Traiter un dossier de réserviste n'est pas simple. Si la réparation intégrale du préjudice et la responsabilité de l'État sans faute sont prévues, la réparation doit être calculée en fonction de la profession du réserviste – et elles sont très variées. La mise en oeuvre est donc très compliquée. Nous avons besoin de fluidité et de souplesse. Un effort de formation des personnels de SGAMI doit être réalisé et une procédure devrait être élaborée pour les aider à traiter ces dossiers.

Au cours des débats relatifs à la loi de programmation miltaire (LPM), l'idée avait été émise de confier les dossiers des réservistes blessés en mission aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). Mais, les CPAM ont un fonctionnement autonome – non hiérarchisé – et ne connaissent pas le statut des réservistes. Il est par ailleurs extrêmement difficile d'intervenir pour débloquer un dossier. C'est la raison pour laquelle, il est important que le traitement des dossiers des réservistes reste de la compétence du ministère de l'intérieur et des SGAMI.

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Chef d'escadron Laurent Huet, secrétaire général de la Fédération nationale des réservistes opérationnels et citoyens de la Gendarmerie nationale (FNROCGN)

Je suis chef d'escadron et j'accompagne le président national de la FNROCGN. Je suis à votre disposition pour répondre à d'éventuelles questions relatives à la réserve militaire.

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Major de réserve Emmanuel Zammit, président départemental de la Fédération nationale des réservistes opérationnels et citoyens de la Gendarmerie nationale (FNROCGN) pour le Loir-et-Cher

Je suis major de réserve et je fais partie de la réserve opérationnelle depuis le début de l'aventure. Je participe essentiellement à des missions opérationnelles sur le terrain. Je me tiens à votre disposition pour des questions concernant notamment les remontées de terrain.

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Général Jean Colin, président des Amis de la gendarmerie

Je préside l'association des Amis de la gendarmerie, qui compte quelque 15 000 adhérents, répartis en 177 comités dans toute la France, dont cinquante-six députés et une vingtaine de sénateurs. L'objet de notre association est de faire connaître la gendarmerie et de mener des actions de soutien à son profit.

La gendarmerie assure la sécurité publique sur 95 % du territoire national et pour 50 % de la population. Au-delà de ces chiffres, la gendarmerie doit également faire face aux migrations saisonnières. J'habite dans l'est du département du Var, où chaque été s'installe une population équivalente au nombre d'habitants de la ville de Toulouse.

Une communauté de brigades représente une vingtaine de gendarmes qui surveillent une vingtaine de communes, soit quelque 20 000 habitants, sur une superficie qui peut être équivalente à Paris et à sa petite couronne.

La gendarmerie repose sur deux piliers : le statut militaire du gendarme et la concession d'un logement par nécessité absolue de service. J'interviendrai sur ce second pilier, afin de prolonger les propos des représentantes de l'AAMFG, et attirer votre attention sur l'insuffisance notoire des crédits consacrés à l'entretien des casernes de gendarmerie.

Actuellement, d'aucuns ont plaisir à rappeler que 100 millions d'euros ont été consacrés à la réhabilitation du parc immobilier de la gendarmerie. Pourtant, ce chiffre est sans commune mesure avec le besoin de rénovation du parc domanial.

Mesdames et messieurs, vous êtes élus d'une circonscription, vous avez affaire à des offices d'habitation à loyer modéré (HLM). Vous pourriez peut-être leur demander quelles normes seraient à suivre pour rénover le parc immobilier de la gendarmerie.

Le parc domanial de la gendarmerie, ce sont environ 5,2 millions de mètres carré. Si nous considérons que nous devons le réhabiliter tous les cinquante ans, avec des normes très basses, 200 millions d'euros par an seraient nécessaires. S'agissant de la maintenance de ce parc, nous estimons le coût entre quinze et vingt euros le mètre carré, soit 100 millions d'euros chaque année. À ces 300 millions d'euros, il convient d'ajouter 100 autres millions pour l'entretien locatif – qui concerne non seulement les 5,2 millions de mètres carrés du parc domanial, mais également les 5,8 millions de mètres carrés du parc locatif –, qui relèvent du titre 3, à savoir les dépenses de fonctionnement.

Les conditions très dégradées dans lesquelles vivent certaines familles de gendarmes ont été très bien évoquées par les représentantes de l'AAMFG. J'ai pu le constater, puisque j'ai été sous-directeur de l'immobilier et des équipements durant cinq ans. Avec 100 millions d'euros alloués à l'amélioration du parc immobilier, nous sommes donc très loin du compte ; le parc va donc continuer à se dégrader.

De plus, sur ces 100 millions d'euros consacrés à la réhabilitation du parc, sont compris les hébergements des unités nouvelles, des centres opérationnels, des salles d'audition de mineurs, des salles de garde à vue – ainsi que la sécurisation des casernes de gendarmerie, particulièrement utile et urgente.

Tel est le message que je souhaitais vous faire passer : 100 millions est une somme importante, il s'agit de l'argent du contribuable, mais ce chiffre est sans rapport avec les besoins du parc immobilier de la gendarmerie.

S'agissant des véhicules, en ma qualité de sous-directeur de l'équipement, j'ai suivi la mise en place des Irisbus, qui ont aujourd'hui douze ans et des véhicules de commandement qui ont, eux, vingt ans. Et lorsque j'étais jeune lieutenant, j'ai assisté à l'entrée en service des Véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). Les VBRG ne sont pas des véhicules de collection, il est donc important de les « rétrofiter » pour pouvoir les engager dans le cadre du maintien de l'ordre.

En ce qui concerne le renouvellement du parc des véhicules, 2 800 véhicules courants, de petite et moyenne capacités, sont en principe renouvelés chaque année. Mais pour les véhicules de commandement et les blindés, un plan sur plusieurs années serait nécessaire – qu'il convient de budgéter. Ce plan doit être rapidement envisagé, il en va de la crédibilité de la gendarmerie mobile.

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Colonel Luc Delnord, président de l'Association nationale des réservistes et des sympathisants de la gendarmerie (RESGEND)

Mesdames et messieurs les députés, je suis président de RESGEND, mais également membre de la réserve opérationnelle et conseiller réserve du général qui commande la gendarmerie des transports aériens.

Aujourd'hui, tout le monde s'accorde à dire que, dans le continuum de sécurité globale, la réserve de la gendarmerie a toute sa place et qu'elle est un modèle pour les armées et la police nationale. Le général Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, aime à rappeler qu'il dispose de 130 000 gendarmes, soit 100 000 d'active et 30 000 de réserve.

Grâce à ces 30 000 réservistes, 2 700 hommes sont sur le terrain chaque jour. C'est un renfort important, mais pour que la réserve de la gendarmerie reste efficace et opérationnelle, il convient de recruter, former, équiper, employer et solder. Or, cela a été dit à de nombreuses reprises, aujourd'hui les budgets sont insuffisants.

Le budget de la réserve opérationnelle est, en 2019, inférieur de 40 % à celui de 2018 : une baisse énorme. Avec le mouvement des Gilets jaunes, l'emploi des gendarmes mobiles est à la limite de ce qui est possible – 106 des 109 escadrons ont déjà été déployés sur le terrain, en même temps. Cette augmentation de la charge missionnelle oblige la gendarmerie à faire appel aux réservistes. Or, nous ne pouvons pas, actuellement, solder ces réservistes. Nous savons déjà que, dès fin juin, nous ne pourrons plus faire appel à eux, faute d'argent. Pourtant, en période estivale des renforts sont indispensables – des millions de gens partent en vacances. Nous allons donc être confrontés, cet été, à un réel problème si nous ne pas disposons de ces renforts.

Je ne reviendrai pas sur les missions. J'apporterai simplement une précision concernant la protection sociale des réservistes. La direction générale a créé un poste de conseiller national auprès du commandant des réserves, et chaque région dispose d'un conseiller « « protection sociale du réserviste », de sorte qu'il existe une réelle continuité dans le commandement et dans l'aide que la direction générale peut apporter aux réservistes en cas de blessure en service. C'est un modèle pour les autres armées.

La réserve constitue une ressource particulièrement utile – cela a été prouvé. C'est la raison pour laquelle, elle doit être la confortée. Je terminerai en citant Churchill qui disait que le réserviste avait une double citoyenneté : militaire et civile.

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Général Jean-Régis Véchambre, président de la Société nationale d'histoire et du patrimoine de la gendarmerie (SNHPG)

Mesdames et messieurs, je suis Président de la Société nationale d'histoire et du patrimoine de la gendarmerie.

La gendarmerie est la première force de sécurité créée en France, il est donc intéressant, pour mener des réflexions de fond relatives à la sécurité de notre pays et de nos concitoyens, de convoquer l'histoire qui éclaire l'avenir.

Dans les années 1980, la gendarmerie se voit transférer, sur une décision du ministre de la défense, la totalité des réserves consacrées à la défense opérationnelle du territoire, notamment à la défense des points sensibles et des frontières, soit 250 000 réservistes. Lui est également confiée l'inspection de la défense opérationnelle du territoire.

À l'effondrement du mur de Berlin, ces dispositifs n'avaient plus d'objet. La loi a alors fixé un nouvel objectif, équilibré, aux armées et à la gendarmerie et les a dotées, chacune, de 50 000 réservistes, la gendarmerie restant en charge d'une bonne partie de la défense opérationnelle du territoire. Cependant, parce que les moyens n'ont jamais été mis en place, ni par l'armée ni par la gendarmerie, les réservistes – deux fois 50 000, donc – n'ont pas été attribués. L'effectif a été ramené à 40 000 par la loi, et la gendarmerie en compte aujourd'hui 30 000.

La cible de 40 000 me semble atteignable et importante. La réserve a non seulement une vocation d'appui, pour la gendarmerie, mais également une vocation nationale, dans le cadre des réserves nationales et de la Garde nationale.

Je reviendrai également sur l'une des conclusions du rapport de la commission d'enquête du Sénat, rendu en juin dernier. Je cite : « De l'avis général, les dispositifs de lutte contre les risques psychosociaux (RPS) se révèlent toutefois peu efficaces si parallèlement les supérieurs hiérarchiques immédiats ne sont pas davantage à l'écoute de leurs subordonnés et si la cohésion interne n'est pas globalement améliorée. Tandis que la Gendarmerie nationale bénéficie d'une structure unifiée de commandement et d'un esprit de corps affirmé, la police nationale souffre de sa forte segmentation et d'un manque patent de cohésion au quotidien sur les agents, comme sur l'efficacité des services. Surtout, le management au sein de la police nationale, jugé trop éloigné du terrain, peu à l'écoute des réalités et des difficultés des agents, contribue à la perte de sens du travail et à la démotivation des agents. »

Je ne porterai pas de jugement sur ce constat, je souhaite simplement éclairer les aspects positifs de l'organisation de la gendarmerie. J'ai d'ailleurs écrit, l'année dernière, à l'occasion des 130 ans de la Caisse nationale du gendarme (CNG), un éditorial dans une revue spécialisée, que j'avais intitulé « Du devoir social ».

L'organisation de la gendarmerie permet de répondre aux missions qui lui sont confiées. Tout d'abord, ce devoir social est, pour le chef, une mission ; c'est ensuite un état d'esprit dans l'institution ; et enfin, une organisation.

C'est d'abord, une mission. Le code de la défense attribue au chef, à tous les échelons, la mission de veiller aux intérêts de ses subordonnées. Et le règlement poursuit : « Lorsqu'il exerce une autorité en tant que chef, le militaire porte attention aux préoccupations personnelles des subordonnés et à leurs conditions matérielles de vie. Il veille à leurs intérêts, quand il est nécessaire, en saisit l'autorité compétente. » Vous noterez que cette responsabilité n'a pas d'équivalent, ni dans la fonction publique, ni dans l'entreprise.

Ensuite, un état d'esprit. Le directeur général de la gendarmerie emploie souvent le terme de « bienveillance ». Quand il a été reçu par la commission d'enquête du Sénat, le général Lizurey exprimait également cette fraternité par le mot « camarades ». Je le cite : « Malheureusement, nous n'avons pas été mesure d'empêcher le passage à l'acte de sept de nos camarades. […] L'accompagnement du personnel est indissociable du commandement, il nourrit cet esprit de corps, propre à la gendarmerie. »

Enfin, c'est une organisation. La hiérarchie doit être issue de l'institution et disposer de leviers pour répondre aux difficultés. Tel est l'atout d'une force militaire intégrée, dans laquelle le chef est à la fois opérationnel et organique. Les articles D-1221 et suivants du code de la défense traitent de ces notions.

Dans les forces armées, la préparation des forces relève du commandement organique, et leur emploi du commandement opérationnel. L'article suivant précise que le commandement organique et le commandement opérationnel peuvent être exercés par une seule et même autorité. Dans la gendarmerie, contrairement aux armées, les deux fonctions sont assez confondues dans le quotidien des opérations.

Je poursuis la lecture des articles : « Le commandement opérationnel est responsable de l'établissement des plans d'emploi et des plans opérationnels, de l'exécution de ces plans et de la conduite des opérations, de l'attribution de leurs missions aux échelons de commandement qui lui sont subordonnés, et de la répartition entre eux des moyens qui leur sont mis à disposition. ». Le commandement organique est lui « responsable de l'organisation, de l'instruction, de l'entraînement et de la sécurité des forces. […] La définition et l'expression des besoins à satisfaire dans tous les domaines qui concourent à la mise et au maintien en condition des forces, la gestion et l'administration du personnel, ainsi que l'application de la réglementation relative aux conditions de vie » – ce qui inclut la question de la caserne pour les gendarmes, et du logement pour les familles.

Enfin, « la formation administrative est l'élément de base de l'administration au sein des forces armées. Placée sous l'autorité d'un commandant de formation administrative, elle administre le personnel qui lui est affecté, les biens qui lui sont confiés, dans la limite des délégations de pouvoirs qui lui sont consentis. »

La fusion du commandement opérationnel et du commandement organique est nécessaire ; elle a été constatée par la commission d'enquête du Sénat. Posséder tous les leviers est fondamental. Il est donc essentiel, s'agissant des réflexions relatives à l'évolution de l'organisation de la gendarmerie, que ce point soit préservé, notamment des logiques ministérielles ou étatiques, qui visent à séparer le front office du back office, à séparer et à centraliser un certain nombre de fonctions, notamment de soutien.

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Le sujet de l'immobilier a largement été évoqué aujourd'hui, et il est vrai qu'il s'agit de l'une de nos priorités. Comme la majorité de mes collègues, j'ai visité toutes les brigades et casernes de ma circonscription et la vétusté de l'immobilier est bien l'une des raisons pour lesquelles j'ai proposé l'ouverture de cette commission d'enquête.

Vous l'avez rappelé, quinze escadrons ont été supprimés entre 2007 et 2012. Et aujourd'hui, la gendarmerie, et notamment la gendarmerie mobile, est en sous-effectifs. Compte tenu des contraintes budgétaires, est-il plus adéquat de créer de nouveaux pelotons plutôt que de nouveaux escadrons ?

Par ailleurs, que pensez-vous, dans le cadre du maintien de l'ordre, de l'usage de marqueurs ?

S'agissant des équipements, êtes-vous favorables à la mise en place de caméras, dans un premier temps sur la voie publique et, dans un second, dans le cadre du maintien de l'ordre ?

Madame Rodriguez, concernant la protection fonctionnelle qui ne fonctionne que sur la base de la faute intentionnelle, connaissez-vous des gendarmes qui auraient pu avoir à en bénéficier dans le cadre d'une faute non intentionnelle ? Il serait peut-être en effet intéressant d'étendre cette protection à la faute non intentionnelle. Vous avez évoqué la protection sociale des réservistes ; bénéficient-ils également de la protection fonctionnelle ?

Enfin, vous avez indiqué que le budget consacré à la réserve avait subi une coupe de 40 % ; pouvez-vous être plus précis et nous donner des exemples ?

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Le climat contestataire qui s'installe depuis quelques mois est inhabituel, car il s'exprime sous une forme d'expression nouvelle. Il est donc évident que des moyens supplémentaires, humains et matériels, sont nécessaires pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Et nous avons bien compris que le bien-être du gendarme passe par sa famille et les conditions dans lesquelles elle vit.

Au-delà des moyens nécessaires, ne devrions-nous pas également faire évoluer la doctrine de la gendarmerie nationale ? Revenir sur sa stratégie pour qu'elle puisse s'adapter et faire face, non seulement à la situation nouvelle que je viens d'évoquer, mais également à la fatigue, l'exaspération de nos gendarmes voire à l'humiliation qu'ils subissent.

Je pense à l'hypothèse d'ouvrir au secteur privé certaines missions, assurées aujourd'hui par les gendarmes ou la police, notamment la télésurveillance, qui serait interactive avec les forces de sécurité. Bien entendu, un contexte législatif devra être défini.

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Face à une masse salariale sous-budgétée, une seule alternative est possible : retarder l'entrée des élèves gendarmes dans l'active ou faire appel à moins de réservistes. Confirmez-vous ce constat ?

Concernant la vétusté du matériel et des véhicules – le véhicule blindé à roues de la gendarmerie (VBRG) a quarante ans –, pouvez-vous prioriser vos besoins ?

S'agissant de la Garde nationale, dont je suis membre du conseil d'administration, plus de 170 conventions ont été signées depuis deux mois. Que vous apportent-elles ? Quels sont les points faibles ? J'ai bien compris la nécessité d'un médiateur.

J'ai bien noté également que vous avez chiffré vos besoins en personnel à 1 500 ETP, et que le logement est un sujet à lui seul.

Enfin, une nouvelle loi d'orientation pour la sécurité intérieure (LOPSI) pourrait permettre de planifier les besoins sur le long terme. Qu'en pensez-vous ?

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S'agissant du logement, sachez que nous sommes tous conscients de la gravité de la situation et que nous sommes tous mobilisés. Pouvez-vous me confirmer que le logement pour nécessité absolue de service fait partie de l'ADN de la gendarmerie ? Le statut militaire peut conduire le gendarme au sacrifice ultime. Le logement est une contrepartie de ce sacrifice. Si vous partagez cet avis, je souhaiterais que vous le déclariez ici.

Vous avez évoqué l'idée d'une loi d'orientation et de programmation. Pensez-vous que nous en avons besoin ? Un livre Blanc de la sécurité intérieure pourrait prévoir une programmation pluriannuelle en termes financiers, dresser un état des menaces et la manière dont nous pouvons les anticiper, à court, moyen et long termes ?

Vous avez également évoqué l'état de nos VBRG qui, effectivement, relèvent presque du véhicule de collection. Compte tenu des contraintes budgétaires, ne pensez-vous pas qu'il existe une possibilité, consistant à « rétrofiter », pour une période intermédiaire, des véhicules de l'avant blindés (VAB) dont le service opérationnel de l'armée de terre n'aurait plus besoin ?

Enfin, s'agissant des hélicoptères, doivent-ils être remplacés les uns après les autres, ou pourrions-nous utiliser des drones endurants et ainsi réduire le parc ?

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S'agissant de l'immobilier, certains logements dépendent des départements, d'autres des communes. Parfois, une collectivité refuse de fournir des terrains pour la construction de nouveaux logements destinés aux gendarmes. Un état des lieux devrait être réalisé sur ce sujet, et une nouvelle politique mise en place, pour que les gendarmes, compte tenu de leur statut de militaire, puissent être logés dans de bonnes conditions.

D'autant que, dans certains départements, vous êtes les seuls militaires présents. L'opinion publique et les maires sont très attachés à la Gendarmerie nationale, les gendarmes étant les seuls référents et l'unique lien avec la population.

Selon vous, êtes-vous suffisamment formés ? La formation continue est-elle suffisante ?

Enfin, je tenais à vous dire que les députés que nous sommes sont très attentifs à votre travail, qui est considérable pour la sécurité intérieure.

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Les Français aiment « leurs » gendarmes ; il existe un réel sentiment d'appropriation. Je ne pense pas que le débat se résume aux actions de « politiciens ». Des parlementaires, de gauche comme de droite essaient de faire voter des budgets plus importants en faveur de la Gendarmerie nationale. Le logement a parfois été une variable d'ajustement dans les budgets, afin de consacrer les crédits à d'autres postes nécessaires, mais sachez que les hommes politiques ne sont pas contre vous, mais avec vous.

Le problème du logement est-il ancien, ou la détérioration des logements s'est-elle accélérée depuis quelque temps ? Par ailleurs, le logement peut-il être un frein à l'attractivité du métier ? D'autant que la mentalité des jeunes, et des couples, a évolué et que leurs demandes sont différentes ?

Enfin, concernant les caméras-piéton, celles-ci peuvent-elles être utiles sur le terrain – je ne pense pas uniquement aux mouvements actuels.

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Je rebondirai sur les propos de M. Bouchet – « les Français aiment leurs gendarmes » – pour dire que les parlementaires aiment également leurs gendarmes. Vous avez un peu chatouillé les élus que nous sommes, mais sachez que vous avez face à vous, aujourd'hui, des parlementaires qui sont à votre écoute et à vos côtés sur le terrain, toutes tendances politiques confondues.

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Général Edmond Buchheit, président du Trèfle, société d'entraide des élèves et anciens élèves de l'école des officiers de la Gendarmerie nationale

La formation initiale du gendarme – qui se poursuit tout le long de sa carrière – est excellente. Les écoles de gendarmerie délivrent un excellent « produit » immédiatement employable sur le terrain. Les gendarmes ont un état d'esprit militaire, le sens de l'initiative et sont totalement adaptables.

J'ai évoqué l'excellence de l'entraînement que les gendarmes suivent à Saint-Astier, mais j'ai également indiqué que, compte tendu du suremploi actuel des hommes, ils n'avaient pas le temps de s'y rendre pour effectuer les mises à niveau nécessaires. Ce n'est pas la formation qui pose problème, mais le manque de temps des gendarmes pour la suivre.

S'agissant des 40 % de diminution du budget, j'ai deux informations, l'une provenant de la direction générale de la Gendarmerie nationale, l'autre d'Alsace. Ces 40 % concernent uniquement la masse salariale. Le reste du budget consacré aux réservistes, et qui relève du titre 3 – indemnités de déplacement et de repas – est un autre problème.

À la question de savoir s'il vaut mieux créer des escadrons ou les renforcer en créant un cinquième peloton, je vous répondrai que, quelle que soit la solution qui sera adoptée, elle ira dans le bon sens, car nous avons besoin de plus de forces sur le terrain. Un cinquième peloton dans chaque escadron permettra un emploi des hommes plus différencié. Cela n'engage que moi, mais je suis plutôt favorable à la création de nouveaux escadrons. À une certaine époque, nous ne voulions pas en créer trop pour éviter que le ministère n'en « mange » trop. La question de l'emploi des hommes fait partie d'une question plus large, relative à la création d'escadrons ou de pelotons supplémentaires.

Enfin, concernant les véhicules, le « rétrofitage » des blindés me paraît être la solution, au vu des contraintes budgétaires.

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Jean-Claude Fontaine, président de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG)

Je suis favorable à l'usage de marqueurs visant à identifier les auteurs d'actes délictueux.

Les blindés devraient être renforcés avec des « drops » c'est-à-dire des protections semblables à celle de bulldozers qui permettent de faire barrage sur la largeur. Cela évite de charger, les manifestants n'iront pas au contact des véhicules et seront ainsi évités des blessés de chaque côté.

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Êtes-vous favorable à des marqueurs individuels ou indifférenciés ? Ces derniers ont pour inconvénient de marquer toutes les personnes autour.

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Jean-Claude Fontaine, président de la Fédération nationale des retraités de la gendarmerie (FNRG)

Oui, effectivement, mais si la manifestation est interdite…

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Nous pensons plutôt aux casseurs afin de marquer les personnes qui dégradent les biens.

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Colonel Patrice Gras, président des Ailes de la gendarmerie

Je répondrai à votre question relative aux hélicoptères. Je ne suis absolument pas favorable à l'usage des drones qui viendraient remplacer les hélicoptères, sauf s'il s'agit des drones utilisés par l'armée de l'air. Mais ceux-ci coûtent plus cher qu'un hélicoptère.

La gendarmerie possède quinze hélicoptères EC 135. Il s'agit d'un outil extrêmement perfectionné qui permet, entre autres, de lire une plaque d'immatriculation à trois kilomètres. Par ailleurs, ils sont équipés de relais qui transmettent des informations. Lors des manifestations à Notre-Dame-des-Landes, Paris pouvait suivre en temps réel ce qui se passait sur place. Un drone ne peut couvrir qu'une surface très petite. Son usage serait un support très utile à une unité locale de maintien de l'ordre, puisqu'elle pourra savoir ce qui se passe dans sa zone. En revanche, pour le commandement, un hélicoptère est nécessaire car il est beaucoup plus complet.

Vous nous avez demandé s'il était opportun de diminuer le parc hélicoptère. Cela n'engage que moi, mais il me semble que la gendarmerie devrait posséder quinze autres hélicoptères de même capacité que le EC 135. Il existe aujourd'hui des appareils aussi performants et moins chers. Ainsi, la gendarmerie pourrait garder quelques Écureuil, qu'elle pourrait « rétrofiter », et un parc identique.

Par ailleurs, j'ai été, durant quinze ans, spécialiste des caméras ; j'ai connu le passage de la caméra analogique à la caméra numérique. Les caméras sont très efficaces. Si vous choisissez de transférer cette compétence à des opérateurs civils, la législation devra être très précise. Mais si ces opérateurs la respectent, je n'y vois aucun inconvénient concernant la liberté des personnes. En effet, seules quelques personnes sont habilitées à être présentes dans la salle des caméras, les opérateurs sont tenus, tous les jours, de noter les caméras qui fonctionnent, et les vues ne peuvent être montrées que sur commission rogatoire. Enfin, le temps de garde d'une image est de trente jours.

En revanche, pour être efficaces en maintien de l'ordre, nous devons abandonner notre mentalité très française et accepter l'idée de procéder à la reconnaissance de visages dans les manifestations interdites. Les premiers systèmes numériques que j'ai connus comprenaient la reconnaissance de visages, et en 2007, j'avais assisté à une démonstration chez IBM. C'était très impressionnant : le système a reconnu, à 60 %, le visage d'une personne qui avait été maquillée pour l'expérience. Je prendrai l'exemple de l'attentat du Bataclan. Si nous avions disposé d'un tel système, nous aurions pu procéder à des reconnaissances de visages dans le métro, et certaines personnes auraient été rapidement repérées, ce qui aurait peut-être changé la suite des événements.

Ce sont les raisons pour lesquelles je suis totalement favorable à la vidéo protection – je pense même que nous devrions aller plus loin.

En revanche, la caméra individuelle a pour vocation de protéger le gendarme ou le policier. La caméra, contrairement à une photo, permet de savoir ce qui s'est passé avant et après l'événement. Je puis vous citer deux affaires dans lesquelles les personnes désignées comme fautives ont été blanchies grâce à une vidéo. Il s'agit pour moi d'un bon outil, à la fois pour repérer les délinquants et pour innocenter les personnes honnêtes.

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Vous êtes favorable à la généralisation des caméras individuelles, sur la voie publique, mais également dans le cadre du maintien de l'ordre ?

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Colonel Patrice Gras, président des Ailes de la gendarmerie

Oui. Nous savons que le gendarme, un militaire, fait bien son métier. Avec la caméra, les images pourront en attester et elle permettra, peut-être, d'innocenter une personne honnête.

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Muriel Noël, présidente de l'Association d'aide aux membres et familles de la gendarmerie (AAFMG)

Je répondrai à votre question relative à l'attractivité du logement, qui peut, effectivement, être un frein. Depuis le début de l'année, j'ai rencontré deux jeunes gendarmes, tout juste sortis de l'école, qui étaient venus, avec leurs épouses, visiter leurs logements. Elles ont refusé d'y habiter avec leurs enfants, et les maris ont tous les deux quitté la gendarmerie.

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Virginie Rodriguez, vice-présidente de l'Association d'aide aux membres et familles de la gendarmerie (AAFMG)

La protection fonctionnelle est très utile aux gendarmes, qui s'en servent de plus en plus. Il serait, évidemment, très intéressant de l'étendre à la faute non-intentionnelle.

J'aimerais, par ailleurs, attirer votre attention sur un sujet important : la gendarmerie n'est plus en mesure de proposer de postes sédentaires – des emplois administratifs – aux gendarmes blessés et déclarés inaptes – que nous surnommons les « gueules cassées ». La reconnaissance de l'État a longtemps été ainsi possible, mais aujourd'hui, avec la transformation des postes administratifs en postes civils, la gendarmerie n'a plus de marge de manoeuvre pour placer les gendarmes qui ont sacrifié leur santé ou qui ont été blessés en service.

Nous pouvons élargir cette question au problème du reclassement des gendarmes déclarés inaptes – quelle que soit la raison. La circulaire n° 85 000 a été prise en 2015. En 2016, 80 gendarmes ont quitté la gendarmerie, et depuis 2017, ce sont 216 gendarmes qui quittent chaque année la gendarmerie. Je ne prétends pas que tous les gendarmes sont déclarés inaptes au titre de la circulaire n° 85 000, mais cette augmentation correspond tout de même à sa mise en place.

Il serait aussi bon que les parlementaires et les politiciens puissent permettre à la gendarmerie de réserver des postes sédentaires pour les sous-officiers de gendarmerie (SOG) ou d'élaborer une passerelle vers des postes civils qui seraient réservés aux gendarmes déclarés inaptes, et ce, afin qu'ils puissent rester dans l'institution.

Concernant mes propos, notamment l'usage du mot « politiciens », sachez qu'ils ont été choisis. Je porte la parole de toutes les familles de gendarmes qui vivent dans des casernes insalubres. Nous entendons des belles paroles depuis des années. Certes, des sommes sont investies dans l'immobilier, mais elles sont largement insuffisantes et ne changent rien à notre quotidien. Nous avons besoin, non plus de paroles, mais d'actes, car ce sont nous qui vivons dans ces casernes. À Rennes, cela fait vingt ans que des promesses nous sont faites, et nous habitons toujours dans des cages à lapins, alors que des HLM tout équipés sont construits par ailleurs.

Si j'ai heurté les sensibilités de certains, croyez-moi, ce n'était pas le but. Mais je voulais vraiment que vous compreniez que nous entendons toujours les mêmes discours depuis des années : « nous vous comprenons, mais nous ne pouvons pas faire mieux ». Alors il est vrai que la Gendarmerie nationale a fait des choix en faveur de sa capacité opérationnelle, mais c'est bien le manque de crédits qui l'a poussé à faire ce choix.

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Colonel Jean-Jacques Vichery, coprésident de la Confédération française d'associations de retraités et de pensionnés de la gendarmerie (CFARPG)

Concernant les marqueurs individuels, je suis favorable à leur usage, et je ne dois pas être le seul parmi les gendarmes. Ils permettent de marquer les visages et surtout les vêtements, durant une dizaine de jours. Il me semble donc qu'un effort devrait être réalisé pour leur diffusion.

Je suis également favorable à l'usage de différents types de caméra, qui permettent aujourd'hui de faire de la reconnaissance faciale ; un procédé qui peut servir aux enquêtes des gendarmes et donc à la justice.

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Colonel Jean-Pierre Virolet, premier président national adjoint de l'Union nationale des personnels et retraités de la gendarmerie (UNPRG)

Je voudrais simplement vous remettre le dossier contenant les réponses des unités départementales qui ont répondu au sondage. Nous avons réalisé un travail de titan.

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Colonel Gérard Sullet, secrétaire général de l'Union nationale des personnels et retraités de la gendarmerie (UNPRG)

Actuellement, la gendarmerie compte 109 escadrons de gendarmerie mobile. En 2016, après la suppression de quinze escadrons, vingt-deux ont été dotés d'un cinquième peloton ; c'est une bonne solution qu'il conviendrait d'élargir à tous les escadrons. Ainsi, nous pourrions déployer une unité de quatre-vingts gendarmes sur le terrain. Ce chiffre est important, car quand ce sont seulement trente-six ou quarante-deux gendarmes qui descendent des bus, ils ne sont pas très impressionnants.

Le second avantage de ce cinquième peloton, c'est qu'il pourrait contribuer à résoudre certains problèmes de casernement. Je suis natif de Niort, où l'escadron a été supprimé il y a quelques années. Si vous choisissez de recréer des escadrons, sachez que 125 logements sont disponibles, immédiatement, à Niort.

Nous avons tous évoqué les problèmes de budget ou de casernement. Et nous savons que vous votez – et nous vous en remercions – tous les ans les budgets de la Gendarmerie nationale. Nous savons aussi que Bercy, dès le mois de septembre, procède à des réserves et des sur-réserves, qui représentent cette fameuse variable d'ajustement. Est-il normal, dans notre pays, que des budgets, votés par le Parlement, ne soient pas honorés ? Je sais bien qu'il en va de même dans toutes les administrations, mais cette question est au coeur de tout le débat que nous avons – réserve, casernement, etc.

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Nous vous auditionnerons, colonel, dans le cadre de la révision constitutionnelle !

Capitaine Renaud Ramillon-Deffarges. Mon camarade vient de résumer parfaitement la problématique budgétaire. Néanmoins certaines régions de gendarmerie ont la volonté de mettre en place des financements innovants. J'ai cité l'exemple du conseil général d'Île-de-France et de d'Île-de-France Mobilités ; ils sont malheureusement très complexes et difficiles à mettre en oeuvre.

Il n'y a pas de désert militaire en France, mais des territoires dans lesquels la présence militaire n'est assurée que par la gendarmerie. J'irai même plus loin, dans certains territoires, le seul service public encore présent, après la fermeture du centre des impôts, du tribunal et des écoles, c'est celui de la sécurité, matérialisé par la gendarmerie. Le service public de la sécurité assure aujourd'hui une égalité entre les citoyens.

Concernant la formation des réservistes, le commandement doit aujourd'hui faire face à un dilemme. Il a des contraintes opérationnelles et budgétaires. La solution est simple : il est obligé de prendre sur le temps de formation – les réservistes se forment lors des missions ! Dans les années 2000, un réserviste qui sortait de la préparation militaire gendarmerie, militaire du rang, suivait ensuite trois modules – diplôme d'aptitude à la réserve (DAR) 1, DAR 2 et DAR 3 –, d'une semaine et demie chacun. Il passait, ensuite, la qualification d'agent de police judiciaire adjoint (APJA), qui dure deux semaines. Aujourd'hui, tous les enseignements sont délivrés à distance.

Il est indispensable de nous inscrire dans un schéma de réflexion analogue à celui des armées, et je suis favorable au vote d'une nouvelle LOPSI. Notre réflexion doit être menée concomitamment à celle que mènent les armées sur l'évolution de la délinquance, les évolutions sociologiques, le continuum de sécurité intérieure, la continuité entre sécurité extérieure et sécurité intérieure…

Nous savons tous que, demain, la gendarmerie devra être en capacité, non seulement de continuer à chasser les voleurs de poules, mais aussi d'intervenir en matière d'intelligence artificielle. Il est donc indispensable de définir les missions de la gendarmerie et le coût qui devra être supporté collectivement.

J'ai évoqué les opérateurs privés, mais seront également concernées les polices municipales, les douanes et les armées – nous en avons beaucoup discuté dans le cadre de l'opération Sentinelle. Nous devons nous inscrire dans ce même schéma, concomitamment avec les armées et, pourquoi pas, aller plus loin en intégrant la justice et les services pénitentiaires.

Une LOPSI fixerait un cap et donnerait un sens. Mais elle aurait également pour avantage de définir les besoins des forces de sécurité. Les industriels pourraient ainsi commencer à préparer les commandes qui leur seront passées par l'État.

Concernant la relation employeurs et réservistes, le principal point faible est la non-application des conventions signées. C'est la raison pour laquelle, nous avons proposé la création d'un poste de médiateur justement parce que le réserviste n'est pas en position d'attaquer son employeur aux prud'hommes. Ce médiateur pourrait également assurer le suivi et le renouvellement – ou pas – des conventions.

Nous pourrions, pour cette question, nous inspirer du modèle australien, qui mène la politique de la carotte et du bâton. Si l'employeur libère ses réservistes, il bénéficie de réduction d'impôts ou de cotisations, et s'il ne les libère pas, il les paie, comme tout le monde. Certes, en France, les PME tiennent une place importante dans notre économie et il leur est plus difficile, qu'une grosse entreprise, de libérer des salariés.

S'agissant du CSRM, j'aurais espéré que sa rénovation permette de faire entrer, au-delà de la CPME et du MEDEF, les acteurs de l'économie sociale et solidaire. Ils contribuent en effet de façon importante au produit intérieur brut (PIB) et interviennent dans les services à la personne – ce qui démontre une certaine communauté d'esprit.

Major Emmanuel Zammit. En 2017, j'ai effectué quatre-vingt-dix jours de réserve ; en 2018, cinquante-trois jours, malgré ma disponibilité, dont trente-cinq jours d'octobre à fin décembre ; et enfin simplement trois jours depuis le début de l'année 2019. C'est une diminution des missions liée au manque de crédits, bien évidemment.

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Général Jean Colin, président des Amis de la gendarmerie

 « Les députés aiment les gendarmes », dites-vous. Je l'atteste, puisque cinquante-six d'entre sont membres des Amis de la gendarmerie. Les gendarmes aiment aussi leurs députés, et apprécient énormément leurs visites dans les casernes.

De nombreux escadrons sont, en ce moment, déployés en région parisienne. Je vous recommande d'aller leur rendre visite dans vos circonscriptions ; ce sera particulièrement apprécié des gendarmes. Car nous avons beaucoup parlé de chiffres, mais le soutien personnel aux gendarmes est aussi très important. Après l'engagement du 8 décembre 2018, j'ai écrit à tous les commandants d'escadron pour leur assurer notre soutien.

Alors, création d'escadrons ou cinquième peloton ? La gendarmerie compte aujourd'hui 109 escadrons de gendarmerie mobile, et la direction de la gendarmerie estime que le besoin journalier sur le terrain est de 65 unités. Les CRS ont 61 compagnies et l'emploi maximum est de 46 unités.

Lors des manifestations de Notre-Dame-des-Landes, nous avons atteint un pic d'emploi : 85 escadrons de gendarmerie mobile étaient déployés sur toute la France, outre-mer compris. Le mouvement des gilets jaunes a aussi entraîné une mobilisation importante des forces de l'ordre, et notamment de la gendarmerie mobile. Le 8 décembre, la totalité des escadrons, excepté ceux qui rentraient d'outre-mer, ont été engagés – soit 106 escadrons.

La gendarmerie a ainsi démontré qu'elle était en capacité de mobiliser la totalité de ses unités, une fois, deux fois, trois fois s'il le faut, ce qui n'est pas le cas de la police nationale. Le directeur général est disposé, si les événements l'exigent, à mobiliser toutes les unités. La solution la plus sage serait donc de renforcer les unités afin de pouvoir réagir rapidement – et envoyer toutes les unités si nécessaire.

Concernant la formation des gendarmes, il en existe de trois sortes. D'abord, la formation de base des sous-officiers. Ensuite, la formation des cadres de haut niveau, des officiers, qui se déroule à Melun et se poursuit pas strates successives par le biais de l'enseignement militaire supérieur. Enfin, la formation continue, qui est délivrée dans des centres de formation et qui concerne toutes les spécialités de la gendarmerie.

Par ailleurs, la gendarmerie va créer, à l'école de Dijon, un centre de formation à la sécurité publique qui permettra de recycler l'ensemble des gendarmes de la gendarmerie départementale. En effet, la technique évoluant, des moyens numériques sont mis en place dans les brigades ; une évolution qui conduit les jeunes gendarmes à être mieux formés que les anciens.

Avons-nous besoin d'une LOPSI ? La dernière fois que nous en avons parlé, c'était en 2007 : élection présidentielle, nouveau gouvernement, loi de finances rectificative, et préparation de la loi de finances pour 2008. Dans cette loi de finances, tous les ministères avaient « serré les boulons », et la gendarmerie était alors rattachée au ministère de la défense. Le ministre de la défense savait que la gendarmerie allait être transférée dans le périmètre budgétaire du ministère de l'intérieur – une promesse de campagne du Président de la République. C'est la raison pour laquelle, savamment conseillé, et avec beaucoup de bon sens, le ministre de Défense a pris la décision de peu investir sur le budget de la gendarmerie pour 2008.

La ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, qui savait elle aussi que la gendarmerie serait intégrée dans son budget, espérait une deuxième LOPSI – une première LOPSI ayant considérablement renforcé les forces de sécurité – qui lui permettrait d'étoffer le budget de la gendarmerie. Or, non seulement il n'y a pas eu de LOPSI, mais le mode de préparation budgétaire a changé : il est devenu triennal – 2009-2011. Un budget triennal a donc été élaboré en se fondant sur le budget 2008. C'est la raison pour laquelle la gendarmerie subit, depuis cette date, un déficit structurel, spécifique à cette institution. Et lorsque nous devons réduire les moyens budgétaires, par extrême nécessité, nous le faisons généralement sur le titre 5, à savoir l'immobilier.

Monsieur Thiériot, vous avez souhaité nous entendre réaffirmer l'importance du logement : je l'affirme. J'ai été sous-directeur de l'immobilier de 2005 à 2010, je puis donc vous confirmer la vétusté des logements. D'aucuns disent que le logement est le système d'armes de la gendarmerie. Pour la marine, c'est le porte-avions ; pour la force stratégique, les armes nucléaires ; pour la gendarmerie, c'est l'immobilier.

Nous avons besoin de terrains pour construire. La règle veut, notamment quand le projet de construction nécessite des investissements très importants, que ce soit l'État qui construise. Les grandes emprises domaniales, les constructions pour les escadrons, les constructions pour des groupements de gendarmerie départementale sont réalisées sur des terrains appartenant à l'État.

En ce qui concerne le locatif, toutes les possibilités sont ouvertes. À mon époque, nous avions utilisé la procédure du bail emphytéotique administratif (BEA) et fait appel à des financements innovants. Les constructions peuvent être réalisées par des acteurs privés ou des collectivités territoriales. Si le projet est bien monté, et si la collectivité reçoit l'aide d'autres collectivités territoriales, les opérations peuvent être équilibrées sur une quinzaine ou une vingtaine d'années. Ensuite, bien entendu, il faudra entretenir le parc, c'est primordial.

La question de l'immobilier n'est pas spécifique à la gendarmerie. Il serait peut-être intéressant de questionner les sociétés d'HLM, qui peuvent apporter des réponses aux questions que nous nous posons sur le logement de la gendarmerie.

Je terminerai par une anecdote. Il y a une dizaine d'années, un ministre s'est rendu à Melun dans le cadre de la politique de la ville, pour assister à la rénovation d'un ensemble immobilier HLM. On lui montre un très bel immeuble, qu'il trouve effectivement très bien. Un conseiller lui dit : « attention, regardez derrière, dans quel état désastreux est cet ensemble ». Le ministre fait remarquer au maire que l'ensemble n'est pas aussi beau que celui qui venait d'être rénové. Le maire lui répond alors : « oui, mais ça, c'est de l'immobilier d'État, c'est une caserne de gendarmerie. »

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Mesdames, messieurs, je suis député de la Dordogne et je souhaitais simplement saluer le travail réalisé à Saint-Astier.

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Colonel Luc Delnord, président de l'Association nationale des réservistes et des sympathisants de la gendarmerie (RESGEND)

En 2018, faute de budget, le directeur général a décrété l'instauration de deux périodes blanches dans l'année : de mai à juin et de septembre à décembre. Aucun réserviste n'a été appelé en renfort durant ces périodes, ce qui constitue une baisse de 900 réservistesjour pour l'année 2018. En 2019, 19 millions d'euros ont servi à payer les arriérés des réservistes de 2018.

Pour 2019, nous avons sollicité un budget de 99 millions d'euros pour les réservistes, uniquement pour honorer leurs soldes. Nous n'avons perçu que 40 % de cette somme, ce qui représente, sur l'année, moins de 1 000 réservistes par jour. Notre capacité, je le rappelle, est de 2 700 réservistes par jour.

La formation initiale du réserviste a été pensée pour qu'il soit, à la fin de sa préparation militaire, immédiatement employable. Elle comprend même le certificat d'agent de police judiciaire adjoint. Mais faute de moyens, les réservistes qui suivent aujourd'hui cette formation ne sortent pas avec le certificat APJA, ce qui les oblige à le passer une fois qu'ils sont affectés dans un groupement.

La formation continue est toujours délivrée sérieusement, et concerne les techniques d'intervention et le tir. Pour le tir aussi nous avons également besoin de moyens, notamment pour acheter des munitions. Malgré tous ces inconvénients, nous arrivons à maintenir une bonne capacité opérationnelle, notamment grâce à la formation continue.

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Général Jean-Régis Véchambre, président de la Société nationale d'histoire et du patrimoine de la gendarmerie (SNHPG)

Nous fêtons cette année les dix ans d'une stratégie de défense et de sécurité nationale. En réalité, nous n'avons qu'une loi de programmation pour la défense. Il existe pourtant un Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. C'est à partir de cette synthèse qu'il serait intéressant de réfléchir aux modalités de déclinaison d'une vraie sécurité de défense et de sécurité nationale, qui impliqueraient le territoire national où sont engagées les armées.

S'agissant du maintien de l'ordre, les annonces du Premier ministre en termes d'évolution de la doctrine constituent des pistes intéressantes pour répondre à la question suivante : à quoi sommes-nous confrontés depuis les années 1980 ? Même s'il y a déjà eu des manifestations violentes, la nouveauté, c'est ce phénomène d'imbrication incessante entre manifestants et groupes de casseurs ou black blocks, dont la doctrine est de lutter contre le capitalisme en s'en prenant notamment aux forces de sécurité et à ce qu'elles représentent. Leur action vise à détruire, puisqu'ils considèrent que cette violence est négligeable par rapport à la violence que le capitalisme fait subir à nos concitoyens.

Face à ces violences, la manoeuvre de l'ordre public doit être globale. Or, elle reste une manoeuvre classique – accompagnement et protection des manifestants pour faciliter le déroulement de la manifestation –, malgré le fait qu'elle doit faire face à des nouvelles difficultés découlant du non encadrement de ces manifestations.

Au lendemain des événements de 1968, une loi de 1970 prévoyait la mise en cause des organisateurs ; elle a été abrogée en 1981, ce qui a fragilisé les conditions légales dont nous disposions.

Ce qui a fondamentalement changé aussi, c'est l'acceptation, par nos concitoyens, par notre société et par le droit, du niveau d'emploi de la force. Nous sommes aujourd'hui dans un paradoxe, puisqu'on parle de violences policières. Nous ne sommes pas chargés de commettre des violences, mais de mettre en oeuvre la force légitime, c'est qui est différent.

Remettre les choses dans l'ordre est un enjeu institutionnel important. Nous parlons de zones à défendre, alors qu'il s'agit de zones occupées illégalement. Cette terminologie, qui est utilisée à dessein entraîne dans toutes les situations de violence que nous avons connues ces dernières années, une délégitimation de l'action des forces de sécurité. La question est la suivante : comment arriver à remettre, durablement, les choses dans l'ordre ? Car nous sommes allés très loin dans le désordre sémantique sur cette question.

Plus concrètement, le Premier ministre a annoncé une intégration des opérations de maintien de l'ordre dans un commandement unique intégrant l'ensemble des fonctions. L'ordre public n'a jamais été qu'une simple question de forces spécialisées ; c'est une question qui implique le renseignement, la police judiciaire, l'ensemble des moyens de la police administrative et les moyens des forces spécialisées.

Aujourd'hui, l'enjeu est le traitement de ces situations et la désimbrication des événements. La loi qui vient d'être votée apporte des solutions mais pour les déployer, pour mettre en oeuvre les outils qu'elle propose et atteindre les objectifs fixés, des moyens sont nécessaires.

Pour prendre l'ascendant sur l'adversaire, il faut d'abord l'identifier : première grande difficulté. L'identifier en amont, pendant et après. Sachant que ces individus, qui se mêlent aux manifestants, sont dans une continuité d'action entre les manifestations ; ce sont ces phénomènes durables qu'il convient de traiter avec d'autres moyens que ceux employés pour maintenir l'ordre public, au sens strict du terme.

S'agissant de la reconnaissance faciale, le système existe, mais il est au stade embryonnaire. Il serait temps de déployer un plan Marshall, une manoeuvre image, avec des caméras professionnelles, des hélicoptères, une intégration de la vidéoprotection dans des régies qui permettraient, en temps réel, d'identifier les incidents, de les nommer, d'identifier les personnes et de caractériser les infractions.

La justice est souvent mise en cause, mais notre capacité à établir la réalité des infractions commises peut également être remise en question. Nous avons besoin de moyens pour avancer dans cette direction.

En ce qui concerne le ciblage d'individus, le marqueur est une idée, mais il ne peut être utilisé qu'à partir du moment où l'individu est identifié. Nous devons donc trouver l'outil qui permettra ces identifications.

S'agissant du renouvellement du matériel, la solution évoquée, le « rétrofitage » des blindés, est une bonne idée, encore faut-il en avoir la capacité. Elle doit être complétée de manière très importante par des moyens qui soient davantage acceptés que le gaz que nous utilisons dans ce type de situation et qui a l'inconvénient de ne pas résoudre cette désimbrication. Le fourgon-pompe est également un moyen, mais il reste limité en volume et aurait besoin d'être démultiplié.

Concernant la création d'escadrons ou de pelotons, je vous répondrai que nous avons besoin des deux. Aujourd'hui, il serait illusoire de penser que nous pourrions rétablir la situation par la force. Nous sommes obligés de nous adapter à la diminution de l'exercice de la force et de la violence, ce qui implique de déployer un nombre important d'unités au sol – au-delà de tout l'environnement que j'évoquais –, nécessaires au traitement de ces situations.

Lorsque je suis entré en gendarmerie, il y a plus de quarante ans, en cas de situation violente, nous avions un gendarme pour un manifestant. Aujourd'hui, sur une opération comme celle de Notre-Dame-des-Landes, ce sont trois à sept gendarmes par manifestant qui sont nécessaires, car nous voulons que notre intervention et la conduite de l'opération soient comprises, et ainsi éviter d'être immédiatement stigmatisés par une action qui aurait été inadaptée.

Toutes les démocraties occidentales sont confrontées à cette problématique. C'est donc une vraie réflexion de fond qu'il convient d'engager sur ces questions.

Je profite de ma présence parmi vous, pour vous dire que, l'année prochaine, nous fêterons les 300 ans des brigades. Elles ont en effet été créées en 1720 à partir de l'expérimentation qui avait été réalisée en Île-de-France et à Paris. Ces brigades de la Maréchaussée étaient déployées à la fois sur les lieux de rassemblement et sur les lieux de passage – la police des flux. De fait, elles créaient de la proximité et de la polyvalence.

Et j'insisterai sur la question de la polyvalence. Le maintien de l'ordre est un enjeu pour l'entité renseignement, la police administrative et la police judiciaire. Et si la police administrative a vocation de faire la prévention, elle dispose également d'un volet répressif ; or ce volet répressif nous appartient, ne l'oublions pas.

Dans le dispositif territorial de la gendarmerie, nous nous sommes focalisés, et c'est normal, sur la question des polices municipales, mais la gendarmerie est présente sur l'ensemble du territoire, même dans les communes qui ne bénéficient plus de police municipale ; c'est la gendarmerie qui joue ce rôle.

Enfin, quand on parle de police de sécurité du quotidien, on pense tout de suite à la notion de proximité. Mais la tranquillité publique, l'insécurité locale, ne se séparent pas de la délinquance et la délinquance de la grande délinquance. Nous ne devons pas, dans nos réflexions, avoir des visions séparées. Il faut avoir une vision intégrée des questions, c'est essentiel. Il est important de comprendre que de nombreux problèmes d'insécurité concernent non pas un département, mais plusieurs, voire plusieurs régions.

Je suis favorable à la mise en place d'échelons intermédiaires de commandement qui pourraient apporter des réponses à ces problématiques, de plus en plus prégnantes, de lutte contre ces phénomènes de délinquance qui nous dépassent, et dépassent les échelons locaux. Des échelons qui pourraient mettre en oeuvre la suppléance, qui est notre système d'organisation – alors que nous sommes dans la subsidiarité : chaque échelon joue à son niveau. En jouant la suppléance, nous pourrions mettre en oeuvre les moyens au bon niveau, avec des moyens d'appui, dans une notion globale d'intégration de tous les moyens de renseignement, de police judiciaire et de police administratif – ainsi que des moyens spécialisés. C'est ce que nous devons arriver à produire, en complément des dispositifs de proximité du quotidien, qui sont essentiels, mais qui ne doivent pas faire perdre de vue tout ce qui relève du contrôle des flux.

L'audition se termine à dix-huit heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 16 h 15

Présents. - M. Xavier Batut, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Rémi Delatte, M. Olivier Gaillard, Mme Caroline Janvier, M. Christophe Naegelen, Mme Josy Poueyto, M. Joaquim Pueyo, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Alice Thourot, Mme Nicole Trisse, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon