Intervention de Delphine Plantive

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 8h40
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Delphine Plantive :

Concernant les violences homophobes, vous proposez de lutter d'abord contre les LGBT-phobies avant de parler de filiation, de PMA ou d'égalité. Nous ne pouvons pas dissocier ces deux actions. Nous avons besoin de lois ! L'homophobie ne sera battue que si l'État est derrière nous et dit que nos familles sont comme toutes les autres, qu'il n'y a pas de différence entre elles et qu'elles peuvent accéder, en France, aux mêmes techniques médicales existantes, qu'une femme soit en couple avec un homme ou avec une femme. Allons-nous attendre que les LGBT-phobies disparaissent ? Vous parliez de ma « jolie » formulation sur la famille ; moi aussi je souhaite que nous puissions effacer toutes les LGBT-phobies en France, mais nous savons que ce travail sera long. Nous avons besoin de votre soutien et de l'aide des pouvoirs publics pour former les médecins, les instituteurs et les salariés des entreprises. Nous avons avant tout besoin de lois pour nous protéger, pour protéger nos enfants, et pour montrer à tout le monde que nos familles sont les mêmes.

Nous entendons beaucoup de questions sur le référent paternel. En tant que parents ou futurs parents, nous nous posons cette question, tout comme lorsque nous commençons à comprendre que nous sommes homosexuels. Nous nous demandons si nous aurons nos propres enfants. C'est aussi une question que nous posent nos propres parents, qui se disent que si leur fils ou leur fille est homosexuelle, ils n'auront peut-être pas de petits-enfants, et j'en passe. Ne croyez pas que nous éludions cette question, elle est constante dans notre esprit.

L'adoption est ouverte aux femmes et aux hommes célibataires depuis cinquante ans. À aucun moment nous ne sommes revenus à l'idée qu'une femme seule ou un homme seul ne pourrait pas être un bon parent et ne pourrait donc pas prendre en charge un enfant. Depuis cinquante ans, personne ne s'est dit que si une femme adoptait seule, il n'y aurait pas de référent paternel à ses côtés. La question ressurgit à propos de nos familles, ce qui participe du climat ambiant qui vise à les stigmatiser et à dire : « Regardez, elles sont différentes ! » Depuis cinquante ans, des femmes adoptent sans référent paternel et des hommes adoptent sans référent maternel. La société ne s'est pas effondrée pour autant. Ces enfants ne font pas l'objet de débats. On ne constate pas de difficulté psychique particulière chez eux. J'entends votre attachement à la famille traditionnelle. Certes, la famille traditionnelle existe. J'ai eu un papa et une maman. Ma femme a eu un papa et une maman. Notre famille n'entre pas dans ce schéma, mais cette famille est tout aussi respectable, avec les mêmes inquiétudes pour nos enfants et les mêmes souhaits. Nous allons éduquer notre enfant, lui inculquer des valeurs, l'inscrire dans une lignée et surtout veiller à son bien-être. Toutes les familles ont leur histoire. Voyez l'ensemble des modèles familiaux ! À l'instar des familles recomposées, la famille traditionnelle doit pouvoir cohabiter avec des modèles familiaux différents.

Je vous remercie, monsieur Chiche, d'avoir posé la question sur les hommes transgenres. La question est compliquée, car chaque cas est différent. Chaque cas de transition implique un protocole particulier : opérations ou non, traitements hormonaux, etc. L'encadrement des personnes transgenres dans le cas d'une PMA devra se faire au cas par cas.

Les débats sur la bioéthique ont-ils été noyautés par des personnes qui étaient contre un certain nombre d'ouvertures ? Il ne nous revient pas de répondre à cette question : c'est l'affaire du modérateur du CCNE. Nous avons constaté, en nous rendant sur le site internet des États généraux de la bioéthique, qu'il était très difficile de répondre aux questions. Je prendrai un exemple : « Des femmes font un voyage vers l'étranger. Êtes-vous favorables ou non ? » Comment répondre ? Dans les commentaires, nous pouvions lire que les femmes partant à l'étranger étaient comparées à des terroristes. Qui souhaiterait répondre dans ces circonstances ? Mon point de vue est ici très personnel. Je ne peux pas répondre pour tous les Français. Un modérateur pourra le faire. Quoi qu'il en soit, il est intéressant que ces débats aient eu lieu, et qu'ils se portent dans l'hémicycle.

Mesdames et messieurs, je vous demande, s'il vous plaît, de faire attention. Il est parfois difficile d'utiliser les bons termes – vous l'avez rappelé, madame Brocard. Pendant la discussion de la loi sur le mariage pour tous, nous avons pu entendre des mots comme « zoophilie » ou « anormaux ». Attention ! Nous serons vigilants. Les propos des élus de la République se retrouvent dans la cour d'école. Madame Brocard, vous parliez des enfants dans les cours d'école. Quand des députés se permettent de prononcer des paroles extrêmement virulentes sur nos familles, les enfants se disent qu'ils peuvent en faire autant : « Si ce monsieur, qui est élu, qui a fait des études et qui représente beaucoup de gens le dit, pourquoi pas moi ? » Nous avons besoin de votre aide, pour que le débat soit apaisé et pour protéger nos enfants, nous-mêmes, et – même si cela est naïf – nos proches. Parents et grands-parents, eux aussi s'en prennent plein la figure.

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