Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 8h40

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mission d'information DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉVISION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE

Mercredi 24 octobre 2018

Présidence de M. Xavier Breton, président de la Mission

La Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique procède à l'audition de M. Joël Deumier, président de l'association SOS Homophobie, et de Mme Delphine Plantive.

L'audition débute à huit heures quarante.

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Mes chers collègues, nous débutons ce matin une séquence d'auditions chargée, avec quatre auditions successives. Nous accueillons tout d'abord M. Joël Deumier, président de l'association SOS Homophobie, et Mme Delphine Plantive. Nous vous remercions d'avoir accepté de vous exprimer devant nous.

SOS Homophobie est une association de lutte contre les discriminations et les agressions à caractère homophobe et transphobe créée en 1994. Cette association vise notamment à une meilleure acceptation de la diversité des orientations sexuelles et une égalité des droits des personnes LGBT. Le périmètre de réflexion de notre mission d'information sur la révision de la loi de bioéthique inclut notamment la potentielle ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes seules, ainsi que la gestation pour autrui (GPA). Nous souhaiterions connaître votre analyse de ces sujets.

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Joël Deumier, président de SOS Homophobie

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de recevoir SOS Homophobie pour évoquer la question de la procréation médicalement assistée (PMA). Vous réalisez depuis des semaines un travail de débat essentiel.

SOS Homophobie a vingt ans d'existence. C'est une association de lutte contre les LGBT-phobies. Notre ligne d'écoute nationale est anonyme et gratuite. Nous menons des actions dans le milieu scolaire et dans les entreprises. Enfin, nous publions un rapport annuel sur les LGBT-phobies, qui est le seul baromètre existant en France qui mesure l'homophobie.

La France connaît ces derniers mois une succession de violences homophobes. L'homophobie est malheureusement toujours ancrée dans nos sociétés. Cela a conduit SOS Homophobie a décidé de s'engager sur la question de la PMA, notamment pour éviter de revivre ce que nous avons subi en 2012-2013, lors des débats sur le mariage pour tous, à savoir une recrudescence de 78 % des violences homophobes. Notre association a vu les signalements d'actes homophobes exploser, passant de 1 977 à 3 517 sur nos services d'écoute. Nous nous apprêtons à revivre cette vague de violence si nous ne fixons pas, sur le sujet de la PMA, deux règles essentielles, qui sont très simples : premièrement, ne pas mélanger les sujets ; deuxièmement, ne pas faire des personnes LGBT des boucs émissaires sur des sujets beaucoup plus larges, qui ne les concernent pas exclusivement, mais plutôt l'ensemble de la société.

En premier lieu, il ne faut pas confondre la PMA et la GPA. La GPA est aujourd'hui interdite pour tout le monde. Elle n'est autorisée pour personne. Il ne s'agit donc pas d'un enjeu d'égalité. La PMA est en revanche autorisée pour les couples hétérosexuels, mais interdite aux couples homosexuels. Il s'agit d'une discrimination, et donc d'un enjeu d'égalité. Par ailleurs, la GPA concerne à 75 % les couples hétérosexuels, et non les personnes LGBT exclusivement.

D'autre part, la PMA n'implique pas de marchandisation du corps, dans la mesure où il n'est pas question de remettre en cause le principe de gratuité du don de gamètes. Les Français y sont très attachés. Par ailleurs, beaucoup d'hommes seraient prêts à donner des gamètes s'ils étaient mieux informés des besoins et si les enjeux leur étaient mieux expliqués. Enfin, l'anonymat des donneurs et son pendant, l'accès aux origines, sont des débats essentiels, qui préexistent au débat d'aujourd'hui et se posent, s'agissant de la PMA, pour des couples hétérosexuels. En tant que personnes LGBT, nous ne sommes pas plus concernés que les personnes qui ont aujourd'hui déjà accès à la PMA.

Le débat sur la PMA dure depuis plus de vingt ans. Des institutions de la République, responsables, se sont prononcées et ont été entendues. Aucune n'a émis de contre-indication éthique ou juridique à l'extension de la PMA, qu'il s'agisse du Conseil d'État, du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), du Défenseur des droits ou du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Dans l'Union européenne, une dizaine de pays ont ouvert la PMA à toutes les femmes, certains depuis plus de dix ans. Aucun des risques dénoncés par les opposants à la PMA ne s'est manifesté. En 2018, la France connaît une chance historique d'étendre la PMA à toutes les femmes. Il est temps d'agir. Nous avons participé au débat, nous avons été entendus par différentes instances et institutions. SOS Homophobie ne demande pas aujourd'hui la création d'un nouveau droit, mais simplement l'extension d'un droit existant.

Je laisse la parole à Mme Plantive, qui est membre de SOS Homophobie et qui est personnellement concernée par la PMA, puisqu'elle y a eu recours avec son épouse.

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Delphine Plantive

Je sais que vous avez organisé beaucoup d'auditions sur ce sujet. Les questions de l'égalité, du sociétal et du naturel ont été largement abordées. Nous souhaitions revenir sur la notion d'égalité, mais aussi sur la réalité du parcours et la notion de famille.

Mon épouse et moi-même avons eu la chance de devenir mamans d'un petit garçon, né à la suite d'une insémination artificielle avec don de sperme (IAD) en Belgique. Nous n'aurions pas pu concevoir notre enfant sans un don de gamètes. De nombreux couples hétérosexuels en France sont dans le même cas. Nous parlons d'égalité, car la PMA est déjà autorisée pour des femmes hétérosexuelles dont le conjoint ne peut pas avoir d'enfants. Personne n'imaginerait dire à ces femmes aujourd'hui qu'elles devraient se résoudre à ne pas avoir d'enfants ou à changer de partenaire. Nous parlons aussi d'égalité car nous ne demandons rien de plus que ce qu'ont déjà ces femmes ; nous ne demandons que le même accès à la PMA. Nous ne demandons ni droit à l'enfant, ni modalités différentes. Nous savons, comme les couples hétérosexuels, que la PMA ne donne pas un droit à l'enfant. À aucun moment nous ne parlons d'un tel droit. La PMA est un parcours difficile, semé d'embûches et d'échecs. Il ne s'agit en rien d'un caprice ou d'une revendication à un quelconque droit à l'enfant.

Comme ces couples, nous ne faisons que demander un cadre sanitaire et juridique pour ne pas avoir recours à des pratiques dangereuses pour nous et pour nos enfants. Un couple de femmes ou une femme célibataire n'ont pas beaucoup de solutions aujourd'hui. Si elles veulent avoir un enfant par voie médicale, elles n'ont que deux solutions.

La première est une PMA artisanale, qui passe par un donneur connu, un tiers – ce qui peut engendrer un problème juridique, car cette personne tierce n'est pas reconnue par un cadre légal –, ou par l'achat de sperme sur internet, sans garantie aucune quant à son origine et à la non-transmission d'infections sexuellement transmissibles.

La seconde solution est la PMA à l'étranger. Cette solution est difficile. Elle impose de nombreuses contraintes morales et physiques aux femmes. Les traitements hormonaux demandés à l'étranger sont souvent plus lourds, et plus délicats à cause des déplacements. De plus, il n'est pas simple d'être suivie par un praticien en France ; or ce suivi est très important, pour expliquer le processus et, en fonction de la physiologie de chaque femme, proposer les bons dosages et les bons protocoles. Trouver un gynécologue « complice » – nous rappelons, par ce mot, de tristes moments de l'histoire – est très difficile. La situation est parfois terrible et les disparités régionales sont criantes. Dans les déserts médicaux, trouver un gynécologue, dans un cadre de soin légal, est très difficile. Ça l'est encore plus pour un couple de femmes qui souhaiterait être accompagné.

Nous oublions souvent, dans ces voyages, les contraintes liées au travail. Les femmes travaillent. Quand nous devons nous rendre pendant deux jours en Belgique ou en Espagne, tous les mois, il est très compliqué d'expliquer à notre patron que nous allons disparaître du jour au lendemain. Généralement, nous mentons plutôt que de raconter ce qui se passe dans notre intimité. Voilà un stress et une tension supplémentaires très importants, alors que ces moments demandent le plus de sérénité possible, car une PMA est toujours compliquée.

Les PMA à l'étranger sont coûteuses. Elles se déroulent principalement dans des cliniques privées, l'accès aux CHU étant difficile. En l'absence de référent médical local, les examens sont plus nombreux. Nous sommes très démunies ; si un examen est demandé, nous le faisons et nous payons. De plus, nous sommes inégales dans notre physiologie : certaines femmes tomberont très vite enceintes, d'autres mettront beaucoup plus de temps. Le stress que je viens de décrire joue beaucoup. Certaines femmes font quatre, cinq ou six tentatives d'IAD, avant de passer à la fécondation in vitro (FIV), ce qui représente à chaque fois des coûts supplémentaires.

Que ce soit pour un couple hétérosexuel, un couple de femmes ou une femme seule, une PMA n'est jamais facile. Les traitements sont lourds, l'absence de réussite est très difficile à vivre. Vous entraînez toute votre famille dans ce processus. Un parcours de PMA n'implique pas seulement les deux parents. Par exemple, ma mère était très inquiète de me voir me rendre à l'étranger. Elle demandait : « Comme saurons-nous ce qui se passe ? », « Pourquoi vas-tu dans tel pays, et non dans tel autre ? » Nos familles font partie de ce projet ; les échecs sont aussi difficiles pour elles que pour nous.

Une dernière question se pose. Comment expliquer à nos enfants qu'il a fallu les concevoir à l'étranger ? L'histoire de l'enfant est essentielle. Ce voyage en fait partie intégrante. Comment lui expliquer que, dans son pays, il n'aurait pu être conçu ?

Si nous avons de la chance, vient la grossesse ; nous redevenons alors citoyennes à part entière. Tout va bien. Mais dès la naissance une nouvelle situation difficile commence. La mère qui n'a pas porté n'a ni droit ni devoir. L'enfant n'est donc pas complètement protégé ; il peut se voir privé de la personne qui était pourtant à l'origine du projet parental. Une procédure d'adoption est donc nécessaire.

C'est une procédure longue, qui dure de huit à douze mois, une procédure très difficile et intrusive. Elle implique de construire un dossier expliquant le lien entre l'enfant et la mère qui ne l'a pas porté ; cela passe des témoignages. Nous devons demander à nos proches, au médecin, au pédiatre, à la nourrice de témoigner. Il vous faut demander au père de votre femme de témoigner : « Écoutez, papy, votre fille est une bonne mère, il faut expliquer que vous aimez votre petit-fils de la même manière que celui conçu par votre fils. » C'est extrêmement difficile, pour eux comme pour nous, car la PMA ne se fait pas qu'entre parents.

La procédure d'adoption est très intrusive. Un policier est venu chez nous. Nous sommes des citoyennes ordinaires. Nous essayons de faire au mieux. Quand la police débarque chez vous, c'est le signe que vous avez fait quelque chose de mal. Nous, nous avons juste eu un enfant ; pourtant un policier est venu chez nous. Il a été charmant, mais – le pauvre – il a du faire son travail : il a ouvert les placards pour vérifier que notre fils avait bien des vêtements, des jouets, des objets à lui, prouvant ainsi que nous nous occupions bien de notre enfant. Quelle violence, pour un couple, pour des parents et pour notre enfant !

À l'inverse, une procédure simple existe pour les couples hétérosexuels. Ils signent en amont des IAD une déclaration conjointe de consentement. Toutes ces difficultés pourraient nous être évitées. Pour ne plus avoir à les affronter, nous demandons aujourd'hui l'ouverture de la PMA à toutes les femmes.

Certains d'entre vous s'inquiètent du devenir de l'enfant, notamment en l'absence de référent paternel. Avoir deux mamans n'implique pas l'absence de référence masculine. La famille ne se limite pas aux parents ou à la personne qui conçoit. Une famille est constituée de grands-pères, de grands-mères, d'oncles, de tantes, de cousins, de cousines, de parrains et de marraines. S'ajoutent les instituteurs, les pédiatres, toutes les personnes qui encadrent les enfants, etc. Plus personne n'ose imaginer que notre enfant vivra dans un vase clos. De plus, notre enfant est inscrit dans une lignée, dans une famille. Certains parlent de caprice ou d'égoïsme, mais nos parents sont derrière nous, nos oncles et nos tantes, etc. De la même façon que nous, ils vivent les débats d'aujourd'hui et entendent tout ce qui est dit sur nos familles. La famille est une globalité. Bon nombre d'institutions l'ont noté : il n'y a aujourd'hui aucune étude fiable qui démontrerait qu'un enfant élevé par deux femmes a davantage de difficultés dans sa construction.

Nous aussi, nous nous demandons ce qu'il adviendra de nos enfants et de cette discrimination. Ce qui aujourd'hui nous préoccupe, c'est l'intérêt de notre enfant. Nous ne parlons pas de désir d'enfant, mais d'enfant désiré. La longueur et la violence des débats nous inquiètent pour nos enfants. Nous ne demandons pas l'ouverture de nouveaux droits ou de nouvelles dispositions légales, nous demandons au contraire un cadre. Nous n'encourageons aucune dérive, aucune licence. Nous voulons une égalité de droit pour pouvoir accéder à des techniques existantes – encore une fois, nous ne demandons pas l'ouverture d'un nouveau droit – dans les mêmes conditions de sécurité, qu'elles soient médicales, sanitaires ou juridiques, pour inscrire nos enfants dans une filiation qui soit légale, encadrée par l'État. Nous voulons simplement protéger nos familles.

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Je vous remercie. J'aurai trois questions. Premièrement, concernant la GPA, votre position est-elle d'y être favorable, mais de vous dire que ce n'est pas le moment d'aborder cette question, et que seule l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules importe actuellement ? Ou, au contraire, êtes-vous contre la GPA, à cause du risque de marchandisation du corps et des autres questions qu'elle implique ? Je souhaiterais une clarification de votre position sur ce sujet.

Deuxièmement, en cas d'ouverture de l'AMP aux couples de femmes, quelle option d'adaptation du droit de la filiation privilégiez-vous ? Le Conseil d'État a présenté plusieurs options. Votre association a-t-elle pris position sur ces options ?

Ma troisième question est relative à un débat que nous avons eu la semaine dernière. Si nous appuyons la filiation sur la volonté, sur le projet parental, devons-nous nous orienter vers une multiparentalité ? Certains proposent des solutions à trois ou quatre parents, à partir du moment où il n'y a plus d'ancrage biologique de la filiation. D'autres disent qu'il faut s'en tenir à deux parents. Quelle est votre position sur cette multiparentalité ?

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Delphine Plantive

Notre association a un corpus revendicatif qui repose sur l'égalité. Aujourd'hui, la GPA ne pose pas de problème au regard du principe d'égalité, car elle n'est pas ouverte aux couples hétérosexuels. SOS Homophobie n'a donc pas de position officielle. Nous aurons un débat en interne, comme la société, le jour où cette question sera soulevée. Nous souhaitons que ce débat émerge rapidement, car il intéresse la question de la filiation. En revanche, ce qui nous importe, c'est que la reconnaissance des enfants nés par GPA à l'étranger ait bien lieu, afin de ne pas les installer dans un vide juridique. C'est essentiel.

Je souhaiterais proposer la même réponse pour la multiparentalité. Il existe aujourd'hui un principe de coparentalité, où, en termes de filiation, seuls les parents biologiques sont inscrits, la mère qui a porté l'enfant et l'homme qui a donné son sperme. La question se pose aussi pour les couples hétérosexuels. La question de la filiation devra être posée. Certains points devront être repensés. Dans tous les cas, cette question, dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique, ne concerne pas le principe d'égalité.

Pour les couples hétérosexuels, il existe un principe très simple : en amont d'une IAD, les deux conjoints, mariés ou non, signent un consentement de non-contestation de filiation devant un notaire ou un juge. De la même façon, il nous parait évident d'appliquer, pour un couple de femmes qui ferait une IAD en France, le même principe de déclaration conjointe de consentement de non-contestation de la filiation envers le donneur, qui garantit aux deux conjoints une filiation avec l'enfant.

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Madame, monsieur, je vous remercie pour cet exposé. Vous avez fait état d'une augmentation de 78 % du nombre des actes homophobes. Comment expliquez-vous cette augmentation ? Dans ce taux, quelle est la part de la fréquence accrue des actes eux-mêmes – que nous ne nions en rien – et de celle des signalements, due à la libération de la parole ? Et quelle est, dans l'augmentation du nombre d'actes homophobes, la part liée à la médiatisation des évolutions législatives, qu'il s'agisse du mariage pour tous ou des questions liées à la procréation ? Ces débats induisent-ils nombre de réactions tout à fait inopportunes ?

L'un de vos documents présente le parcours du combattant que vivent les femmes homosexuelles désirant des enfants. Vous indiquez qu'il peut vous arriver de rencontrer un gynécologue tenant des propos lesbophobes. Le cas échéant, le signalez-vous au conseil de l'ordre des médecins ? Quelles démarches engagez-vous ? Des poursuites judiciaires ont-elles lieu ? Si vous apprenez la tenue de propos lesbophobes de la part d'un professionnel de santé, comment réagissez-vous pour que cela ne se reproduise plus ?

Dans un autre ordre d'idées, seriez-vous favorable à la création dans notre droit, à côté du don de gamètes anonyme, traditionnellement gratuit, d'un possible don fléché ? Ce don serait toujours gratuit, mais proviendrait d'un membre de l'entourage du couple de femmes, qui se proposerait comme donneur de gamètes, dans un souci de réduction de la pénurie ou de l'attente de gamètes.

Tous ici, et vous-mêmes, nous nous préoccupons avant tout des droits des enfants. Je comprends et trouve tout à fait légitime votre demande de reconnaissance d'un statut aux deux mères, avec filiation double. La législation serait modifiée à cet effet, et nous éviterions ainsi de recourir à la procédure d'adoption, qui est très humiliante. Vous l'avez d'ailleurs très bien décrite, et j'y ai retrouvé ce que j'ai lu dans plusieurs rapports. Pourriez-vous nous décrire plus précisément la modification du droit, qui pourrait conduire à une double filiation automatique ? Nous éviterions ainsi, à l'une des mères d'entamer un parcours qui reste très aléatoire, notamment si un accident survient entre-temps : décès, séparation, etc. L'enfant lui-même est alors pénalisé, or notre objectif est bien de le protéger des aléas de la vie.

Que pensez-vous, par ailleurs, de la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger ? Les familles qui reviennent en France sont en effet soumises à de grandes tracasseries – certaines depuis plus de dix-huit ans. Tout le monde est pénalisé : les familles, les enfants, qui n'ont pas choisi leur mode de procréation, et même notre pays ! Il est humiliant de voir la France condamnée de façon réitérée par la Cour européenne des droits de l'homme.

Ma dernière question porte sur les études prospectives, qui manquent en France. Malheureusement, en effet, la plupart de ces études sur le devenir et le développement des enfants sont réalisées à l'étranger. Elles sont de grande qualité. Ici même, Mme Susan Golombok nous a très bien résumé ses multiples travaux scientifiques, qui nous rassurent sur l'évolution des enfants. Il serait opportun que des études de même nature soient menées en France. Envisagez-vous de soutenir, dans le domaine des sciences humaines, toute proposition d'études prospectives concernant tous les enfants à naître ? Nous pourrions les suivre régulièrement, pour comparer l'évolution intellectuelle et affective des enfants et rassurer ceux qui n'ont pas encore été convaincus par les études de Mme Golombok.

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Joël Deumier, président de SOS Homophobie

Nous constatons, dans la courbe de l'homophobie que nous traçons depuis une vingtaine d'années, que l'on assiste à une augmentation du signalement d'actes homophobes au moment de chaque grande réforme, comme le PACS ou le mariage pour tous. Cette augmentation est difficilement explicable, mais nous émettons deux hypothèses. La première explication est que, dès lors que l'on place au coeur du débat public des sujets qui concernent les LGBT, les victimes sont plus enclines à s'exprimer, ce qui induit une libéralisation de leur parole et une augmentation du nombre des signalements. La seconde explication est liée à la présence de slogans stigmatisant les familles homoparentales, par exemple de la part d'opposants au mariage pour tous ou à la PMA, qui libèrent une parole de haine. Chaque grande réforme de société induit une augmentation de la parole publique homophobe et une banalisation de cette parole par les institutions. Nous vous demandons donc de légiférer rapidement sur la PMA, pour éviter cette montée de violence homophobe dans le débat public et dans le pays.

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Delphine Plantive

Nous recevons des témoignages de femmes qui font principalement état de la méconnaissance des gynécologues. Le lien entre méconnaissance et lesbophobie est complexe. Quand un gynécologue dit à une patiente qu'elle ne court aucun risque car elle n'a pas de rapport avec des hommes, il s'agit bien d'une forme de lesbophobie. Polype, cancer, papillomavirus, etc. : qu'en est-il ? Les femmes lesbiennes aussi courent des risques ! Ces femmes rapportent les faits à SOS Homophobie, mais ne portent pas plainte. Très peu de cas sont recensés car les médecins, heureusement, font très attention à leurs propos. D'autres cas se présentent, comme le mien. Mon gynécologue m'a dit : « Je ne souhaite pas vous suivre dans votre parcours de PMA. » C'est son droit. Je ne peux rien dire. J'ai donc dû chercher un gynécologue qui soit d'accord pour me suivre. Il est essentiel de former les médecins à ce que sont la lesbophobie et la santé des lesbiennes. Des particularités existent, comme quand une femme lesbienne, qui n'a jamais pris la pilule, suit un parcours de PMA : le traitement hormonal doit être adapté. Les gynécologues méconnaissent ces particularités.

Concernant le don fléché avec donneur tiers, la question mérite d'être posée. J'entends la crainte d'une pénurie, notamment pour les couples homosexuels, qui redoutent d'avoir à attendre encore plus longtemps qu'avant. La pénurie de sperme, situation qui existe depuis une quinzaine d'années en France, n'est pas une fatalité. Il revient aux pouvoirs publics de dire aux hommes et aux femmes qu'ils peuvent donner et aider des couples à avoir un enfant. Des politiques publiques pourraient encourager les dons, comme pour le don du sang. La formation au don est faite dans les centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS). Elle ne s'adresse qu'à des personnes déjà au fait du sujet et elle a donc un effet limité. Une politique globale du ministère de la santé, prise en charge par des communicants, est nécessaire pour rassembler un maximum de donneurs, hommes ou femmes. L'ouverture de la PMA à toutes les femmes pourra donner envie à des femmes qui reçoivent du sperme de donner en échange des ovocytes. Il s'agit d'une question de volonté politique, et nous serons ravis de pouvoir aider dans la mesure de nos moyens. Hélas, nous ne sommes pas des communicants.

Concernant la double filiation, il nous paraît essentiel, dans une recherche d'égalité et de clarté, de conserver les dispositions applicables aux couples hétérosexuels et de pouvoir les appliquer aux couples homosexuels, notamment la déclaration conjointe de non-contestation de filiation en amont de l'IAD, qui suppose de se rendre à la mairie à la naissance pour déclarer les deux parents sur l'acte de naissance. Le Conseil d'État propose différentes solutions, notamment d'inscrire la mention de l'IAD sur l'acte de naissance. Nous estimons que tous les enfants doivent avoir la même chance et n'ont pas à porter cela toute leur vie. Leur mode de conception fait certes partie de leur histoire, mais ne regarde personne d'autre qu'eux-mêmes. Je trouve donc cette proposition assez étonnante. En revanche, une mesure très simple est possible : appliquer le même droit aux couples hétérosexuels et homosexuels.

Concernant la reconnaissance des enfants nés de GPA à l'étranger, ces enfants sont actuellement pénalisés, eux qui n'ont pas choisi leur mode de conception. Ils ne peuvent être protégés par leurs deux parents et ne peuvent être reconnus en France. Nous sommes donc pour cette reconnaissance, s'agissant des enfants issus de couples homosexuels comme hétérosexuels. Je souligne que la majorité des enfants nés par GPA à l'étranger naissent dans des familles hétérosexuelles.

Effectivement, peu d'études prospectives sont menées en France ; la plupart se déroulent à l'étranger. Toutefois, quelle représentativité auront ces études si nous n'étudions que les enfants issus de familles homoparentales ou de femmes célibataires ? Elles n'auront de sens que si elles sont menées sur tous les enfants nés de PMA en France, de couples hétérosexuels, de couples de femmes ou de femmes célibataires, afin d'obtenir un échantillon représentative et non biaisé. Rappelons que l'équilibre psychologique des enfants dépend surtout de l'équilibre psychologique des parents. Ces études sont peut-être importantes, et même légitimes, pour rassurer une partie de la population qui se pose des questions, mais nous avons aussi envie de vous inviter à venir voir nos familles. Plus nos familles seront visibles, moins nous craindrons de nous voir discriminés par les institutions ou la société. Plus nos familles seront visibles, plus vous constaterez que nos familles sont les mêmes que les vôtres. Il n'y a aucune différence aujourd'hui entre mon quotidien, que je vis avec ma femme et mon enfant, et celui que j'aurais si j'avais un mari à mes côtés. Le dimanche, je me retrouve avec ma belle-famille à table, comme beaucoup de familles en France. Je veux bien que l'on étudie ma famille, mais je crains que cela n'ait pas grand intérêt. Cela en aura encore moins si ces études ne sont pas réalisées dans le cadre plus large d'une étude sur tous les enfants conçus par PMA en France.

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Nous vous remercions d'être venus jusqu'à nous pour parler de la PMA et des discriminations que subissent les personnes LGBT. Ma question rejoint celle de notre rapporteur sur la recrudescence de faits délictueux, ou plus graves encore, que subissent les personnes LGBT en France. Dans la mesure où vous êtes un observateur privilégié, depuis 1994, de l'évolution de la société vis-à-vis de la population LGBT, vous avez constaté une recrudescence de violence à chaque discussion législative sur l'avancée des droits. Pourriez-vous identifier clairement les auteurs de cette haine organisée ? Pourriez-vous mettre des noms, si vous en avez, sur ceux qui créent de faux débats et de faux problèmes ?

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Madame, je vous remercie tout particulièrement d'avoir expliqué si simplement votre parcours, et surtout sans pathos. J'y suis très sensible. Comme mes collègues, je vais parler des violences homophobes, qui sont en pleine recrudescence. J'ai parlé avec un grand nombre de personnes qui ont subi ces violences. Ne sont-elles pas dues à la société, qui se braque face à tous ces sujets ? Ne devrions-nous pas tout d'abord mettre un terme à toute cette homophobie, avant d'aller plus loin dans d'autres droits que vous revendiquez ? Vous avez obtenu des droits qui ne devraient plus poser de questions, et qui pourtant continuent d'en susciter. Ne prend-on pas le problème dans le mauvais sens ? J'espère être claire, et non pas blessante.

Monsieur, vous avez dit, pour la PMA, qu'il n'était pas question de marchandisation du corps humain, contrairement à la GPA. En revanche, il existe un risque de marchandisation des gamètes. Au Danemark, une banque de sperme existe. Beaucoup de Françaises s'y rendent pour se faire inséminer. Très rapidement, une marchandisation des gamètes émerge, ouvrant la possibilité de faire un choix sur catalogue. Ceux qui peuvent dépenser plus d'argent le font pour avoir des donneurs plus sélectionnés et meilleurs – je m'excuse pour ces termes, le problème est très complexe –, indiquant une marchandisation.

Ma troisième question est aussi une réflexion concernant le référent paternel que vous avez évoqué, madame. Je ne partage pas forcément ce que vous dites. Vous avez beaucoup insisté sur la famille – c'est très joli. Personne ne remet en cause l'amour que vous portez à vos enfants. Vous avez beaucoup dit qu'il fallait protéger les enfants, et nous en sommes évidemment tous d'accord. Les référents masculins peuvent se trouver en dehors du père et de la mère, j'en suis aussi tout à fait d'accord avec vous. Il n'empêche que, de mon point de vue, je vous l'avoue bien humblement, j'ai encore un peu de mal… Je suis encore dans la représentation de la famille traditionnelle avec un papa et une maman. J'ai encore un peu de mal à institutionnaliser un autre modèle – je pèse mes mots. J'ai encore des interrogations sur ce que les enfants ressentent. Vous pourrez sans doute m'en dire plus à ce sujet. Nous savons que les enfants peuvent être très durs dans les cours de récréation : « Toi, tu n'as pas de papa, tu as deux mamans ! » Comment cela se passe-t-il pour vos, pour nos enfants ?

Vous avez beaucoup insisté sur la famille, d'une manière très jolie, mais qu'en est-il pour une femme seule ? Nous savons combien l'arrivée d'un enfant est compliquée quand on est seule. Nous avons besoin de quelqu'un pour nous épauler, que ce soit un homme ou une femme. Que pensez-vous des femmes seules qui veulent avoir un enfant, et donc un accès à la PMA ?

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Président Deumier, madame Plantive, je souhaite tout d'abord vous remercier pour cette audition, et surtout pour l'action quotidienne de SOS homophobie pour la défense des libertés et des droits des personnes LGBT. Je suis élu d'un département rural, les Deux-Sèvres. Je sais à quel point il est important que des acteurs associatifs tels que vous puissent agir pour la défense des libertés et des droits de certaines populations. Nous sommes confrontés, dans certains territoires, à des difficultés qui nécessitent un accompagnement. Vraiment, un grand merci pour votre déploiement sur tout le territoire et pour votre activité.

Lorsque nous embrassons les sujets de bioéthique et, de manière plus triviale, le sujet de la filiation et de la procréation, j'ai la conviction que nous portons une responsabilité en tant que membres de la représentation nationale. Cette responsabilité est de causer le moins de victimes possibles à la suite des débats que nous initions. Vous nous avez rappelé l'augmentation des actes homophobes et la libéralisation de la parole homophobe lors des débats sur le mariage pour tous. Nous constatons que le même mécanisme est à l'oeuvre en 2017 et 2018. Je m'interroge en permanence sur la manière dont nous pourrions mener ces débats sans faire de victimes « collatérales », dirais-je, ou plutôt directes et indirectes.

Vous avez commencé à apporter des éléments de réponse que je partage : nécessité de tenir un débat ramassé et de ne pas l'inscrire dans un temps trop long. J'ai eu le plaisir de me rendre au rassemblement que vous aviez organisé contre les violences faites sur les personnes LGBT dimanche dernier. Parmi les interpellations lancées, un message très fort a résonné à l'adresse de l'État et du Gouvernement, sur la nécessité d'agir, avec de vraies politiques publiques, et de mettre en place de vrais processus de formation sur les LGBT-phobies. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce sujet ?

Parmi les difficultés qui se posent lorsque nous introduisons de tels débats, même dans la conduite de travaux institutionnels, nous constatons l'écueil suivant. Lors des États généraux de la bioéthique, menés par le CCNE, nous savons – c'est le président du comité lui-même, M. Delfraissy, qui l'a déploré – que certains acteurs ont organisé une surmobilisation militante, en l'occurrence La Manif pour tous. Je crois savoir que cela a pu provoquer la désertion d'acteurs associatifs ou d'une partie des participants au sein des ateliers. Les travaux en auraient été biaisés. J'aimerais savoir si c'est bien le cas et comment nous pourrions éviter un tel écueil.

Quant à la PMA, je suis pleinement engagé en faveur de son extension à toutes les femmes. Il ne s'agit que de la suppression d'une discrimination dans l'accès à une pratique médicale, discrimination qui se fonde d'une part sur une orientation sexuelle pour les couples lesbiens, et d'autre part sur un statut matrimonial pour les femmes célibataires. Dans notre République, ce qui est accordé à certains doit être accordé à tous. Au nom du principe de non-discrimination, il faut pouvoir ouvrir la PMA à l'ensemble des femmes.

M. le rapporteur citait les travaux de Mme Golombok, professeure à l'université de Cambridge, qui mettent en évidence que les enfants qui naissent dans des familles homoparentales ou monoparentales ne souffrent d'aucun manque dans leur construction, leur développement et leur émancipation. En France, nous sommes à la peine sur ces travaux de recherche. Nous les glanons à l'étranger – et ils n'en sont pas moins scientifiques. Ils mettent en évidence que la construction des enfants se fait parfaitement.

J'aurais une dernière question, s'agissant de l'ouverture à toutes les femmes de la PMA. Nous abordons assez rarement dans nos travaux la question des hommes transgenres et de l'ouverture de la PMA à ces personnes. J'y suis pleinement favorable, au nom du même principe de non-discrimination à l'égard d'une pratique médicale accessible à certaines Françaises et certains Français. J'aimerais connaître votre point de vue sur ce sujet.

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Chers collègues, je vous remercie pour ces questions très denses.

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Joël Deumier, président de SOS Homophobie

Madame Vanceunebrock-Mialon, votre question portait sur ceux qui sont à l'origine des propos homophobes dans le débat public. Notre position est la suivante : nous respectons le débat, nous comprenons que certaines personnes soient opposées à la PMA, cela est tout à fait légitime. Là n'est pas le problème. En revanche, nous pointons du doigt la montée de la haine homophobe dans la parole publique à l'occasion des débats. Nous ne souhaitons pas revivre ce que nous avons vécu en 2012-2013, à savoir une déferlante de haine contre les familles homoparentales ou contre les personnes LGBT. Cette homophobie n'est pas liée au fait d'être homosexuel ou d'appartenir à une famille homoparentale : c'est bien l'homophobie qui est le problème, et non pas l'homosexualité ou l'homoparentalité.

Conduire beaucoup plus d'actions de prévention de l'homophobie est nécessaire, dans les écoles, les collèges, les lycées, le milieu de l'entreprise, dans tous les domaines. L'homophobie continue à briser des vies, à engendrer un mal-être chez les personnes LGBT. Pensons aux familles homoparentales, aux adolescents et aux enfants de ces familles. Le problème n'est pas l'homoparentalité. Elle est reconnue par la République depuis 2013. Elle existe depuis bien longtemps, depuis des décennies – en réalité, elle a toujours existé. Aujourd'hui, nous voulons simplement que l'homoparentalité soit plus sécurisée. Nous ne demandons pas plus de droits, nous ne demandons qu'une égalité de protection entre toutes les familles.

Il en va de même pour la marchandisation des gamètes. La situation est hypocrite. Celles et ceux qui peuvent se rendre à l'étranger et payer des PMA le font. En France, nous avons la chance de connaître le principe de gratuité du don de gamètes. Ce principe permet de ne pas remettre en cause la non-marchandisation du corps, de nous préserver de tout risque de marchandisation du corps.

Madame Brocard, vous dites que nous courons un risque de marchandisation des gamètes. Au contraire ! En France le principe de gratuité est inscrit dans la loi de bioéthique depuis 1994. En invoquant le principe de non-marchandisation vous agitez le chiffon rouge, vous essayez d'amalgamer les sujets. L'extension de la PMA se fonde sur les règles applicables aujourd'hui, qui sont pleinement respectueuses, du modèle français de bioéthique, comme l'a dit le Conseil d'État. Six ou sept avis ont été rendus par des institutions qui traitent de questions médico-éthiques, dont le Conseil d'État. Toutes ont dit qu'il n'y a aucune contre-indication éthique ou juridique sur la PMA et son extension. Tous les autres questionnements que vous évoquiez sont des questionnements que je respecte, mais qui ne sont pas rationnels ; or, ce que nous souhaitons, c'est un débat rationnel et apaisé. Sur ce point, nous partageons la position de la majorité actuelle. Si le débat et les arguments avancés ne sont plus rationnels, effectivement, nous courons un vrai risque de montée de la haine homophobe !

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Delphine Plantive

Concernant les violences homophobes, vous proposez de lutter d'abord contre les LGBT-phobies avant de parler de filiation, de PMA ou d'égalité. Nous ne pouvons pas dissocier ces deux actions. Nous avons besoin de lois ! L'homophobie ne sera battue que si l'État est derrière nous et dit que nos familles sont comme toutes les autres, qu'il n'y a pas de différence entre elles et qu'elles peuvent accéder, en France, aux mêmes techniques médicales existantes, qu'une femme soit en couple avec un homme ou avec une femme. Allons-nous attendre que les LGBT-phobies disparaissent ? Vous parliez de ma « jolie » formulation sur la famille ; moi aussi je souhaite que nous puissions effacer toutes les LGBT-phobies en France, mais nous savons que ce travail sera long. Nous avons besoin de votre soutien et de l'aide des pouvoirs publics pour former les médecins, les instituteurs et les salariés des entreprises. Nous avons avant tout besoin de lois pour nous protéger, pour protéger nos enfants, et pour montrer à tout le monde que nos familles sont les mêmes.

Nous entendons beaucoup de questions sur le référent paternel. En tant que parents ou futurs parents, nous nous posons cette question, tout comme lorsque nous commençons à comprendre que nous sommes homosexuels. Nous nous demandons si nous aurons nos propres enfants. C'est aussi une question que nous posent nos propres parents, qui se disent que si leur fils ou leur fille est homosexuelle, ils n'auront peut-être pas de petits-enfants, et j'en passe. Ne croyez pas que nous éludions cette question, elle est constante dans notre esprit.

L'adoption est ouverte aux femmes et aux hommes célibataires depuis cinquante ans. À aucun moment nous ne sommes revenus à l'idée qu'une femme seule ou un homme seul ne pourrait pas être un bon parent et ne pourrait donc pas prendre en charge un enfant. Depuis cinquante ans, personne ne s'est dit que si une femme adoptait seule, il n'y aurait pas de référent paternel à ses côtés. La question ressurgit à propos de nos familles, ce qui participe du climat ambiant qui vise à les stigmatiser et à dire : « Regardez, elles sont différentes ! » Depuis cinquante ans, des femmes adoptent sans référent paternel et des hommes adoptent sans référent maternel. La société ne s'est pas effondrée pour autant. Ces enfants ne font pas l'objet de débats. On ne constate pas de difficulté psychique particulière chez eux. J'entends votre attachement à la famille traditionnelle. Certes, la famille traditionnelle existe. J'ai eu un papa et une maman. Ma femme a eu un papa et une maman. Notre famille n'entre pas dans ce schéma, mais cette famille est tout aussi respectable, avec les mêmes inquiétudes pour nos enfants et les mêmes souhaits. Nous allons éduquer notre enfant, lui inculquer des valeurs, l'inscrire dans une lignée et surtout veiller à son bien-être. Toutes les familles ont leur histoire. Voyez l'ensemble des modèles familiaux ! À l'instar des familles recomposées, la famille traditionnelle doit pouvoir cohabiter avec des modèles familiaux différents.

Je vous remercie, monsieur Chiche, d'avoir posé la question sur les hommes transgenres. La question est compliquée, car chaque cas est différent. Chaque cas de transition implique un protocole particulier : opérations ou non, traitements hormonaux, etc. L'encadrement des personnes transgenres dans le cas d'une PMA devra se faire au cas par cas.

Les débats sur la bioéthique ont-ils été noyautés par des personnes qui étaient contre un certain nombre d'ouvertures ? Il ne nous revient pas de répondre à cette question : c'est l'affaire du modérateur du CCNE. Nous avons constaté, en nous rendant sur le site internet des États généraux de la bioéthique, qu'il était très difficile de répondre aux questions. Je prendrai un exemple : « Des femmes font un voyage vers l'étranger. Êtes-vous favorables ou non ? » Comment répondre ? Dans les commentaires, nous pouvions lire que les femmes partant à l'étranger étaient comparées à des terroristes. Qui souhaiterait répondre dans ces circonstances ? Mon point de vue est ici très personnel. Je ne peux pas répondre pour tous les Français. Un modérateur pourra le faire. Quoi qu'il en soit, il est intéressant que ces débats aient eu lieu, et qu'ils se portent dans l'hémicycle.

Mesdames et messieurs, je vous demande, s'il vous plaît, de faire attention. Il est parfois difficile d'utiliser les bons termes – vous l'avez rappelé, madame Brocard. Pendant la discussion de la loi sur le mariage pour tous, nous avons pu entendre des mots comme « zoophilie » ou « anormaux ». Attention ! Nous serons vigilants. Les propos des élus de la République se retrouvent dans la cour d'école. Madame Brocard, vous parliez des enfants dans les cours d'école. Quand des députés se permettent de prononcer des paroles extrêmement virulentes sur nos familles, les enfants se disent qu'ils peuvent en faire autant : « Si ce monsieur, qui est élu, qui a fait des études et qui représente beaucoup de gens le dit, pourquoi pas moi ? » Nous avons besoin de votre aide, pour que le débat soit apaisé et pour protéger nos enfants, nous-mêmes, et – même si cela est naïf – nos proches. Parents et grands-parents, eux aussi s'en prennent plein la figure.

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Vous le constaterez, nous avons eu un débat apaisé. Je souhaite qu'il en soit ainsi tout au long de la matinée.

L'audition s'achève à neuf heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 8h30

Présents. – M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, M. Guillaume Chiche, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Patrick Hetzel, Mme Caroline Janvier, M. Alain Ramadier, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, Mme Annie Vidal

Excusée. – Mme Bérengère Poletti

Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Marc Le Fur, M. Maxime Minot, M. Laurent Saint-Martin