Intervention de Jean Terlier

Séance en hémicycle du lundi 17 septembre 2018 à 16h00
Lutte contre la fraude — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Terlier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, mes chers collègues, lutter contre la fraude fiscale et sociale, dont les montants annuels, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, représentent entre 60 et 80 milliards d'euros, n'est pas simplement une exigence d'ordre budgétaire. C'est également, et peut-être en premier lieu, un véritable impératif démocratique. En effet, la fraude fiscale porte un lourd préjudice au consentement à l'impôt, qui demeure l'un des principes majeurs garantis par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et qui constitue, historiquement, le fondement de notre démocratie parlementaire.

Combattre efficacement la fraude fiscale suppose de s'en donner les moyens. C'est précisément le sens du projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Ce texte poursuit un objectif que nous avons toutes et tous en partage : renforcer les armes dont dispose l'État afin de mieux détecter la fraude et, le cas échéant, de la sanctionner de façon rapide et dissuasive.

Améliorer l'efficacité de l'organisation administrative et des procédures pénales en matière de lutte contre la fraude fiscale et sociale intéresse directement la commission des lois, qui s'est donc saisie pour avis de neuf articles. Je rappelle que la commission des lois a créé, le 11 octobre 2017, conjointement avec la commission des finances, une mission d'information commune sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, dont le rapport a été rendu le 23 mai dernier. Permettez-moi de saluer le travail transpartisan accompli par Émilie Cariou et Éric Diard, qui éclaire utilement les défis auxquels ce projet de loi doit désormais répondre.

Examiné au Sénat au début de l'été, ce texte a été substantiellement modifié par nos collègues sénateurs, qui ont supprimé et ajouté plus d'une dizaine d'articles. Dans des délais particulièrement contraints, la commission des lois et la commission des finances ont réalisé un examen très détaillé de l'ensemble des dispositions contenues dans ce projet de loi. Je tiens à remercier chaleureusement Émilie Cariou, aux cotés de laquelle j'ai pu participer aux nombreuses auditions préparatoires qu'elle a organisées en tant que rapporteure de la commission des finances.

Sur les neuf articles dont elle s'est saisie pour avis, et au terme du travail que j'ai mené en tant que rapporteur pour avis, la commission des lois s'est prononcée en faveur du rétablissement de l'article 1er, supprimé par le Sénat. Cet article autorise la création d'un nouveau service à compétence nationale chargé de mener des enquêtes judiciaires en matière fiscale.

Il s'agit d'une avancée utile et concrète, qui renforce la lutte contre la fraude fiscale. Elle permettra la création d'une véritable police fiscale, placée sous la direction d'un magistrat et auprès du pôle judiciaire formé par le service national de douane judiciaire – SNDJ. D'ailleurs, ce futur service d'enquête judiciaire fiscale, dont la spécialisation est rendue nécessaire par la complexité des dossiers à traiter, travaillera en étroite collaboration avec celui-ci, ce qui pourrait permettre une mutualisation des moyens dévolus à la lutte contre la fraude fiscale.

Par ailleurs, un amendement présenté par notre collègue du MODEM Laurence Vichnievksy a été adopté par la commission des lois et par la commission des finances. Il vise à faciliter le dépôt de plainte pour fraude fiscale, non plus seulement par les services en charge de l'assiette ou du recouvrement de l'impôt, mais aussi par ceux chargés uniquement du contrôle de celui-ci. Cette simplification s'avère très utile en vue de fluidifier la mise en oeuvre de l'action publique.

Parmi les modifications apportées lors de l'examen du projet de loi au sein des deux commissions, je me félicite de la réécriture intégrale de l'article 13 par la commission des finances en vue d'aménager le verrou de Bercy, au moyen d'un dispositif à la fois moins restrictif et plus sûr juridiquement que celui adopté par le Sénat. Il s'agit d'étendre et de renforcer l'action menée par l'autorité judiciaire relative au déclenchement de poursuites pénales en matière de fraude fiscale. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen de cet article.

Enfin, je tenterai de vous convaincre, mes chers collègues, de la nécessité d'encadrer les dispositions de l'article 7 relatives aux sanctions administratives susceptibles d'être infligées aux tiers complices de fraude. Il me semble judicieux de renforcer les garanties procédurales afin de subordonner la prise de sanctions administratives à la condamnation pénale définitive du contribuable fautif, en vue d'assurer le respect du principe de sécurité juridique.

Comme vous le voyez, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude témoigne d'une ambition sans faille : combattre un fléau qui fragilise nos finances publiques et s'attaque à ce qui constitue le coeur de la solidarité nationale. Ce texte fournit de nouveaux outils juridiques indispensables à l'efficacité de l'action administrative et judiciaire, compte tenu de l'étendue et de l'ampleur des infractions, dont la gravité n'est plus à démontrer. À ce titre, il convient d'approfondir la coopération inter-étatique aux échelles européenne et internationale, dans laquelle, je le sais, le Gouvernement s'est engagé de façon claire et déterminée.

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