Intervention de Charles Eury

Réunion du jeudi 26 avril 2018 à 16h00
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE) :

Je préciserai pour commencer le contexte de l'exercice professionnel des infirmières puéricultrices. Elles acquièrent leurs compétences au terme de douze mois d'une formation spécialisée, accessible sur concours après le diplôme d'État infirmier. On en compte aujourd'hui près de 21 000 en France, dont 60 % travaillent en milieu hospitalier, dans les services de pédiatrie ou de néonatalogie par exemple, et 40 % en milieu extrahospitalier – dans les services de protection maternelle et infantile (PMI) et les établissements d'accueil du jeune enfant – ou en libéral ; mais ce dernier mode d'exercice reste marginal pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons.

Le problème de l'accès aux soins et de la désertification médicale affecte toute la population, mais plus particulièrement les familles et les jeunes enfants. En effet, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé, la répartition territoriale des médecins spécialistes est plus inégalitaire que celles des médecins généralistes, et l'inégalité d'accès aux soins pédiatriques est particulièrement marquée : l'accessibilité est près de quatorze fois supérieure dans les 10 % des communes les mieux dotées en pédiatres à ce qu'elle est dans les communes les moins bien dotées et, en 2013, un quart de la population résidait dans une commune située à plus de 20 minutes du pédiatre le plus proche, et à plus de 45 minutes pour 4 % de la population. Si l'on prend aussi en compte les difficultés d'accès à un médecin généraliste et, de plus en plus fréquemment, aux services d'urgence, c'est là au moins une double peine pour les enfants et leur famille.

L'élargissement des compétences des infirmières puéricultrices permettrait d'apporter, en collaboration avec les autres professionnels de santé, une réponse aux besoins de santé des enfants et de leur famille. Le médecin généraliste pourrait alors faire appel à l'infirmière puéricultrice pour prendre en charge un enfant ayant besoin d'un suivi particulier ; les pédiatres pourraient assurer le suivi de plus nombreux enfants en collaboration avec les puéricultrices ; les centres de PMI pourraient confier plus de responsabilités aux puéricultrices pour proposer des consultations, l'orientation vers d'autres professionnels spécialisés ou encore un suivi vaccinal simplifié.

Plusieurs dispositions peuvent être envisagées à cette fin. Certaines, relativement simples, peuvent être effectives rapidement, d'autres permettent d'envisager différemment l'organisation du parcours de santé de l'enfant et visent à promouvoir sa santé.

Ainsi pourrait-on décider l'élargissement des compétences vaccinales en autorisant les puéricultrices, spécifiquement formées à la prise en charge de la douleur de l'enfant et à la réalisation d'injections particulières chez le tout-petit, à réaliser de manière autonome les rappels des vaccinations. De la sorte, on faciliterait l'acte vaccinal, notamment en PMI. La définition, inexistante à ce jour dans la nomenclature générale, d'actes spécifiques aux infirmières puéricultrices, favoriserait une activité libérale aujourd'hui extrêmement difficile puisque le temps supplémentaire consacré à une prise en charge adaptée de l'enfant n'est pas pris en compte financièrement. La possibilité pour les puéricultrices de réaliser les certificats médicaux d'entrée en établissements d'accueil de jeunes enfants – où elles exercent déjà – libérerait du temps médical embolisé par le grand nombre de certificats à rédiger.

Les moyens de la PMI et de la médecine scolaire doivent être ajustés aux besoins. La PMI souffre d'un grave manque de ressources et les disparités locales dans l'organisation des centres sont importantes. La norme actuelle – une puéricultrice pour 250 naissances annuelles dans un département – est peu ou mal appliquée et ne correspond plus aux besoins. Les missions confiées aux professionnels doivent être repensées.

Pour ce qui est la médecine scolaire, près d'un enfant âgé de 6 ans sur deux n'a pas eu d'examen médical pendant l'année scolaire 2015-2016. Si le Gouvernement souhaite améliorer la situation, on peut s'interroger sur la capacité actuelle du système de santé scolaire à répondre aux besoins. Or, les puéricultrices n'ont aucune reconnaissance spécifique au sein de l'Éducation nationale, ce qui aiderait pourtant à mobiliser leurs compétences.

À moyen terme, la création de formations en pratique avancée, de courte durée mais ouvertes uniquement aux infirmières puéricultrices ayant une certaine expérience professionnelle, permettrait, dans le cadre d'un exercice coordonné par le médecin traitant, de faire des consultations avec la possibilité de diagnostics et d'orientations. Cela doit être prévu dès maintenant dans les textes en cours d'élaboration par le ministère.

Enfin, la révision actuelle du diplôme d'État doit être finalisée pour permettre dès la rentrée 2019 la formation en deux ans des puéricultrices au niveau du master. Cela permettra une montée en compétences au service de la santé de l'enfant ; elle doit être anticipée pour que l'exercice professionnel use au mieux des nouvelles possibilités offertes par ce niveau de formation. Il faut pour cela ajuster la réglementation actuelle.

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