Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Réunion du jeudi 26 avril 2018 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PMI
  • exercice
  • infirmière
  • médecin
  • puéricultrice
  • pédiatre
  • scolaire
  • soin
  • spécifique

La réunion

Source

Jeudi 26 avril 2018

La séance est ouverte à seize heures.

Présidence de M. Alexandre Freschi, président de la commission d'enquête

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La commission d'enquête entend les représentants de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants.

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Nous allons entendre l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE), dont je remercie les représentants d'avoir bien voulu se rendre à notre invitation. Nous avons décidé de rendre publiques nos auditions. En conséquence, elles sont ouvertes à la presse, diffusées en direct sur un canal de télévision interne et pourront être consultées en vidéo sur le site internet de l'Assemblée nationale.

Avant de vous donner la parole pour une intervention liminaire, je vous indique, madame, messieurs, que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Charles Eury, Mme Anaïs Valencas et M. Jean-Christophe Boyer prêtent successivement serment.

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

Je préciserai pour commencer le contexte de l'exercice professionnel des infirmières puéricultrices. Elles acquièrent leurs compétences au terme de douze mois d'une formation spécialisée, accessible sur concours après le diplôme d'État infirmier. On en compte aujourd'hui près de 21 000 en France, dont 60 % travaillent en milieu hospitalier, dans les services de pédiatrie ou de néonatalogie par exemple, et 40 % en milieu extrahospitalier – dans les services de protection maternelle et infantile (PMI) et les établissements d'accueil du jeune enfant – ou en libéral ; mais ce dernier mode d'exercice reste marginal pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons.

Le problème de l'accès aux soins et de la désertification médicale affecte toute la population, mais plus particulièrement les familles et les jeunes enfants. En effet, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé, la répartition territoriale des médecins spécialistes est plus inégalitaire que celles des médecins généralistes, et l'inégalité d'accès aux soins pédiatriques est particulièrement marquée : l'accessibilité est près de quatorze fois supérieure dans les 10 % des communes les mieux dotées en pédiatres à ce qu'elle est dans les communes les moins bien dotées et, en 2013, un quart de la population résidait dans une commune située à plus de 20 minutes du pédiatre le plus proche, et à plus de 45 minutes pour 4 % de la population. Si l'on prend aussi en compte les difficultés d'accès à un médecin généraliste et, de plus en plus fréquemment, aux services d'urgence, c'est là au moins une double peine pour les enfants et leur famille.

L'élargissement des compétences des infirmières puéricultrices permettrait d'apporter, en collaboration avec les autres professionnels de santé, une réponse aux besoins de santé des enfants et de leur famille. Le médecin généraliste pourrait alors faire appel à l'infirmière puéricultrice pour prendre en charge un enfant ayant besoin d'un suivi particulier ; les pédiatres pourraient assurer le suivi de plus nombreux enfants en collaboration avec les puéricultrices ; les centres de PMI pourraient confier plus de responsabilités aux puéricultrices pour proposer des consultations, l'orientation vers d'autres professionnels spécialisés ou encore un suivi vaccinal simplifié.

Plusieurs dispositions peuvent être envisagées à cette fin. Certaines, relativement simples, peuvent être effectives rapidement, d'autres permettent d'envisager différemment l'organisation du parcours de santé de l'enfant et visent à promouvoir sa santé.

Ainsi pourrait-on décider l'élargissement des compétences vaccinales en autorisant les puéricultrices, spécifiquement formées à la prise en charge de la douleur de l'enfant et à la réalisation d'injections particulières chez le tout-petit, à réaliser de manière autonome les rappels des vaccinations. De la sorte, on faciliterait l'acte vaccinal, notamment en PMI. La définition, inexistante à ce jour dans la nomenclature générale, d'actes spécifiques aux infirmières puéricultrices, favoriserait une activité libérale aujourd'hui extrêmement difficile puisque le temps supplémentaire consacré à une prise en charge adaptée de l'enfant n'est pas pris en compte financièrement. La possibilité pour les puéricultrices de réaliser les certificats médicaux d'entrée en établissements d'accueil de jeunes enfants – où elles exercent déjà – libérerait du temps médical embolisé par le grand nombre de certificats à rédiger.

Les moyens de la PMI et de la médecine scolaire doivent être ajustés aux besoins. La PMI souffre d'un grave manque de ressources et les disparités locales dans l'organisation des centres sont importantes. La norme actuelle – une puéricultrice pour 250 naissances annuelles dans un département – est peu ou mal appliquée et ne correspond plus aux besoins. Les missions confiées aux professionnels doivent être repensées.

Pour ce qui est la médecine scolaire, près d'un enfant âgé de 6 ans sur deux n'a pas eu d'examen médical pendant l'année scolaire 2015-2016. Si le Gouvernement souhaite améliorer la situation, on peut s'interroger sur la capacité actuelle du système de santé scolaire à répondre aux besoins. Or, les puéricultrices n'ont aucune reconnaissance spécifique au sein de l'Éducation nationale, ce qui aiderait pourtant à mobiliser leurs compétences.

À moyen terme, la création de formations en pratique avancée, de courte durée mais ouvertes uniquement aux infirmières puéricultrices ayant une certaine expérience professionnelle, permettrait, dans le cadre d'un exercice coordonné par le médecin traitant, de faire des consultations avec la possibilité de diagnostics et d'orientations. Cela doit être prévu dès maintenant dans les textes en cours d'élaboration par le ministère.

Enfin, la révision actuelle du diplôme d'État doit être finalisée pour permettre dès la rentrée 2019 la formation en deux ans des puéricultrices au niveau du master. Cela permettra une montée en compétences au service de la santé de l'enfant ; elle doit être anticipée pour que l'exercice professionnel use au mieux des nouvelles possibilités offertes par ce niveau de formation. Il faut pour cela ajuster la réglementation actuelle.

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Je vous remercie pour ce propos concis et efficace. On en retient que vous voyez dans la délégation de tâches une mine de possibilités. Deux voies d'action me paraissent d'une importance particulière. La première est le soutien aux pédiatres, dont le nombre est gravement insuffisant en ville comme à l'hôpital ; d'ailleurs, il serait bon que vous nous disiez comment votre implication à l'hôpital peut être renforcée. La seconde concerne les établissements d'enseignement : les infirmières scolaires sont si peu nombreuses qu'il y en a parfois une seule pour deux collèges ou deux lycées ; vous pourriez leur apporter un soutien marqué. D'autre part, si la formation des puéricultrices se fait désormais en cinq ans, n'y a-t-il pas un risque de déperdition des étudiants, dont certains pourraient s'interroger sur l'utilité de si longues études pour un avenir professionnel incertain ? Enfin, alors même que le manque de médecins est criant dans les centres de la PMI, toute ouverture d'un centre de loisirs suppose que l'un d'eux ait contrôlé le respect de la conformité des locaux aux règles relatives à l'accueil des enfants scolarisés de moins de six ans. Ne pourrait-on vous déléguer cette tâche ? En est-il question ?

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

Avant de parler de délégation de tâches, il faudrait utiliser les compétences spécifiques acquises au cours de la formation. Alors que nous avons suivi un cursus spécialisé de douze mois assez dense, notre exercice professionnel est le même que celui de l'infirmière ayant suivi la seule formation initiale. Mobiliser entièrement nos compétences permettrait de faire bien davantage et en particulier de réaliser les contrôles relativement simples que vous avez mentionnés. Auditionnés par le Conseil social, économique et environnemental (CESE) au sujet de la médecine scolaire, nous avions évoqué la reconnaissance de nos compétences spécifiques. Nous avions proposé que les puéricultrices assurent la coordination entre les infirmières scolaires et les médecins, et accompagnent les infirmières, dont je rappelle que la formation initiale, depuis la réforme de 2009, ne comprend plus d'enseignement pédiatrique. Il nous paraîtrait tout à fait pertinent d'être le chaînon intermédiaire entre médecins et infirmières. Un très grand nombre d'actes de ce type pourraient être imaginés.

Cela rejoint votre observation relative au risque de déperdition des étudiants. Si l'on n'ajuste pas l'exercice professionnel à la nouvelle formation pour tenir compte des compétences particulières acquises, de nombreux étudiants se demanderont effectivement quel intérêt ils ont à suivre une formation supplémentaire de deux ans si cela les conduit à un exercice professionnel similaire à celui d'une infirmière n'ayant qu'une formation initiale. La question doit donc être envisagée sous deux aspects : pour le système de santé, il faut mobiliser des compétences disponibles mais inutilisées ; d'autre part, la formation des étudiants doit leur permettre de mobiliser réellement les compétences acquises.

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Comment expliquez-vous les oppositions au plein exercice de vos compétences ?

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Jean-Christophe Boyer, conseiller juridique de l'ANPDE

Il y a d'abord une difficulté d'ordre juridique : la loi renvoie à une liste de soins infirmiers définie par décret, nullement au contenu de la formation. C'était un problème pour les trois spécialités, et s'il a été réglé pour les infirmiers anesthésistes diplômés d'État (IADE) en 1988 et pour les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (IBODE) en 2015, il ne l'a pas été pour les puéricultrices. Il faut donc inscrire le contenu des actes dans le décret de compétences infirmier – les articles R. 4311-1 et suivants du code de la santé publique. Actuellement, les étudiants en puériculture suivent, après avoir obtenu le diplôme d'infirmier, une formation complémentaire de douze mois qui porte sur la physiologie de l'enfant, une discipline qui n'est pas enseignée en formation initiale. Or, cette compétence supplémentaire n'est pas transcrite dans le décret ; nous sommes contraints de le quémander au ministère.

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Jean-Christophe Boyer, conseiller juridique de l'ANPDE

Je pense que les infirmiers diplômés d'État craignent de se voir soustraire un champ de compétences. C'est une vision très étriquée, alors même que les compétences acquises par les puéricultrices permettraient de leur confier une analyse clinique en première intention. Venir en renfort du médecin, ce n'est rien prendre aux infirmiers diplômés d'État. Pourtant, il suffit que nous tentions d'obtenir des rendez-vous pour présenter nos demandes pour être cueillis à froid avec l'argument que nous cherchons à scinder le champ de compétence des infirmiers. Nous avons fait une seconde tentative lors de l'élaboration du projet de loi de santé de 2016, qui instituait les infirmières de pratique avancée. Nous considérions que nous pourrions disposer là d'une deuxième base juridique permettant de confier aux infirmiers de spécialité des missions de soins entre le médecin et la première ligne infirmière. Voyez ce qu'il est advenu : le texte s'est traduit par une fin de non-recevoir, les spécialités n'étant pas concernées. Les IADE et les IBODE ont réussi à négocier et à obtenir des champs de compétence supplémentaires, mais pour les puéricultrices, la négociation n'est même pas ouverte.

D'autre part, le passage à une formation spécialisée en deux ans est une idée extrêmement dangereuse : allez convaincre un établissement de financer la formation professionnelle d'une infirmière diplômée d'État qui veut devenir puéricultrice, mais qui, à son retour, n'aura le droit que de faire exactement ce qu'elle faisait auparavant ! Il y a eu un précédent pour les IBODE au début des années 2000 et cela avait entraîné la chute du nombre d'inscrits dans les écoles. Le risque est que si l'on ne reconnaît pas le champ d'exercice professionnel propre aux puéricultrices, le passage à une formation complémentaire en deux ans entraîne la diminution du nombre de professionnels qui parviendront à se spécialiser.

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Anaïs Valencas, secrétaire générale de l'ANPDE

Je compléterai ce propos en précisant que l'article R. 4311-13 du code de la santé publique dispose que certains actes concernant les enfants de la naissance à l'adolescence sont à réaliser en priorité par une infirmière titulaire du diplôme d'État, sans qu'il soit question d'exclusivité.

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

Un exemple vous éclairera. Lors d'une séance récente du Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP) a été présenté un projet d'arrêté modifiant la liste des personnes pouvant recevoir un rappel de vaccination antigrippale de la main d'un infirmier, sans prescription médicale. L'élargissement préconisé visait à une mise en conformité avec les recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). J'ai proposé que les vaccinations antigrippales concernant les enfants souffrant de certaines pathologies soient réservées aux personnes ayant une formation spécifique – les puéricultrices. Finalement, le texte publié ne concerne que l'adulte ; les enfants ne sont pas mentionnés. En résumé, plutôt que de donner la possibilité aux puéricultrices et puériculteurs de réaliser cet acte, on a préféré exclure les enfants du champ de l'arrêté, alors même que la proposition d'amendement avait reçu un avis unanimement favorable du HCPP.

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Il nous faudra donc essayer de remédier à l'absence de mention des compétences spécifiques des puéricultrices, comme on a su le faire pour les IBODE, pour qu'elles soient parfaitement identifiées. Avez-vous une vision générale de ce que pourrait être la répartition des actes ou des tâches entre les médecins et les puéricultrices ? Des expérimentations de vaccinations par les pharmaciens ont été faites, que l'on parle de généraliser. Je ne serais pas opposé à ce que, pour les jeunes enfants, ce soient plutôt des puéricultrices qui interviennent. La primo-vaccination reste sous la responsabilité du médecin pour le moment, mais je n'ai pas de religion en la matière et je pense que les infirmières, qui font des intraveineuses tous les jours, pourraient même faire les primo-vaccinations. J'ai pris note de la contribution que vous pourriez apporter à la vaccination des enfants et de votre conviction de pouvoir favoriser un meilleur accès aux soins dans un milieu scolaire confronté à une pénurie de pédiatres. Au-delà, quelle est votre approche au sujet de l'accès aux soins en général ? En tant que citoyens, quel jugement portez-vous sur l'évolution de l'ensemble auquel vous prêtez votre concours et sur les mesures prises ces dernières années ?

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

S'agissant de la répartition des actes entre médecins et puéricultrices, nous vous avons dit notre sentiment au sujet de la vaccination. Nous n'avons pas dressé la liste précise des actes que chacun pourrait réaliser, mais une consultation nationale est en cours auprès des puéricultrices et des puériculteurs, et des rendez-vous sont prévus avec différentes organisations, de pédiatres notamment. Il résultera de cette consultation un livre blanc, que nous publierons d'ici la fin de l'année ; il contiendra des propositions sur ce qui peut être réalisé par chacun et sur ce que peut être notre contribution.

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Il vous faudrait être un peu plus précis avant que nous ne publiions notre propre rapport, car on comprend bien que déléguer certaines tâches à des personnels paramédicaux ou reconnaître qu'ils ont la compétence requise pour accomplir certains actes relève des mesures d'urgence en faveur de l'accès aux soins en milieu scolaire. Le niveau de prise en charge des enfants, dans les lycées, dans les collèges et à l'école, est tel que l'on ne peut qu'améliorer les choses.

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

Qu'il s'agisse de la vaccination, de la médecine scolaire ou de l'activité libérale, nos propositions sont précises. Parce que nous pensons pouvoir aller encore plus loin, nous avons lancé des consultations avec les différentes institutions médicales. Nous souhaitons par ce moyen parvenir à des propositions qui auraient un impact global sur le système de santé. Nous cherchons à en finir avec une certaine frilosité, en élargissant les compétences et en cassant les carcans qui font que chaque profession reste dans ses retranchements. Les possibilités seraient bien plus nombreuses si on élargissait les capacités et les compétences de chacun en matière de prévention. Le service sanitaire est une bonne chose, mais chacun n'en a pas forcément la vision transversale qui est la nôtre, puisque nous exerçons à la fois en libéral, dans le cadre de l'école, en milieu hospitalier et extrahospitalier. De manière générale, il faut avoir une vision plus transversale, pas obligatoirement celle d'actes précis à un instant T.

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Jean-Christophe Boyer, conseiller juridique de l'ANPDE

Ce qui est applicable directement et permettrait d'avancer serait de faire sauter le verrou juridique auquel nous nous heurtons. Il faut cesser de considérer que les puéricultrices ont le même champ de compétences que les infirmières diplômées d'État et celui-là seulement, alors que – c'est ce qui est si difficilement transposable dans le décret de compétences – la puéricultrice, connaissant la physiologie de l'enfant, est capable d'une analyse clinique médicale en première ligne, évidemment coordonnée par le médecin et en suivant ses directives. Elle peut aussi répondre au besoin de prévention. L'infirmière diplômée d'État, elle, a une approche du soin par actes et n'a pas eu une formation pédiatrique. Si vous décloisonnez et reconnaissez aux puéricultrices un champ de compétences étendu à des missions spécifiques de diagnostic pédiatrique, un médecin qui, en PMI ou en milieu scolaire, a besoin de temps pour rencontrer les enfants et les familles, pourra demain être efficacement secondé par la puéricultrice. Pour l'instant, dans les centres de PMI comme en milieu scolaire, les médecins ignorent que les infirmières diplômées d'État n'ont pas de formation spécifique ; pour eux, une infirmière diplômée et une puéricultrice sont équivalentes. À mon sens, c'est sur ce plan que les choses peuvent se jouer. Il ne faut pas raisonner par acte mais privilégier le modèle retenu pour les IADE en l'adaptant à la petite enfance.

De même, les sages-femmes, qui ont toute leur place dans la prise en charge de la mère à la sortie de la maternité, ont dans leur champ de compétences le suivi des enfants de la naissance à 28 jours, mais elles ne se concentrent pas sur ce sujet parce que ce n'est pas leur mission première, et c'est le médecin qui doit prendre le relais pour assurer les visites obligatoires. En créant un binôme associant la sage-femme et la puéricultrice sur prescription d'un médecin généraliste ou d'un pédiatre, on développerait un secteur libéral répondant à la demande, au moment où les pédiatres sont trop peu nombreux pour voir personnellement chaque famille et chaque enfant.

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Anaïs Valencas, secrétaire générale de l'ANPDE

Dans les établissements d'accueil du jeune enfant, où le recrutement des médecins devient de plus en plus difficile, les puéricultrices pourraient réaliser l'examen d'aptitude à la collectivité.

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En résumé, il faudrait parcourir pour les puéricultrices le chemin parcouru pour les sages-femmes ?

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

Nous disons, depuis un certain temps qu'il faut utiliser les compétences existantes. Ne pas le faire, c'est jeter l'argent de la collectivité par la fenêtre, puisqu'une formation spécifique de douze mois a été suivie, qui va passer à deux ans. Reconnaître ces compétences particulières permettra de fluidifier les choses et d'être plus efficaces.

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Je peine à déterminer si le problème est d'ordre législatif ou réglementaire.

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Jean-Christophe Boyer, conseiller juridique de l'ANPDE

Selon le décret de compétence, « est considérée comme exerçant la profession d'infirmière ou d'infirmier toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical (…) ». Le problème tient à ce que le décret s'en tient à dresser une liste d'actes. On peut donc se demander si la base réglementaire suffit à confier de l'analyse clinique à une puéricultrice. Sans doute devrez-vous en débattre.

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Les autres professions médicales mettent-elles un frein à ce que vous exerciez l'ensemble de vos compétences ?

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Jean-Christophe Boyer, conseiller juridique de l'ANPDE

C'est souvent par méconnaissance. Quand on évoque devant un médecin l'éventualité de faire prescrire un acte par un infirmier, il a le sentiment que l'on tente de transformer un acte médical en mission infirmière. C'est une erreur : il s'agit d'un acte médical qui peut être confié à un auxiliaire médical. Les médecins ont souvent l'impression qu'on les dépossède de leur pratique, mais ils n'en sont pas dépossédés puisqu'ils en sont à l'origine : ce sont eux qui décident de confier, ou non, une certaine mission à leur collaborateur auxiliaire médical. Il faut user de pédagogie pour faire disparaître ces réserves.

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Combien de professionnels sont formés chaque année ? Disposez-vous d'une cartographie permettant d'apprécier leur répartition territoriale, au cas où de nouvelles responsabilités vous étaient confiées dans le domaine de la petite enfance ?

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

Un millier d'étudiants sont formés chaque année et 21 000 puéricultrices et puériculteurs, dont quelque 40 % travaillent dans le secteur extrahospitalier, sont installés, qui pourraient, demain, accomplir certains actes qu'ils ne sont pas autorisés à réaliser aujourd'hui. Notre répartition sur le territoire national est homogène, ce qui est assez rare, puisque nous travaillons notamment dans les centres de PMI, et donc dans chaque département. Si de nouvelles compétences nous sont reconnues, il sera certainement nécessaire de former davantage de professionnels, mais la refonte du diplôme devrait conduire à l'universitarisation et à la formation de puéricultrices en nombre supplémentaire chaque année. La répartition territoriale est bonne et les professionnels en exercice déjà nombreux.

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Lorsque vous vous installez en libéral, votre exercice est-il exclusivement libéral ou est-ce un exercice mixte ?

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

Parce que nos actes ne sont pas reconnus dans la nomenclature, il nous est assez difficile de nous installer en libéral. Cependant, des installations ont lieu dans le cadre de cabinets réunissant plusieurs professionnels, ce qui permet de répartir les tâches, et dans ce cas, cela fonctionne très bien. J'en connais un exemple à Bordeaux, et la demande des parents est forte. Mais cette modalité d'exercice est limitée, faute de reconnaissance financière d'une activité spécifique qui demande plus de temps qu'un acte simple défini dans la nomenclature.

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Quelles sont vos propositions précises visant à compléter la nomenclature des actes comme on la fait pour les sages-femmes, pour lesquelles une consultation sui generis a été créée, assortie d'une tarification et d'une tarification complémentaire dans les cas de suivi de grossesses gémellaires ?

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

Le suivi vaccinal et le suivi de l'allaitement, par exemple. Nous vous transmettrons un document précis.

Je reviens un instant sur les freins mis à notre exercice. Nous demandons au ministère la création d'un groupe de travail pour pousser la réflexion sur ces questions et notamment sur la refonte du diplôme, mais l'on nous dit que l'on ne peut aller plus loin que la réglementation actuelle et qu'il n'y a pas de marge de manoeuvre pour la changer. Le blocage est patent.

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Vos collègues étrangers, venus de pays membres de l'Union européenne ou de pays tiers, exercent-ils en France ?

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Charles Eury, président de l'Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE)

Des collègues venant de pays membres de l'Union, oui. Le système français est une sorte d'exception en Europe en raison de la transversalité de nos modes d'exercice. Ailleurs, ce sont plutôt des infirmières spécialisées : soit elles exercent à l'hôpital, soit ce sont des directrices de structures d'accueil des jeunes enfants, soit il s'agit d'infirmières visiteuses familiales. Nos collègues, à l'étranger, peuvent réaliser bien davantage d'actes techniques dans les services hospitaliers que nous en France.

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Jean-Christophe Boyer, conseiller juridique de l'ANPDE

Pour ce qui est de la méthodologie, nous ne voudrions pas voir se répéter pour les puéricultrices ce qui s'est produit pour d'autres spécialités : que l'on mette la charrue avant les boeufs. Il est primordial et urgent de faire évoluer le champ de compétence en même temps que l'on modifie les modalités de formation. Or, nous ne sommes pas entendus : nous frappons toujours à la porte, mais aucun groupe de travail n'est installé au ministère pour s'atteler à cette réflexion. Le problème est réel.

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Nous avons noté vos interventions et nous prendrons connaissance avec intérêt de vos propositions écrites.

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Madame, messieurs, je vous remercie.

L'audition se termine à seize heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 26 avril 2018 à 16 h 00

Présents. – M. Alexandre Freschi, M. Philippe Vigier.

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, Mme Jacqueline Dubois, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Jean-Michel Jacques, M. Bernard Perrut, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-Louis Touraine