Intervention de Erwan Balanant

Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 21h30
Bonne application du régime d'asile européen — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

Cet amendement vise à supprimer l'un des nouveaux critères ajoutés par le Sénat pour définir le risque non négligeable de fuite d'un demandeur d'asile, et donc permettre son placement en rétention. À mon sens, cet ajout pose deux problèmes.

Juridiquement d'abord, la dissimulation par un étranger d'éléments « de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d'asile » est un critère flou. Il ne permet pas de déterminer précisément les informations qui doivent être révélées par cet étranger. Par exemple, comment délimiter le périmètre des informations relatives au parcours migratoire ou à la situation familiale ? Ces critères seraient trop imprécis pour répondre à l'exigence posée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 15 mars 2017. La Cour précise également – dans le même arrêt – que « la rétention des demandeurs, constituant une ingérence grave dans le droit à la liberté de ces derniers, est soumise au respect de garanties strictes, à savoir la présence d'une base légale, la clarté, la prévisibilité, l'accessibilité et la protection contre l'arbitraire ».

Cette jurisprudence rejoint celle de la Cour européenne des droits de l'homme, qui avait déjà énoncé que pour respecter l'article 5, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, « une loi nationale autorisant une privation de liberté doit être suffisamment accessible, précise et prévisible dans son application ». Or, les critères de dissimulation relatifs au parcours migratoire, à la situation familiale ou aux demandes antérieures d'asile semblent être formulés de manière trop imprécise pour répondre à ces exigences, surtout au vu des traumatismes subis par ces étrangers.

Socialement et humainement, cet ajout pose également problème. Il ne prend en effet pas en compte la détresse psychologique éventuelle des étrangers placés sous procédure Dublin. La peur d'être transférés vers leur pays d'origine, la méconnaissance de la procédure, le choc psychologique peuvent conduire à ne pas révéler certaines informations, sans qu'il existe nécessairement une intention dolosive. L'ajout du Sénat n'est donc ni pertinent ni utile, puisque les dissimulations d'identité sont déjà susceptibles de caractériser le risque non négligeable de fuite.

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