Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • asile
  • civil
  • demandeur
  • juge
  • recours
  • rétention
  • étranger

La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, permettant une bonne application du régime d'asile européen (nos 601, 637).

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Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant aux amendements identiques nos 26 et 38 à l'article 1er.

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Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 26 et 38 .

La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l'amendement no 26 .

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Cet amendement vise à supprimer l'un des nouveaux critères ajoutés par le Sénat pour définir le risque non négligeable de fuite d'un demandeur d'asile, et donc permettre son placement en rétention. À mon sens, cet ajout pose deux problèmes.

Juridiquement d'abord, la dissimulation par un étranger d'éléments « de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d'asile » est un critère flou. Il ne permet pas de déterminer précisément les informations qui doivent être révélées par cet étranger. Par exemple, comment délimiter le périmètre des informations relatives au parcours migratoire ou à la situation familiale ? Ces critères seraient trop imprécis pour répondre à l'exigence posée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 15 mars 2017. La Cour précise également – dans le même arrêt – que « la rétention des demandeurs, constituant une ingérence grave dans le droit à la liberté de ces derniers, est soumise au respect de garanties strictes, à savoir la présence d'une base légale, la clarté, la prévisibilité, l'accessibilité et la protection contre l'arbitraire ».

Cette jurisprudence rejoint celle de la Cour européenne des droits de l'homme, qui avait déjà énoncé que pour respecter l'article 5, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, « une loi nationale autorisant une privation de liberté doit être suffisamment accessible, précise et prévisible dans son application ». Or, les critères de dissimulation relatifs au parcours migratoire, à la situation familiale ou aux demandes antérieures d'asile semblent être formulés de manière trop imprécise pour répondre à ces exigences, surtout au vu des traumatismes subis par ces étrangers.

Socialement et humainement, cet ajout pose également problème. Il ne prend en effet pas en compte la détresse psychologique éventuelle des étrangers placés sous procédure Dublin. La peur d'être transférés vers leur pays d'origine, la méconnaissance de la procédure, le choc psychologique peuvent conduire à ne pas révéler certaines informations, sans qu'il existe nécessairement une intention dolosive. L'ajout du Sénat n'est donc ni pertinent ni utile, puisque les dissimulations d'identité sont déjà susceptibles de caractériser le risque non négligeable de fuite.

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La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 38 .

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Mes propos seront assez semblables à ceux d'Erwan Balanant, puisque je suis également favorable à la suppression des mots « de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d'asile ». On se demande pourquoi le Sénat a été aussi précis et aussi attentif à inscrire ces mots supplémentaires dans le texte. Cet ajout permettrait de placer en rétention une personne qui aurait dissimulé ces éléments. Vous savez pourtant qu'il faut être en grande difficulté pour décider de quitter son pays ; il y a toujours, à l'origine d'un départ, des traumatismes, qu'il s'agisse de guerres, de violences ou de famines, Aussi, après un parcours difficile de plusieurs mois ou de plusieurs années, la personne arrivant en France peut avoir le plus grand mal à trouver les bons mots pour décrire son parcours. C'est pourquoi je suis très gênée par cet ajout, qui laisse imaginer que le moindre changement serait fait à des fins de dissimulation.

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La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.

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Avis défavorable, pour plusieurs raisons. Il ne s'agit pas de caractériser la situation d'un étranger qui a omis de déclarer des éléments, mais celle de celui qui les a dissimulés volontairement. Qui plus est, le fait qu'il dissimule des éléments sur son identité, son parcours ou sa situation familiale ne change rien quant à la décision définitive d'obtention de l'asile. Cela signifie seulement qu'à partir du moment où un étranger a dissimulé ces éléments, le préfet, parce qu'il est en mesure de soupçonner qu'il risque de refuser la décision définitive et de disparaître dans la nature, décide de prendre une précaution en le plaçant en rétention pour exécuter une éventuelle décision de refus du droit d'asile.

Par ailleurs, habituellement, dans le cadre de la discussion d'un texte entre l'Assemblée et le Sénat, est prévue une commission mixte paritaire, où chacun fait un pas vers l'autre. Dans ce cas précis, aucune commission mixte paritaire ne semble envisagée. Le Sénat a été respectueux de l'Assemblée en ne supprimant rien, même s'il a introduit une ou deux dispositions qui, nous l'avons bien compris, n'avaient pas pour but de mettre à l'aise la majorité de l'Assemblée. Or, la majorité a tout intérêt à ce que le texte soit applicable, parce que le Gouvernement y a intérêt, et que la règle du 7 février que je vous ai lue ne sert en rien l'intérêt de notre pays, ni celui de la majorité.

En outre, quel serait le plan B ? Si cet amendement est adopté, le texte sera différent et retournera au Sénat. Pensez-vous que le Sénat se couchera ? Je ne le crois pas. Le Gouvernement convoquera donc une commission mixte paritaire, dont je ne suis pas certain qu'elle aboutira.

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Le texte reviendra à l'Assemblée, puis au Sénat, avant que le dernier mot soit donné à l'Assemblée. Mes chers collègues, en mon âme et conscience, je vous appelle à ne pas voter ces amendements. L'intérêt général du pays est de voir adopter le texte, afin qu'il entre en application. Nous entrerons ensuite dans une deuxième phase : celle du projet de loi qui nous permettra de débattre des grands fondements de la politique d'asile, lesquels ne sont pas l'objet de notre discussion ce soir. Ce soir, nous devons répondre à des vides juridiques qui handicapent l'action du Gouvernement.

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La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.

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Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Vous vous inquiétez de l'élargissement que laisserait présager cette modification introduite par la majorité sénatoriale et de son manque de prévisibilité et de clarté pour protéger les personnes contre l'arbitraire. Je tiens à vous rassurer sur la portée de ces modifications, qui sont précisément encadrées et définies par le règlement Dublin lui-même, lequel est d'applicabilité directe comme vous le savez : les éléments auxquels vous faites référence sont donc ceux qui figurent dans ce règlement. En effet, ses articles 4 sur le droit à l'information et 5 sur le déroulement de l'entretien individuel précisent que le demandeur est précisément informé des critères de détermination de l'État responsable pour sa demande d'asile et que l'entretien individuel organisé avec le demandeur « permet de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies ».

En l'espèce, chacun des trois points que vous évoquez est restrictif : le parcours migratoire, la situation familiale et les demandes d'asile antérieures caractérisent, au sens du règlement Dublin, des critères de détermination de l'État responsable. Ainsi, le demandeur relève de la compétence d'un État membre s'il a dans cet État des membres de sa famille bénéficiaires ou demandeurs d'une protection internationale, comme le disposent les articles 9 et 10 du règlement – c'est à cette logique de réunification familiale, qui bénéficie aux personnes, que renvoie le terme de « situation familiale » dans l'article qui vous préoccupe ; s'il a déjà introduit une demande d'asile ou bénéficie d'un droit au séjour, ce à quoi renvoient les mots « les demandes antérieures d'asile » – c'est l'article 12 ; à défaut, si son parcours migratoire l'a conduit dans des pays dans lesquels ses empreintes ont été prises, ce que caractérise le terme de « parcours migratoire ».

En clair, les éléments en cause sont précis, et d'ailleurs listés dans un formulaire type prévu par l'article 5 du règlement Dublin. Contrairement à ce que vous craignez, il ne s'agit donc pas de considérations générales et non bornées, dans lesquelles l'administration va piéger le demandeur en l'interrogeant sur des détails sans lien avec la mise en oeuvre du règlement.

En outre, je tiens à rappeler que votre texte a rajouté une garantie essentielle, que le Sénat n'a pas remise en cause, qui est qu'en tout état de cause, le demandeur d'asile qui vient de bonne foi déposer une première demande en France ne sera jamais soupçonné de présenter un risque de fuite – jamais.

Dans ce contexte, les modifications introduites par le Sénat ne me paraissent pas avoir une portée qui justifierait de remettre en cause le besoin de voir ce texte adopté rapidement. À ce stade de l'examen du texte et au regard de l'urgence que je viens de vous rappeler, le Gouvernement vous demande donc de retirer ces amendements ; à défaut, il ne pourra qu'y être défavorable.

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J'aimerais tout d'abord dire à quel point je suis fière d'appartenir à cette majorité : une majorité belle, une majorité de couleurs différentes, une majorité souriante, une majorité ouverte, …

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.

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… une majorité sous la présidence de M. Ferrand, une majorité forte de la richesse de ses débats.

Concernant le changement de perspective évoqué tout à l'heure par M. Ciotti, c'est nous qui vous proposons aujourd'hui de changer réellement de perspective sur cette problématique. Nous ne sommes pas au pouvoir depuis dix ans !

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Nous avons voté cinq lois en dix ans, et cela n'a rien changé. Les queues n'ont pas disparu des préfectures. La situation à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'OFII, est catastrophique – et ne parlons même pas de la Cour nationale du droit d'asile, la CNDA. Nous n'étions pas là. En moyenne, vous avez voté tous les seize mois une loi sur l'immigration.

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Avez-vous réglé le problème pour autant ? Non. Concernant la fracture évoquée par M. Ciotti, qui n'est pas là pour que je lui réponde, …

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… je l'invite à regarder ses deux droites et à essayer de réconcilier ses rangs.

S'agissant du vide juridique, la fabrique de la loi ne se fait pas dans l'urgence. On ne peut pas faire du droit ponctuel ou du droit par intérim. Se dépêcher pour faire une loi dans laquelle l'oubli d'un migrant sur son parcours risque de le faire enfermer automatiquement me semble un peu dur.

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Je voterai donc ces amendements. S'agissant des menaces, nous sommes en train d'enfermer des personnes qui viennent de très loin, sans se demander pourquoi elles ont peut-être oublié de nous préciser tel ou tel point.

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Je ne suis pas d'accord avec cette façon de voter la loi.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM et du groupe FI.

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Nous sommes plusieurs à l'avoir dit : ce n'est pas le moment de commencer les débats sur la grande réforme du droit d'asile que nous appelons de nos voeux. Néanmoins, cette question de l'accompagnement des demandeurs d'asile dans la préparation de leur dossier et la mise en forme de leur récit apparaît essentielle. Je suis d'accord avec Sonia Krimi : beaucoup d'entre nous sont allés voir comment les choses se passaient dans les structures associatives et dans les guichets uniques. Nous avons tous intérêt – et ce serait notre honneur – à réduire les délais d'examen des demandes, mais en améliorant l'accompagnement des demandeurs d'asile dans la préparation de leur dossier. C'est une question d'humanité.

J'entends votre interrogation, mais ce n'est pas le moment d'en débattre. Ce texte, qui doit nous permettre d'appliquer le règlement Dublin, ne nous permet pas d'entrer dans les détails de l'accueil et de l'examen des dossiers. Un autre texte y répondra, qui arrive bientôt. Je partage vos préoccupations, mais ce n'est pas le moment de les traiter ; ce travail est à venir. Je reste sur la ligne du groupe REM : nous devons être opérationnels, car notre responsabilité est de combler ce vide légal.

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En effet, ces personnes se retrouvent dans une situation où elles ne souhaitent même pas être prises en charge par l'État français, ni hébergées. Elles sont dans une zone de non-droit, dans un vide juridique, et elles le savent. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que leur situation puisse être réglée légalement. C'est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.

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Si ce n'est pas le moment d'avoir ce débat, pourquoi sommes-nous là à étudier ce texte de loi ? Monsieur le rapporteur, cela fait deux fois que j'entends que le texte tel qu'il est revenu du Sénat n'est pas tout à fait satisfaisant et que le voter rapidement permettrait d'éviter la navette et la perte de temps. Mais on est quand même en train d'examiner un texte de loi important ! Vous êtes nombreux à être allés, comme moi, visiter un centre de rétention ; vous savez que ce n'est pas rien. C'est vraiment traiter les choses par-dessus la jambe que de les aborder de cette façon !

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Je suis désolé, madame la ministre, chers amis de la majorité – majorité dont je fais aussi partie avec fierté ! – , mais je ne retirerai pas mon amendement. On confond vitesse et précipitation quand, en voulant aller vite, on laisse de côté certaines décisions sur lesquelles on se dit qu'on va revenir après. Je trouve cette attitude problématique. On peut prendre ces décisions maintenant.

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Je ne vois pas ce que cela change, d'autant qu'on sait bien qu'on va revenir sur ce critère.

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Ah bon ? Cela change la nature des débats qui vont suivre ! Je le redis : l'état psychologique du migrant, son parcours peuvent le pousser à dissimuler certains éléments. Matthieu Orphelin a cité tout à l'heure le cas d'un Soudanais homosexuel : il peut dissimuler sa situation familiale, mais cette dissimulation ne cache rien de suspect, elle ne recouvre aucune intention dolosive ; elle repose uniquement sur la crainte. Je souhaite donc qu'on le garde. Car contrairement à ce que vous avez dit, madame la ministre, le règlement Dublin ne précise pas ces éléments, il se contente d'indiquer que chaque pays doit définir ces critères. Si l'on doit revenir sur ces points, autant le faire tout de suite. En effet, je sais qu'il y a un consensus au sein de la majorité pour adopter cette position. Alors gagnons du temps ! Le faire dès maintenant nous évitera d'avoir ce débat la prochaine fois et nous permettra de gagner un bon quart d'heure ou vingt minutes dans trois mois.

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Monsieur le rapporteur, j'étais contente tout à l'heure de vous entendre dire que vous étiez heureux ; cette fois, je crains de vous rendre un peu triste car vous essayez de nous culpabiliser…

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… en disant que puisque les sénateurs ont fait cet ajout, nous devrions tout bonnement l'accepter. J'ai du mal à comprendre la position du Gouvernement ; mais peut-être que mon intervention lui permettra de la préciser ? Vous nous dites de vous faire confiance, et nous vous faisons confiance ; c'est la raison pour laquelle j'ai retiré mon premier amendement. Mais voilà qu'à la question de savoir si l'on va ou non revenir sur cette question fondamentale, vous me dites non.

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Si vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu'on n'y reviendra pas, cela m'inquiète beaucoup !

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Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

M. Warsmann ne fait pas partie du Gouvernement !

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Je sais bien ! Non seulement il ne fait pas partie du Gouvernement, mais il est d'une sensibilité politique proche de celle des sénateurs. En tout cas, madame la ministre, je voudrais que vous nous précisiez clairement vos engagements.

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Ce n'est pas par hasard que le Sénat a ajouté ces éléments relatifs au parcours migratoire ou à la demande d'asile antérieure. En effet, si le demandeur dissimule un certain nombre d'informations, il empêche l'application du règlement Dublin, qui implique de savoir par quel pays il est entré sur le territoire de l'Union européenne et s'il a déjà déposé des demandes d'asile ailleurs. Le Sénat a ajouté ces dispositions car lorsque le demandeur d'asile dissimule son parcours migratoire ou ses demandes d'asile antérieures, il s'oppose à l'application du règlement Dublin. Il est donc logique de laisser cet ajout du Sénat.

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Dans le débat, vous avez globalement raison, mais vous vous trompez de combat. On parle là de dublinés, non de simples migrants qui demandent l'asile en France !

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C'est pourtant ce que le débat laisse entendre. Prenons un exemple : on a vu récemment, à Metz, des Albanais dublinés passer six mois sous des tentes, dans la boue, sous la pluie, dans le froid, parce qu'on ne pouvait pas s'occuper d'eux, n'étant pas capables de retracer leur parcours migratoire. Ils avaient fait une demande d'asile en Allemagne, mais avaient été déboutés car ils venaient d'un pays considéré comme globalement sûr. Cette mesure nous permet de prendre en compte la vulnérabilité de chaque demandeur et d'étudier chaque cas individuellement. Ne nous trompons pas de combat : le Sénat a complété le dispositif, mais on ne parle pas là de tous les migrants, uniquement de personnes qui ont soit déjà été déboutées du droit d'asile, soit déjà demandé l'asile dans un autre pays européen.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.

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Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Vous avez confiance en nous et vous avez raison.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

M. Balanant aussi a confiance ; cela fait longtemps que nous nous connaissons ! Si à l'avenir, à l'occasion de textes ultérieurs, vous estimez que cette disposition pose problème en droit, vous déposerez des amendements.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

C'est évident, je vous fais confiance pour le faire et vous pouvez nous faire confiance pour vous accompagner dans cette démarche.

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Quelle générosité ! Vous laisserez les parlementaires déposer des amendements !

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Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

C'est la liberté du parlementaire !

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Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Oui, monsieur Ciotti, il y a eu d'autres périodes où cela n'a pas été aussi évident !

Les amendements identiques nos 26 et 38 ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 4 .

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Avec cet amendement, nous souhaitons garantir l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que défini par l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, quand lui-même et ses parents sont en situation irrégulière sur notre territoire. S'il existe, en 2017, près de 10 000 mineurs isolés, les enfants migrants ne relèvent pas, pour l'essentiel, de cette catégorie. En 2017, on dénombre environ 50 000 enfants migrants arrivés avec leurs parents. Ainsi, il est également primordial de s'assurer que leurs parents, tuteurs ou toute autre personne légalement responsable d'eux ne pourront être placés en rétention. La France est sous la surveillance régulière et sévère de l'ONU. Ainsi, l'UNICEF a fermement dénoncé, en mai 2017, les risques qu'encourent les mineurs migrants en France. Notre pays, patrie des droits de l'homme, est devenu un lieu où les droits des mineurs étrangers sont méconnus.

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Nous devons mettre fin aux violations les plus graves de manière immédiate, en interdisant la mise en rétention des enfants mineurs, même accompagnés de leurs parents. Pour nous, la mention, à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le CESEDA, de l'interdiction d'appliquer l'obligation de quitter le territoire français aux mineurs de moins de dix-huit ans ne suffit pas ; il faut poser un principe clair à l'article L. 511-1 en interdisant de mettre en rétention les mineurs, même accompagnés.

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Sous la précédente législature, la majorité de l'époque a modifié l'article L. 551-1 du CESEDA, qui définit les protections dont bénéficient toutes les personnes vulnérables, notamment les mineurs. L'amendement est donc, à mon sens, satisfait. Si, à mon grand regret, ses auteurs ne le retiraient pas, je donnerais un avis défavorable.

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Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

En cohérence avec le principe général de protection des mineurs présents sur le territoire français, indifféremment de leur nationalité et de leur situation administrative, le CESEDA – dont on vient de citer les articles correspondants – protège les étrangers mineurs contre toute décision d'obligation de quitter le territoire français ou d'expulsion. Les mineurs non accompagnés ne peuvent donc pas faire l'objet d'une décision de placement en rétention les visant personnellement, et ne peuvent se trouver dans un lieu de rétention que s'ils y accompagnent un majeur ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement assortie d'un placement en rétention. La rétention des familles est encadrée par des dispositions spécifiques prenant en compte à tout moment l'intérêt supérieur de l'enfant.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Toutefois, l'administration doit disposer, en dernier ressort, de moyens d'exécution des décisions d'éloignement qu'elle a prononcées, y compris pour les parents accompagnés de mineurs. En effet, il n'est pas rare que lorsqu'une famille est assignée à résidence, elle organise l'absence d'un ou plusieurs enfants au moment où les forces de l'ordre viennent la chercher, afin de faire obstacle à l'éloignement. Il est impossible de laisser des enfants seuls sur le territoire national, et donc nécessaire de maintenir la possibilité de recourir à la rétention. Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement que vous proposez.

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Je ne pense pas que ce texte, consacré aux critères permettant de définir le risque non négligeable de fuite – un périmètre très étroit – , soit le bon support pour traiter cette question.

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En revanche, vous avez raison sur un point. Il y a eu, en 2017, 275 enfants placés en rétention administrative avec leurs parents. Au total, la mesure concerne 134 familles sur le territoire métropolitain. Sur le territoire ultramarin – en réalité, essentiellement à Mayotte – , près de 4 000 enfants ont été retenus. C'est un vrai problème, et je suis prêt à en discuter collectivement lorsque le projet de loi Asile et immigration nous sera soumis, car le droit français peut être amélioré sur ce point.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.

L'amendement no 4 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l'amendement no 1 .

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Cet amendement vise à supprimer les alinéas 30 à 34. De la même manière que la loi visant à lutter contre le terrorisme adoptée cet été, les dispositions de cette proposition de loi représentent une atteinte généralisée aux droits et libertés. En effet, les conditions de mise en rétention seront étendues, de telle sorte que les demandeurs d'asile pourront y être placés dès le début de la procédure. Nous demandons qu'ils soient traités avec dignité, pas comme des criminels.

L'amendement no 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l'amendement no 5 .

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Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 33 de cet article. Tout comme les alinéas 30 à 32, cet alinéa vise à faire reculer la limite qui sépare les mesures exceptionnelles des mesures de droit commun. C'est une mesure particulièrement attentatoire aux droits et aux libertés fondamentales.

Il s'agit d'étendre les cas dans lesquels on passe d'une assignation à résidence à une mise en rétention. Si cet alinéa était adopté, cela signifierait qu'un placement en rétention pourrait être envisagé par suite du non-respect d'une assignation à résidence, non plus dès la décision explicite, par arrêté, de transfert de l'étranger, mais avant même que cette décision soit prise, durant la phase de détermination de l'État autre que la France compétent pour traiter la demande d'asile.

Nous estimons que dans une matière aussi grave pour les droits des personnes que le droit des étrangers, on ne peut traiter les demandes d'une façon quasi-automatique. Au contraire, la loi devrait prévoir explicitement que le cas de chaque étranger pouvant être mis en rétention doit être examiné de manière détaillée et sérieuse.

En facilitant la mise en rétention des étrangers méconnaissant leur assignation à résidence, vous donnez la possibilité aux préfets d'automatiser le placement en rétention.

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Pourtant, de nombreuses raisons peuvent justifier que l'étranger en cause n'ait pu respecter son assignation à résidence, compte tenu de la précarité de sa situation.

L'amendement no 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Sur l'article 1er, je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 39 .

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Cet amendement vise à supprimer une disposition ajoutée par le Sénat, à propos de laquelle je n'ai qu'un seul remords : ne pas en avoir eu l'idée moi-même !

Nous voulons qu'il y ait le moins de mises en rétention possible, et donc que le régime de l'assignation à résidence fonctionne. Pour cela, les assignations à résidence doivent être contrôlées. La procédure prévoit qu'en cas de doute, le juge des libertés et de la détention autorise la police à contrôler le respect de l'assignation à résidence. Or en l'état actuel du droit, lorsqu'un juge prend une telle ordonnance, la police n'a que quatre jours pour réaliser le contrôle.

Le Sénat ne propose pas de changer les conditions prévues par la loi, ni de modifier la compétence du juge en la matière : la mesure qu'il a adoptée vise simplement à étendre la durée de validité de l'ordonnance émise par le juge à six jours. Je trouve que c'est un progrès.

Je suis favorable à cet ajout du Sénat, et donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

L'alinéa 34 ne change rien sur le fond : je pense donc que les auteurs de cet amendement pourraient le retirer.

L'amendement no 39 est retiré.

Il est procédé au scrutin.

Nombre de votants62
Nombre de suffrages exprimés53
Majorité absolue27
Pour l'adoption48
contre5

L'article 1er est adopté.

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La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement no 36 .

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Cet amendement vise à supprimer cet article, aux termes duquel un étranger ne peut être considéré comme présentant un risque non négligeable de fuite au moment où il dépose une première demande d'asile en préfecture. Mais rien ne garantit que quelques heures après l'enregistrement de sa demande, il ne puisse faire l'objet d'une notification de placement en centre de rétention, puisque avec cette proposition, ce sera possible dès la phase de détermination de l'État responsable – c'est-à-dire avant de savoir si l'étranger est ou non recevable. Comme je le disais tout à l'heure, ce texte permettra la rétention préventive, ce qui nous paraît très grave.

L'article 1er bis ne constitue en aucun cas une garantie pour le demandeur d'asile, qui pourra être placé en rétention avant la décision de transfert, sur le fondement de critères extrêmement larges. Nous nous opposons à la logique de la rétention préventive, que cet article illustre parfaitement.

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À mon grand regret, je ne suis pas du tout convaincu par les arguments de M. Peu. Cet article peut être divisé en deux parties. Il vise d'abord à insérer dans le CESEDA la phrase suivante : « Tout demandeur reçoit, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, une information sur ses droits et obligations en application dudit règlement ». Je ne vois pas en quoi la suppression de ce droit serait conforme à l'intérêt général !

Cet article comporte en outre une mesure introduite à l'initiative de Mme la présidente de la commission des lois, ainsi rédigée : « Au moment de sa présentation auprès de l'autorité administrative en vue de l'enregistrement d'une première demande d'asile en France, l'étranger ne peut être regardé comme présentant le risque non négligeable de fuite » défini dans ce texte. L'objet de cette mesure est d'éviter que de potentiels demandeurs d'asile renoncent à déposer une demande de crainte d'être placés en rétention à cette occasion.

Ces deux ajouts sont favorables aux demandeurs d'asile. Je suis donc totalement opposé à cet amendement de suppression.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Votre amendement tend à supprimer l'article 1er bis, en cohérence avec votre amendement tendant à supprimer l'article 1er. Nous aussi nous sommes cohérents : voilà pourquoi le Gouvernement n'y est pas favorable.

L'amendement no 36 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 31 .

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Cet article tend à préciser qu'un étranger, lorsqu'il se présente à l'autorité administrative en vue de l'enregistrement d'une première demande d'asile en France, ne peut être regardé comme présentant un risque non négligeable de fuite. Vous présupposez, en somme, que les demandeurs d'asile respecteront le droit français.

Je serai franche : à l'idéalisme, je préfère le pragmatisme. Certes, c'est moins sympathique, mais c'est beaucoup plus réaliste. La France n'a plus les moyens d'absorber chaque année plusieurs dizaines de milliers de déboutés du droit d'asile, qui restent en définitive sur notre territoire – je l'ai démontré un peu plus tôt, mais vous avez du mal à l'admettre.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe REM.

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Vous l'avez dit, mais vous ne l'avez pas démontré !

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Du reste, ces personnes subsistent dans des conditions d'existence souvent scandaleuses, victimes d'employeurs peu scrupuleux – quand ils ont la chance de trouver du travail – ou de marchands de sommeil – quand ils ont la chance d'avoir un toit. Pour la France, mais aussi pour ces personnes vulnérables, je demande la suppression des alinéas 3 et 4 de cet article.

L'amendement no 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 32 .

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C'est un amendement de repli. Permettez-moi de vous donner quelques éléments supplémentaires. M. Balanant reconnaîtra probablement la situation que je vais décrire : au centre de rétention administrative de Rennes, selon les officiers de police, 80 % des retenus sont « issus de la délinquance » – comprenez : sortent de prison.

On nous a sorti deux fois ce soir le cas – certes déplorable, certes malheureux – du Soudanais homosexuel. Mais c'est oublier tous les autres, qui sont peut-être un peu moins honorables !

Je voudrais citer M. le ministre de l'intérieur, Gérard Collomb : « en cas de risque de fuite, les étrangers présentant une menace devront être placés dans le CRA le plus proche ». Pour le ministre de l'intérieur, « l'expulsion constitue la procédure la mieux adaptée s'agissant de ressortissants étrangers qui représentent une menace grave pour l'ordre et la sécurité publics, qu'il s'agisse d'individus liés au terrorisme ou impliqués dans des faits de droit commun » – ce n'est pas moi qui le dis, c'est votre ministre qui l'affirme.

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Madame la députée, les centres de rétention n'ont pas pour objet de sanctionner les délinquants. Un délinquant va en prison ou est expulsé. Avis défavorable : je ne comprends pas le mélange des genres auquel vous vous livrez.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Même avis.

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Je suis d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, mais dans la réalité, si vous interrogez ceux qui dirigent les centres de rétention, ils vous diront que de facto, depuis que la résidence surveillée est devenue la norme au lieu du placement en rétention, la grande majorité des personnes retenues dans les CRA sont des délinquants qui sortent de prison. Ce sont les faits : les chiffres l'attestent !

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Allez donc au centre de rétention de Rennes : M. Balanant vous confirmera ce que j'ai dit. Allez au centre de rétention de Sète, où j'étais il y a quinze jours, on vous confirmera les chiffres : allez les vérifier !

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Dans un État de droit, madame Ménard, les délinquants doivent être condamnés, et effectuer leur peine. S'ils sont étrangers, après avoir purgé leur peine, ils doivent quitter la France : dans ce cas, en effet, ils sont placés en centre de rétention dans l'attente de leur expulsion. C'est ainsi que les choses doivent être faites, aux termes du droit actuel.

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Je voudrais comprendre : pour vous, madame Ménard, tous les étrangers présentent un risque de fuite, tous commettent des délits de droit commun. L'idée qui transparaît derrière vos propos, c'est bien cela : que tous les étrangers présents sur notre sol mettent en péril notre État.

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Est-ce bien le message que vous voulez faire passer ? Je vous rappelle les trois termes de notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. Les étrangers doivent avoir les mêmes droits que les personnes nées sur le sol français.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.

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Je voudrais répondre à Mme Ménard. Je me suis effectivement rendu au CRA de Rennes, où 80 % des personnes actuellement retenues ont bien un parcours pénal. Mais la situation de ce centre de rétention est exceptionnelle. Le projet de loi que nous examinerons bientôt, qui transformera le droit d'asile et l'immigration en France, aura précisément pour objectif de simplifier les procédures, afin que ce genre de choses n'arrive plus. C'est bien le but de notre démarche.

Notre responsabilité, c'est de changer cet état de fait – qui du reste n'est l'état de fait que d'un seul CRA, celui de Rennes. La situation rennaise est exceptionnelle, particulière, notamment parce qu'il n'y a pas de frontière terrestre proche.

Je suis tout à fait d'accord avec notre collègue du groupe La République en marche : arrêtez d'agiter le chiffon rouge, ne faites pas croire que chaque étranger résidant dans notre pays est un danger potentiel pour l'intégrité de la France !

Ce n'est pas vrai ! En prétendant le contraire, vous ne rendez service à personne, certainement pas à la République, ni aux gens qui ont eu des parcours difficiles et à qui on doit écoute, attention et traitements humains ; vous ne rendez certainement pas service à vos idées en disant ce genre de bêtises.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe REM et sur quelques bancs du groupe FI

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Il se trouve que si la situation à Rennes est exceptionnelle, on a, comme par hasard, la même à Sète. C'est sans doute un malheureux concours de circonstances… Les faits sont têtus, mesdames, messieurs les députés, voilà le problème.

Quant à rendre service à qui que ce soit, ce n'est pas le problème ce soir pour moi : je suis préoccupée par les personnes qui sont Porte de La Chapelle, …

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… à Calais, accueillies dans des conditions absolument déplorables. Vous, cela ne vous gêne absolument pas de continuer à accueillir des réfugiés dans de telles conditions !

Protestations sur divers bancs.

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Eh oui, là est le problème : vous êtes incapables de regarder la réalité en face. Malheureusement pour vous, le principe de réalité vous rattrape un jour, et c'est ce qui est en train de se produire.

L'amendement no 32 n'est pas adopté.

L'article 1er bis est adopté.

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Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.

La parole est à Mme Delphine Bagarry.

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Le Sénat a modifié l'article 2 pour abaisser à sept jours le délai de recours des personnes dites dublinées pour contester leur expulsion. Mon questionnement de législatrice est le suivant : sept jours – à la place de quinze jours – sont-ils suffisants pour qu'ils puissent faire valoir leurs droits ? Je considère que ce n'est pas un délai raisonnable pour contacter un avocat et se lancer dans une procédure juridictionnelle, surtout dans un pays où, le plus souvent, la langue est étrangère au requérant. Nous sommes tous attachés au droit d'information, à la possibilité pour chacun de disposer de la capacité de faire valoir ses droits. C'est pourquoi je souhaite le retour au délai de quinze jours, comme nous l'avions voté en première lecture, et que soit rejetée la disposition introduite par les sénateurs.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM et du groupe FI.

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Je souhaite au préalable exprimer devant vous, mes chers collègues, ma satisfaction en vous rappelant que dans l'hémicycle, ce matin, nous avons soutenu par notre vote le respect des droits de l'homme en ratifiant le protocole no 16 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Nous pouvons vraiment nous en féliciter.

Mais revenons sur cet article, qui a charge de coordination afin de permettre le placement en rétention des étrangers sous procédure Dublin, même si la personne n'est pas reconnue en situation irrégulière. Il peut être louable d'aller vite dans certains domaines, notamment d'être efficient quand il s'agit de croissance et d'impact économiques, mais qu'en est-il quand il s'agit de respecter les droits élémentaires de chacun, y compris de cet autre, l'étranger placé en centre de rétention administrative, dont les délais de recours se réduiraient de moitié ? Peut-on tenter d'être réaliste sans hypocrisie ? En l'espèce, comment exercer un droit de recours vis-à-vis du rouleau compresseur de la procédure d'éloignement ?

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Comment trouver traducteur et avocat, et ester en justice, en moins de six jours ? Sans bafouer les droits du requérant, ce sera impossible.

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Il me semble que, là aussi, il conviendrait d'inverser notre perception de l'étranger demandeur d'asile en se disant que s'il faut aller vite, pourquoi pas pour lui permettre de travailler tout de suite ? Le gage d'une intégration réussie se trouve aussi là, avec des possibles économiques immédiats. Donnons-nous alors, avec nos partenaires européens, la possibilité d'une action très rapide pour prendre ensemble les mesures les plus justes et les plus adaptées par rapport à cette procédure Dublin dont il faut remettre en cause sens et légitimité.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.

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Sept jours et le droit de la défense : voilà tout le sujet de cet article. Je pense qu'il est possible, en matière d'asile et d'immigration, de suivre une voie humaine, digne et ferme à la fois, car nous ne pouvons certes pas accueillir la terre entière. Et c'est cette voie que je continuerai, avec nombre de collègues, à défendre lors des débats sur le projet de loi sur l'asile, l'immigration et l'intégration, qui présente des avancées tout à fait positives dans ses orientations, mais qui pourtant m'interroge.

On fait de l'immigration un problème de police, alors que c'est un sujet de société. L'asile, l'immigration, les flux migratoires, ne sont pas derrière nous : ils restent devant nous. Le monde rétrécit. C'est un enjeu majeur que de le reconnaître « et que des populations de religions et de cultures différentes vont devoir apprendre à vivre ensemble », pour reprendre les mots du documentaire qui l'illustre admirablement bien, Human Flow d'Ai Weiwei. Nous retrancher derrière une question de maintien de l'ordre public n'est pas à la hauteur de l'enjeu et des valeurs que la France porte en elle, et ce même s'il s'agit aussi, bien sûr, de cela – mais pas uniquement. La question de l'immigration devrait être traitée à travers plusieurs politiques publiques et de façon interministérielle : le ministère de la santé et celui du travail sont extrêmement concernés, tout comme le ministère de la culture. Nous ne devons pas craindre le débat public sur l'accueil, l'asile, l'immigration ou encore l'intégration ; c'est un débat sain et porteur d'avenir. La proposition de loi de ce jour et le projet de loi à venir nous permettent d'aborder la question, mais nous devons initier un débat plus large avec l'ensemble des Français.

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Je voudrais m'arrêter un instant sur l'article 2, car j'y ai relevé quelque chose qui m'a heurté. Peut-être cela ne vous a-t-il pas alertés, mes chers collègues, mais je ne peux m'empêcher de revenir sur le changement de terminologie : « le demandeur [d'asile] » devient « l'étranger ». Je crois pourtant que cette personne reste un demandeur d'asile, ici ou ailleurs. Ce changement de terminologie me heurte. Il traduit un a priori qui n'est pas dans notre tradition d'accueil. Et nous allons l'inscrire ce soir dans la loi. Nous en sommes là, très loin d'une déclaration de Thomas Jefferson, troisième Président des États-Unis, qui aurait dit : « Toute personne a deux patries : la sienne et la France. » Mais c'était un autre temps.

Cet article renferme aussi une autre disposition qui me choque en tant qu'avocat : le raccourcissement du délai de saisine du juge administratif, comme cela a été évoqué, de quinze jours à sept jours, à compter de la notification de la décision de transfert. Ce raccourcissement s'analysera, dans la quasi-totalité des cas, comme une impossibilité à faire valoir des droits dont toute personne est pourtant en capacité de se prévaloir. Et puis c'est sans compter le fait que si reconnaître un droit est une chose, l'exercer en est une autre. En l'espèce, je vois mal comment organiser les droits de la défense pour les réfugiés et les autres migrants dans un délai aussi court, compte tenu de la complexité de leur situation, que nous connaissons bien. Voilà les deux éléments qui me heurtent à la lecture de cet article.

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L'alinéa 19 m'interpelle : il ne s'agit pas de lever ou non la main, chers collègues, mais d'une atteinte aux droits les plus élémentaires de la défense, puisqu'on passe de quinze à sept jours, sachant que la constitution d'un dossier nécessite autour de vingt à vingt-trois jours. Quelle est, madame la ministre, cette démocratie qui édicte dans la précipitation, sans débat, sans contradiction, des règles qui portent atteinte aux droits les plus élémentaires ?

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Mes chers amis, y a-t-il vraiment une urgence à renvoyer chez eux des femmes et des hommes sans assurer auparavant leurs droits les plus élémentaires, en France, en 2018 ?

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Cet article de coordination consacre la restriction du recours en contestation de la mise en rétention pour les demandeurs d'asile, et ce avant même qu'un arrêté de transfert au titre de la procédure Dublin ait été pris. Notre groupe a déjà expliqué en quoi les positions exprimées dans cet article sont basées sur des constats chiffrés qui invalident entièrement ce qui est proposé. Pourtant, ce texte restreint encore plus les droits des demandeurs d'asile sur notre territoire, en augmentant le nombre de situations dans lesquelles ceux-ci pourront être placés en rétention, à savoir sur des critères automatiques, qui sont une incitation pour les services préfectoraux à préparer et à remplir des formulaires-types.

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Une telle vision comptable des droits humains est incompatible avec les droits qui doivent accompagner les demandeurs d'asile, j'y reviendrai lors de la défense des amendements. Suite à tout ce qui a été dit depuis tout à l'heure, je tiens à rappeler un fait – et non pas une supputation : l'augmentation depuis 2015 du nombre de dublinés vient tout simplement du fait que ceux qui viennent d'Italie ou de Grèce n'ont pas fait – ils n'en ont pas même eu le temps – une demande d'asile telle que nous l'entendons en France, mais seulement un dépôt d'empreintes complété d'une photographie. Tout le monde le sait, y compris au niveau de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA.

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Arrêtez donc de dire que les dublinés qui arrivent dans notre pays ont fait une demande d'asile dans les règles et qu'ils ont été déboutés. Ce n'est pas ce qui se passe en ce moment en Italie et en Grèce. On peut très bien en comprendre les raisons vu l'afflux actuel dans ces deux pays, mais cessez de propager cette fausse information qui laisserait penser que nous avons des gens qui ont déjà demandé à bénéficier du droit d'asile, mais qui ne pourraient s'en prévaloir en vertu de la convention de Genève : ce n'est pas vrai.

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Je voudrais seulement apporter un éclairage technique, sachant que la pédagogie de la technique juridique n'est pas toujours chose aisée. Nous ne parlons pas ici de ressortissants dublinés qui seraient en rétention ou assignés à résidence. Le CESEDA prévoit déjà pour eux un délai de recours de quarante-huit heures.

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Nous parlons ici des ressortissants dublinés qui sont en liberté, et pour lesquels le Sénat nous propose de raccourcir le délai de quinze à sept jours. Je voulais tout de même apporter cet éclairage, parce que quand j'entends certains commentaires, y compris de la part de collègues du groupe La République en marche, je me dois de dire : regardons la réalité de ce que propose le Sénat.

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Pour autant, c'est bien évidemment un piège que le Sénat a souhaité tendre à l'Assemblée. En effet, dans les semaines qui viennent, nous aurons à débattre de la question des délais de recours – une disposition à ce sujet figurera probablement dans le projet de loi « asile et immigration » – , et il nous est finalement demandé de faire l'avant-première d'un débat que nous aurons ultérieurement. C'est pour cette raison que, au-delà du vote conforme que nous sommes nombreux à soutenir pour des raisons ponctuelles et opérationnelles, c'est un des points sur lesquels je souhaiterais revenir dans le cadre du projet de loi que j'ai évoqué.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.

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Je remercie mon collègue Florent Boudié d'avoir précisé qu'il s'agissait des dublinés en liberté. Il reste tout de même un double souci pour le groupe MODEM sur cette question de délai : un souci de fond, parce que sept jours, c'est extrêmement court, nous y reviendrons lors des amendements ; et puis, ce n'est pas parce que le Sénat nous tend un piège qu'il ne faut pas accepter ce qu'il nous propose – le piège serait de refuser d'en débattre. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement, no 25 , pour que le débat puisse avoir lieu maintenant. On sait très bien qu'il aura lieu de nouveau, mais il s'agit ici de soulever une question de fond et de forme. Le Sénat n'a pas à donner l'agenda de l'Assemblée.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.

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Florent Boudié a apporté une précision, que je voudrais compléter : la réduction de quinze à sept jours du délai de recours ne concerne que 30 % des cas, puisque, dans 70 % des cas, les personnes font l'objet de décisions de transfert, qui ne s'appliquent qu'aux personnes assignées à résidence ou qui font l'objet d'un placement en rétention. La mesure porte donc sur des cas très minoritaires par rapport à ceux dont nous traitons.

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D'autre part, pour répondre à certains de nos collègues, oui, nous sommes heureusement dans un État de droit, dans lequel tout est placé sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

Il est important de rappeler les conditions dans lesquelles ces décisions sont prises. Elles font l'honneur de notre pays et appellent probablement – c'est dans cet esprit que s'engagent les discussions avec le Gouvernement – qu'on leur apporte encore des améliorations dans le projet de loi relatif à l'asile et à l'immigration.

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La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement no 34 .

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L'amendement, qui tend à supprimer l'article 2, entre en cohérence avec ceux que nous avons déposés sur l'article 1er et 1er bis.

En matière de renvoi d'un étranger vers un État faisant l'objet d'une défaillance systémique, l'article ne prévoit rien de nouveau. La disposition qu'il contient est déjà applicable, puisqu'elle figure à l'article 3 du règlement « Dublin III ». Elle a notamment été retenue par la Convention européenne pour interdire les réadmissions en Grèce entre 2011 et 2017. Elle a également permis aux juridictions administratives françaises d'annuler à de nombreuses reprises des procédures de réadmission en Hongrie.

D'autre part, la définition assez large des défaillances systémiques laisse une marge d'appréciation trop importante aux préfectures et aux juridictions administratives, ce qui crée des inégalités entre les demandeurs d'asile en fonction de leur présence sur le territoire national.

La réduction du délai de recours a fait l'objet de plusieurs analyses que je partage. Elle empêchera la mise en oeuvre effective des droits de la défense et le respect du principe contradictoire.

Ces deux objections – concernant le renvoi d'un étranger vers un État faisant l'objet d'une défaillance systémique et la réduction du délai de recours – nous amènent à proposer la suppression de l'article.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Même avis, mais je vais profiter de cette intervention pour apporter quelques précisions.

M. Clément a jugé très dangereux que, dans l'article 2, on remplace « le demandeur d'asile » par « l'étranger ». Mais toutes les personnes qui relèvent de la procédure de Dublin n'ont pas nécessairement déposé de demande d'asile en France.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

J'ajoute qu'étranger n'est pas un gros mot, comme le montre une très belle chanson que vous connaissez tous, n'est-ce pas ?

Par ailleurs, contrairement à ce que prétendent les députés de La France insoumise, 70 % des transferts « Dublin » en France ont déjà une demande d'asile en cours dans l'Union européenne.

Enfin, en vous entendant, madame Dupont, j'ai été un peu choquée. Chacun peut l'être, quelle que soit sa place. Nous ne vivons pas dans un État policier et, contrairement à ce que vous avez dit, nous ne considérons pas le sujet qui nous occupe sous le seul angle des forces de sécurité ou de police.

Tout simplement, nous sommes dans un État de droit, comme vient de le rappeler Mme Bergé. Nous avons une justice. Les juges d'application des peines prennent des décisions. Les forces de police et de gendarmerie exécutent les instructions du juge des libertés et de la détention, qui peut par exemple leur demander de faire une visite. Bref, je le répète : nous sommes dans un État de droit, avec des procédures, et non dans un État régi par les seules forces de sécurité.

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Je soutiens l'amendement et tout d'abord, je voudrais réagir à ce que vient de dire notre collègue du groupe REM. Excusez-moi, cher collègue, j'essaie de me rappeler votre nom…

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Ne m'en tenez pas rigueur si je l'ai oublié. Si je vous ai bien compris, le Sénat nous tendrait un piège en demandant de restreindre le droit de recours. Pour ne pas tomber dans ce piège, vous allez accepter cette restriction, avant de revenir sur votre décision lorsque le prochain texte sur l'asile et l'immigration passera à l'Assemblée. Bon courage !

J'attends de voir ce qui va se passer. Je ne sais pas si, par cet argument, vous espérez convaincre ceux qui, parmi vos collègues du groupe REM, renâclent à voter le texte…

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… mais, dès lors qu'on admet un principe, il est très difficile d'expliquer ensuite qu'on va s'en affranchir. Votre stratégie est celle d'un Machiavel au petit pied.

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Et en général, ça ne marche pas !

Deuxièmement, madame la ministre, le problème n'est pas de savoir si une demande d'asile a été enregistrée en tant que telle. Ce que je vous dis – et je le tiens des responsables de l'OFPRA, avec qui nous discutons – , c'est qu'aujourd'hui, on ne peut pas comparer la manière dont on demande le droit d'asile en Italie, en Grèce et en France. Dans ces pays, on se contente de relever une empreinte et de prendre une photo. Cela n'a rien à voir avec la façon dont la demande s'effectue en France au niveau de l'OFPRA.

Quelqu'un qui arrive en Grèce ou en Italie après avoir traversé la Méditerranée dans les conditions que nous connaissons ignore, quand il donne une empreinte et se laisse photographier, qu'il est déjà en train de demander le droit d'asile et que ce simple geste va entraîner le refus de ce droit. Sur ce point, les statistiques sont très claires.

Troisièmement, madame la ministre, l'État de droit se vérifie au quotidien. Il ne suffit pas d'affirmer que nous sommes dans un État de droit pour nous faire accepter des remises en question qui l'égratignent un peu chaque jour. Nous vous l'avons déjà fait remarquer quand vous avez transformé l'état d'urgence en loi commune.

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En ce qui concerne le droit des étrangers, vous ajoutez encore une pierre à l'édifice.

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Et vous continuerez quand nous examinerons le projet de loi sur l'asile et l'immigration. Voilà la vérité !

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Madame la présidente, j'ai demandé la parole afin que vous me nommiez, ce qui a permis à notre collègue de se souvenir de mon nom. C'est chose faite ! D'autre part, cher collègue, n'embrouillez pas ce que j'ai dit. Dans le cadre du projet de loi à venir, la question des délais de recours devra se poser, notamment, vous le savez sans doute, parce qu'elle est d'une complexité insigne, compte tenu de la différence des délais de recours pour les requérants et pour les juges qui statuent, qu'il s'agisse du juge judiciaire, s'il s'agit du juge des libertés et de la détention, ou du juge administratif. La non-concomitance des délais est extrêmement dommageable, y compris pour la protection des droits.

Nous ne souhaitons pas aborder cette question à l'occasion du texte relatif au règlement Dublin, et nous pensons même que raccourcir le délai de recours à sept jours est une erreur.

L'amendement no 34 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement no 9 .

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Le texte tend à permettre que les décisions conformes à notre droit – garant des libertés publiques – soient appliquées. Aujourd'hui, en effet, les chiffres parlent d'eux-mêmes : en matière de transfert, pour les ressortissants relevant des procédures « Dublin », ou d'éloignement, pour les déboutés du droit d'asile ou, plus généralement, pour les étrangers en situation irrégulière, il est fréquent que les décisions prises par les tribunaux ne soient pas exécutées.

L'amendement s'attaque à un sujet particulier : avant la loi du 29 juillet 2015, une procédure permettait de contester les arrêtés de transfert devant les tribunaux administratifs. Cette procédure pouvait faire l'objet d'un référé liberté ou d'un référé suspension, mais elle n'était pas suspensive.

La loi du 29 juillet 2015 a introduit un caractère suspensif, qui s'inscrit dans la multitude des procédures qui retardent, complexifient et de fait empêchent les procédures d'éloignement. Nous proposons donc par cet amendement de revenir sur le caractère suspensif de la contestation des arrêtés de transfert.

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À mon grand regret, je constate que l'amendement est contraire au droit en vigueur. J'émets donc un avis défavorable. Le droit à un recours est un droit !

L'amendement no 9 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 6 , 25 et 41 .

La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 6 .

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L'amendement tend à supprimer l'alinéa 19, qui prévoit de diviser par deux, en le réduisant de quinze à sept jours, le délai de recours d'une personne contestant auprès du tribunal administratif son assignation à résidence. La mesure ne nous apparaît aucunement justifiée. Encore une fois, le Gouvernement rabote les délais de recours pour « faire du chiffre », au mépris des droits fondamentaux.

Mme la ministre a évoqué l'État de droit, mais des personnes chargées de mettre en oeuvre les décisions, le droit et la justice, nous alertent précisément sur le fait que les mesures prévues dans le texte vont à l'encontre de leur engagement, en termes d'éthique et de droit. Nous devons prendre conscience des risques qu'il présente.

Aujourd'hui, de nombreux magistrats, ainsi que d'autres acteurs du monde judiciaire, se sont mobilisés, dessinant un arc de force très large, qui va au-delà des associations. Ils dénoncent le fait que les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier sont problématiques, au sens où elles remettent en cause le respect des droits fondamentaux des étrangers et des migrants. Les principes et les règles de l'État de droit ne sont effectifs que si – c'est notre responsabilité, en tant que législateurs – nous donnons aux uns et aux autres, à ceux qui jugent comme à ceux qui font exécuter les décisions, les moyens de le faire dans de bonnes conditions.

La réduction du délai permettant de contester les décisions administratives remet en cause le respect de l'État de droit. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'alinéa 19.

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La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l'amendement no 25 .

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Dans le débat qui s'est ouvert sur l'asile et l'immigration, il a beaucoup été question des délais de recours, que le Sénat a raccourcis, ce qui pose problème.

Je ne pense pas que le délai prévu réponde à la question plus générale du temps ni du parcours du migrant. Le Sénat propose de diviser par deux le délai actuel, qui est de quinze jours, mais sept jours ne nous semblent pas suffisants pour qu'un étranger placé sous procédure « Dublin » puisse utilement préparer sa défense.

Il faut prendre en compte la situation particulière de ces étrangers. Tout à l'heure, Mme Ménard a parlé de la Porte de la Chapelle. Je ne suis pas sûr qu'elle y ait passé beaucoup de temps. Quoi qu'il en soit, il faut se rendre compte de la grande précarité de ces personnes, de leur détresse humaine et psychologique, de leur méconnaissance des procédures. Un délai d'une semaine ne nous semble donc pas adapté pour leur permettre de préparer utilement leur défense.

De ce fait, le niveau de protection des droits fondamentaux est abaissé. Beaucoup verront leurs recours rejetés pour forclusion.

Enfin, il faut préserver le parallélisme entre le délai laissé à l'étranger pour déposer son recours et celui octroyé au juge pour statuer, qui est également de quinze jours. Cela nous semble assez équitable : tous deux disposeront du même temps, l'un pour déposer son recours et l'autre pour donner sa réponse.

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La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement identique no 41 .

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Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 19 de l'article 2. Nos collègues se sont très largement exprimés sur ce sujet ; j'en ai moi-même dit un mot dans mon intervention sur l'article. Toutefois, je continue à m'interroger. Nous avons bien compris que nous nous trouvions dans une situation d'urgence, qui fait suite à la décision de la Cour de cassation. Celle-ci a jugé illégal l'enfermement des personnes dublinées en l'absence de définition des critères permettant d'établir un risque non négligeable de fuite. Cela étant, l'alinéa 19 réduit le délai de recours ouvert aux étrangers contre une mesure de transfert vers un autre État membre de l'Union européenne compétent pour statuer sur leur demande. Si l'on s'est focalisé sur la défense des droits de ces personnes, je souhaiterais, pour ma part, connaître la position des magistrats – il y en a d'ailleurs quelques-uns dans cet hémicycle. Comment pourront-ils s'exécuter dans un délai aussi court et prendre en compte les droits des demandeurs d'asile ?

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Même avis.

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Sur l'article 2, je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Élise Fajgeles.

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Le débat se cristallise autour de positions caricaturales. D'un côté, Mme Ménard introduit une présomption de dangerosité à la charge de tous les étrangers, tandis que M. Ciotti entend quasiment suspendre toute possibilité de recours.

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J'appelle cela porter atteinte aux droits élémentaires de la défense. Nous entendons, au sein de la majorité, protéger ces droits fondamentaux. En revanche, du côté droit de l'hémicycle, on ne se situe pas sur le même plan. Nous avons été un certain nombre, au sein de la majorité, à dire qu'il fallait retravailler sur ces délais. La question de notre collègue Wonner est tout à fait légitime : qu'en pensent les magistrats ?

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Il faut aussi se demander ce qu'en pensent les Français !

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Nous avons deux mois pour préparer le projet de loi sur l'asile et l'immigration, pour procéder aux auditions les plus précises, les plus techniques possibles, et pour travailler sur ces délais. Il conviendra de revenir sur ce qui est proposé aujourd'hui. Nous adoptons une position d'équilibre, de nature à assurer le caractère opérationnel de la loi. Il me semblerait donc opportun que notre collègue de La République en marche retire cet amendement. Nous allons y travailler tous ensemble très sérieusement. Notre groupe, en tout cas, s'y engage. C'est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.

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L'intervention précédente est empreinte de contradictions. En effet, vous venez de dire qu'il fallait prendre le temps de consulter les magistrats et les magistrates – un certain nombre d'entre eux, d'ailleurs, se sont déjà exprimés, et l'ont fait dans un sens très critique. En même temps, vous voulez faire voter dès maintenant une disposition qui, vous le reconnaissez vous-même, pourrait faire l'objet d'une contestation.

Exclamations sur les bancs du groupe REM.

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Là encore, pourquoi faire preuve d'une telle précipitation sur une question aussi délicate, qui pose un certain nombre de problèmes, ne vous en déplaise, en termes de droits de la défense ?

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Nous avons déjà répondu deux ou trois fois !

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En effet, vous le savez, lorsqu'on réduit de moitié les délais de recours, on empêche le requérant d'accéder à certains éléments et d'assurer au mieux sa défense. Tout en enrobant cette mesure de toutes les manières possibles, tout en admettant que c'est problématique et que les avocats et les magistrats y sont opposés, vous voulez voter cette disposition, dans l'attente des auditions que vous conduirez. Mais à quoi serviront ces dernières ?

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Soyez honnêtes ! Au moins, les collègues qui, selon vous, tiennent des propos caricaturaux sont cohérents jusqu'au bout et mènent votre logique à son terme.

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Vous prétendez respecter un équilibre, mais ce n'en est pas un : il s'agit d'une inflexion qui permet ensuite, notamment au Sénat, de renforcer et de durcir encore davantage ce texte. Nos collègues du côté droit de l'hémicycle conduisent votre logique à son terme et, par leurs amendements, pourraient vous épargner la consultation que vous avez annoncée – qui n'en sera d'ailleurs pas une, puisque nous aurons déjà voté.

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Madame Fajgeles, vous affirmez que je défends des positions caricaturales. Je crois que nous avons été élus pour défendre des convictions, des valeurs et pour apporter des réponses à des problèmes concrets. Aujourd'hui, nous pouvons tous partager le constat que le droit d'asile est dévoyé de sa vocation première ; on place sur le même plan ceux qui obtiennent le statut noble de réfugié et ceux qui en sont déboutés. C'est vous qui avez une démarche caricaturale, dans la mesure où vous refusez de voir cette réalité. J'ai proposé un amendement qui vise simplement à revenir à la situation antérieure à la loi du 29 juillet 2015. Que je sache, à cette époque, on ne peut pas dire que l'État ne respectait pas les libertés publiques ou les droits fondamentaux ! Vous avez vous-même soutenu, depuis 2012, des gouvernements qui ont modifié la législation. Le résultat, nous le connaissons, il a été évoqué. C'est ce qui mobilise l'exécutif et donne sa justification à cette proposition de loi, que le Gouvernement n'a pas eu le courage de défendre et qu'il fait porter par un groupe ami.

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La réalité est là. Assumez donc ces positions. Il y a des chiffres qui traduisent la dégradation de la situation des flux migratoires. Jamais il n'y a eu autant d'entrées illégales dans notre pays qu'au cours de l'année 2017. Nous devons réagir : prenez vos responsabilités. Le Gouvernement parle d'un texte à venir, dont nous verrons le contenu. En tout cas, je vois, à votre propos, que vous êtes loin de mesurer la gravité de la situation.

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L'objet de cet amendement, à mes yeux, était de faire comprendre que nous formions un collectif de députés – la quasi-totalité des membres de notre groupe – très attachés à revenir au délai actuel. J'ai bien compris que cela serait possible dans le cadre du projet de loi sur l'asile, l'immigration et l'intégration. En conséquence, je retire mon amendement.

L'amendement no 41 est retiré.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Le CESEDA prévoit plusieurs délais de recours plus courts que sept jours, comme des délais de quarante-huit heures, par exemple, dont disposent les personnes assignées à résidence pour saisir le JLD – juge des libertés et de la détention – ou le juge administratif. Or, ces délais, même courts, n'empêchent pas les recours : le contentieux des étrangers est le contentieux le plus nourri devant la juridiction administrative.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Je ne connais pas l'avis des magistrats, mais je porte ces éléments à votre connaissance. Par ailleurs, la Commission européenne propose un délai de sept jours dans le cadre de la renégociation de ce qu'on appelle le « paquet asile » pour les délais de recours contre les décisions de transfert. Il me semble que cela pourra éclairer certains d'entre vous.

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Il me paraît regrettable que nous n'ayons pas une position claire sur le retour au délai de quinze jours. Mme la ministre a évoqué un délai de recours de quarante-huit heures devant le JLD, en cas, par exemple, d'assignation à résidence. Mais cette situation n'est pas comparable à celle d'un transfert vers un autre État membre. La complexité du dossier n'est pas la même. Je trouve donc regrettable d'aller dans un sens plus sécuritaire, et cela ne me rassure pas dans la perspective de l'examen du futur projet de loi sur l'asile et l'immigration.

Les amendements identiques nos 6 et 25 ne sont pas adoptés.

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Monsieur Coquerel, vous avez souhaité donner des explications de vote sur l'article 2 ?

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Oui, madame la présidente, en relation avec le scrutin public que nous avons demandé. Il y a une logique que je ne comprends pas. Je ne dénie à personne, ici, le sentiment d'humanité, mais je voudrais m'adresser, en particulier, à nos collègues de La République en marche et du MODEM qui, depuis tout à l'heure, éprouvent de grandes hésitations sur ce texte. Depuis que cette majorité a été élue, il est arrivé, à plusieurs reprises, que le Sénat soit en désaccord avec l'Assemblée nationale, par exemple sur la loi de moralisation de la vie publique ou dans le domaine de la défense. Je remarque que, dans tous ces cas, les dispositions sénatoriales ont été rejetées et que vous avez trouvé le moyen, en très peu de jours, de faire revoter le texte initial. Pour ma part, je ne crois pas à l'idée qu'il y aurait un tel vide juridique qu'on ne pourrait pas attendre, par exemple, quelques jours, une semaine pour revoter le texte tel qu'il a été défini. Je pense donc que cela révèle autre chose.

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Je ne sais pas exactement de quoi il retourne. J'entends des collègues de La République en marche expliquer qu'ils vont voter ce texte tout en s'opposant à son contenu. En réalité, vous savez qu'à partir du moment où ce texte sera voté, la pente sera prise. Il correspond, de fait, aux propositions du Gouvernement, à l'égard desquelles plusieurs d'entre vous ont exprimé, aujourd'hui, des réserves. Il ne faut donc pas se leurrer. Dès lors que cette restriction du délai de recours sera votée, tous ceux qui estiment que le projet de loi sur l'asile et l'immigration va trop loin ne pourront exercer de pression sur le Gouvernement pour qu'il refrène son ambition. Dès lors, vous ne serez pas en position de force pour amender ce texte, comme vous déclarez vouloir le faire. C'est donc, en quelque sorte, reculer pour mieux sauter. Je ne dirais pas qu'il y a, dans cette invitation à voter un texte pour revenir dessus par la suite, quelque chose qui s'apparente à de la manipulation, car je ne veux pas être méchant, mais je décèle, à tout le moins, une entourloupe.

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Je parie une chose : si vous ne votez pas ce texte, vous verrez que vous serez contraints tôt ou tard de l'accepter, avec les modifications souhaitées par le Gouvernement. Vous constaterez que la droite votera avec les députés de La République en marche qui approuveront le texte du Gouvernement. J'invite ceux qui s'interrogent à ne pas le voter. Tant pis si on perd une semaine. Le Gouvernement reviendra sur la version initiale, qui était voulue, si j'ai bien compris, par la majorité de La République en marche.

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Monsieur Coquerel, ne faites pas semblant de ne pas comprendre

Exclamations sur les bancs du groupe FI

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et ne déplacez pas inutilement le débat ! Vous savez très bien que, si ce texte n'est pas voté conforme, ce n'est pas en une semaine que la question sera réglée, mais en plusieurs semaines, peut-être même en mois.

Mêmes mouvements.

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À partir de là, on encourt deux risques : le premier est qu'un vide juridique – auquel vous affirmez ne pas croire – , ne soit pas comblé ; le second, qui me paraît encore plus grave, est de polluer le vrai débat, complet, total, que nous devons avoir entre nous sur le projet de loi sur l'asile et l'immigration, et qui sera peut-être, en effet, difficile. Nous risquerions de le polluer par un débat secondaire sur le cas que nous examinons aujourd'hui. Je ne dis pas que le débat que nous tenons à cet instant est superflu ; je me réjouis même qu'il ait lieu, y compris parce qu'il fait apparaître les différentes sensibilités qui traversent le groupe majoritaire. Nous allons nous retrouver sur le vote conforme, parce que l'esprit de responsabilité va l'emporter. Il n'en demeure pas moins positif qu'à un moment donné, dans cet hémicycle, des points de vue différents se soient exprimés. Toutefois, il y a une différence entre laisser ces divergences se manifester pendant une soirée ou pendant deux mois, et nous ne voulons pas prendre ce risque.

Applaudissements sur les bancs du groupe REM.

Il est procédé au scrutin.

Nombre de votants64
Nombre de suffrages exprimés57
Majorité absolue29
Pour l'adoption51
contre6

L'article 2 est adopté.

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Sur l'article 3, je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 3.

La parole est à Mme Delphine Bagarry.

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Ce texte pose des questions beaucoup plus larges que celle du flou juridique. Comme il est extrêmement durci, on peut se demander s'il ne poussera pas les étrangers relevant du règlement Dublin à rester clandestins et à ne pas faire de demande d'asile. Un autre de ses effets pervers serait que les pays d'arrivée des étrangers ne veuillent plus prendre les empreintes digitales ni enregistrer les passages, et n'instruisent plus les demandes d'asile de peur d'en avoir trop à traiter.

Chacun a évoqué le dysfonctionnement du règlement Dublin III, qui n'est plus appliqué, car il est non applicable et non pertinent. Là réside le fond du problème. Au-delà du sujet politique, philosophique ou idéologique que représente l'immigration, ce règlement européen n'est pas à la hauteur des enjeux, et nous avons donc besoin d'un travail commun et d'une coopération forte entre les États membres sur la question migratoire.

Certains collègues ont estimé qu'il était important que la future loi relative à l'asile et à l'immigration soit précédée d'une réflexion interministérielle : je pense qu'elle a eu lieu, et vous nous avez rassurés sur ce point, madame la ministre. Il n'y a pas là qu'un problème d'ordre public et de police, et le sujet aurait mérité, me semble-t-il, la création d'une commission parlementaire spéciale, et que l'on prenne son temps. La précipitation est rarement bénéfique.

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L'article 3 concerne la sécurisation juridique des assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire. L'article L. 561-1 du CESEDA permet à l'administration d'assigner à résidence un étranger qui justifie être dans l'impossibilité absolue de quitter le territoire français.

En pratique, il s'agit de personnes qui ne peuvent regagner leur pays d'origine en raison d'un risque avéré de mauvais traitement, de torture ou à la suite d'une condamnation à mort. En l'état actuel du droit, cette assignation à résidence est limitée à une durée de six mois, renouvelable une fois, sauf pour certaines catégories d'étrangers, dont ceux sous le coup d'une interdiction judiciaire du territoire. Pour ces derniers, l'assignation est calquée sur la durée de l'interdiction judiciaire et peut donc être perpétuelle.

Comme l'a dit Mme la ministre, seuls quelques étrangers sont concernés. Ils sont déplacés de village en village, assignés dans une chambre d'hôtel payée par l'État, qui leur offre aussi le petit-déjeuner et le dîner – mais pas le déjeuner. Ils n'ont pas le droit de travailler, ne peuvent pas franchir les limites de la commune où ils sont assignés et doivent se présenter plusieurs fois par jour au commissariat ou à la gendarmerie. Ils se trouvent ainsi dans une situation comparable à celle des personnes détenues, si ce n'est qu'ils sont leur propre gardien. Toute réhabilitation leur est impossible, et si l'interdiction du territoire est une double peine, l'assignation est pour eux la troisième. Pour certains, ce calvaire peut durer plus de dix ans.

Répondant à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions de ce régime, et c'est pourquoi cet article 3 a été introduit par le Sénat. Néanmoins, sous l'empire de ce texte, l'assignation à résidence restera perpétuelle. Ce texte n'entoure cette exception à l'exception d'aucune garantie, telle qu'une obligation de réévaluer la menace à l'ordre public à échéance fixe, accompagnée de la nécessité de justifier d'éléments nouveaux. Ce délai de cinq ans n'est donc qu'une garantie formelle, et nous aurions tout intérêt à revisiter ce dispositif.

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Notre collègue vient de le montrer, comme nombre des amendements introduits par le Sénat, l'article 3 renforce la logique d'un texte qui, sous prétexte de combler des vides juridiques, accentue l'absurdité du système en place. Il y a deux manières de traiter un problème : soit on le règle, soit on l'accentue. Il nous semble que, comme de nombreuses dispositions de cette proposition de loi, l'article 3 accentue l'inefficacité et, en définitive, l'inhumanité du traitement des demandeurs d'asile.

Contrairement à ce qu'insinuait notre collègue, nous ne prenons pas ce débat à la légère : nous le prenons au contraire très au sérieux. Ce n'est pas au spectacle des débats de la majorité que nous participons ce soir, mais à un débat parlementaire dans lequel il nous semble que personne n'instruit de procès d'intention sur les motivations de quiconque. Cependant, nous assumons d'avoir une vision différente et de défendre nos propositions, comme nous l'avons fait lors de l'examen de précédents textes et comme nous le ferons lors de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration et à l'asile.

Oui, ces propositions sont cohérentes, parce que ce texte s'inscrit dans une logique d'ensemble. Le fait de renvoyer certains de nos collègues au débat à venir sur l'immigration et l'asile montre bien que les choses sont liées. Ce n'est donc pas un débat secondaire, mais préliminaire à celui que nous aurons, et qui révélera à nouveau les incohérences, les absurdités et l'inefficacité, en termes humains, économiques et organisationnels, d'un système dont ont à souffrir les migrants et les migrantes, mais aussi les agents des forces de police, de l'administration et de la justice. Cet article 3 et l'ensemble de cette proposition de loi accroîtront l'enfermement des migrants.

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J'aimerais, là encore, faire la pédagogie de l'article 3. Les prises de parole des uns et des autres ne correspondent en rien au contenu réel de cet article.

L'article 3 vient à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel…

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… du 30 novembre 2017, qui a annulé l'article L. 561-1 du CESEDA. En principe, l'assignation à résidence est limitée à six mois, cette période pouvant être renouvelée une fois. Dans quelques cas, énoncés par cet article L. 561-1, la durée de l'assignation n'était pas limitée. Le Conseil constitutionnel a censuré cette absence de limitation. La proposition du Sénat est donc totalement justifiée, puisqu'elle vise à poser une limite, fixée à cinq ans. Au-delà de cinq ans, une décision motivée du juge des libertés et de la détention sera nécessaire. Il s'agit donc d'une protection supplémentaire pour la personne assignée à résidence.

Lisez la décision du 30 novembre 2017, et nous en reparlerons plus tard ! En voulant anticiper le débat long, approfondi et fin qui se tiendra à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'asile et à l'immigration, nous nous éloignons de l'objectif visé par l'article 3, ajouté par le Sénat, et qui mérite totalement d'être maintenu.

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Mon cher collègue Florent Boudié, mon intervention dans la discussion générale n'a pas dû beaucoup vous intéresser, car j'y ai exposé, au sujet de l'article 3, les mêmes arguments que ceux que vous venez d'avancer. Il y a donc quelques députés dans cet hémicycle qui ont lu cet article comme vous et qui en ont eu la même interprétation juridique.

Je ne comprends pas les oppositions à cet article 3, qui, en réalité, apporte des garanties supplémentaires à l'étranger assigné à résidence. Au-delà d'un délai de cinq ans, le juge devra rendre une décision motivée et faisant référence à des circonstances particulières. On ne pourra donc plus, contrairement à aujourd'hui, renouveler indéfiniment cette mesure restrictive de droit.

Mes chers collègues, le Sénat est donc allé dans le sens de tout ce que vous évoquez en termes de respect des droits, notamment ceux de la défense.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le MODEM votera cet article, considérant que l'apport du Sénat est tout à fait bénéfique.

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Le vide juridique dépend du côté où l'on se place : si l'on veut enfermer, il y a un vide juridique, mais, si l'on veut libérer, il n'y en a pas.

L'article 3 est sans lien avec l'objet initial de la proposition de loi, car il a trait aux interdictions temporaires du territoire français, les ITTF. Il concerne effectivement une petite poignée d'étrangers, qui ont été condamnés en France à une interdiction judiciaire du territoire, mais qui ne peuvent pas regagner leur pays d'origine en raison d'une condamnation à mort dans ce pays ou par crainte d'y subir un traitement inhumain et dégradant.

Voulant en effet remédier rapidement à une inconstitutionnalité, le Sénat a adopté un texte hors sujet et contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. Cette situation est très regrettable.

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Nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement no 35 .

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Défavorable.

L'amendement no 35 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

Nombre de votants69
Nombre de suffrages exprimés63
Majorité absolue32
Pour l'adoption56
contre7

L'article 3 est adopté.

La proposition de loi est adoptée.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt.

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L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (nos 629, 639).

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La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée procède ce soir à la deuxième lecture du projet de loi de ratification de l'ordonnance réformant le droit des contrats, de la preuve et le régime des obligations.

Ces débats prennent une résonance toute particulière, car on vient de fêter – il y a quelques jours à peine – le deuxième anniversaire de l'ordonnance. Comme tout anniversaire, celui-ci invite à dresser un bilan.

Dressons tout d'abord celui de l'ordonnance. Si son entrée en vigueur est encore trop récente pour qu'on puisse mesurer l'impact qu'elle a eu sur le contentieux, l'abondante littérature que, depuis deux ans, a suscitée sa publication permet de dresser le bilan d'une réforme globalement bien accueillie s'agissant de l'équilibre qu'elle présente entre modernisation du droit des contrats et maintien des principes humanistes.

L'examen de cette ordonnance, dans le cadre du processus de ratification par le Parlement, a confirmé ce premier constat. En effet, aucune des deux assemblées n'a remis en cause le principe de la ratification ni les grands équilibres proposés par le Gouvernement, confirmant ainsi la bonne réception de l'ordonnance par les praticiens.

Dressons ensuite le bilan de la méthode suivie par le Gouvernement pour procéder à une réforme majeure du code civil. Depuis leur lancement en 2004, les travaux ont donné lieu à des publications académiques remarquables, à des échanges nourris avec les professionnels et à une consultation publique – inédite pour le ministère de la justice – ayant réuni plus de 300 contributions. Sur la base de ces travaux et d'un article d'habilitation très détaillé permettant au Parlement d'en connaître les grands axes, le Gouvernement a été autorisé à mener cette réforme d'ampleur par ordonnance.

Enfin, les débats actuels nous invitent à dresser un autre bilan, celui du processus de ratification, dont je tiens, au nom de la garde des sceaux, à saluer la grande richesse. Bien entendu, il n'existe pas de texte parfait. L'ordonnance initialement publiée pouvait être améliorée ; elle l'a été par le biais de travaux parlementaires de grande qualité. Comme la garde des sceaux a eu l'occasion de le souligner, les débats qui se sont tenus, au sein des deux commissions comme dans les deux hémicycles, ont largement contribué à clarifier le sens de certaines dispositions de l'ordonnance.

Je salue ici M. le rapporteur, Sacha Houlié, qui, dans des délais très contraints au regard de l'ampleur de la réforme, a effectué un travail dont la qualité mérite d'être saluée, d'autant plus qu'il s'agit d'un texte dense et d'une technicité particulière. Monsieur le rapporteur, soyez remercié ici d'avoir ainsi contribué à en améliorer la lisibilité. Dans le même esprit de responsabilité que celui du Sénat, le rapporteur de votre commission des lois a eu le souci de préserver la stabilité juridique du nouveau droit des contrats, que les praticiens se sont déjà approprié depuis son entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

Ainsi, votre commission s'est concentrée, à chaque étape de la discussion, sur l'évaluation de la pertinence des modifications proposées par le Sénat, première assemblée saisie. Sur de nombreux points, le texte a été amélioré par le Sénat et votre assemblée n'a pas remis en cause ces améliorations. Sur d'autres, votre commission des lois a proposé d'utiles modifications, que le Sénat n'a pas remises en cause.

La garde des sceaux a été particulièrement sensible à votre souci de préserver l'esprit et la cohérence de l'ordonnance, monsieur le rapporteur, notamment en vous attachant à conserver ses dispositions les plus emblématiques et à ne pas sacrifier la justice contractuelle au nom de l'efficacité économique. Votre assemblée, mesdames, messieurs les députés, est notamment revenue sur la subordination de la réticence dolosive à l'existence d'une obligation d'information ainsi que sur la restriction de l'abus de dépendance à la seule dépendance économique.

Sur ces deux points, le dialogue entre les deux chambres a permis de parvenir à un compromis satisfaisant, de sorte qu'ils ne sont plus en discussion. La volonté de compromis qu'a manifestée chaque assemblée permet à cette deuxième lecture de porter sur un texte amélioré, dont l'équilibre et l'esprit restent fidèles à ceux que le Gouvernement a entendu lui conférer, et qui concilient l'efficacité économique du droit et le renforcement de la justice contractuelle.

En définitive, une unique disposition de fond demeure en discussion tandis que s'achève la deuxième lecture du texte : les prérogatives du juge en matière d'imprévision. Le Sénat a maintenu leur limitation. Votre assemblée a bien saisi l'intérêt de cette disposition emblématique de l'ordonnance ; elle a donc réintroduit, en première lecture puis en commission il y a quelques jours, la faculté pour le juge, saisi par une seule des parties, de réviser un contrat.

Le Gouvernement, monsieur le rapporteur, partage la conviction selon laquelle la solution proposée par l'ordonnance, consistant à autoriser la révision judiciaire du contrat à la demande d'une seule des parties, est seule de nature à conférer au texte toute son utilité et son effectivité. C'est précisément sur ce point que l'ordonnance propose un dispositif novateur et efficace. En effet, il est très peu probable que des parties qui ne se seraient pas accordées sur les termes de la renégociation, voire sur la nécessité même de renégocier, décident finalement de s'accorder pour confier ce pouvoir au juge.

C'est pourquoi le Gouvernement a estimé que procéder à une réelle avancée consisterait à donner au juge, en dernier recours, la possibilité de réviser le contrat, y compris à la demande d'une seule des parties. En effet, s'il est évident que l'on doit pouvoir mettre fin à une relation contractuelle dont le maintien à tout prix est contraire à l'intérêt des parties, il est toutefois des cas dans lesquels, au contraire, la résolution du contrat ne présente un intérêt économique pour aucune des parties, notamment si des emplois devaient être menacés en conséquence.

Le Gouvernement forme donc le voeu que l'esprit de compromis qui a présidé aux travaux parlementaires permette de conserver la pleine efficacité du dispositif et ne remette pas en cause l'équilibre auquel l'ordonnance était parvenue. Le bilan de sa ratification, avant même son aboutissement définitif, est donc d'ores et déjà positif.

Les débats auxquels elle a donné lieu dans les enceintes parlementaires ont indéniablement contribué à lui conférer, outre la force de la loi, la place qu'elle méritait dans le débat public et que seule la discussion parlementaire peut lui assurer. À ce titre, et au nom du Gouvernement, je vous remercie, mesdames, messieurs les députés.

Applaudissements sur les bancs des groupes REM et UDI-Agir.

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La parole est à M. Sacha Houlié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers courageux collègues, la liberté et l'égalité, le respect des initiatives individuelles et la préservation de la justice contractuelle : tels sont les deux pôles de la matière contractuelle. Toutefois, ces deux objectifs sont trop souvent opposés, à tort. En effet, comme le souligne le professeur Chénedé, « en droit des contrats comme ailleurs, le juste se situe souvent, si ce n'est toujours, au milieu ».

Aussi, alors que notre assemblée est à nouveau saisie, en deuxième lecture, du projet de loi de ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 relative au droit des contrats, je propose que nous nous engagions sur la voie de justes compromis, au plus près de la réalité contractuelle. À l'issue de la deuxième lecture du texte par le Sénat, neuf articles demeurent en discussion.

Le Sénat s'est en effet rallié à l'appréciation de notre assemblée s'agissant du délai de réponse à l'action interrogatoire menée dans le cadre du pacte de préférence ou de la représentation, du champ de la réticence dolosive et des règles relatives à l'appréciation de la qualité de la prestation.

En revanche, il a rétabli plusieurs articles du projet de loi qu'il avait adoptés en première lecture ou en a proposé une nouvelle rédaction. Tel est le cas d'un article fondamental que nous avions réécrit, l'article 2, qui définit le contrat d'adhésion. Je rappelle que nous avions introduit une innovation politique majeure ayant vocation à modifier sensiblement notre modèle contractuel.

Cette reconnaissance se traduira en effet « fatalement [… ] par une extension du domaine de la lutte contre les déséquilibres contractuels », selon la formule du professeur Denis Mazeaud. Il nous incombait d'être très vigilants sur cette innovation, car nous en avons pris l'initiative.

Sur proposition du Gouvernement, le Sénat a modifié les termes de l'article que nous avons rédigé mais en a conservé l'esprit. Il a retenu la définition suivante du contrat d'adhésion : « un ensemble de clauses non négociables déterminées à l'avance par l'une des parties ».

Ce faisant, il a conservé deux critères d'identification essentiels, la non-négociabilité et la prédétermination unilatérale des clauses emportant la qualification du contrat. Il a surtout consacré l'« ensemble de clauses », dont la multiplicité et la reproductibilité permettent d'identifier l'ensemble contractuel. Il a ainsi resserré et recentré la définition du contrat d'adhésion, par opposition au contrat de gré à gré.

Il en résulte la suppression de la référence aux conditions générales et le retrait de la précision selon laquelle l'ensemble contractuel s'applique « à une multitude de contrats ou de personnes », devenues inutiles. À défaut, le champ des contrats d'adhésion aurait été limité aux seuls contrats de masse. Dans le cas présent, on peut identifier ce pour quoi on signe, notamment dans le cas d'un abonnement téléphonique ou d'un accès à internet.

S'agissant de l'abus de dépendance visé à l'article 5 du projet de loi, le Sénat a accepté de se rallier à l'avis de l'Assemblée nationale en supprimant la restriction à la dimension économique qu'il avait introduite. Il a toutefois précisé que l'état de dépendance d'une partie au contrat s'entendait à l'égard de son cocontractant, c'est-à-dire entre les deux parties, ce qui va sans dire mais va naturellement mieux en le disant.

S'agissant du mécanisme de réduction du prix en cas d'exécution imparfaite d'une prestation visé à l'article 9, le Sénat a supprimé la précision que nous avions introduite selon laquelle l'acceptation par le débiteur de l'offre de réduction du prix met un terme à toute contestation. Il ferme donc la voie d'accès au juge.

Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, priver le débiteur de tout recours judiciaire pourrait s'avérer excessif si celui-ci se voyait contraint d'accepter une réduction du prix, notamment en raison de difficultés financières importantes, ce qui emporterait une nouvelle inégalité contractuelle.

Enfin, à l'initiative du Gouvernement, le Sénat a circonscrit les possibilités de paiement en devises prévues à l'article 13 aux opérations à caractère international, aux jugements étrangers, aux produits dérivés et à l'accord entre les parties, à condition qu'il s'agisse de professionnels et que l'usage de la devise soit communément admis pour l'opération concernée.

C'est donc un esprit de compromis qui a présidé à l'examen de ces dispositions, sur lesquelles je vous propose de ne pas revenir, mes chers collègues. Cependant, d'autres me posent problème, ainsi qu'au Gouvernement, si j'en crois les propos que vient de tenir Mme la ministre.

C'est le cas du dispositif relatif aux clauses abusives, qui figure à l'article 7. Le Sénat a rétabli la disposition limitant aux seules clauses non négociables l'application du dispositif des clauses abusives. Autrement dit, pour le Sénat, non seulement il faut définir le contrat d'adhésion, mais il faut de surcroît définir les clauses non négociables du contrat d'adhésion ; et seules ces dernières peuvent, en cas de déséquilibre significatif, être annulées. Nous n'approuvons pas ce dispositif : à notre sens, dès lors que le contrat d'adhésion est reconnu comme tel, toutes ses clauses – sous réserve de déséquilibre significatif – peuvent, à l'appréciation du juge, être annulées. La commission a rétabli la version que nous avions adoptée en première lecture.

C'est également le cas du régime de l'imprévision, c'est-à-dire de la faculté de demander au juge d'intervenir dans un contrat, qui figure à l'article 8. Le Sénat a, de nouveau, supprimé la possibilité de révision du contrat par le juge. Nous l'avons rétablie en commission.

En revanche, la commission n'est pas revenue sur la caducité de l'offre en cas de décès du destinataire. Le Sénat, fidèle à sa première version, l'avait réintroduite. Si cela peut se comprendre lorsque le contrat est conclu intuitu personæ, il n'en va pas de même dans d'autres types de contrats. Je vous proposerai donc un amendement sur ce point.

Ce sera le seul : sous réserve de son adoption, je vous inviterai à voter le texte en l'état. Une commission mixte paritaire se réunira sans doute par la suite ; mais c'est une autre histoire.

Applaudissements sur les bancs du groupe REM.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat n'était pas simple ! Nous touchons au code civil de 1804, pierre angulaire du droit français, qui a influencé de nombreux autres droits. Nous ratifions l'ordonnance du 10 février 2016, qui a été précédée d'un très large travail universitaire, professionnel : le législateur ne pouvait arriver à ce moment comme un éléphant dans un magasin de porcelaine et casser des dispositions pour la plupart travaillées collectivement.

Ce travail est une réussite ; je veux en particulier saluer l'engagement du rapporteur. Les initiatives de l'Assemblée nationale, sur le contrat d'adhésion d'abord, sur la réticence dolosive ensuite, sur l'abus de dépendance enfin, constituent un grand progrès. Je me réjouis du ralliement du Sénat à nos choix.

Restait à affiner certaines dispositions, comme vient de l'exposer M. le rapporteur. J'approuve ce qu'il a dit. Je souhaite que ce débat s'achève et que la commission mixte paritaire aboutisse.

Nous aurons ainsi achevé, après un long travail des juristes eux-mêmes, puis du Gouvernement et du Parlement, cette modernisation de notre droit des contrats. Nous partageons tous le même but : permettre au droit français de rayonner beaucoup plus largement dans le monde.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous arrivons au bout d'une importante réforme, très technique. Elle a été commencée au cours de la législature précédente et nous n'avons fait que la parachever. Nous avons déjà eu un débat nourri en première lecture ; le Sénat a apporté peu de modifications. Ce texte sera donc adopté sans difficulté.

Nous tenons toutefois à en rappeler l'enjeu. Cette réforme du droit des contrats était attendue depuis longtemps, en premier lieu par les professionnels, par la doctrine, et en second lieu, bien entendu, par les étudiants. En effet, l'ordonnancement incohérent des textes dans le code civil et le développement d'une jurisprudence foisonnante avaient rendu cette matière inutilement complexe. Or, si nul n'est censé ignorer la loi, cet adage est plus aisé à respecter si la loi elle-même est simple et intelligible.

L'enjeu politique de cette réforme du droit des contrats réside dans l'établissement d'un équilibre entre, d'une part, l'impératif de justice dans le contrat et, d'autre part, l'autonomie des contractants.

La justice implique un regard de la société sur les contrats, afin d'éviter que des personnes ne soient défavorisées par un contrat déséquilibré : il faut donc une plus grande intervention du juge. Nous croyons que la société doit avoir ce droit de regard.

L'autonomie contractuelle et la liberté des personnes de souscrire un contrat permettent, certes, une grande sécurité juridique : une fois signé, un contrat ne bouge plus. Mais ce principe peut justifier le maintien de situations injustes. Or la loi doit combattre l'injustice, et non l'entériner.

S'agissant de la méthode de l'ordonnance, nous déplorons toujours que la réforme d'une matière aussi importante ait été opérée de cette manière. La représentation nationale doit pouvoir débattre pleinement des textes de loi. C'est son rôle de législateur ; elle ne peut se contenter d'entériner, voire d'enregistrer, les textes présentés par l'exécutif.

Cette ordonnance a malgré tout le mérite de clarifier l'état du droit existant par une recodification plus cohérente et une codification de jurisprudences installées. Par exemple, le devoir de bonne foi de la négociation à l'exécution du contrat est désormais reconnu dans la loi. L'obligation générale d'information, avant la constitution du contrat, figure elle aussi dorénavant dans la loi. C'est à notre sens une bonne chose.

Par ailleurs, l'ordonnance renforce le rôle du juge, ce dont nous nous félicitons. En effet, dans sa rédaction initiale, l'ordonnance rompt avec une jurisprudence établie depuis 140 ans sur la révision judiciaire du contrat pour imprévision. Désormais, lorsqu'un changement de circonstances rend l'exécution du contrat trop onéreuse pour l'une des parties, le juge peut réviser le contrat. Ce changement était grandement attendu. De la même manière, le droit commun consacre la catégorie des contrats d'adhésion et les assortit d'une protection de la partie faible au contrat.

Les reculs ou les prises de risque que nous avions dénoncés en première lecture ont heureusement été supprimés depuis. Mais le Sénat a réalisé, lors de cette première lecture, une véritable offensive libérale – libérale au sens du droit, selon lequel les gens sont libres d'établir des contrats, sans que le rapport de force social entre eux puisse jamais être pris en considération, et sans que le juge puisse intervenir sur le fond du contrat lorsqu'il statue sur son respect. Or une liberté absolue en matière contractuelle ne peut être que dangereuse pour la partie faible. Il a donc fallu renforcer les règles sur l'imprévision, notamment sur les actions interrogatoires.

Le Sénat avait également fait le choix politique de réduire le droit des contrats à un banal instrument au service de la compétitivité des droits. Si l'Assemblée nationale a globalement – mais pas complètement – su résister à l'offensive libérale, l'obsession de l'attractivité internationale du droit français des contrats ne doit pas être la boussole du législateur. Nous ne devons pas entrer dans une course au moins-disant, qui ne saurait être que délétère : si la France est attractive, c'est parce qu'elle protège, non parce qu'elle laisse faire. Il ne faut pas abandonner les parties faibles au pur rapport de force, qui ne peut leur être que défavorable. La liberté opprime le faible, et protège le fort : la justice doit veiller à neutraliser cet effet, et protéger le faible contre l'arbitraire du fort.

Au cours de la discussion du projet de loi, nous vous avons proposé d'innover et de renforcer la justice dans les relations contractuelles. La première innovation aurait été l'introduction d'une liste non limitative de dispositions relevant du domaine de l'ordre public, préservant ainsi les pouvoirs du juge. Les rédacteurs de l'ordonnance se sont posé la question, mais en ont finalement abandonné le projet, ce qui est bien dommage. Il nous paraît toujours nécessaire de renforcer et de consolider l'ordre public tout en laissant au juge un pouvoir d'appréciation.

La deuxième innovation aurait été d'armer notre droit dans tous les domaines contre l'évasion fiscale – fraude ou optimisation fiscale abusive – en introduisant dans le droit commun la notion d'abus de droit fiscal. Alors qu'on nous répète en permanence dans cet hémicycle qu'il faut faire des économies et chercher des financements, il est dommage de ne pas aller chercher l'argent là où il se trouve. La désertion fiscale doit être sanctionnée. Vous reconnaîtrez là l'une des batailles que nous menons dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative. Faute d'avoir réussi, pour le moment, à vous convaincre, vous nous accorderez le bénéfice de la cohérence.

Concrètement, quand le non-paiement de l'impôt atteint des montants aussi considérables que ce que nous révèlent les Panama Papers, les Paradise Papers ou les LuxLeaks, cela veut dire que notre droit n'est pas assez armé pour faire respecter la règle républicaine fondamentale qu'est la contribution à l'effort commun, le consentement à l'impôt. Jusqu'au rétablissement de l'ordre fiscal républicain, il faut sans relâche légiférer partout où cela peut être utile. Il faut agir.

Enfin, nous avions proposé de renforcer la justice dans les relations contractuelles en rétablissant cet outil au service du juge qu'est la cause du contrat – raison pour laquelle deux parties contractualisent – et de l'obligation. Nous nous félicitons que les fonctions de la notion de cause soient consacrées et codifiées par l'ordonnance. Toutefois, nous pensons que cette notion doit être littéralement présente dans notre droit pour que le juge dispose d'un instrument malléable de régulation des équilibres contractuels. Le droit des contrats se trouve confronté à des situations qui évoluent en même temps que la société, et il est préférable de maintenir la cause dans notre code civil. Vous ne les avez malheureusement pas retenus. Qu'importe, ils feront bien partie du droit un jour !

En résumé, ce texte va dans le bon sens, sous réserve que l'Assemblée nationale résiste à toute nouvelle offensive libérale et revienne à l'esprit de l'ordonnance. Si le texte continue le chemin pris jusqu'à maintenant, nous le voterons.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, sur laquelle nous sommes amenés à nous exprimer une nouvelle fois, est l'aboutissement d'une longue période de travaux préparatoires. D'une manière générale, la réforme qui nous est proposée est empreinte d'une volonté de pédagogie bienvenue. Nous ne pouvons que nous réjouir de la rédaction plus simple et claire d'anciennes dispositions, tandis que de nouvelles viennent compléter de vieilles lacunes.

La réforme a le mérite de renforcer les parties faibles et de rééquilibrer les relations juridiques. Elle met en place un devoir général d'information pour chaque cocontractant et affirme le principe de bonne foi dans toutes les étapes de la vie du contrat. Elle admet enfin la violence pour abus de dépendance dans laquelle peut se trouver le cocontractant, faisant directement écho à la jurisprudence relative à la violence économique. Elle vient également utilement préciser le régime de l'erreur de droit, sur le modèle de l'erreur de fait.

Depuis le projet de loi initial, plusieurs amendements ont été adoptés qui enrichissent le texte, tandis que d'autres, qui en avaient limité la portée, ont été supprimés par la commission des lois de notre assemblée.

Nous sommes particulièrement satisfaits des modifications apportées à l'article 5, dont la version initiale n'était pas satisfaisante. La réticence dolosive va au-delà du devoir général d'information, en ce qu'elle est caractérisée par l'intention de tromper, et n'a donc pas à être encadrée de la même façon. La mauvaise foi doit au contraire être sanctionnée plus largement. Cette nouvelle rédaction est donc bienvenue.

Nous nous félicitons également du maintien de la suppression de l'alinéa 2 du même article, qui restreignait la sanction de l'abus de dépendance à la seule dépendance économique. Cette disposition fragilisait encore plus la partie faible et allait à l'encontre de la jurisprudence, qui a étendu le champ de l'abus aux situations de dépendance liées notamment à l'âge de la victime ou à son état de santé physique et mentale. Une personne âgée ou malade n'a pas la même capacité à consentir que les autres.

Il est également bienvenu que le nouvel article 8 ait été corrigé, malgré la majorité de droite du Sénat qui souhaitait supprimer le pouvoir de révision du contrat par le juge. Cet outil, mobilisable en cas de « modification imprévisible », permet justement à un individu de se délier des chaînes du contrat dès lors que l'équilibre économique convenu lors de sa signature n'existe plus et le mène à la ruine.

S'agissant maintenant de la procédure utilisée, je vous rappelle que les députés communistes s'étaient déjà opposés, en 2014 et en 2015, à une réforme par ordonnance d'un tel droit, qui porte sur plus de 300 articles du code civil et concerne le quotidien de tous les Français. Loin d'être purement technique, elle soulève des questions politiques importantes qui auraient dû être débattues par le Parlement. La méthode choisie nous enlève cette possibilité.

Cette procédure fait également courir des risques juridiques importants, puisque l'ordonnance est entrée en vigueur le 1er octobre, c'est-à-dire avant même sa ratification par la représentation nationale. Elle est donc d'ores et déjà enseignée aux étudiants, assimilée et pratiquée par les professionnels du droit et par les acteurs économiques, avant même que l'Assemblée nationale se soit prononcée !

L'un des objectifs de cette réforme était de rendre notre droit civil plus attractif et plus efficace. Mais l'attractivité économique de notre droit ne repose pas uniquement sur le droit des contrats. L'efficacité des règles de procédure et, plus largement, l'efficacité de la justice, sont d'égale importance. Or, nous le savons, la justice n'a pas les moyens de fonctionner correctement dans notre pays. Notre système judiciaire est à bout de souffle. Or le budget de la justice et l'augmentation minimaliste que cette assemblée a votée n'apportent pas de réelles solutions à ce constat alarmant – ce n'est pas un élu de la Seine-Saint-Denis qui vous dira le contraire.

Permettez-moi de vous rappeler que le budget français de la justice par habitant est l'un des plus faibles d'Europe, avec 72 euros par habitant et par an. En 2014, la France était classée vingt-quatrième sur vingt-huit en termes d'effectifs judiciaires, avec seulement dix juges professionnels pour 100 000 habitants. Quant aux procédures, elles sont trop longues : en première instance, un Français attendra en moyenne 304 jours pour voir son cas jugé, contre 19 jours au Danemark. Nous ne parviendrons pas à rendre attractif le droit français si le système judiciaire ne suit pas.

Étant donné que ce texte propose de réelles avancées, en particulier pour les parties faibles, les députés communistes ne s'y opposeront pas. En revanche, nous ne pouvons que déplorer qu'une réforme d'une telle ampleur ait été menée par voie d'ordonnance. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous approchons du but. Nous, députés, sénateurs, magistrats, professeurs de droit, ministres, hauts fonctionnaires du ministère de la justice, praticiens, avocats et notaires, qui avons participé depuis plus de dix ans à ce long, très long processus de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, nous approchons du but.

L'objectif de cette réforme est de moderniser notre code civil, de le simplifier, d'améliorer sa lisibilité, de renforcer son accessibilité, de garantir la sécurité juridique et l'efficacité de la norme.

Car, enfin, voici bien une contradiction française. Des générations d'étudiants en droit – moi le premier – ont appris, et apprennent encore aujourd'hui, que la France est un pays de droit écrit garantissant, par rapport aux pays de common law, l'accessibilité et la sécurité juridique. Cependant, notre principal texte, le code civil, celui qui pose les bases du droit commun, était vieux de plus de 200 ans. Après plus de deux siècles, le texte ne correspondait plus au droit en vigueur qui reposait sur des solutions pour l'essentiel prétoriennes.

Il ne s'agit pas ici d'effectuer une présentation détaillée des près de 300 nouveaux articles du code civil ; il ne s'agit pas non plus de rouvrir les nombreux et interminables débats qui agitent la doctrine depuis plus de dix ans ; il ne s'agit pas enfin de refaire la totalité du débat de première lecture.

Il me semble cependant que, après l'ultime lecture au Sénat, quelques observations s'imposent, sur deux points : le contrat d'adhésion et la révision judiciaire en cas d'imprévision. Vous le savez, ce sont les deux innovations majeures du nouveau code civil, les plus commentées et les plus controversées depuis dix ans.

En premier lieu, la définition du contrat d'adhésion est essentielle dans la mesure où la caractérisation du contrat d'adhésion conditionne, pour l'essentiel, le mécanisme protecteur des clauses abusives prévu par l'article 1171. Initialement, l'ordonnance consacrait la notion doctrinale en définissant le contrat d'adhésion comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties ». En première lecture, le Sénat a souhaité clarifier la définition. À notre tour, nous avons proposé une nouvelle version. Au Sénat, à l'initiative du garde des sceaux, et avec l'avis favorable du rapporteur, une quatrième définition du contrat d'adhésion a été adoptée : celui « qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties ». Le contrat d'adhésion est ainsi défini à partir de deux critères : la non-négociabilité et la prédétermination unilatérale par une partie.

Cette définition me semble claire, concise et elle prend en compte les critiques que nous avions formulées à l'égard de la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture. Le groupe REM y est donc favorable. Il appartiendra au juge, et en tout premier lieu à la Cour de cassation, d'accompagner et d'encadrer cette définition du contrat d'adhésion, notamment au regard du mécanisme des clauses abusives.

En second lieu, concernant la révision judiciaire pour imprévision, l'ordonnance de 2016 a pour l'essentiel codifié à droit constant des solutions jurisprudentielles, en faisant cependant place à quelques innovations.

Le texte comportait ainsi des avancées significatives pour lutter contre le déséquilibre contractuel. À cet égard, une notion importante avait été introduite : l'imprévision, qui permet au juge, en revenant sur une très ancienne jurisprudence de 1876 dite « Canal de Craponne », de se substituer à la volonté des parties pour rétablir l'équilibre contractuel. Dans certaines circonstances strictement encadrées, le juge civil ne se contente plus désormais de procéder à la simple interprétation du contrat et de la volonté des parties. En cas d'événement imprévu, il peut intervenir pour rétablir l'équilibre contractuel.

Ce débat a eu lieu lors de la première lecture. Une fois encore, le Sénat est revenu sur le texte de l'ordonnance. Le groupe REM souhaite conserver le texte initial. Sur le fond, je rappelle une fois encore que cette innovation a fait l'objet d'une très large consultation depuis plus de dix ans et d'un consensus de la doctrine comme des praticiens. Là encore, il appartiendra au juge, et en premier lieu à la Cour de cassation, d'accompagner et d'encadrer ces évolutions.

L'enjeu de cet ultime débat sur le nouveau code civil est, à mon sens, de préserver la sécurité juridique des relations contractuelles. Rappelons que le texte est en vigueur depuis un an. Les praticiens, avocats, notaires et entreprises ont commencé à s'en imprégner et à l'utiliser, sans savoir précisément quelle portée lui sera donnée par la Cour de cassation. En outre, en application du principe de non-rétroactivité, rappelé dans l'ordonnance, les contrats signés avant octobre 2016 sont soumis à l'ancien droit ; ceux signés depuis octobre 2016 sont quant à eux soumis au texte de l'ordonnance, tandis que les contrats signés demain, après l'adoption de cette loi, seront soumis au nouveau texte.

Mes chers collègues, la meilleure chose à faire est à l'évidence de garantir la stabilité de notre droit, donc la sécurité juridique. Afin de préserver cette dernière, il convient d'adopter le texte de l'ordonnance en le modifiant à la marge.

Par la suite, le juge, et notamment la Cour de cassation, remplira son office d'interprétation. Rappelons à cet égard – c'est un point important au regard de la problématique de l'application de la loi dans le temps – que la jurisprudence, et notamment la Cour de cassation, s'affranchit du principe de non-rétroactivité. Par essence, la jurisprudence est d'application immédiate ; elle est rétroactive. Le droit est une matière vivante. Les décisions des juges, les interprétations de la jurisprudence, permettront ainsi d'unifier les différents droits applicables, et d'achever cette réforme.

Applaudissements sur les bancs du groupe REM.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, durant plus de deux siècles, le droit français des obligations s'est imposé comme une référence dans de nombreux pays à travers le monde. À présent, il est de notre devoir de lui redonner sa place.

Force est de constater que, au cours des dernières années, nous avons malheureusement assisté à l'incorporation progressive dans notre droit du droit anglo-saxon, ce dont notre assemblée n'a, je crois, pas pris la pleine mesure. Le droit continental a inspiré la construction de multiples systèmes juridiques en Europe et dans le monde, au gré de la diffusion de l'influence française. Il est dès lors impensable que nous soyons nous-mêmes à l'origine de sa déconstruction. Nous devons de toute urgence mettre un terme à cette immixtion dans notre système juridique.

La discussion du texte s'inscrit dans le contexte du Brexit. Certaines entreprises implantées en Grande-Bretagne pourraient avoir la tentation, que je pourrais qualifier d'heureuse, de traverser la Manche et de s'installer en France. Il est donc crucial que notre droit s'adapte pour être plus attractif et ainsi rassurer le monde des affaires en proposant aux entreprises implantées sur notre sol un environnement juridique propice à leurs activités.

Nul ne doute plus aujourd'hui que le droit en règle générale, et celui des contrats en particulier, est un instrument indispensable à la puissance et à la compétitivité d'une nation. Dans une économie de plus en plus mondialisée, le monde des affaires a largement recours à ce que nous appelons l'élection de juridiction – connue sous le terme anglais de forum shopping. Elle consiste à analyser les systèmes juridiques nationaux avant de s'implanter dans un pays ou d'y développer une activité. L'objectif est bien entendu d'en déterminer la fiabilité et donc l'aptitude à répondre aux nécessités juridiques de grands groupes. Le texte dont nous débattons aujourd'hui est très attendu par le monde des affaires, les entrepreneurs, les investisseurs et les professions juridiques.

Les objectifs fixés sont légitimes et doivent être atteints. Il s'agit tout d'abord de rendre plus lisible et plus accessible le droit des contrats, du régime des obligations et de la preuve, pour que notre code civil puisse de nouveau refléter l'état réel du droit positif. Le droit positif a évolué depuis 1804 sous l'effet de la jurisprudence et de la doctrine, et ne correspond donc plus pour une large part aux règles écrites.

L'ordonnance qui nous est présentée a également l'ambition de simplifier et de clarifier la présentation et la rédaction des dispositions du code civil relatives aux contrats, au régime général des obligations et à la preuve. Il s'agit de permettre une meilleure compréhension par le plus grand nombre, notamment grâce à un effort de définition et de simplification du vocabulaire employé.

S'agissant de l'attractivité de notre droit, le texte qui nous est présenté s'inspire des projets européens d'harmonisation du droit et vise à rapprocher la législation française d'autres droits nationaux. À titre d'exemple, la suppression formelle de la notion de cause, dont les fonctions sont désormais assurées par des dispositions expressément énoncées, est positive.

Globalement, nous considérons que cette réforme permettra de renforcer l'efficacité économique de notre droit civil en introduisant un certain nombre de solutions nouvelles. Nous aurions toutefois pu aller plus loin. Nous regrettons à ce titre que la commission des lois de l'Assemblée soit à nouveau revenue sur plusieurs propositions du Sénat. C'est le cas notamment de la suppression du pouvoir de révision du contrat confié au juge en cas de changement imprévisible des circonstances pendant l'exécution du contrat. Ce choix porte atteinte de manière disproportionnée au principe de la force obligatoire du contrat qui fait loi entre les parties. Cette disposition risque d'altérer gravement l'image du droit français. Nous le regrettons vivement.

Nous déplorons par ailleurs certaines dispositions figurant dans le texte adopté en deuxième lecture par le Sénat. Ainsi, nous réaffirmons la nécessité de fixer un délai de deux mois au cours duquel le bénéficiaire d'un pacte de préférence doit confirmer l'existence de celui-ci et son intention de s'en prévaloir. Il nous semble, en effet, préférable de fixer ce délai dans la loi plutôt que de laisser à la jurisprudence le soin de le déterminer afin que nos concitoyens sachent à quoi s'attendre. Nous restons persuadés que cette mesure permettrait de lutter contre l'insécurité juridique.

Sur un autre sujet, nous ne pouvons que nous féliciter de l'opposition de la commission des lois à l'amendement du rapporteur visant à supprimer la disposition relative à la caducité de l'offre contractuelle en cas de décès de son destinataire. La clairvoyance l'a emporté. Je regrette, monsieur le rapporteur, que vous persistiez à présenter cet amendement.

Enfin, ainsi que je l'avais indiqué en première lecture, nous déplorons le recours à l'ordonnance pour adopter cette réforme, d'autant que la ratification intervient plus que tardivement. Je rappelle, toutefois, que ce reproche ne peut pas être adressé au gouvernement actuel.

Le groupe Les Républicains estime que ce texte va dans le bon sens, en contribuant notamment à simplifier et à réactualiser notre droit sur la base de la jurisprudence et de la doctrine. Notre groupe, dans un esprit de responsabilité et de cohérence, apportera donc son soutien au texte et proposera des amendements qui ne tendent qu'à l'améliorer.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela fait quinze ans que les premières réflexions sur ce texte ont été lancées. Longtemps attendue, donc, cette réforme apporte une simplification, un allégement des procédures et des avancées majeures dans le droit français des contrats, qui portent notamment sur la liberté contractuelle, le respect des engagements, la bonne foi – avec le devoir général d'information – ou encore la contrepartie illusoire ou dérisoire.

À cette heure assez tardive où nous ne sommes plus très nombreux, je me permets de vous livrer une anecdote : j'ai dirigé une entreprise et je me souviens d'une nuit de négociation, il y a quatre ans, sur la notion de cause et d'objet du contrat, notion très particulière du droit français qui faisait l'objet d'une jurisprudence abondante et que mes partenaires allemands avaient un peu de mal à cerner. Cette notion va enfin disparaître – je le constate néanmoins avec nostalgie – , ce qui permettra aux entrepreneurs et aux avocats de passer un peu moins de temps en négociations. J'ignorais alors que, quatre ans plus tard, je consacrerais une partie de ma nuit à la deuxième lecture du projet de loi ratifiant l'ordonnance qui réglerait le problème.

Le Sénat s'était opposé au principe du recours à une ordonnance. Toutefois, nous avons été heureux de constater qu'il a accepté, en deuxième lecture, un certain nombre de dispositions votées par l'Assemblée nationale. Comme cela a été indiqué précédemment, il importe selon nous que les modifications apportées à l'ordonnance soient limitées afin de ne pas ajouter à l'instabilité juridique.

Il reste essentiellement trois points de désaccord avec le Sénat.

À propos de l'article 4, qui porte sur la caducité de l'offre de contrat, notre position est identique à celle du rapporteur : il ne faut pas mettre systématiquement fin à une offre en cas de décès de son destinataire.

En ce qui concerne l'article 7, nous sommes d'avis d'accepter la proposition du Sénat, qui prévoit que l'abus dans la fixation du prix d'un contrat de prestation de service puisse être sanctionné par le juge non seulement par des dommages et intérêts, mais aussi par la résolution du contrat. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord pour limiter l'application du dispositif des clauses abusives.

S'agissant du régime de l'imprévision, nous considérons que le pouvoir de révision judiciaire à la demande d'une seule des parties est justifié par un motif d'intérêt général et que l'atteinte portée à la force obligatoire du contrat et à la liberté contractuelle par ce dispositif n'est pas excessive.

Grâce à cette ordonnance, nous développons l'attractivité du droit français et, surtout, nous oeuvrons à une certaine convergence européenne, très positive selon nous – le groupe du Mouvement démocrate et apparentés y est particulièrement attaché.

Nous sommes favorables au présent projet de loi de ratification dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois, ainsi qu'aux amendements proposés par le rapporteur. Nous voterons donc ce texte, en formulant le voeu que nous contribuerons ainsi un peu à alléger les nuits de négociation de nos entrepreneurs et de nos avocats, en attendant que la réforme de l'Assemblée nationale n'allège les nôtres !

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Pour conclure, j'ai une pensée pour Napoléon Bonaparte, qui, je vous le rappelle, a promulgué le 21 mars 1804 le code civil que nous modifions aujourd'hui. Je salue l'excellent travail du rapporteur et vous remercie de votre attention à cette heure tardive.

Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 1804 – la transition est toute faite – , l'oeuvre de Napoléon et de ses rédacteurs, Bigot de Préameneu, Tronchet, Maleville et Portalis, s'est répandue sur tous les continents. De nos jours encore, le code civil rayonne puissamment à l'étranger parce qu'il allie deux principes : il est porteur de valeurs sociales et morales dans lesquelles des continents entiers se reconnaissent ; les solutions y sont dégagées selon la méthode cartésienne, garante de la prévisibilité de la règle et donc facteur de sécurité juridique.

Nous sommes aujourd'hui en concurrence avec la common law. Or de quelle common law s'agit-il ? Il s'agit de ces contrats pesant des dizaines de pages, qui comportent tant de détails que le travail de fond se borne précisément à coordonner et à régler ces détails. Le code civil ne fonctionne pas de cette manière : il dispense de la rédaction de contrats prévoyant tout ; il énonce des règles accessibles à tous ; il fait de la coutume et de l'usage des sources du droit, de sorte que des populations aussi différentes que celles de la Chine ou de la Colombie pourront recevoir une même règle, qu'elles vont ensuite relativiser et adapter selon leurs coutumes et usages. Le code civil est loué au Proche-Orient, en Asie du Sud-Est – où il inspire la Chine, le Vietnam et le Cambodge – , en Afrique francophone et, enfin, dans toute l'Amérique latine.

Le Président de la République souhaite rendre notre pays plus attractif économiquement. Notre droit romano-germanique peut être un atout quand il faut rédiger des contrats d'affaires ou régler les litiges d'investisseurs. Paris est une place d'arbitrage exceptionnelle. Notre code civil constitue l'instrument le plus puissant du soft power français et, pourtant, il ne coûte rien. Nous devons veiller à ne jamais renoncer à cet héritage, à cet avantage concurrentiel qui fait le prestige de la France.

Toutefois, une réforme du droit des obligations s'imposait pour répondre aux besoins nouveaux de la vie en société. On oublie trop que « code civil » signifie « code des citoyens ». Lesdits citoyens ne vivant plus au XXIe siècle comme en 1804, il leur faut des outils adaptés à leur époque. Les textes de 1804, aussi sublimes soient-ils, ne pouvaient pas envisager toutes les situations contemporaines. Le droit vivant se trouve donc en partie hors le code, dans la jurisprudence. Or ce droit hors le code mobilise les efforts des magistrats au point de les submerger alors qu'ils sont manifestement trop peu nombreux. Ce droit hors le code devient inaccessible pour l'étranger, car il lui faut connaître la règle et accéder à la manière dont les juges la font évoluer. Ce droit hors le code devient un handicap sérieux pour l'attractivité de la France. Tout cela avait été expliqué, il y a trente ans déjà, par les doyens Cornu et Catala dans leur avant-projet de réforme du droit des obligations.

L'ordonnance que le présent projet de loi tend à ratifier contient de nombreuses améliorations, qu'il convient de saluer. Le nouvel article 1143 du code civil dispose que l'abus de l'état de dépendance est un vice du consentement pouvant entraîner la nullité du contrat. Les nouveaux articles 1123, 1158 et 1183 prévoient la création d'une action interrogatoire, qui sera notamment appréciable pour les pactes de préférence ; elle permettra de se renseigner sur l'existence d'un tel pacte et sur l'intention du destinataire de s'en prévaloir ou non.

L'application du principe pacta sunt servanda et la force obligatoire du contrat aboutissent quelquefois, avec le temps, à des situations inextricables dans lesquelles le contrat n'est tout simplement plus exécutable. La consécration de la théorie de l'imprévision est donc bienvenue. Une telle disposition n'oblige en rien : elle donne une porte de sortie possible aux parties dans le souci d'assurer la pérennité des affaires.

Enfin, à un moment où de trop nombreuses entreprises sont confrontées à des problèmes de retards de paiement, qui mettent en péril leur activité, les dispositions relatives à l'inexécution du contrat me paraissent importantes. Les nouveaux articles 1217, 1220 et 1223 donnent des marges de manoeuvre au créancier de l'obligation en lui permettant de solliciter une réduction de sa propre obligation, du prix par exemple, ou encore en consacrant l'exception d'inexécution anticipée.

La présente ordonnance est le premier volet de la réforme du code civil. Dans le temps qu'il me reste, j'appelle de mes voeux le second volet de la réforme, relatif à la responsabilité civile. La jurisprudence en la matière a besoin d'être consacrée ; je pense notamment à la notion de lien de subordination entre le commettant et le préposé, au principe jurisprudentiel de la réparation intégrale ou encore à l'amende civile en cas de faute lucrative.

Le présent projet de loi permettra au code civil de devenir le code des citoyens du XXIe siècle. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous appelle à le voter.

Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.

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Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 1937, Louis Josserand, éminent théoricien du droit des obligations, écrivait : « Nous vivons de plus en plus contractuellement. » Quatre-vingt ans après avoir été écrite, cette formule demeure pertinente. Surtout si l'on met les choses en perspective : il aura fallu plus d'une décennie pour que le législateur français procède au rafraîchissement de son code napoléonien. Plus de dix ans, donc, pour réformer, pour moderniser notre droit des obligations et des contrats, le droit qui régit la vie quotidienne, chacun de nos actes : acheter, vendre ou louer. Aussi, même si certains regrettent encore le choix fait par le Gouvernement en 2014 de légiférer par voie d'ordonnance pour mener la plus grande réforme du code civil jamais réalisée, cette réforme indispensable a eu lieu et, bien plus, a été globalement bien reçue.

Plus encore : dans la mesure où elle codifie la jurisprudence antérieure, il est certes difficile de dire si l'ordonnance innove ou consacre, mais il est certain, en revanche, que l'objectif affiché, primordial, de traduire en droit constant les décisions jurisprudentielles issues de plus de dix ans de litiges, de réflexions et de réalité des relations contractuelles et quotidiennes conflictuelles est atteint. L'ordonnance modernise notre droit des contrats et des obligations en clarifiant et en adaptant le droit aux évolutions et à la réalité nouvelle. Ses rédacteurs ont atteint leur objectif parce qu'ils l'ont construite concertation après concertation et, surtout, parce qu'ils se sont appuyés sur les travaux et les consultations de personnes éminemment reconnues, dont la maîtrise du sujet était incontestable. Ces personnes étaient habilitées à y travailler parce qu'elles connaissaient des difficultés, des vides, de l'illisibilité, des aberrations et des altérations, simplement parce qu'elles pratiquaient, étaient au fait de la doctrine et de la jurisprudence.

Certes, notre discussion porte seulement sur la ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, mais cette ratification est désormais essentielle, car l'ordonnance a été prise il y a deux ans et est entrée en vigueur il y a déjà plus de dix-sept mois. Ce sont ses dispositions qui régissent au quotidien les échanges et les relations d'affaires ; ce sont elles qui constituent désormais la base des nouveaux enseignements et de la formation des professionnels ; ce sont elles que les professionnels du droit s'efforcent de s'approprier, d'appréhender et d'appliquer. Pourtant, ces nouvelles règles n'ont à ce stade qu'une valeur réglementaire.

Aussi s'agit-il aujourd'hui pour nous d'aller au terme du processus. Il nous faut être effectivement responsables et participer à l'effort de modernisation et d'appréhension de cette ample réforme au-delà des limites du pouvoir législatif des parlementaires, limites que certains surexposent pour refuser d'approuver ce projet de loi de ratification, mais limites rappelées aussi à plusieurs reprises, en 2015 et en 2017, par le Conseil constitutionnel, tenant du principe fondamental selon lequel « la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ».

Je ne reviendrai pas sur les conclusions du premier rapporteur, qui estimait que le recours à une ordonnance serait source de difficultés plus grandes encore car, en la rediscutant au moment de sa ratification, on risquait de remettre en cause les grands équilibres du texte et les choix qui le déterminent. Je préfère au contraire insister sur la faculté qui nous a été donnée de corriger les imperfections et de relayer les observations naissantes des praticiens et de la jurisprudence pour rendre les dispositions de l'ordonnance plus lisibles, plus claires et plus simples quand cela a été nécessaire.

Nous le savons tous ici, un texte est toujours perfectible. La matière du droit en est le plus parfait exemple ; la loi n'est pas sa seule source, car la doctrine et la jurisprudence la nourrissent, et bien plus encore. D'ailleurs, l'objectif était bien en l'occurrence, comme le soulignait Pierre Catala lors de la présentation de son avant-projet, que « la loi soit, avant la jurisprudence, mère de l'ordre juridique ». Comme le rapporteur a tenu à le rappeler, cet objectif est manifestement atteint, en grande partie parce que les rédacteurs de ce texte gouvernemental ont su se fonder sur le droit positif, à savoir la jurisprudence de la Cour de cassation, et s'inspirer très largement de ceux qui font le droit.

Mes chers collègues, permettez-moi en conclusion, à cette heure tardive, de faire l'éloge des théoriciens dont les écrits ont bercé mes études en faculté de droit, et de les remercier. Je n'en citerai que quelques-uns : Aubry et Rau, Bénabent, Mazeaud et de Juglard, Malaurie et Aynès, Planiol et Ripert, Delebecque et Collart-Dutilleul. Pour les non-initiés, ces auteurs sont au droit des contrats et des obligations un peu ce qu'Éric Di Meco, Basile Boli et Jean-Pierre Papin, de la grande équipe de l'Olympique de Marseille, sont au football.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.

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Vous m'excuserez de cette comparaison un peu douteuse, mais je savais qu'elle plairait au rapporteur. Soyez rassurée, madame la ministre : je n'ai pas demandé à M. Ruffin de me prêter son maillot de foot ; je suis venu avec mon vieux manuel de droit des contrats – à chacun ses références. J'ai bien conscience néanmoins que cela me vaudra moins de vues sur YouTube !

Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

L'article 2 est adopté.

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La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l'article 3 bis.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 3 , tendant à supprimer l'article 4.

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Comme je l'ai évoqué lors de la présentation du texte, il s'agit de revenir sur la caducité automatique d'une offre en cas de décès de son destinataire.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Comme le Gouvernement l'avait indiqué en première lecture, prévoir que l'offre devienne systématiquement caduque en cas du décès du destinataire de l'offre n'est pas toujours opportun.

Si une telle solution se comprend lorsque l'offre est faite intuitu personæ, c'est-à-dire en considération de la personne, elle est plus critiquable lorsque tel n'est pas le cas. En ce sens, le Gouvernement partage votre raisonnement, monsieur le rapporteur.

Néanmoins, dans l'esprit de compromis qui a présidé à votre travail, le Gouvernement souscrit à l'ajout du Sénat en ce qu'il a le mérite de clarifier l'état du droit sur cette question, et donc de renforcer la sécurité juridique.

L'occasion doit être saisie de préciser que l'émetteur de l'offre de contracter pourra toujours prévoir que son offre est transmissible aux héritiers du destinataire, ce qui permettra, dans certaines hypothèses, d'atténuer la rigueur de la solution.

Le Gouvernement souhaite que les deux assemblées puissent converger sur ce point : je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

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Monsieur le rapporteur, vous avez entendu la ministre : elle voudrait que l'Assemblée nationale et le Sénat convergent. En outre, la commission des lois a repoussé votre amendement.

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C'est vous qui le dites : sa décision était peut-être mûrement réfléchie. Vous savez que la commission des lois accomplit un travail de fond très important. Je ne peux imaginer que notre auguste commission puisse faire des choses par distraction : c'est véritablement en réfléchissant sur le fond qu'une majorité des commissaires présents a repoussé ledit amendement.

Vous avez, en le défendant, évoqué notamment les ventes immobilières. Or, comme vous le savez puisque j'ai eu l'occasion de l'indiquer lors de l'examen de cet amendement en commission des lois, c'est précisément dans le cadre de ces ventes que le problème se pose : si le vendeur avait imaginé que l'acquéreur allait disparaître, il n'aurait vraisemblablement pas contracté, compte tenu de la complexité de la procédure dans laquelle s'engage la vente du fait de cette disparition, ainsi que des délais dans lesquels cette vente pourra in fineêtre réalisée.

Les conséquences du décès du cocontractant doivent donc nous amener à laisser la rédaction de l'article 4 en l'état, c'est-à-dire à conserver la caducité de l'offre.

Je vous invite donc, monsieur le rapporteur, à suivre l'avis tout à fait éclairé de la commission des lois, ainsi que l'inspiration du Gouvernement. Vous savez bien que, lorsque celui-ci donne un avis de sagesse à propos d'un amendement qui exprime un souhait du groupe majoritaire, cela signifie qu'il y est opposé. Il y a des codes qu'il faut savoir décrypter, monsieur le rapporteur. Je vous remercie par conséquent de retirer cet amendement. Si vous vous y refusez, je voterai contre.

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Une observation, pour revenir sur les propos du rapporteur et préciser ce qui s'est passé en commission : effectivement, si un petit impair y a été commis, le groupe majoritaire soutient son rapporteur. Il votera donc pour l'amendement no 3 qui a été déposé en séance et qui avait été soumis à la commission des lois.

Sourires.

L'amendement no 3 est adopté et l'article 4 est supprimé. En conséquence, l'amendement no 2 n'a plus d'objet.

L'article 5 est adopté.

L'article 7 est adopté.

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La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l'amendement no 1 .

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L'adoption de l'amendement de suppression de l'article 4 a fait tomber mon amendement no 2  : j'aurais dû le soutenir en même temps que je m'opposais à l'amendement du rapporteur. Il s'agissait de redonner un délai de deux mois, car je pense qu'il est important pour la sécurité juridique que les délais soient fixés par la loi, voire par le décret, plutôt que par la jurisprudence qui introduit un aléa dans la règle qu'elle est amenée à définir.

Quant à l'amendement no 1 , il vise à supprimer, dans le cadre du nouveau régime de l'imprévision de l'article 1195 du code civil, le pouvoir de révision du contrat confié au juge à la demande d'une des parties.

Cette disposition porte atteinte de façon disproportionnée au principe de la force obligatoire du contrat, ainsi qu'à celui de la liberté contractuelle, et altérera gravement l'image du droit français. On peut même imaginer qu'elle incitera un certain nombre d'entreprises à préférer recourir à un autre droit que le droit français, afin de ne pas risquer d'être soumises, dans leurs relations contractuelles, à une règle dont elles n'auraient pas voulu mais que leur imposerait le juge.

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Monsieur Huyghe, je vais donner, au nom de la commission, deux avis défavorables, le premier portant sur l'amendement no 2 , que vous n'avez effectivement pas pu défendre, et le second sur l'amendement no 1 .

S'agissant du premier, et du délai de deux mois dont vous souhaitiez qu'il remplace le délai raisonnable pour l'action interrogatoire dans le cadre du pacte de préférence, nous avons déjà eu le débat en commission. La commission a préféré revenir au délai raisonnable fixé par les parties elles-mêmes, car, comme le Sénat, elle estimait que ce délai était plus approprié à la vie des affaires, puisqu'il pouvait être modulaire.

Quant à l'amendement no 1 que vous venez de défendre, il propose de supprimer le pouvoir de révision judiciaire, naturellement en cas d'imprévision.

Il s'agit d'un élément central de la réforme, que nous souhaitons par conséquent voir conservé, puisque la suppression de ce pouvoir, si elle devait être adoptée telle que votre amendement le propose, aurait pour conséquence de remettre en question, en lui retirant l'utilité et l'efficacité, le régime de l'imprévision tel que prévu par l'article 1195 du code civil.

Or conditionner la révision judiciaire à l'accord des deux parties est susceptible de conduire à un blocage de toute tentative de renégociation : celui qui bénéficie du changement de circonstances peut inciter au dialogue.

Il convient au contraire de permettre à la partie lésée par un changement de circonstances imprévisible de passer outre la mauvaise volonté de son cocontractant et de demander au juge de restaurer l'équilibre initial.

Je rappelle également que cette disposition est, comme vous l'avez souligné, supplétive de volonté : les parties peuvent y déroger, comme elles le font déjà, puisque cette disposition s'applique. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à votre amendement.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'état, ministre de l'intérieur

Même avis que le rapporteur.

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Nous avons effectivement déjà eu ce débat en commission : je ne m'étendrai donc pas plus longtemps sur le sujet.

Toutefois, puisque vous êtes revenu, monsieur le rapporteur, sur le délai de deux mois, en disant qu'il permettrait une modulation en fonction des cas, il me semble que nous aurions pu trouver un accord en renvoyant au décret la fixation de délais différents selon les cas. Cela aurait permis à nos concitoyens de connaître a priori les délais auxquels ils doivent s'attendre – plutôt que de laisser le soin de les définir à une jurisprudence qui peut être fluctuante, et donc source d'insécurité juridique. Il est dommage que n'ayons pas trouvé un moyen terme.

L'amendement no 1 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

L'article 9 est adopté.

L'article 13 est adopté.

L'article 15 est adopté.

L'ensemble du projet de loi est adopté.

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Prochaine séance, mardi 20 février, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

La séance est levée, le vendredi 16 février 2018, à minuit vingt-cinq.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l'Assemblée nationale

Catherine Joly