Intervention de Raphaël Schellenberger

Séance en hémicycle du mercredi 26 janvier 2022 à 15h00
Compétences de la collectivité européenne d'alsace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

La loi portant création de la collectivité européenne d'Alsace, promulguée en août 2019, a organisé la fusion des deux conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et leur a transféré certaines compétences dont la définition n'est pas si évidente eu égard à l'application du droit des collectivités territoriales. Elle a également prévu le transfert de quelques infrastructures, notamment des routes, sans toutefois l'accompagner de moyens suffisants. Si l'on se rappelle dans quel état était alors la RN66 et certaines de ses intersections, par exemple, on se rend compte que les moyens nécessaires à l'exploitation de ces infrastructures n'ont pas été correctement transférés à la collectivité européenne d'Alsace. Le Gouvernement comptait sans doute sur la future taxe sur le transit des poids lourds pour la financer. C'est un calcul que je tiens à dénoncer.

En effet, cette taxe n'a pas vocation à financer les infrastructures : elle doit d'abord être pensée comme un outil de gestion et de régulation du trafic, destiné à répondre au problème particulier que pose l'encombrement du sillon rhénan consécutivement à l'instauration, dès le début des années 2000, de la LKW-Maut, taxe allemande sur le transit routier.

La volonté d'instaurer un outil alsacien de régulation du trafic est ancienne mais a donné lieu à un parcours chaotique. C'est en effet en 2005, juste après l'instauration de la taxe allemande, que notre ancien collègue Yves Bur a fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement sur le sujet. Par la suite, l'idée d'instaurer une telle taxe en Alsace a prospéré au sein du Gouvernement et des services du ministère chargé des transports. Elle a fini par être idéalisée, la taxe étant finalement considérée comme un outil tellement performant qu'il pourrait être généralisé à la France entière. Ségolène Royal s'y emploiera avec le succès qu'on connaît, provoquant le mouvement des bonnets rouges en Bretagne. L'Alsace a donc assisté à l'abandon de ce moyen tant espéré de gestion du trafic sur son axe nord-sud.

Si je fais ce rappel, c'est parce que je constate une fois de plus qu'avant même que l'expérimentation alsacienne soit conduite et les ordonnances ratifiées, on parle de généraliser la taxe poids lourds. Or nous ne voulons pas la généraliser. À nos yeux, cette taxe est un simple outil de gestion du trafic susceptible de résoudre le problème rencontré dans le sillon rhénan. Il ne faudrait pas que d'autres préoccupations, notamment la volonté de percevoir de nouvelles recettes fiscales, viennent une nouvelle fois empêcher l'Alsace d'y recourir. J'y veillerai particulièrement.

S'il est particulièrement pertinent de commencer par l'Alsace, c'est notamment que des transferts de compétences y ont déjà été expérimentés, pour être ensuite généralisés – je pense aux transports express régionaux (TER), par exemple, ou à l'apprentissage. Il me paraît donc important de s'en tenir à ce cadre, sans trop élargir, dans un premier temps.

D'ailleurs la volonté du Gouvernement en 2019 était bien de légiférer dans certaines limites en confiant à la seule collectivité européenne d'Alsace cette compétence spécifique. S'il était prêt à l'époque à ce que l'Alsace sorte de la région Grand Est, il n'avait qu'à l'entériner alors, puisque nous disposions du bon vecteur législatif et que nous étions prêts à nous battre, plutôt que de lancer, à bas bruit, des semblants de promesses à l'issue des élections régionales.

Aujourd'hui, il est important que nous puissions avancer sur ce texte pour créer une écotaxe, tout en restant vigilants sur les risques que nous faisons courir notamment aux transporteurs routiers alsaciens, puisque, malheureusement, en 2019, le Gouvernement n'a pas voulu confier de compétences économiques à la collectivité européenne d'Alsace, ce qui aurait pourtant permis de marcher sur deux jambes et de soutenir les transporteurs alsaciens en même temps que nous mettions en place cet outil de gestion du trafic. Telle n'était pas la volonté du gouvernement en 2019. Cela peut encore changer, mais, aujourd'hui, la donne de la collectivité européenne d'Alsace est celle que j'ai décrite.

Le groupe Les Républicains soutiendra donc ce texte sans réserve, à condition qu'il se limite bien à l'Alsace.

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