Intervention de Annie Chapelier

Séance en hémicycle du vendredi 7 janvier 2022 à 15h00
Évaluation des politiques de prévention en santé publique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Chapelier :

Mes chers trop rares collègues, je salue l'effort que vous faites d'être présents pour débattre d'un sujet aussi essentiel. Alors que notre système de santé a tenu le coup après deux années de crise sanitaire, les défis qui nous attendent dans le champ de la prévention en santé sont colossaux, et ce n'est rien de le dire.

Votre rapport, mes très chers collègues, fait la part belle au sport, qui y est étudié comme un outil de prévention en santé. Le groupe Agir ensemble et moi-même partageons très largement non seulement votre constat général, mais aussi votre proposition de remettre le sport au cœur de nos actions de prévention et de le définir comme grande cause nationale dès 2022.

Notre population se sédentarise, ce qui entraîne une explosion de l'obésité ainsi que la multiplication de maladies chroniques telles que le diabète ou l'hypertension. Cette situation ne va pas en s'améliorant. La sédentarité, qualifiée à juste titre de « bombe à retardement » dans le rapport, est tellement omniprésente dans nos modes de vie modernes que les jeunes de 9 à 16 ans ont perdu 25 % de leurs capacités physiques en l'espace de cinquante ans.

Les chiffres sont probants : en France, on estime à 50 000 le nombre de décès évitables liés chaque année aux conséquences de la sédentarité. La prévention en santé et la lutte contre la sédentarité sont donc bien des enjeux majeurs de santé publique, peut-être même les enjeux principaux de notre époque. L'activité physique apparaît dès lors comme une magnifique arme de prévention en santé, qu'il nous faut davantage valoriser et employer face à une crise favorisant le repli sur soi et l'isolement. C'est pourquoi il importe de la considérer – avec les aménagements nécessaires – comme une chance, et non comme un facteur de risques sanitaires supplémentaires – cela a trop souvent été le cas depuis deux ans.

À mes yeux, le rôle de l'activité physique en matière de prévention en santé publique doit donc faire l'objet d'une réflexion globale qui doit interroger notre gestion de la crise mais aussi nos modes de vie, grâce à une approche holistique de la santé. Parler de l'activité physique, c'est aussi réfléchir à nos modes de transports, au temps passé devant les écrans et à notre alimentation, entre autres sujets. Mais pour développer nos actions de prévention autour du sport, il nous faut – comme pour chacune de nos actions – des moyens humains et donc, bien évidemment, des professionnels de santé.

Dans la liste des recommandations que contient votre rapport, il est notamment fait mention des professions paramédicales, en particulier des infirmiers, mais la pratique avancée n'est pas évoquée. Il pourrait pourtant être opportun de déployer ces métiers sur l'ensemble de notre territoire, afin de remédier au gradient social qui existe en matière d'accès aux soins. Justement, un rapport de l'IGAS consacré à la pratique avancée est sorti hier, et il va précisément dans ce sens.

La Cour des comptes elle-même, dans sa dernière communication sur les politiques publiques en santé, qui date de novembre 2021, explique que l'un des freins majeurs au bon développement de la prévention en France se trouve dans « l'organisation des soins primaires ». Alors que le Ségur de la santé fixait un objectif de 5 000 infirmiers en pratique avancée (IPA) pour 2024, j'appelle de mes vœux l'ouverture du premier recours à l'accès direct de la pratique avancée infirmière en soins primaires, ainsi que la réingénierie des spécialités existantes, afin qu'elles puissent rejoindre au fur et à mesure la pratique avancée. En effet, les IPA pourraient ainsi investir le champ de la prévention, que ce soit par des actions d'éducation à la santé, de dépistage ou par des missions d'accompagnement et de prévention concernant le tabac, les addictions ou encore les troubles alimentaires.

Pour un meilleur suivi médical à l'école, nous pourrions notamment créer l'IPA en santé scolaire, afin de rendre le métier plus attractif et plus autonome. Comme le rappelle très justement le rapport, la France comptait en 2018 une infirmière pour 1 300 élèves et un médecin pour 12 500 élèves. De tels chiffres ne permettent pas d'effectuer un suivi rigoureux de la santé de nos enfants, et empêchent de mener une véritable politique de prévention.

La création d'un IPA en santé au travail permettrait par ailleurs de réaliser des visites d'information et de prévention. Alors que depuis le 1er juillet 2012, le médecin du travail peut confier – sous sa responsabilité – certaines activités aux infirmiers, le champ de ces activités doit être élargi pour garantir que l'action mutuelle des deux parties soit plus efficace.

Enfin, la création d'un IPA en prévention et contrôle de l'infection (PCI) serait un atout majeur dans la lutte contre les risques émergents et contre l'antibiorésistance. Durant la crise, les infirmiers-hygiénistes ont démontré que leur action était indispensable.

Ces trois champs d'exercice, centrés sur la prévention, l'éducation à la santé et le dépistage, ne sont que des exemples. Bien entendu, la création d'un tel dispositif nécessite – entre autres – l'élaboration de nouveaux modèles et de nouvelles maquettes de formation, ainsi que des conventionnements avec les universités, une réingénierie et un travail de fond.

C'est ainsi que de façon presque inéluctable, la lutte contre la désertification médicale et l'augmentation des besoins en santé de notre population conduisent à déplacer le centre de gravité de la politique de santé publique des médecins vers les professions paramédicales, pour une amélioration de la prévention en santé.

Certaines initiatives que j'ai saluées dès leur annonce, comme l'instauration du service sanitaire permettant d'initier les étudiants en santé à la prévention, sont déjà à l'heure de leur premier bilan. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous, je vous prie, nous communiquer les chiffres relatifs au déploiement de ce dispositif et nous indiquer dans quelle stratégie nationale de prévention il s'intègre ? Une démarche chiffrée doit nous rassembler collectivement autour de la défense d'objectifs communs, pour une meilleure prévention en santé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.