Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du jeudi 15 juillet 2021 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2022

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Peut-être connaissez-vous la fameuse phrase d'André Maurois, de l'Académie française : « Les gouvernements ont l'âge de leurs finances, comme les hommes ont l'âge de leurs artères ». Je suis donc au regret de vous faire observer qu'avec un déficit public à 9,4 % du PIB, et bien que M. le ministre vienne d'en annoncer la réévaluation à 9 %, le Gouvernement atteint un âge canonique. D'ailleurs, nous livrons-nous à un débat d'orientation budgétaire, ou à un débat de désorientation budgétaire ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Je vais m'efforcer de tirer les leçons du passé, c'est-à-dire de la période 2017-2021, avant de laisser à mon collègue Michel Castellani le soin de vous parler de l'avenir.

Nous sommes réunis ici, au lendemain de notre fête nationale, pour répondre à une question : au terme de son mandat, le candidat élu Emmanuel Macron aura-t-il amélioré la situation de nos finances publiques ? Le débat d'orientation des finances publiques devrait, en principe, nous éclairer sur ce sujet. Le rapport préparatoire transmis par le Gouvernement au Parlement – avec une note complémentaire arrivée à cinq heures du matin : on n'avait jamais vu ça ! – prend tout l'air d'un bilan, et ce bilan, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, ressemble à celui d'une entreprise en difficulté : vous vous trouvez à la tête d'un État en faillite.

Je voudrais dès à présent déconstruire un mythe. Vous laissez croire que les premières années du quinquennat ont permis de redresser nos finances, dont la très forte dégradation à partir de 2020 ne serait imputable qu'à la crise. Certes, entre 2017 et 2019, vous avez entrepris des efforts, d'ailleurs soutenus par le groupe Libertés et territoires. Cependant, ils ont été bien trop limités. Selon vos propres documents, l'effort structurel réalisé pendant les trois premières années du quinquennat s'est borné à environ 0,2 point de PIB, soit tout au plus 5 milliards, par an ; pour compter large, mettons 6 milliards. C'est le quart de ce qu'il aurait fallu : l'effort budgétaire annuel devait s'établir à 0,8 point de PIB, soit 20 milliards, pour redresser les finances publiques. Beaucoup l'ont oublié : tel avait été votre engagement, en juillet 2017, dans le cadre de ce même débat d'orientation budgétaire ! Vos insuffisances d'hier se trouvent donc en partie à l'origine de la situation actuelle et des extrêmes difficultés qui nous attendent. La crise a causé bien des maux, mais ne saurait tout justifier.

Par ailleurs, vous vous félicitez d'avoir, en début de mandat, fait passer le déficit sous la barre des 3 % du PIB. C'est vrai ; cependant, cette règle des 3 % ne se trouve pas adaptée à l'économie française d'avant-crise, où le taux de croissance potentielle en volume oscillait entre 1,1 % et 1,2 % par an. La France n'a pas les moyens d'un déficit budgétaire qui dépasse environ 1,5 % par an. Monsieur le ministre, vous avez vous-même reconnu en commission des finances l'obsolescence de ce plafond de 3 %. Votre triomphalisme est donc bien excessif ! Je peux faire le même constat pour notre endettement. Il dépasse dangereusement les 118 points de PIB ; mais avant même la crise, la présentation de notre dette publique était faussée par l'explosion des primes d'émission. Le montant de celles-ci, net des décotes, a dépassé 30 milliards pour la seule année 2020 ; leur stock, toujours net des décotes, est passé – tenez-vous bien – de 42 milliards début 2017 à 98 milliards au 3 juin 2021, c'est-à-dire de moins de 2 % du PIB à 4 % ! Ainsi, contrairement à ce que vous avez indiqué, le poids de la dette, loin de diminuer, n'a cessé de s'accroître entre 2017 et 2019 : seulement, la comptabilité maastrichtienne n'intègre malheureusement pas ces primes, ce qui permet, par une illusion comptable, de faire paraître la dette publique moins importante.

De même que 2020 et 2021, 2022 sera une année d'open bar budgétaire : jamais deux sans trois, monsieur le ministre ! Comme avec vos prédécesseurs, la dernière loi de finances initiale du quinquennat débordera de mesures électoralistes au coût souvent sous-évalué. Celles qu'a annoncées lundi soir le Président de la République, celles que vous venez d'y ajouter, le nouveau plan de soutien à l'investissement, le revenu d'engagement pour les jeunes et son coût potentiel de 2,3 milliards, alourdiront d'autant la facture. Vous vous perdez un peu plus encore dans la hausse incontrôlée des dépenses publiques. Dans son avis relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) vous en avait d'ailleurs averti : il relevait une hausse de 41 milliards des dépenses ordinaires. Autrement dit, vous avez abandonné tout effort de maîtrise. Où sont les économies qui financeront les dépenses nouvelles ?

En l'absence de réformes structurelles profondes, la restauration de nos finances publiques ne pourra jamais être atteinte. De vos annonces, de vos promesses, subsistent surtout des incertitudes : je pense en particulier à la réforme des retraites. Où sont, encore une fois, les économies structurelles ? Je n'en vois aucune. Dans le rapport préparatoire, vous indiquez que votre pilotage de la sortie de crise repose sur le retour à un contrôle du rythme de progression de la dépense publique en volume. Vous annoncez même un rythme contenu à 0,7 %. Permettez-moi tout d'abord de vous faire observer qu'il s'agit seulement d'une moindre hausse : vous freinez cette progression, vous ne la faites pas cesser. En outre, cet effort de maîtrise doit commencer en 2025.

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