Intervention de Laurent Ridel

Réunion du mercredi 16 mars 2022 à 10h10
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Laurent Ridel, directeur de l'administration pénitentiaire :

On a relevé 24 000 actes de violence sur les personnels en 2021, ce qui nous ramène au niveau de 2019. En 2020, le chiffre était un peu plus faible, en raison du covid et, surtout, de la diminution importante du nombre de détenus. En 2021, le nombre moyen de détenus était très supérieur à celui de l'année précédente. Sur les 24 000 faits de violence, 19 000 relèvent de la violence verbale et près de 4 500 de la violence physique sur personnels. Fort heureusement, dans la majorité des cas, ce sont plutôt des coups isolés, des bousculades, mais cela peut aller jusqu'à la prise d'otages ou des tentatives d'agression beaucoup plus violentes. Cela peut aussi se produire à l'extérieur des enceintes pénitentiaires, ce qui est un phénomène relativement nouveau – c'est pourquoi nous entendons sécuriser les domaines pénitentiaires et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

S'agissant des actes de violence entre détenus, les chiffres sont beaucoup moins précis. Il y a certainement une zone grise. Nous travaillons sur les faits qui nous sont communiqués. Nous essayons d'être les plus exhaustifs possible. J'ai engagé, dès mon entrée en fonction, un plan de lutte contre les violences. Nous allons travailler sur des campagnes de victimation pour essayer de faire émerger ces faits. On a retrouvé en 2021, à peu de chose près, le chiffre de 2019. La très grande majorité des actes de violence sont des bousculades et des coups donnés en cellule. Ce n'est pas le cas, évidemment, en maison centrale ; cela concerne les maisons d'arrêt, qui sont parfois surencombrées. La grande majorité des agressions se produisent plutôt dans les maisons d'arrêt. À Arles, on a relevé une vingtaine d'agressions entre détenus sur l'année écoulée, essentiellement de faible intensité.

Nous lançons un grand plan de lutte contre les violences. Notre premier objectif est de mieux appréhender le phénomène. Nous analysons toutes les statistiques, à partir d'un outil de remontée d'informations, dénommé Prince, beaucoup plus performant, qui permettra d'agréger les données et de déterminer les lieux et les types de violence ainsi que les profils des détenus auteurs des faits. Sur cette base, le plan se déploiera dans trois dimensions.

La première dimension est la sécurité passive, par l'emploi d'outils technologiques comme les caméras, les émetteurs-récepteurs, les dispositifs d'alerte et, à l'extérieur, les mécanismes retardateurs.

La deuxième est la sécurité active, qui comprend toutes les procédures à appliquer.

La troisième, enfin, est la sécurité dynamique, qui implique des régimes de détention beaucoup plus adaptés et renvoie, notamment à la question de la remontée d'informations par les personnels. Le surveillant doit être un acteur. Il n'est pas seulement un porte-clés : il a un rôle essentiel à jouer grâce à sa connaissance des détenus, avec lesquels il vit jour et nuit. Le régime de détention doit être adapté au profil du détenu. L'isolement très ferme et très strict, le placement dans un quartier de prise en charge de la radicalisation, ou encore l'affectation dans un module de respect sont autant de dispositifs adaptés à la responsabilisation et à la dangerosité des détenus.

Les tentatives d'homicides et les homicides sur des détenus demeurent très rares : on dénombre une cinquantaine depuis 2011. Une part importante de ces actes sont commis dans des établissements ciblés, majoritairement ultramarins, en particulier en Guadeloupe et au centre de Remire-Montjoly, en Guyane. Ces faits doivent être mis en relation avec les troubles psychiatriques dont souffrent un certain nombre de détenus. Notre capacité à les identifier et à les prendre en charge doit être un élément central du plan de lutte contre les violences. Mon obsession est la sécurité de toutes les personnes se trouvant en détention. La nature du danger a évolué. Lorsque j'ai commencé ma carrière, à Saint-Maur, le principal risque auquel on faisait face était la mutinerie. Celui-ci est aujourd'hui beaucoup moins prégnant. Le principal risque encouru par les détenus et les personnels est l'agression isolée, qui peut être le fait de personnes ayant des troubles avérés du comportement. C'est un élément central d'accompagnement, qui ne dépend pas que de l'administration pénitentiaire, mais qui doit être présent dans notre plan de lutte contre les violences.

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