Intervention de Alexandre Holroyd

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 15h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd :

Même si le budget de l'Union pour 2022 est le deuxième du cadre financier pluriannuel 2021-2027, le prélèvement sur recettes (PCR) dont nous discutons est le premier depuis que les nouvelles modalités ont été définitivement adoptées : le « règlement CFP » est applicable depuis le 1er janvier, la décision sur les ressources propres est en vigueur depuis le 1er juin et les négociations sur tous les règlements sectoriels du CFP et du plan de relance ont été achevées. Si les facteurs habituels d'incertitude sur l'évaluation du PSR, liés à l'exécution du budget européen et à la situation économique, subsistent, les incertitudes juridiques que nous avions connues l'an dernier sont enfin levées.

Pour 2022, le prélèvement sur les recettes de l'État au profit de l'Union européenne est évalué à 26,4 milliards d'euros. Ce montant regroupe la contribution de la France au titre de la nouvelle contribution sur les plastiques non recyclés, de la ressource « TVA » et de la ressource « RNB ».

Après le fort ressaut observé en 2021, notamment en raison du Brexit, le montant du PSR devrait donc être stabilisé en 2022.

Cette stabilité résulte de deux mouvements contraires.

Le projet de budget de la Commission prévoit une augmentation des dépenses par rapport à 2021, sous l'effet principalement de la montée en charge des politiques de cohésion et d'action extérieure de l'UE.

Cette hausse est compensée par deux éléments en recettes. D'une part, en raison d'un décalage calendaire de paiement, la contribution britannique attendue au titre de ses engagements antérieurs augmente en 2022, ce qui diminue d'autant les contributions des États membres. D'autre part, les effets de la reprise économique sur le produit des droits de douane et sur l'évolution des RNB des États membres contribuent à réduire le niveau de la contribution française.

Ce prélèvement sur recettes matérialise la contribution de la France à un budget de l'Union européenne pour 2022 proposé par la Commission à 168 milliards d'euros en crédits d'engagement et 169 milliards d'euros en crédits de paiements, soit une hausse, à périmètre constant, d'environ 2 % par rapport au budget de l'Union pour 2021. Sur ces 168 milliards d'euros, 53 sont affectés à la politique agricole commune et 36,5 au développement régional et à la cohésion. Conformément à la règle fixée dans l'accord interinstitutionnel, 30 % des dépenses de l'Union doivent contribuer à la réalisation des objectifs en matière de climat. Pour le budget 2022, la Commission estime, sur la base d'estimations préliminaires, que cette part s'établit à 32,95 %.

Outre la proposition de budget de la Commission, la prévision de PSR prend aussi en compte le montant prévu pour la réserve d'ajustement au Brexit (5,5 milliards d'euros), qui vient tout juste d'être adoptée définitivement et ne figurait donc pas dans le projet de budget de la Commission.

Le projet de budget va faire l'objet de négociations, qui devront aboutir d'ici le 15 novembre, entre le Conseil, qui souhaite réduire légèrement les engagements, et le Parlement européen, qui arrêtera sa position la semaine prochaine et reviendra très probablement sur les coupes demandées par le Conseil. Ces négociations sont généralement serrées, mais la marge de manœuvre est réduite, particulièrement à la hausse, le montant des budgets annuels étant strictement limité par les plafonds arrêtés par le cadre financier pluriannuel pour chaque rubrique et pour chaque année. À la différence des lois de programmation des finances publiques au niveau national, le cadre pluriannuel européen s'impose en effet au budget annuel.

Faute de textes définitifs l'an dernier, je n'avais pas évoqué dans ma communication l'articulation entre le budget de l'Union et le plan de relance. Permettez-moi de m'attarder quelques instants sur le sujet, quelques semaines après que la France ait obtenu le versement d'un préfinancement de 5,1 milliards d'euros, soit 13 % du montant total du plan national de relance et de résilience.

Le plan de relance n'est pas inclus dans le budget, mais vient le renforcer au titre des recettes affectées externes. Pour 2022, il faut ajouter aux 167,8 milliards d'euros du budget « socle » 143,5 milliards d'euros issus de la partie « subventions » du plan de relance européen, qui viendront financer les plans nationaux pour la reprise et la résilience à hauteur de 118 milliards d'euros, et renforcer le programme de recherche Horizon Europe (+ 1,8 milliard d'euros), le programme de soutien aux investissements InvestEU (+ 1,8 milliard d'euros), les programmes de cohésion (+ 10,8 milliards d'euros au titre de REACT EU), le mécanisme de protection civile rescEU (+ 680 millions d'euros), le Fonds pour une transition juste (+ 4,3 milliards d'euros) et le Feader (5,7 milliards d'euros). Au total, ce sont donc plus de 311 milliards d'euros que l'Union européenne pourra dépenser en 2022.

Le lien entre le budget et le plan de relance se matérialise en outre par le paiement des coupons des obligations émises par la Commission pour financer le plan de relance.

La Commission prévoit de lever environ 80 milliards d'euros d'obligations d'ici la fin de l'année et a lancé hier la première émission d'une obligation verte de l'Union européenne, pour un montant de 12 milliards d'euros. C'est la plus importante émission d'obligations vertes au monde jamais réalisée. Au total, les obligations vertes devraient financer 30 % du plan de relance.

Les emprunts ayant débuté en juin 2021, les premiers coupons seront payés à l'été 2022. La Commission prévoyait 390 millions d'euros à cette fin, que le Conseil souhaite réduire à 90 millions d'euros compte tenu des conditions d'emprunts actuelles et prévues.

Jusqu'en 2027, le budget européen paie les intérêts de l'emprunt à la base du plan de relance, mais ne rembourse pas le capital. Le remboursement du capital débutera avec le prochain CFP, dans les conditions qui seront déterminées par la décision sur les ressources propres qui sera en vigueur pour 2028.

Dans l'accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020, le Parlement européen, le Conseil et la Commission s'étaient accordés sur une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres. Cette feuille de route prévoyait une première échéance en juin 2021, pour la présentation par la Commission de propositions relatives à un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, une ressource fondée sur le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne et une redevance numérique. Or, d'une part, la Commission a suspendu ses travaux sur la redevance numérique dans l'attente de l'aboutissement des travaux de l'OCDE sur une réforme de la fiscalité internationale des entreprises et, d'autre part, a fait des propositions concernant le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et le système d'échange de quotas d'émission de l'UE sans les assortir d'une modification de la décision sur les ressources propres.

Compte tenu de l'importance systémique des négociations en cours à l'OCDE, je comprends que la Commission ait pu décaler sa proposition de redevance numérique de quelques mois pour ne pas mettre en péril la négociation internationale. Un accord à l'OCDE pourrait permettre de concevoir à terme une ressource plus solide et, espérons-le, de fluidifier son adoption par les 27 si cette voie était choisie. Cependant, même si la redevance numérique eût constitué une part des ressources propres, elle n'aurait jamais été suffisante en elle-même pour financer le budget. Il faut donc aujourd'hui redoubler nos efforts pour faire avancer les travaux sur les autres propositions, notamment la réforme du système ETS et particulièrement le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Pour ce dernier, il y a urgence à agir en termes d'équilibre financier, mais également de prospérité, de compétitivité et de lutte contre le changement climatique.

Nous avons certes encore du temps avant de devoir rembourser l'emprunt, mais il ne faut pas que nous nous retrouvions pris de court en 2027 avec comme seule solution l'augmentation des contributions calculées sur le RNB ou des coupes dans le budget de l'Union. Je sais que nous pouvons compter sur la mobilisation de nos collègues du Parlement européen et du gouvernement pour que ce sujet reste parmi les priorités à traiter par la Commission à très court terme, et que notre commission restera très vigilante.

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