Intervention de Pierre Bentata

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 14h30
Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Pierre Bentata, maître de conférences à l'université Aix-Marseille :

Merci de m'auditionner.

Étant économiste et pas du tout juriste, je n'ai pas d'avis particulier sur l'efficacité de la transposition ou sur la clarté du droit, bien que je partage totalement les propos d'Emmanuel Derieux. Ils confirment ce que nous observons en analyse économique du droit, qui est souvent vecteur de tensions ou de comportements opportunistes de la part des entreprises ou des personnes ciblées : la complexité de la règle, la difficulté même pour un spécialiste à véritablement comprendre comment ce droit s'articule avec le système existant. C'était l'une des premières raisons de mon scepticisme.

Sur le plan économique, les propos d'Emmanuel Derieux se traduisent soit par une augmentation des litiges, soit par un statu quo, soit par de la recherche de rentes.

Évidemment, nous ne pouvons pas encore faire de bilan de ces droits voisins, mais l'inquiétude provient des critères qui sont particulièrement techniques, des modalités de rémunération et de la véritable négociation qui va s'opérer entre Google et les éditeurs de presse.

Les effets pourraient être bénéfiques comme tout à fait négatifs. Ils seraient bénéfiques si la totalité de la presse arrivait à bénéficier d'une forme de versement de la part de Google, comme un juste retour des choses. Si une somme est allouée de manière forfaitaire et ne prend pas en compte le trafic généré, il y aura des gagnants et des perdants. Ceux qui n'essaient pas de monter en qualité, qui ne réalisent pas d'innovation et qui n'attirent pas beaucoup de lecteurs, bénéficieront de manière indue de ce versement, alors que les autres en bénéficieront moins que prévu.

Nous allons inciter la presse à faire du clic à travers Google. Or toutes les analyses en économie comportementale et en psychologie montrent très bien que générer du clic ne se fait pas avec de la qualité d'information, mais avec des choses qui vous marquent, qui choquent votre cerveau reptilien. Le risque est le suivant, plus la loi sera efficace et plus Google versera des sommes importantes à la presse, et plus la presse se soumettra à une économie négative pour la transmission et le traitement d'information et la diffusion des connaissances.

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