Intervention de Ariane Chemin

Réunion du vendredi 15 janvier 2021 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Ariane Chemin :

Je crois que vous allez vous heurter au même problème que nous. Nous avons essayé de ne pas faire de caricatures et nous ne disons pas que toutes les femmes sont voilées. Les associations qui aident les enfants à la sortie de l'école regroupent ainsi des femmes voilées extrêmement républicaines. Il était difficile d'écrire un livre sans caricatures et la seule façon de le faire était d'aller sur le terrain. Vous dites que nous avons reçu des critiques parce que nous ne pointions pas suffisamment le séparatisme. Nous avons plutôt reçu des critiques disant l'inverse et, à vrai dire, nous avons eu tous types de critiques.

Cela nous a interrogées sur notre travail. Contrairement à ce que nous pensions, nous avons été extrêmement bien accueillies à Trappes. Nous n'avons jamais eu peur et nous avons fait notre métier comme ailleurs. Les critiques sont plutôt venues de notre profession. L'on nous disait : « Qui êtes-vous pour parler de Trappes alors que vous n'êtes pas de Trappes ? » C'est insupportable parce que le principe même du journalisme consiste à être curieux et à aller ailleurs.

Nous avons aussi découvert de nouvelles pratiques. Je me rappelle avoir eu rendez‑vous à la mosquée de Trappes après six mois d'attente. Le rendez-vous était fixé un 14 juillet parce que je pense qu'ils s'étaient dit que je ne viendrais pas. J'ai été reçue par six hommes. Chacun se surveillait pour être certain de ce qui apparaîtrait dans un livre ou dans la presse. De même, nous avons été enregistrées à notre insu lors d'un rendez-vous. C'est un religieux qui, à l'issue de notre entretien dans une voiture, nous a annoncé qu'il nous avait enregistrées. Nous étions furieuses.

Une autre chose beaucoup plus importante m'a frappée. Après les attentats du Bataclan, une jeune associative de BarakaCity est morte dans le XIe arrondissement. À l'occasion d'une cérémonie républicaine, on a exigé que les préfets aillent dans les mosquées en hommage à cette jeune femme. Je me souviens que j'étais chargée de raconter cette cérémonie pour mon journal. Je me souviens avoir dit que, pour la première fois de ma vie, je n'avais pas pu faire mon travail comme un homme. J'avais été placée derrière une immense bâche, dans le petit carré des femmes, et je n'avais rien entendu à ce qu'avaient dit le préfet et l'imam. En revanche, il est faux de dire que nous avons été mal accueillies à Trappes et que nous n'avons pas pu faire notre travail. Il faut donc, chaque fois, être dans la nuance et veiller à tous ces petits progrès.

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