Intervention de Alexis Corbière

Réunion du vendredi 15 janvier 2021 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Vous vous êtes livrées à un exercice difficile parce que nous avons un texte à examiner. Vous nous avez dit que vous n'aviez pas de conseils à donner, mais vous êtes des observatrices attentives et je m'intéresse tout de même à ce que vous percevez de ce texte en fonction de votre travail.

J'ai lu votre livre, qui prend une forme un peu romanesque, avec des personnages. Il est indiscutablement intéressant et met en lumière des phénomènes que l'on a pu appeler « ghettoïsation ». Un premier ministre, dont je ne partageais pas beaucoup les idées, avait même parlé d'« apartheid social ». Cela existe, c'est une réalité. C'est la dynamique qui m'intéresse.

Le reproche que je fais depuis le début est que le texte que nous avons à examiner s'appuie sur un discours de Président de la République qui n'avait pas oublié cette dimension dans sa cinquième partie. Il s'attachait à la politique à construire pour la ville, à la façon de casser ces ghettos, de favoriser le retour du service public, mais cela n'y est pas dans le texte. Je pense que c'est ce que vous pointez. Cela a été pointé par Marie-George Buffet. Le chômage de masse, la précarité et le recul des services publics se sont installés et votre exemple démontre que, lorsque cela n'existait pas, cela donnait des résultats extraordinaires. Nous avons ainsi des artistes parmi les plus appréciés des Français.

Ma question est la suivante : l'exigence qui monte est-elle une exigence d'égalité ou de séparatisme ? J'ai le sentiment qu'il existe d'abord une exigence d'égalité qui n'a pas trouvé de réponse dans ces quartiers. D'autres réponses ont donc été apportées. Pouvons-nous donc raisonnablement travailler sur ces sujets en essayant d'y apporter des réponses ? Si l'on perd de vue cet aspect, ne s'agit-il pas finalement uniquement de constater des choses sans s'interroger sur la façon dont nous sommes arrivés là ? Certains disaient que chercher à comprendre, c'est déjà excuser. Je ne le pense pas. Chercher à comprendre, c'est trouver les bonnes réponses. Que pensez-vous de cela ? Pensez-vous que c'est un peu trop naïf ? Ce que je dis est-il un peu trop caricatural ? Il me semble que cela répond au fond du problème.

Je ne conteste pas la réalité et je le dis avec respect vis-à-vis de ma collègue, Mme Genevard : il n'est pas vrai que toutes les femmes sont voilées à Trappes. De la même façon, l'histoire du café interdit aux femmes est une caricature des médias, qui ont oublié que la patronne du café était justement une femme. Si nous abordons ces sujets, abordons-les dans toute leur dimension et dans leur histoire. Il existe des cafés où le machisme règne dans la France profonde. Il faut donc mettre tout cela en perspective. De la même manière, l'histoire de communautés issues de l'immigration qui ont été très fortes dans certains quartiers est une banalité. La question est la suivante : quelle est la dynamique des événements ? Ce que vous pointez, c'est sans doute le fait que la dynamique, à Trappes, semble plus en recul qu'en avancée. Il existe d'autres villes dans lesquelles les populations sont dans une meilleure situation sociale, où le communautarisme n'a pas la même physionomie et où, pour des raisons plus géopolitiques, il ne se retrouve pas rattaché à des tentatives de participer à des combats à l'étranger. Essayons donc de mettre Trappes en perspective.

Vous comprenez le sens de ma question : le moteur de tout cela a-t-il été la question sociale ? Dans ce pays, contrairement aux discours, nous n'avons pas mis trop d'argent dans les quartiers, mais des annonces ne se sont pas vues sur le terrain. Avant-hier, j'écoutais Hakim El Karoui qui disait que la Seine-Saint-Denis était le huitième département contributeur en termes d'impôts, mais le dernier à percevoir des aides publiques. Nous voyons bien la difficulté des quartiers qui, contrairement à la caricature qui en est parfois faite, n'ont pas été arrosés d'argent, au contraire. C'est peut-être cet oubli qui a servi de caisse de résonnance. Quel regard avez-vous sur ce sujet ?

Comme toujours, la République est une tension vis-à-vis d'autres forces. L'égalité ne va pas de soi et ce ne sont que des politiques publiques volontaristes qui peuvent la permettre. Quand elles ne sont plus là, d'autres projets politiques se mettent en place. J'ai peur que le texte que nous avons à examiner n'aborde absolument pas cette question. Il ne réglera absolument rien, voire mettra en lumière des problèmes sans les résoudre.

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