Intervention de Ariane Chemin

Réunion du vendredi 15 janvier 2021 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Ariane Chemin :

Une chose est certaine : nous ne sommes pas là pour donner des solutions. Ce n'est pas notre rôle. Nous sommes présentes pour raconter. L'optimisme ou le pessimisme n'est pas une question à laquelle j'ai envie de répondre parce que nous nous sommes contentées de raconter sur la durée. Nous avons commencé après la guerre en essayant de comprendre comment nous sommes arrivés à cette situation.

Au sujet de la haine en ligne, un épisode nous a beaucoup frappées. Le commissariat de Trappes fait partie des premiers commissariats qui ont été attaqués de manière organisée et violente, un jour d'été, il y a quelques années. Tout cela est parti d'appels sur les réseaux sociaux et c'est la première fois que l'on voyait, dans cette ville, le rôle que ces derniers pouvaient jouer dans ce genre de manifestation. Par ailleurs, les vidéos ont eu un rôle très important dans l'assassinat de Samuel Paty. Nous avons eu vent d'une histoire au cours de laquelle un entrepreneur en bâtiment est allé au McDonald's de Trappes ; il a croisé plusieurs personnes qui déjeunaient là, dont une femme voilée, son mari et ses enfants. Il a eu un regard sur la femme voilée qui, à mon avis, n'était pas un regard très appuyé, et il a été victime d'une sorte de punition filmée. On l'a placé devant le McDonald's et on lui a fait baisser la tête. Cela faisait beaucoup penser à la posture des premiers morts lors des exécutions par l'État islamique. Cette vidéo était épouvantable et a tourné sur les réseaux sociaux, à tel point que l'entrepreneur a dû quitter le département. Je me souviens qu'un couple d'homosexuels a aussi dû quitter sa ville parce qu'il était moqué sur les réseaux sociaux.

Il est évident que, plus les années passent, plus les réseaux sociaux ont un rôle dans la haine en ligne. Ils peuvent aussi avoir un rôle d'apaisement. Nous l'avons nous-mêmes constaté quand notre livre est sorti : personne ne l'avait lu et nous avons été victimes d'une interdiction d'aller le signer à Trappes ainsi que de nombreux commentaires. Heureusement que nous avions vu beaucoup de personnes à Trappes. Les réseaux sociaux ont aussi contribué à apaiser cette espèce de vindicte dont nous aurions pu être victimes.

Vous parliez du socialisme municipal. À Trappes, il s'agit plutôt d'un communisme municipal. Parfois, le relais a été passé de manière consciente parce que cela fait partie des jeux politiques. On a parfois l'obligation de s'appuyer sur la communauté musulmane pour gagner des élections et c'est exactement ce qu'il s'est passé à Trappes avec le maire socialiste, qui s'est appuyé sur la promesse d'une mosquée légitime. En écrivant le livre, nous nous disions qu'au fond, dans les journaux, on raconte toujours les marchandages, les alliances entre les partis politiques dans les municipales, mais que l'on oublie toujours les composantes religieuses, qui sont de plus en plus importantes, comme si l'on ne voulait pas les regarder. À Trappes, cela s'est passé ainsi. Je pense que l'on ne peut pas dire que c'est la faute de gens ayant des intérêts particuliers et qui veulent déstabiliser la République ou la faute des politiques. La situation est évidemment multicausale. Il est vrai qu'au temps du communisme municipal triomphant, il existait un réel encadrement des enfants, avec une multitude d'activités périscolaires et un encadrement scolaire. Aujourd'hui, ce qu'il se passe par exemple dans la ville de Trappes et ce qui nous a beaucoup frappées, c'est la fin des emplois aidés. Les associations qui proposaient un soutien scolaire ont soudainement perdu beaucoup d'aides financières et c'est l'école coranique qui a pris le relais de ces associations, des curés et des pasteurs qui aidaient les enfants à la sortie de l'école.

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