Intervention de François Baroin

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

François Baroin, président de l'Association des maires de France :

Je ne prétends pas m'élever au-dessus d'une condition qui n'est pas la mienne et, comme je suis hypocondriaque, j'écoute énormément les médecins. Je vous écoute donc avec beaucoup d'intérêt, et j'ai apprécié votre échange avec Renaud Muselier sur le grand homme de Marseille. Par ailleurs, j'ai siégé au sein de cette assemblée pendant une vingtaine d'années et j'ai un immense respect pour la représentation nationale, qui mène un travail difficile.

On s'attache à mettre en lumière ce qu'on a constaté localement. Lorsque je parle de « l'effondrement » de l'État, du point de vue des maires, sur la partie logistique, ne le prenez pas comme un message désagréable à l'encontre de la majorité, à laquelle vous appartenez, ni à l'encontre des représentants de l'État, dont la tâche est extraordinairement difficile en cette période de crise inédite. Nous soutenons le choix qui a été fait de protéger en priorité les hommes, les femmes et les enfants nos concitoyens.

Sans doute le terme « effondrement de l'État » est-il un peu fort et désagréable, mais je le maintiens. Si nous n'avions pas été présents, dans le domaine logistique, pour couvrir le dernier kilomètre, les médecins généralistes installés dans toutes les villes de France n'auraient pas été couverts, et je pense qu'un nombre beaucoup plus élevé de membres du corps médical auraient été infectés. Par voie de conséquence, les malades auraient été probablement beaucoup plus nombreux à ne pouvoir se rendre à l'hôpital pour y être soignés, et il y aurait donc eu beaucoup plus de morts. Nous avons joué un rôle respectable, qui est à retenir, même si nous ne le portons pas en bandoulière. Nous ne faisons que dresser un constat cruel.

Lorsque nous disons que la double commande du ministère de la santé et du ministère de l'intérieur, fruit d'un choix gouvernemental, a été une faute de gestion, nous l'affirmons en conscience, en responsabilité et en expérience. Le Conseil national de la sécurité civile a été supprimé sous l'autorité du précédent Président de la République. Ne pas l'avoir restauré est une faute. Si le ministère de l'intérieur avait été désigné, comme cela aurait paru logique aux élus locaux, pilote de cette partie logistique de la crise – car il s'agissait d'un problème d'acheminement –, on aurait gagné du temps. Je ne comprends toujours pas pourquoi cela n'a pas été décidé, alors que nous avons alerté à trois reprises le Gouvernement et le Président de la République, sans jamais prendre l'opinion publique à témoin. Nous, les maires, nous nous sommes exprimés pour être utiles et non pour engager une bataille, dans une période terriblement anxiogène. Cette question se posera sans doute moins pour le prochain confinement, car il n'y aura plus de problèmes liés aux stocks de masques, mais d'autres se poseront.

Ensuite, vous nous demandez ce que nous avons fait pour anticiper la crise : en creux, sommes-nous si malins que nous puissions donner des leçons ? Le maire est le président du conseil de surveillance de l'hôpital public, parce qu'en général, l'hôpital est le premier investisseur public et le premier employeur du département. Or, le pouvoir d'un conseil de surveillance est celui d'une jolie statue sur une cheminée, pas beaucoup plus. J'ai présidé ce qui était à l'époque un conseil d'administration. Nous avions un pouvoir supplémentaire : celui de nommer le directeur de l'hôpital. Nous avions aussi la possibilité de ne pas le garder, en fonction de considérations liées aux affectations de la direction centrale du ministère. Aujourd'hui, nous ne disposons même plus de cette prérogative.

Je me permettrai de vous rappeler que la santé est une mission régalienne et que la gestion budgétaire et le cadre d'anticipation sont définis par le directeur général de chaque établissement hospitalier, dans le respect des arbitrages budgétaires – ce qui est l'un des motifs de contestation des ARS. En cas de litige, la question remonte directement au ministère de la santé. Nous en revenons à la problématique contestée de la gestion du ministère en silo.

Monsieur le président, puisque vous êtes généraliste en médecine de ville, et non praticien hospitalier, vous partagerez, je l'espère, la volonté de rééquilibrage des élus. Nos contributions visent à sortir du conseil de surveillance pour revenir à la logique du conseil d'administration et à favoriser la place et le rôle des maires pour les mettre au cœur du rapprochement public-privé, à la lumière de la crise que nous traversons.

Comme nous l'avons indiqué au Premier ministre dans le cadre de nos contributions au projet de loi 3D, nous souhaitons également que la place des régions soit revue. Nous nous interrogeons sur le rôle des territoires : ne pourraient-ils être des acteurs du financement, des recrutements et de l'accompagnement des personnels ? Ainsi, des médecins pourraient être des salariés de la fonction publique territoriale et pas uniquement de la fonction publique hospitalière. Il pourrait en aller de même avec des infirmières, des sages-femmes etc. Nous serions ainsi des acteurs à part entière d'une santé, non pas publique, mais pour tous les publics.

Enfin, vous dites que votre commune ne vous a pas apporté de masques. Demandez à votre maire d'adhérer à l'AMF ou d'y être un membre encore plus actif, puisque notre association a pris l'initiative d'acheter 16 millions de masques.

Je regrette et je conteste la décision de l'État de payer 50 % des achats de masques, entre telle et telle date. En effet, avant la date retenue par le Gouvernement, les communes les plus agiles et les plus dynamiques ont acheté des masques, dès le premier jour de la crise, tout en devant assumer 100 % de la dépense. L'AMF ayant apporté sa contribution, vous auriez dû, normalement, recevoir des masques FFP2 ou des masques de protection chirurgicale.

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