Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ARS
  • confinement
  • masque

La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Présidence de M. Julien Borowczyk, président de la mission d'information

L'audition commence à dix-sept heures dix.

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Messieurs les présidents, nous souhaitons tirer avec vous les premiers enseignements de la gestion territoriale de la crise sanitaire et des évolutions qui ont suivi le confinement. Qu'est-ce qui a, selon vous, fonctionné et qu'est-ce qui devrait être amélioré pour mieux affronter les semaines à venir ?

Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « je le jure »

(Les personnes auditionnées prêtent serment).

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Renaud Muselier, président de Régions de France

Je commencerai par vous présenter une chronologie des événements.

Le 3 janvier est publié le premier article sur le virus mystère de Wuhan. Le 16 février, Agnès Buzyn démissionne et est remplacée par Olivier Véran. Le 24 janvier est annoncé le premier cas en France. Le 26 février, on dénombre cinquante-sept cas dans notre pays. Le 8 mars, les frontières de l'Italie sont fermées ; Giuseppe Conte annonce le début du confinement. Le 9 mars est détecté le premier cas dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Nous fermons les services de la région le 11 mars.

Le 17 mars, débute le confinement national. Un accord des dix-huit régions est trouvé avec le Premier ministre pour abonder de 250 millions d'euros le fonds national de solidarité institué par le Gouvernement.

Le 18 mars, des mesures de soutien sont apportées aux entreprises de transports scolaires et de passagers, pour les aider à affronter la fermeture des écoles.

Le 19 mars a lieu la première réunion de la task force économique, pilotée par le Président de la République, à laquelle participent les régions.

Le 20 mars, est annoncée une prime exceptionnelle en faveur des stagiaires paramédicaux et le doublement de l'indemnité mensuelle.

Le 21 mars, à la suite d'une forte pression politique, est publié un décret ouvrant aux collectivités la possibilité d'acheter des masques. Le lendemain, la région PACA et l'ensemble des régions de France signent leur premier bon de commande, pour un total de 120 millions de masques.

Le 30 mars a lieu la première réunion hebdomadaire des présidents de région, qui se réuniront tous les lundis, pour échanger des informations, à la suite de l'initiative du président de la région Grand Est, M. Jean Rottner, premier concerné.

Le 2 avril, les chefs de parti se réunissent avec M. Édouard Philippe. Dans chacune de nos régions, avec les collectivités territoriales, nous instaurons un fonds résistance – ou résilience. La région, les collectivités, la Banque des territoires l'abondent chacun à hauteur de 2 euros par habitant pour fournir une aide, au plus proche du terrain, à ceux qui sont en très grande difficulté économique.

Le 6 avril, se réunit la task force économique nationale, autour de Bruno Le Maire, qui tiendra une réunion toutes les semaines.

Le 9 avril, a lieu une réunion de travail avec les ministres Mme Gourault, M. Castaner et M. Véran sur l'approvisionnement en masques dans nos collectivités, trois semaines après le début de la crise – au moment où nos masques sont réquisitionnés dans les aéroports, sur les tarmacs, alors que nous les avons commandés.

Le 14 avril, les présidents de RdF se réunissent pour fixer notre participation au deuxième fonds de solidarité national, dans le cadre de l'aide économique.

Le 20 avril commencent les opérations de distribution de masques – on en a remis un total de 120 millions.

Les régions ont participé à différentes actions à hauteur de 1,7 milliard d'euros de dépenses nouvelles – non budgétisées – en deux mois, dans les domaines de l'agriculture, de la culture, du développement économique, de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de recherche, de la formation professionnelle, de la santé, du transport et de la mobilité, etc. Nous avons, dans certains cas, bénéficié du concours de fonds européens.

Il y a eu difficultés en matière de coordination sanitaire. Comme de nombreux rapports et audits l'indiquent, le choix de gérer quasi-exclusivement la première vague du covid par une structure verticale – ministère de la santé et agence régionale de santé (ARS) – a abouti, sur le terrain, au développement d'un sentiment d'abandon des acteurs territoriaux. L'ARS, structure peu connue et centrée sur la gestion hospitalière, n'a entretenu aucune relation particulière avec les maires, les entreprises, le tissu associatif. Ces derniers se sont retournés vers leurs interlocuteurs habituels – préfet, sous-préfet, département, région et fédérations professionnelles –, qui savaient peu de choses et n'étaient pas directement impliqués dans la gestion de la crise.

Alors que le contexte médiatique faisait monter une véritable angoisse à l'égard d'une situation qualifiée de « guerre », les relais habituels et connus de la population semblaient tout aussi sidérés et livrés à eux-mêmes que nos concitoyens. Les élus ont donc été à la manœuvre, dès le début de la crise et jusqu'à son terme, afin de ne laisser place ni à l'abandon ni à la panique de la population.

Entre le système centralisé autour du ministère de la santé, qui a présidé à la gestion de la première vague du covid, avec les difficultés qui ont été mises en lumière, et la deuxième vague en cours, l'État n'a modifié qu'à la marge son organisation. Seule une part de responsabilité accrue a été confiée au préfet. Aucune leçon institutionnelle de fond n'a été tirée sur l'organisation de notre système de santé ; notre ministère de la santé semble s'évertuer à maintenir les collectivités locales le plus à l'écart possible. À cet égard, le Ségur reste inachevé. C'est la raison pour laquelle la gestion de la deuxième crise ressemble tant à celle de la première.

Je soulignerai le rôle mal défini du Conseil scientifique. Est-il le conseil du Gouvernement ou une autorité d'expression publique ? Le 26 février, M. Jérôme Salomon déclarait : « Il n'y a pas de sujet de pénurie de masques ». Le 3 mars, sur Radio Classique, M. Jean-François Delfraissy déclarait : « Les masques ne sont pas nécessaires, ils doivent être réservés au personnel de santé et aux personnes suspectes ». Le même jour, M. Olivier Véran confirmait l'existence d'un stock de 150 millions de masques, chiffre ramené, le 10 mars, à 110 millions. J'ai cru entendre qu'il y en avait, il y a quelques années, plus d'un milliard.

Le 16 mars, l'OMS appelait à dépister massivement. Mais Mme Sibeth Ndiaye, alors porte-parole du Gouvernement, affirmait, le 10 mai, que cet appel datait du mois d'avril – incohérence dans les calendriers, les dates, les informations.

Il s'agit d'un échec structurel. Nous avons vécu une illusion de contrôle, comme le dit Henri Bergeron, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). L'autorité était morcelée, les procédures multiples, comme nous l'avons vécu à l'échelle des collectivités territoriales, sans compter la guerre des chiffres, statistiques contradictoires à l'appui. La France a subi des dysfonctionnements systémiques, l'absence d'articulation collective, des décisions verticales, tardives et floues. Même si le Conseil scientifique a perdu le monopole de la parole scientifique, son rôle dans cette cacophonie a contribué à la perte de confiance.

C'est la première fois qu'une crise est gérée par le ministère de la santé – et non par le ministère de l'intérieur –, ce qui a privé les préfets des éléments d'information au profit des ARS, qui ne sont pas conçues pour faire de la gestion de crise. Tout l'appareil de l'État – préfets, sécurité, sécurité civile – a été mis sur la touche, et le système hospitalier s'est débrouillé seul.

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Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France

Lorsque, à l'apparition des difficultés, les collectivités communales et intercommunales se sont tournées vers les départements pour obtenir des masques, nous avons pallié l'incapacité de l'ARS à les distribuer, en les acheminant avec les véhicules de la direction des infrastructures ou du service départemental d'incendie et de secours (SDIS). Nous avons alors subi les premières difficultés financières. L'arrêt complet des transactions immobilières a entraîné une perte des ressources provenant des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Par ailleurs, nous avons dû faire face, très tôt, à une demande accrue de versement du revenu de solidarité active (RSA), avant même que des plans sociaux soient appliqués.

Au vu de ce qui s'est passé, il faut éviter de reproduire certaines erreurs, si un deuxième confinement global de quelques semaines était annoncé.

Je partage l'avis de Renaud Muselier : cela ne s'est pas bien passé avec le ministère de la santé. Toutefois, à titre personnel, je pense qu'Olivier Véran, qui est un homme de terrain, a mieux géré la situation qu'Agnès Buzyn. Il n'empêche que les ARS ont été au-dessous du niveau de la mer, exception faite d'Aurélien Rousseau, en Île-de-France, qui a été plutôt bien perçu par l'ensemble des collectivités départementales et locales.

Dans mon département, un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) a eu à déplorer quatorze décès. Ni le maire de la commune, ni le président du département – co-autorité de tutelle de l'EHPAD – ni le préfet, ni la préfète de région, ni le cabinet du ministre n'étaient au courant. Nous avons appris cette nouvelle par la presse, parce qu'un journaliste local avait eu l'information. Aucun de nous n'a pu jouer un rôle dans la crise de l'établissement.

Depuis lors, Olivier Véran a entamé une campagne de redépartementalisation des ARS, en renforçant le niveau des interlocuteurs départementaux et les équipes. Aujourd'hui, lorsqu'un pensionnaire attrape un rhume dans un EHPAD, on reçoit un mail de l'ARS.

J'ai vécu, dans mon département, les crises consécutives aux tempêtes Lothar et Martin, en 1999, et Xynthia, en 2010. Les préfets sont habitués à gérer ces situations, à rassembler les moyens des collectivités de l'État. Or, ils ont été complètement mis hors-jeu au printemps dernier, alors même qu'ils sont les femmes et les hommes de l'État les plus aptes à faire face aux crises.

Autre problème, qu'Olivier Véran a réglé, mais au bout de trois semaines à un mois : les tests. Nous avons tout de suite dit à l'État qu'il fallait faire des tests, en particulier dans les EHPAD, auprès du personnel et des résidents. Si on avait subi une vague de chaleur, du type de celle de 2003, au moment où nos vieillards étaient confinés dans leur chambre d'EHPAD – alors que, bien souvent, seule la salle commune était climatisée –, la mortalité aurait été beaucoup plus élevée.

Pour les tests, nous avons mis à disposition nos laboratoires départementaux qui, contrairement à ce que certains pensent, ne sont pas que des laboratoires vétérinaires. Nos biologistes, qui ont les mêmes compétences que ceux qui travaillent dans les laboratoires publics et privés, testent la qualité des eaux, des repas dans les établissements scolaires… Ils étaient parfaitement en mesure d'agir. Or, il nous a fallu plusieurs semaines pour obtenir qu'ils soient autorisés à travailler ; encore aujourd'hui, un grand nombre de laboratoires d'analyses volontaires n'ont pu conclure une convention avec l'ARS. Ils ne peuvent donc pas, du fait de la mauvaise volonté de l'État, participer aux politiques de dépistage.

Concernant la relance, une circulaire du 5 mai de Mme Gourault a interdit aux départements de donner ne serait-ce que 1 000 euros à un buraliste, ce qui n'est pas d'une grande habileté psychologique. Cette application de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) m'a semblé un peu stupide.

Les départements étaient un peu réticents à l'idée de participer au fonds national, ce qui se comprend : le fait que l'argent du département des Alpes-Maritimes parte en Charente-Maritime, ou inversement, n'est pas une idée très vendeuse. Lorsque les régions ont créé les deuxièmes fonds – les fonds résilience –, les préfets ont jugé, dans certains départements, au titre du contrôle de légalité, que les délibérations n'étaient pas recevables, alors qu'ils les ont validées ailleurs. Comprenne qui pourra. Comme ce n'était pas clair, les régions ont parfois refusé l'argent des départements versé dans ce fonds. Nous en avons beaucoup parlé avec Renaud Muselier pour mettre de l'huile dans les rouages.

Si, demain, nous revenons à une situation semblable à celle du printemps, le pilotage de l'État devra être complètement différent au niveau départemental. En Nouvelle-Aquitaine, territoire aussi grand que le Danemark ou l'Autriche, l'ARS compte en son siège 650 personnels, mais parfois seulement 10 personnes dans un département, avec une petite camionnette pour prendre en charge une soixantaine d'EHPAD, apporter les masques, etc. L'organisation n'est pas la bonne. J'espère donc que toutes les conséquences en seront tirées.

On a naturellement tous été de bonne volonté : les départements ont aidé les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les communes, les régions nous ont aidés... Nous avons établi des commandes de masques en commun pour faire baisser les prix et essayer d'en avoir une quantité maximale, en passant soit par les régions, soit par les départements. La bonne volonté, la chaleur humaine, la générosité et les qualités de nos compatriotes et de nos élus locaux ont permis de pallier les situations les plus difficiles, mais la gestion de la crise n'a pas été une grande réussite. Je ne mets pas en cause les hommes. À titre personnel, je trouve qu'Olivier Véran a été à la hauteur de la situation. C'est le système qui a montré son inefficacité. J'espère que les erreurs du printemps ne seront pas celles de l'automne.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France

Par un clin d'œil de l'histoire, vous nous auditionnez le jour même où le Président de la République s'exprime et va probablement annoncer les nouvelles mesures visant à protéger les Français contre le développement très rapide, ces derniers temps, de l'épidémie.

Les départements et les régions ont travaillé main dans la main. Nous avons dressé le même constat sur l'organisation de l'État et le cadre général. Je n'ai donc rien à ajouter à ce qui a été dit. J'interviendrai uniquement sur la place des communes et des intercommunalités, essentiellement sur le rôle des maires, à partir du moment où le chef de l'État a décidé le confinement généralisé.

Je rappellerai tout d'abord que la représentation nationale a décidé d'instituer l'état d'urgence sanitaire, qui a largement rogné les pouvoirs de police des maires, et que le cadre général d'intervention a fait des maires des agents de l'État au service d'une politique à laquelle ils n'ont été que très peu associés. Ils n'ont pas été acteurs dans la définition du confinement et de ses modalités d'application. En revanche, ils ont été au service de la protection des populations, constatant les trous laissés béants par un État qui a montré ses insuffisances, pour ne pas dire plus, dans un certain nombre de secteurs, notamment dans celui de la logistique.

S'agissant des masques, l'un des points saillants de la problématique du confinement, le discours général peut se résumer à un mensonge habillé d'une pénurie, ou d'une pénurie habillée d'un mensonge, qui a été un élément de déstabilisation.

Il y a eu une pénurie de masques et un choix stratégique de l'État de les distribuer en priorité aux personnels soignants hospitaliers, de sorte que, dès l'annonce du confinement, les maires ont été sollicités de toutes parts, notamment par la médecine de ville, les aides-soignants et les infirmiers du secteur privé, qui voulaient pouvoir continuer à recevoir les patients. Les soignants n'avaient en effet ni masques, ni blouses, ni gants : ils ne disposaient d'aucune protection.

Les maires, mis au pied du mur et souhaitant assumer leurs responsabilités d'acteurs de la cohésion sociale, se sont mis en situation de combler ce manque et de travailler, ici avec une région, là avec un département, mais le plus souvent seuls. Ils ont fait preuve d'agilité. Les services techniques se sont mobilisés ; des ateliers se sont repositionnés très rapidement sur la fabrication de masques. Les maires ont été les premiers acteurs, me semble-t-il, de la protection de la médecine de ville, qui représente 96 à 98 % des actes de soin – les actes hospitaliers n'en constituant que 2 %.

Le premier enseignement susceptible de nourrir votre réflexion et de dégager des solutions qui permettront à l'État de revoir sa stratégie de gestion des épidémies, est que le ministère de la santé a fonctionné en silo. C'est normal : on ne peut pas leur en vouloir. Ce qu'on peut reprocher, en revanche, c'est l'incapacité de s'adapter à la réalité d'un mouvement qui sautait aux yeux. Le ministère avait des petites poupées russes – les ARS – qui sont tout aussi lointaines, ultra-centralisées, quasiment sans lien avec les élus et les territoires.

Le directeur de l'ARS de la région Grand Est – le territoire le plus affecté par le virus – a suivi de chez lui, à Paris, la gestion de la crise. Étant à Paris, il n'a pas assisté à la réunion tenue par le Président de la République, à Mulhouse, pour l'installation de l'hôpital de campagne. Cet exemple est sans doute caricatural, mais il est aussi douloureux, inacceptable, et extraordinairement révélateur d'un état d'esprit. J'ajoute que c'est la même personne qui, au cœur de la crise, a annoncé vouloir poursuivre les coupes budgétaires prévues au centre universitaire hospitalier (CHU) de Nancy. Cet homme est intelligent, formé et a une vision, mais il a démontré que, même au pire moment d'une crise sanitaire inédite, un haut fonctionnaire, représentant le ministère de la santé dans une très grande région, ne peut sortir du discours pour lequel il a été formé. Centré sur la production de normes, la régulation budgétaire, sans tenir compte des réalités de terrain, ce propos hospitalo-centré considère la santé des Français exclusivement à l'hôpital, sous l'angle budgétaire, dans le cadre fixé par l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), que vous votez et dont on ne doit jamais s'éloigner.

Le ministère de la santé est resté sur ses positions, et je constate, à regret, qu'il n'en a pas changé. À l'orée de nouvelles annonces du Président de la République, rien n'a changé, ni sur le fond, ni sur la forme, ni sur le cadre général des discours.

Si le Gouvernement a bien compris qu'il fallait nouer plus de relations avec les ARS, si les préfets de département sont un peu plus impliqués et ont certainement des liens plus étroits avec les ARS, il n'y a pas une différence considérable entre le premier confinement et ce qui s'annonce aujourd'hui. Tel est le premier enseignement.

Le deuxième enseignement a été évoqué par M. Muselier et M. Bussereau. Les pouvoirs publics ont fait le choix stratégique de confier au ministère de la santé le soin de lutter contre l'épidémie, dont nous savons désormais que le meilleur moyen de s'en protéger est de porter un masque. Comme on n'a pas expliqué qu'il y avait une pénurie et qu'on avait priorisé la distribution, le cadre logistique, l'acheminement des masques devenait la clé de cette guerre. Or, la guerre a été perdue, et ses effets n'ont été compensés que par nous et les entreprises. La reconnaissance nationale n'a pas été à la hauteur du rôle joué par les entreprises, qui ont été mobiles, agiles et ont mis leur logistique à la disposition de la nation et de la solidarité nationale. Le travail conjoint des entreprises et des collectivités locales, qui ont fait preuve d'adaptabilité, a permis de compenser les trous de l'État en matière de logistique.

Qui sont les professionnels de la logistique en France ? C'est normalement la sécurité civile, le ministère de l'intérieur, éventuellement associé au ministère de la défense – une partie importante de la logistique s'effectue en général avec l'armée. Or, on est resté dans cet entre-deux. Il n'a pas été acté que c'était au ministère de l'intérieur de gérer la crise, qui est une crise de logistique. On a donc eu un écart grandissant, de semaine en semaine, qui a révélé l'échec de la guerre. Nous avons été nombreux à dire qu'il y a eu un effondrement de l'État – aucun territoire n'a échappé à l'effondrement de la logistique.

Troisième enseignement, nous avons été des agents de l'État loyaux et fidèles à la mission d'intérêt général qui nous anime. Les maires ont apporté leur contribution de façon systématique, ont été d'une grande disponibilité, ont eu de très nombreux temps d'échanges avec le Premier ministre et les ministres concernés. Nous avons fait remonter toutes les informations en temps et en heure ; tout est à la disposition de votre mission : les courriers, les étapes suivies, les informations remontées. Nos propos ne sont que la synthèse des échanges publics qui ont eu lieu. Cela concerne, par exemple, les problématiques de l'eau, de l'assainissement, des ordures, du système funéraire, de l'état civil ou encore de la poursuite de la continuité des actions publiques aux côtés de l'État.

Si le déconfinement a été à peu près harmonisé, c'est bien parce que les maires étaient à la manœuvre pour tous les services publics de proximité, à commencer par les écoles. Le dialogue s'est instauré, le cadre général a permis de restaurer progressivement une forme de vie à peu près normale, même si cela a pris du temps pour être un peu plus écoutés.

Depuis le déconfinement, nous avons appliqué les recommandations, et un certain nombre de maires, restaurés dans leurs pouvoirs de police propres – l'état d'urgence sanitaire ayant été levé le 10 juillet –, ont fixé un cadre. Certains maires ont recommandé le port du masque, d'autres sont allés un peu plus loin. Je rappelle que le Conseil d'État a suspendu un arrêté du maire de Sceaux, un homme expérimenté, au demeurant secrétaire général de l'AMF, qui imposait le port d'un masque ou d'un tissu pour se déplacer dans la ville. Dans l'inconscient collectif, les maires, comme tous les élus locaux, ont été des acteurs puissants et cohérents. Ils ont pris des risques réels. Toutefois, leurs pouvoirs juridiques sont rognés.

Chaque maire a eu sa lecture propre de la situation au cours de l'été. Le dialogue entre l'État et les maires s'est affaibli au cours du mois de septembre : chassez le naturel, il revient au galop. Le fonctionnement en silo a été très largement rétabli. Nous avons alerté le Premier ministre, fin septembre, et les relations ont été un peu restaurées et on a un peu gagné en efficacité. Les préfets ont repris l'habitude, depuis une quinzaine de jours, d'associer les maires aux mesures de protection, à la définition du cadre général. Les liens entre les préfets de département et les ARS sont aussi probablement un peu renforcés.

Par ailleurs, au sein de « Territoires unis », régions, départements et communes ont contribué à la réflexion visant à modifier l'organisation dans le domaine de la santé. Nous souhaitons que les régions jouent un rôle plus important et aient peut-être le dernier mot. Nous entendons restaurer la place du maire dans la gouvernance des hôpitaux, pour favoriser le rapprochement avec la médecine privée. Nous souhaitons évidemment être des acteurs majeurs, y compris dans la définition de l'attractivité d'un territoire dans le domaine de la santé, afin de faire sauter les verrous existants et le regard très hospitalo-centré du ministère de la santé et, plus globalement, de l'État. Le problème qu'on rencontre, de manière générale, en matière de décentralisation apparaît de manière éclatante dans le domaine de la santé.

La santé est une mission régalienne. Il appartient à l'État d'assurer le cadre général de la protection des Français dans le domaine de la lutte contre les épidémies. Vous avez créé l'état d'urgence sanitaire, qui s'imposera à nouveau dans les semaines à venir et sera probablement accompagné de mesures restreignant les libertés publiques, qui interpellent la population. Celle-ci n'accepterait pas de la même façon un nouveau confinement, dans un cadre général de restriction des libertés publiques. Nous le voyons depuis une semaine dans les territoires d'outre-mer : depuis l'annonce du couvre-feu, les mouvements des gilets jaunes se réorganisent autour des mairies et des préfectures. Une partie de la population peut manifester son désaccord auprès des élus locaux pour marquer son opposition aux décisions de l'État. Je réaffirme la grande disponibilité des maires de France, aux côtés de l'État, pour accompagner les mesures qui seront prises, même si elles sont douloureuses. Toutefois, ils ne sauraient en assumer la responsabilité pleine et entière, puisqu'ils n'en ont pas les moyens juridiques.

Si nous ne subissons plus la problématique des masques que nous avons connue lors du confinement, d'autres s'imposeront. Sur le plan économique, nous avons la certitude que la casse sera beaucoup plus forte, notamment pour ce qui concerne les biens non essentiels. Si on retrouve un cadre aussi contraignant concernant la restauration, les bars, l'hôtellerie et les commerces non essentiels, la facture sera très sévère. Il en ira de même s'agissant des associations culturelles, sociales, sportives et autres.

La facture budgétaire, comptable, à la charge des collectivités locales est considérable et est insuffisamment prise en compte par l'État. Nous prendrons, dans les jours qui viennent, des initiatives fortes. Nous solliciterons certainement le Parlement pour corriger la politique proposée par le Gouvernement en matière d'accompagnement des collectivités locales sur ce sujet.

Nous savons que les mesures prises entraîneront une augmentation de la dette de 17 points. Cela n'est possible que parce que la Banque centrale européenne (BCE) rachète toute la dette française – et la dette italienne – depuis le mois de mai et qu'elle positionnera 750 milliards d'euros sur les marchés au mois de janvier. Dès lors, nous ne comprenons pas pourquoi la revendication collective des communes, des départements et des régions de France n'est pas acceptée.

Le premier confinement coûtera environ 1 point de PIB. Quelle différence cela ferait-il pour l'État français, dans sa négociation avec Bruxelles et la BCE, d'ajouter 1 point dans la négociation de rachat de la dette ? Cela nous permettrait de protéger notre autofinancement, qui est en train de s'écraser à tous les étages. À défaut, vous pourrez voter tous les plans de relance que vous voudrez, les communes et les intercommunalités, qui constituent 60 % de l'investissement public national, ne seront pas au rendez-vous. On ne disposera plus de l'autofinancement et de l'effet de levier pour relancer la machine économique, notamment dans le domaine du bâtiment et des travaux publics.

Je profite de votre aimable invitation pour vous saisir officiellement, devant l'opinion publique, de cette problématique. Nous ne pourrons pas être au rendez-vous si on se retrouve dans le rouge ou avec un autofinancement nul. Je rappelle que, contrairement à l'État, les collectivités locales ne peuvent pas emprunter de l'argent pour financer leur fonctionnement : c'est la règle d'or de l'équilibre. Ce sujet est devant nous pour les six mois qui viennent.

Les plans sociaux commencent à arriver sur la table de discussion des élus. La dynamique économique de la relance, qui aura lieu, nous l'espérons, entre les mois de mars et de juin, risque d'être largement altérée par la détérioration très significative de nos budgets. C'est vrai pour les communes, dont la fiscalité de stocks est très altérée par la baisse des recettes ; c'est vrai pour les intercommunalités, dont la fiscalité est fondée sur l'activité économique ; c'est vrai pour les départements, dont les DMTO ont diminué ; c'est vrai enfin pour les régions, dont les recettes dépendent de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Il y a une négociation, mais il faudra investir.

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Messieurs, je vous remercie. Cette tribune politique et économique ne concerne pas la commission d'enquête, qui est centrée sur les questions sanitaires. Monsieur Baroin, votre propos confinait presque à une profession de foi !

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François Baroin, président de l'Association des maires de France

Je ne sais pas si le terme est consacré, pour ce qui nous concerne.

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Quel est votre regard sur la position que vous occupiez avant la crise ? En tant que président du conseil de surveillance des établissements de santé, en qualité d'acteurs du médico-social, s'agissant des départements, participant aux conseils territoriaux de santé (CTS), quelles ont été vos prérogatives, votre capacité d'anticipation, s'agissant des doctrines et de la circulaire de 2011 instaurant des équipements individuels pour les personnels de santé ? Puisque vous étiez parties prenantes dans ces structures médico-sociales et sanitaires, quel a été votre rôle, quel travail avez-vous mené pour anticiper cette crise ? Avez-vous interpellé, stocké, demandé que les soignants disposent de matériels ?

Monsieur Muselier, quelle est votre vision sur la deuxième vague que nous connaissons ? En avez-vous discuté avec le professeur Raoult – que vous avez soutenu ? Quel est votre avis s'agissant de l'utilisation de l'hydroxychloroquine ?

Monsieur Bussereau, pouvez-vous revenir sur l'engagement pris par l'État et les départements – soixante-quinze d'entre eux l'ont signé – au sujet des aides à domicile ? Quelle est votre vision concernant l'accompagnement des départements qui ne l'ont pas encore conclu – je pense en particulier au département de la Loire, où j'ai été élu, qui ne l'a pas signé bien que son président ait été sollicité à plusieurs reprises ?

Monsieur Baroin, s'agissant des masques, l'OMS n'avait recommandé le port généralisé du masque qu'à partir du mois d'avril. Par ailleurs, vous avez souligné l'incapacité de l'État à s'adapter à l'évolution de la situation et parlé d'un « effondrement » de l'État. Je souhaitais vous faire part de mon expérience de médecin généraliste, exerçant en région Auvergne-Rhône-Alpes. C'est un constat qui est de nature à recentrer le jugement qu'on peut porter sur les équipements de protection. J'ai reçu de l'État, gratuitement, 600 masques, dont 250 FFP2 depuis le mois de mars. J'ai reçu 20 masques de ma région, 2 de ma commune et aucun du département. Enfin, vous avez indiqué que les pouvoirs juridiques des maires avaient été rognés. Je peux comprendre cette position mais fallait-il, selon vous, redonner un pouvoir juridique complet aux maires, alors que, par exemple, le maire de Saint-Étienne demandait à tout prix une réouverture des bars, il y a encore dix jours, lors de l'instauration du couvre-feu ?

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Renaud Muselier, président de Régions de France

En ce qui nous concerne, nous n'avons rien pu anticiper, puisque nous n'appartenons à aucune structure. Je citerai néanmoins l'exemple d'une action concrète de la région PACA. S'agissant des hôpitaux, Marseille dispose essentiellement de trois grands sites : l'hôpital Nord, l'hôpital de la Timone et celui de la Conception, deux d'entre eux abritant des immeubles de grande hauteur, aussi vulnérables que l'immeuble de la « Tour infernale » – aucune sécurité pour les ascenseurs, ni en cas d'incendie... Depuis près de dix ans, nous travaillions avec les collectivités et l'État sur le projet du Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitalier (COPERMO). Il y a deux ans et demi – au terme de ce délai de dix ans –, nous avons signé, dans le bureau de Mme Buzyn, avec M. le maire de Marseille et Mme Vassal, présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, un accord à hauteur de 300 millions d'euros – soit à un niveau bien inférieur à ce qu'il fallait mais c'était mieux que rien. Sur cette somme, 150 millions ont été apportés par les collectivités territoriales – alors que cela n'a rien à voir avec nos compétences. Cet accord a été validé par ma majorité, bien que d'autres hôpitaux, tels ceux de Nice ou de Briançon, aient leurs propres problèmes. Or, l'application de l'accord n'a toujours pas commencé. Nous avons décaissé l'argent, nous avons voté les budgets, et rien n'a été engagé par l'État. Je rappelle que Marseille est le deuxième CHU de France.

Au vu de la situation, j'ai fait en sorte que la région investisse 6 millions d'euros en faveur du service d'aide médicale urgente (Samu) et créé, avec les collectivités, soixante-cinq maisons de santé, pour lutter contre les déserts médicaux. Nous avons passé, avec le vice-président de la région, qui est le doyen de la faculté de médecine de Marseille, des accords avec les facultés, afin que les hôpitaux périphériques disposent d'internes. Outre le plan de formation des personnels – dont bénéficieront 100 infirmières supplémentaires et 600 aides-soignantes et puéricultrices – nous avons lancé, parce que j'y suis très attaché, un plan cancer à hauteur de 10 millions d'euros, sur toute la région, pour procéder notamment aux dépistages.

L'État est défaillant dans le domaine de la santé. La logique suivie est assez simple : les ARS sont le fruit du regroupement des directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS), ce qui a permis de recentrer les moyens. La région PACA a malgré tout gardé des correspondants locaux dans les anciennes directions départementales et régionales, ce qui n'a pas été le cas dans d'autres grandes régions. Les ARS se sont donc retrouvées diminuées dans leurs propres départements. Elles éprouvent à présent des difficultés vis-à-vis des décisions prises et font face à de fortes carences.

S'agissant des masques, je suis désolé, mon cher confrère, que vous ayez été mal fourni dans votre région.

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Je n'ai pas dit que j'avais été mal fourni, je rappelais simplement le nombre de masques qui avaient été distribués.

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Renaud Muselier, président de Régions de France

Je vais vous livrer mes chiffres : la région PACA a distribué 13,2 millions de masques, exclusivement par le biais de l'ARS – avec laquelle nous avons de très bonnes relations et travaillons main dans la main. Parmi eux, 3,5 millions ont été fournis aux soignants, 1,5 million à la médecine de ville – distribués par les 1 872 pharmacies –, 2 millions à l'ARS, qui n'en avait pas, 1 million aux hôpitaux publics et privés, 530 000 aux EHPAD, 100 000 aux personnes handicapées, 370 000 à l'aide à domicile, 500 000 aux forces de l'ordre – dont 220 000 à la police nationale, 200 000 à la gendarmerie, 60 000 au SDIS et 20 000 au bataillon des marins-pompiers –, 2 millions aux communes…

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Ma question concernait la prévention de la crise, en amont.

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Renaud Muselier, président de Régions de France

En matière de prévention, ce que nous avons réalisé concerne le fonctionnement des hôpitaux avec un plan cancer, un plan Samu, des formations, des mesures visant à pallier la désertification médicale ; sachant que toutes ces mesures n'étaient pas programmées dans le cadre de nos fonctions.

Comme vous le savez, le professeur Raoult est un ami que je soutiens depuis le début. Il a une personnalité particulière. Il est comme cela depuis que je l'ai connu, alors qu'il avait 28 ans, à la faculté. M. Raoult n'est pas devenu ce qu'il est du fait de la crise, mais parce qu'il est vraisemblablement l'un des plus gros travailleurs qui existent dans son domaine de compétence.

Il est le directeur de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) en maladies infectieuses de Marseille, qui a coûté quelque 71 millions d'euros, dont une quinzaine de millions d'euros proviennent de l'Europe, et qui a été construit dans le cadre du plan santé de M. Sarkozy. Plus de 800 personnes y travaillent : ce n'est donc pas un gourou qui travaille sur un bout de paillasse, comme certains l'imaginent, parce qu'il a les cheveux longs. C'est un scientifique mondialement reconnu.

Quand on va chez le médecin, c'est qu'on est malade et on souhaite sortir avec une ordonnance qui donne l'espoir d'aller mieux. On écoutait chaque soir à la télévision quelqu'un que j'appelle volontiers le « croque-mort » parce qu'il nous annonçait quotidiennement des milliers de morts…

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Je vous demande, monsieur Muselier, de modérer vos propos. La crise est assez grave pour qu'on évite ce genre de traits d'humour.

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Renaud Muselier, président de Régions de France

Je retire volontiers mes propos, s'ils vous offensent.

N'en déplaise à tous ceux qui le critiquent, M. Raoult a réalisé, dans son IHU, quatre fois plus de tests qu'on ne l'a fait dans le reste de la France, et on y compte beaucoup moins de décès que partout ailleurs, alors même que l'établissement n'a pas de service de réanimation. En effet, les patients sont soignés dans son hôpital précocement et ne sortent que pour rentrer chez eux.

J'ignore si l'hydroxychloroquine fonctionne, je ne suis pas compétent en la matière. Ce que je sais, c'est que le professeur Raoult a pratiqué, dès le premier jour de l'épidémie, un dépistage dont le résultat était fourni en vingt-quatre heures, après avoir fait quatre heures de queue – alors que d'autres régions n'avaient pas la possibilité de le faire. Encore aujourd'hui, il faut pratiquement une semaine, dans le reste de la France, avant d'être testé. On a généralisé le protocole dans toute la région, afin de pouvoir pratiquer le plus possible de dépistages dans les hôpitaux de la région.

Lors du premier confinement, on nous expliquait, à la télévision, que, si on était malade, on devait rester chez soi et prendre du Doliprane. Si au bout de quelques jours, on avait des problèmes respiratoires, on devait appeler le Samu et si c'était grave, on était transféré en réanimation, intubé… Mais que se passait-il pour ceux qui n'étaient ni oxygénés, ni traités contre l'embolie pulmonaire ? Ils mourraient ? Alors qu'en téléphonant au professeur Raoult, on vous prenait tout de suite, puis on rentrait chez soi. Globalement, il n'y a pas eu de morts. Je comprends bien que cette réalité a créé beaucoup de contrastes…

Je vous donnerai un dernier exemple. Ma mère de 93 ans, qui a été victime de deux cancers, a été dépistée positive au covid il y a peu. Son médecin lui a recommandé de boire beaucoup d'eau et de rester chez elle. J'ai téléphoné à M. Raoult, qui l'a hospitalisée pendant douze jours, avant qu'elle ne rentre à la maison. A-t-elle été guérie grâce à M. Raoult ou non ? Je ne sais pas.

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C'est bien là le problème. Vous venez de nous dire que vous ne saviez pas si l'hydroxychloroquine fonctionnait. Alors pourquoi avez-vous demandé à Olivier Véran d'autoriser à nouveau sa prescription ou, du moins, pourquoi en avez-vous critiqué la suppression ?

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Renaud Muselier, président de Régions de France

À partir du moment où un médicament ne fait de mal à personne, qu'on ne peut prouver qu'il ne sert à rien ni qu'il tue, et qu'il apporte un réconfort, je ne vois pas pourquoi il ne peut être prescrit. Ce médicament était, jusqu'en janvier, en libre circulation, sans ordonnance. Mme Buzyn a arrêté cela début janvier…

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Non, cette organisation avait été décidée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en novembre.

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Renaud Muselier, président de Régions de France

En tout cas, ce médicament pouvait être acheté sans ordonnance jusqu'au mois de janvier 2020. Pourquoi décide-t-on, ensuite de l'interdire ? Monsieur le président, nous avons l'un et l'autre prêté le serment d'Hippocrate, qui spécifie que nous devons apporter des soins. Pourquoi ne peut-on pas prescrire, en France, après dix ans d'étude ?

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Il existe un principe intitulé Evidence Based Medicine. Or, je ne crois pas que l'hydroxychloroquine ait apporté de résultats probants, en tout cas au moment précis dont nous parlons. J'ajouterai que ce médicament a un certain nombre d'effets secondaires connus et dangereux…

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Renaud Muselier, président de Régions de France

Que vous ne trouverez en aucun cas dans la publication de M. Raoult.

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Je ne fais que respecter les recommandations du Conseil national de l'Ordre des médecins.

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Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France

Depuis environ deux ans, le Gouvernement nous parle d'un projet de loi destiné à renforcer la déconcentration, la différenciation et la déconcentration (3D), qui devrait être présenté en conseil des ministres au mois de janvier. Voilà deux ans que nous disons que notre système comporte des trous, et que nous demandons à Mme Gourault, à M. Lecornu, à M. Philippe et, aujourd'hui, à M. Castex que les départements exercent la tutelle des EHPAD.

Bien évidemment, nous ne voulons pas « virer » les ARS, compte tenu de leur rôle en matière de régulation sociale et médicale. Je sais que – mon expérience ministérielle me l'a montré –, qu'une double tutelle, c'est le meilleur moyen pour qu'il ne se passe rien de bien. Les départements sont prêts à assumer la tutelle des EHPAD et à investir, par exemple dans la rénovation thermique des établissements publics. Nous pensons que nous avons un rôle essentiel à jouer en la matière.

Concernant la médecine et la pédopsychiatrie scolaire, tous les ministres – Jean-Michel Blanquer en convient – vous diront qu'elle n'existe plus. De la même façon, nous sommes prêts à en assumer la responsabilité. Voilà deux ans que les départements se disent prêts à élargir leur rôle, en prenant en charge la totalité du médico-social public, en lien avec les communes et les régions.

S'agissant des primes, Olivier Véran me disait cet été qu'il avait obtenu 80 millions d'euros pour les primes d'aide à domicile. Je rappelle que les départements ont déjà versé une série de primes à leurs personnels, ainsi qu'à ceux qui travaillent dans des établissements recevant des personnes handicapées. J'ai indiqué à Olivier Véran que tous les départements qui le pourront le suivront. Cependant, un certain nombre d'entre eux, toutes sensibilités politiques confondues, m'ont fait savoir qu'en raison de l'état de leurs finances, ils ne pourront pas abonder cette prime. Sur 103 collectivités à compétence départementale, seules 75 ont, à ce jour, voté favorablement. Toutefois, les débats budgétaires des assemblées départementales sont en cours ; d'autres départements suivront sans doute.

J'ajoute que tant que le Parlement n'a pas voté le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les 80 millions d'euros ne seront pas débloqués, alors que nous avons déjà versé notre part dans le cadre des aides covid.

Brigitte Bourguignon m'a fait savoir, il y a quelques jours, qu'elle avait obtenu, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF), un arbitrage de 200 millions d'euros, qui pourraient être affectés à la revalorisation des salaires des personnels. Je lui ai répondu, là encore, que les départements qui pourraient le faire participeraient à ce financement, mais que pour aller jusqu'au bout et revaloriser réellement la rémunération des aides à domicile, il faudrait engager 900 millions d'euros. Nous avons engagé une négociation avec le Gouvernement afin d'harmoniser cela et parvenir à des avancées réelles en 2021.

Enfin, concernant les masques, nous avons pallié les carences, avec les communes et les régions. Si, dans mon département, je n'avais pas distribué des masques aux dentistes, aux vétérinaires, aux aides à domicile et aux autres professions libérales – l'État, en cette période de pénurie, ayant naturellement donné des masques aux soignants hospitaliers –, ils n'auraient pas pu travailler. Nous avons ensuite fait l'effort d'en donner un à chaque habitant du département, notamment pour préparer la rentrée. Des efforts ont également été réalisés par certaines communes et intercommunalités. Il vaut mieux donner trois ou quatre masques à une famille avec des enfants plutôt qu'un par personne, car on connaît la durée de vie d'un masque quand on le confie à un enfant ou à un adolescent. Nous pensons avoir fait notre travail.

Je comprends que l'État ait réservé les masques, en début de crise, au système hospitalier, mais il y avait aussi la médecine de ville, les dentistes, les ophtalmologistes, tous ceux qui avaient besoin d'agir sur le terrain. Après est venu l'effort de l'État ; ces professions ont alors reçu d'autres dotations, ce dont nous étions les premiers ravis – nous ne nous réjouissions pas d'avoir pallié une pénurie.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France

Monsieur le président, vous nous faites l'honneur de nous convier à répondre aux questions de la mission d'information. Il ne s'agit pas, pour moi, d'exprimer une profession de foi, le regard politique de quelqu'un qui serait engagé sur la place publique. De même, vous êtes le président de la mission d'information, vous n'êtes pas là en tant que militant de la République en marche ou en votre qualité de député de la majorité. Vous avez sans doute été un médecin actif pendant la campagne…

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François Baroin, président de l'Association des maires de France

Je ne prétends pas m'élever au-dessus d'une condition qui n'est pas la mienne et, comme je suis hypocondriaque, j'écoute énormément les médecins. Je vous écoute donc avec beaucoup d'intérêt, et j'ai apprécié votre échange avec Renaud Muselier sur le grand homme de Marseille. Par ailleurs, j'ai siégé au sein de cette assemblée pendant une vingtaine d'années et j'ai un immense respect pour la représentation nationale, qui mène un travail difficile.

On s'attache à mettre en lumière ce qu'on a constaté localement. Lorsque je parle de « l'effondrement » de l'État, du point de vue des maires, sur la partie logistique, ne le prenez pas comme un message désagréable à l'encontre de la majorité, à laquelle vous appartenez, ni à l'encontre des représentants de l'État, dont la tâche est extraordinairement difficile en cette période de crise inédite. Nous soutenons le choix qui a été fait de protéger en priorité les hommes, les femmes et les enfants nos concitoyens.

Sans doute le terme « effondrement de l'État » est-il un peu fort et désagréable, mais je le maintiens. Si nous n'avions pas été présents, dans le domaine logistique, pour couvrir le dernier kilomètre, les médecins généralistes installés dans toutes les villes de France n'auraient pas été couverts, et je pense qu'un nombre beaucoup plus élevé de membres du corps médical auraient été infectés. Par voie de conséquence, les malades auraient été probablement beaucoup plus nombreux à ne pouvoir se rendre à l'hôpital pour y être soignés, et il y aurait donc eu beaucoup plus de morts. Nous avons joué un rôle respectable, qui est à retenir, même si nous ne le portons pas en bandoulière. Nous ne faisons que dresser un constat cruel.

Lorsque nous disons que la double commande du ministère de la santé et du ministère de l'intérieur, fruit d'un choix gouvernemental, a été une faute de gestion, nous l'affirmons en conscience, en responsabilité et en expérience. Le Conseil national de la sécurité civile a été supprimé sous l'autorité du précédent Président de la République. Ne pas l'avoir restauré est une faute. Si le ministère de l'intérieur avait été désigné, comme cela aurait paru logique aux élus locaux, pilote de cette partie logistique de la crise – car il s'agissait d'un problème d'acheminement –, on aurait gagné du temps. Je ne comprends toujours pas pourquoi cela n'a pas été décidé, alors que nous avons alerté à trois reprises le Gouvernement et le Président de la République, sans jamais prendre l'opinion publique à témoin. Nous, les maires, nous nous sommes exprimés pour être utiles et non pour engager une bataille, dans une période terriblement anxiogène. Cette question se posera sans doute moins pour le prochain confinement, car il n'y aura plus de problèmes liés aux stocks de masques, mais d'autres se poseront.

Ensuite, vous nous demandez ce que nous avons fait pour anticiper la crise : en creux, sommes-nous si malins que nous puissions donner des leçons ? Le maire est le président du conseil de surveillance de l'hôpital public, parce qu'en général, l'hôpital est le premier investisseur public et le premier employeur du département. Or, le pouvoir d'un conseil de surveillance est celui d'une jolie statue sur une cheminée, pas beaucoup plus. J'ai présidé ce qui était à l'époque un conseil d'administration. Nous avions un pouvoir supplémentaire : celui de nommer le directeur de l'hôpital. Nous avions aussi la possibilité de ne pas le garder, en fonction de considérations liées aux affectations de la direction centrale du ministère. Aujourd'hui, nous ne disposons même plus de cette prérogative.

Je me permettrai de vous rappeler que la santé est une mission régalienne et que la gestion budgétaire et le cadre d'anticipation sont définis par le directeur général de chaque établissement hospitalier, dans le respect des arbitrages budgétaires – ce qui est l'un des motifs de contestation des ARS. En cas de litige, la question remonte directement au ministère de la santé. Nous en revenons à la problématique contestée de la gestion du ministère en silo.

Monsieur le président, puisque vous êtes généraliste en médecine de ville, et non praticien hospitalier, vous partagerez, je l'espère, la volonté de rééquilibrage des élus. Nos contributions visent à sortir du conseil de surveillance pour revenir à la logique du conseil d'administration et à favoriser la place et le rôle des maires pour les mettre au cœur du rapprochement public-privé, à la lumière de la crise que nous traversons.

Comme nous l'avons indiqué au Premier ministre dans le cadre de nos contributions au projet de loi 3D, nous souhaitons également que la place des régions soit revue. Nous nous interrogeons sur le rôle des territoires : ne pourraient-ils être des acteurs du financement, des recrutements et de l'accompagnement des personnels ? Ainsi, des médecins pourraient être des salariés de la fonction publique territoriale et pas uniquement de la fonction publique hospitalière. Il pourrait en aller de même avec des infirmières, des sages-femmes etc. Nous serions ainsi des acteurs à part entière d'une santé, non pas publique, mais pour tous les publics.

Enfin, vous dites que votre commune ne vous a pas apporté de masques. Demandez à votre maire d'adhérer à l'AMF ou d'y être un membre encore plus actif, puisque notre association a pris l'initiative d'acheter 16 millions de masques.

Je regrette et je conteste la décision de l'État de payer 50 % des achats de masques, entre telle et telle date. En effet, avant la date retenue par le Gouvernement, les communes les plus agiles et les plus dynamiques ont acheté des masques, dès le premier jour de la crise, tout en devant assumer 100 % de la dépense. L'AMF ayant apporté sa contribution, vous auriez dû, normalement, recevoir des masques FFP2 ou des masques de protection chirurgicale.

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L'objet de mon propos n'était pas de dire qu'il aurait fallu plus de masques : je dis seulement que l'État en a livré un certain nombre. À vous entendre, on a l'impression que tous les trains sont arrivés en retard. Certains l'ont été, mais pas tous. Vous n'avez pas répondu à la question relative aux pouvoirs décisionnels du maire, en particulier s'agissant de l'attitude du maire de Saint-Étienne qui vous demandait la réouverture des bars il y a dix jours.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France

J'ai échangé aujourd'hui même avec Gaël Perdriau, qui m'indiquait que la situation était extrêmement tendue. La question, d'ordre plus général, porte sur le pouvoir de police du maire.

Dans la mesure où l'État a la responsabilité de la santé et que nous sommes en état d'urgence sanitaire, l'initiative d'un maire, dans un sens ou un autre, aboutit de toute façon à une impasse. Si, demain, le législateur a à connaître d'un texte pour mieux affronter ce type d'épidémie, il faudra mettre à profit les réflexions suscitées par le confinement.

Actuellement, il nous est dit que le masque garantit une forme de protection, même si on est fondé à s'interroger : lorsqu'il n'y avait pas de masques, des gens ont été contaminés ; aujourd'hui, alors qu'il y a une obligation de port du masque, même si elle n'est pas pleinement respectée, 50 000 à 100 000 personnes sont contaminées chaque jour. Il reste donc une part d'incertitude ; il appartiendra au corps médical de retracer les choses à l'aide des retours d'expérience.

Le maire n'est pas médecin, en général. Il a pour rôle de coordonner des pouvoirs publics de proximité ; il produit du service public de proximité. Il faut lui laisser un cadre assez large pour mener à bien ses initiatives, jusqu'à parvenir à un constat partagé par le corps médical, en coordination avec les autres acteurs. Par exemple, il existe un consensus politique dans les territoires pour attribuer la gestion de tout le médico-social aux départements. Concernant les EHPAD, un maire, en lien avec le président de son département – en coordination ou non avec l'État – pourrait prendre des initiatives propres à chaque territoire, à chaque département : ça ne me choquerait pas. Il pourrait aussi avoir le pouvoir de conduire au rapprochement d'un bloc public et de cliniques privées. Il pourrait devenir l'employeur de médecins au service du territoire. Ça me semble être une piste de réflexion.

Quant au pouvoir de police du maire, un consensus doit se dégager, sur la base des remontées d'informations. Le maire ne peut être en dehors du cadre général de la décision. Or à la sortie de l'été, il y avait toujours les mêmes joueurs, avec les mêmes défauts dans le contrat. Quand nous avons demandé en urgence, il y a trois semaines, une audience au Premier ministre, c'est bien parce que les mauvaises habitudes avaient repris à la sortie de l'été. Il n'y avait plus de lien – ou très peu – entre les préfets et les élus, la coordination était à nouveau centralisée par les ARS, la communication péchait par sa faiblesse. On ne savait pas si on avait des clusters chez nous, on ignorait quelle était l'évolution réelle de la maladie. On était revenu à la situation de mars. Beaucoup de maires ont dit très rapidement qu'on ne pouvait pas continuer comme ça. Je dois admettre que le Premier ministre a entendu le message, a reconnu qu'il y avait eu un peu de relâchement de la part des représentants de l'État dans les départements. Aujourd'hui, cela va un peu mieux, il faut rassurer la population. Les liens entre les préfets et élus se sont nettement resserrés depuis quinze jours.

Si le Président annonce, ce soir, un confinement, qui l'organisera, qui protégera les populations, qui garantira les services à domicile pour les personnes âgées ? Les élus locaux seront encore au premier rang – je ne dis pas que, pour autant, l'État s'efface – et assumeront leurs responsabilités avec le sens de l'intérêt général et la passion de servir.

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Messieurs les présidents, en tant qu'élu départemental, je souhaite vous dire toute ma reconnaissance pour l'engagement de l'ensemble des collectivités locales de France dans la mobilisation générale qui a été engagée pour faire face à la crise – dont nous connaissons le début mais, hélas, pas le terme, et dont la gravité ne cesse de croître.

Monsieur le président de la commission, j'ai senti ce soir un dynamisme un peu inhabituel, qui dénote une irritation non dissimulée de votre part à l'égard des collectivités territoriales. Sans doute est-ce le signe d'une méconnaissance de leur travail. Je veux souligner le rôle que les collectivités ont joué dans la crise. Le président Baroin évoquait tout à l'heure la continuité de l'activité des services publics ; elle a en effet été décisive et je veux vous faire part de toute ma gratitude et ma reconnaissance. Je pense – sans établir de hiérarchie – aux personnels de collecte des ordures ménagères, qui ont été en première ligne, aux personnels techniques, ouvriers et de service (TOS) de nos établissements scolaires, qui ont accueilli les enfants des personnels de soins et de santé, aux policiers, aux gendarmes et aux pompiers. Toutes ces personnes ont permis à l'État de tenir.

Je vous interrogerai tout d'abord sur les conséquences financières de la crise, qui, me semble-t-il, monsieur le président, sont au cœur des préoccupations de notre mission. En effet, les collectivités ont engagé des dépenses très directement liées à la crise. Elles subissent une perte de recettes considérable. Je préside la commission des finances de mon département des Alpes-Maritimes, où l'épargne brute diminuera en 2020 de l'ordre de 85 % ; nous perdrons 164 millions d'euros de capacité d'investissement. Nous avons engagé des dizaines de millions d'euros pour l'achat de masques qui ont, dans les premiers jours, été distribués dans les EHPAD. Le choc budgétaire considérable subi par les collectivités n'a été, me semble-t-il, que très partiellement compensé. Avez-vous évalué l'impact budgétaire qu'aura la crise sanitaire – sachant que, l'exercice 2020 n'étant pas fini, nous sommes encore dans l'anticipation ?

Par ailleurs – vous avez abordé la question – quel serait le pilotage le plus approprié pour gérer la crise ?

On a constaté – ce sera un des éléments importants de mon rapport – des difficultés dans le pilotage national de la gestion de la crise. Qui était le général en chef de cette armée ? Il existait plusieurs cellules de crise. Sur le plan départemental et régional, on a également constaté des difficultés dans l'articulation entre les préfets et les ARS. Quel est, à votre sens, le lieu le plus adapté pour assurer le pilotage ?

Enfin, quelles sont vos propositions précises – même si vous avez commencé à en formuler – concernant l'évolution de la décentralisation et de la déconcentration ?

Le seul objectif de cette mission est de proposer de nouvelles pistes, de nouvelles possibilités, et non d'intenter des procès. On a essayé de discerner des mesures à prendre en vue de la deuxième vague, que le Conseil scientifique nous avait annoncée ici dès le 18 juin. Cette instance s'était exprimée en des termes très clairs et très précis, qui ont toujours été confirmés par les personnes que nous avons auditionnées. Si, demain, nous faisions face à nouveau à la même situation, nous devrions être plus efficaces – en tout cas, c'est, à titre personnel, la seule motivation qui m'anime dans la mission de rapporteur qui m'a été confiée.

Merci de votre présence au plus haut niveau, à laquelle nous sommes sensibles, car c'est un signe de l'intérêt que vous portez au Parlement.

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur. Je vais essayer de canaliser cette suractivité, qui n'égale pas celle dont vous faites preuve lors des auditions des administrations. Mais j'avoue que je n'ai pas votre expérience – vous avez raison – dans l'art de la dissimulation. Je ne faisais que reprendre les termes de Roselyne Bachelot, s'agissant des interrogations à l'égard des collectivités territoriales – vous vous êtes tant aimés.

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Je vous invite à retirer ce mot, qui est totalement inapproprié.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France

Nous sommes tous dissimulés depuis quelques mois, avec ces masques ; nous sommes donc sur un pied d'égalité.

Je ne reviendrai pas sur les conséquences financières de la crise, si ce n'est pour vous livrer quelques chiffres : Bercy évoque un chiffre de 13 ou 14 milliards d'euros toutes collectivités locales confondues. Nous évaluons, quant à nous, les dépenses à un chiffre compris entre 17 et 20 milliards d'euros pour la première vague.

Je suis incapable de vous dire ce que donnerait un deuxième confinement. Ce que nous savons, c'est qu'il y a un effet de ciseaux entre des pertes de recettes et des dépenses supplémentaires. Nous n'aurons peut-être plus les mêmes dépenses concernant les masques, mais nous subirons les mêmes pertes de recettes sur les droits de mutation, les transports publics, les crèches et une série de prestations indirectes. Nous subirons inévitablement un ralentissement économique.

S'agissant de la baisse de l'épargne, les communes accusent certainement, à un instant t, une perte comprise entre 50 et 70 % de leur autofinancement – c'est-à-dire de l'épargne nette. Concernant le bloc intercommunal, on aura une vision plus claire en mars, du fait du décalage de la perception d'une part des recettes de la CVAE et des impôts de production, mais on devrait connaître à peu près les mêmes proportions. C'est une baisse énorme, amplifiée par l'effet de levier de l'investissement. L'effet devrait atteindre, toutes collectivités confondues, 1 point de PIB, soit 20 à 22 milliards d'euros.

S'agissant de la gestion de la crise, nous avons indiqué que pour gérer les problèmes de logistique, le ministère de l'intérieur est le pilote adapté – avec un appui de l'armée. Celle-ci, d'ailleurs, n'a pas été assez sollicitée pour la distribution et l'accompagnement, à mon sens. Cela s'est fait au coup par coup, ce qui est dommage. Le Président de la République avait proposé de mettre l'armée à la disposition de la nation, ce qui n'a été fait que de manière parcimonieuse et pas assez coordonnée. En revanche, quand elle est intervenue, elle l'a fait de manière remarquable, et cela a eu un effet psychologique très positif sur la population. Cela doit nous faire réfléchir – je ne parle pas seulement des hôpitaux de campagne mais, plus généralement, du savoir-faire en matière de logistique, de distribution, de la problématique du dernier kilomètre.

S'agissant de la déconcentration et de la décentralisation, le périmètre pertinent, à nos yeux, est le département – la région est trop grande. Le Grand Est est plus étendu que la Belgique ; Strasbourg peut paraître très éloigné. Les maires souhaitent que le préfet ait réellement une autorité sur la totalité des administrations publiques d'État – le recteur, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE)… Il doit avoir autorité, au nom de l'État, sur les administrations départementalisées. Ce n'est pas d'ordre législatif ; c'est une décision que peuvent prendre, au titre de la déconcentration, le Premier ministre et le Gouvernement, par une directive ministérielle.

Je crains que l'exposé de nos propositions en matière de décentralisation ne nous emmène trop loin. Nous avons évoqué la problématique de la santé. Il faut que la région puisse être un investisseur important pour favoriser le développement des pôles de santé, public-privé, exclusivement publics, exclusivement privés – une modification législative est nécessaire pour autoriser les collectivités territoriales à investir. Quand un département veut aider un hôpital à la demande du maire, il le fait avec l'accord tacite et parfois un peu coupable du service du contrôle de légalité de la préfecture, parce que c'est réalisé au nom de l'intérêt général.

Je ne reviens pas sur le secteur médico-social sur lequel il y a consensus : l'interlocuteur est le département.

Les maires sont des producteurs de services publics de proximité. Nous sommes là en dehors du champ de la mission, mais le rapporteur nous a amenés sur ce terrain. Nous souhaitons qu'une réflexion poussée soit menée sur le logement, ainsi que dans les domaines du sport, de la culture, du tourisme et, naturellement, de la santé.

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Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France

Monsieur le rapporteur, vous le savez les départements, à l'instar des communes et des intercommunalités ont voté des aides d'un montant élevé en faveur des Alpes-Maritimes. Le mouvement de solidarité financière sera très fort, ce qui est bien légitime. Votre département, en d'autres périodes, nous avait aidés : je me rappelle, dans nos îles, au moment de la tempête Xynthia, l'action de vos sapeurs forestiers, qui nous ont rendu des services remarquables.

Le Gouvernement a décidé de prendre en compte les dépenses liées au Covid à partir du 13 avril et de les étaler sur plusieurs années en dépenses de fonctionnement. Cette date n'est pas bonne, nous l'avons dit au Premier ministre et à Olivier Dussopt. En effet, nous avons souvent engagé des dépenses antérieurement, notamment pour commander des masques, des chaussures, des blouses dont on manquait terriblement dans les hôpitaux et les EHPAD. Nous avons demandé que cette date soit modifiée, mais nous n'avons pas été entendus au moment de la loi de finances. Le Premier ministre nous a également indiqué que les dépenses supplémentaires liées aux RSA pourraient être étalées sur cinq ans – mais un étalement n'est pas un financement.

Nous nous attendons à subir une perte globale de 600 millions d'euros – peut-être plus – au niveau national au titre des DMTO. Si l'immobilier a très bien repris dès le mois de mai et durant l'été, toutes les transactions sont à l'arrêt depuis le mois de septembre. Seuls quarante départements avaient demandé au Gouvernement à accéder au fonds d'avances de DMTO, mais j'imagine que d'autres voudront le faire.

Nous estimons à 10 % l'augmentation des bénéficiaires du RSA en 2020 et nous attendons une progression beaucoup plus forte pour 2021, avec une dépense supplémentaire pour les départements de l'ordre de 1 milliard d'euros. Nous finançons déjà le RSA à hauteur de 4,6 milliards d'euros pour le compte de l'État, alors que ce dernier devrait théoriquement – mais tous les gouvernements ont adopté le même comportement – prendre en charge la totalité de cette prestation. Les différentiels sont les mêmes pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).

S'agissant de l'organisation pendant la crise, j'ajouterai que les pompiers ont été sous-utilisés. Les ARS faisaient systématiquement appel au Samu, mais très peu aux pompiers, alors même que des volontaires avaient pris des congés pour se mettre à disposition des centres de secours. Leurs ambulances, leurs véhicules ont été très peu utilisés. On faisait parfois la queue pour avoir une ambulance du Samu alors que dix ambulances étaient disponibles au centre de secours principal de la ville abritant le CHU. J'ai apprécié que le Président de la République, en recevant cette semaine à l'Élysée la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, ait annoncé – entendant ainsi une de nos anciennes revendications – la mise en place d'un seul numéro d'appel, le 112, qui regroupera le 15 et le 17. Pompiers et médecins seront réunis sur un même plateau, ce qui simplifiera les choses et fera faire des économies. Le Président a annoncé que ce numéro serait expérimenté dans une région, mais sachez que tout le monde était volontaire.

Enfin, la gestion de la crise doit se faire au niveau du préfet de département. Parallèlement à notre souhait de plus de décentralisation, nous demandons plus de pouvoirs pour ces préfets. Dans ma région, le préfet de région se trouve à Bordeaux, la DREAL à Poitiers et la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) à Limoges. Les administrations communiquent directement avec leur administration centrale, informent très peu le préfet de région, qui voit passer les télégrammes – quand c'est une affaire politique, elle va directement au cabinet – et les préfets de département ne sont pas du tout dans la boucle, alors qu'ils devraient être en mesure de nous répondre sur tous les sujets.

De nombreux gouvernements – dont certains auxquels j'ai appartenu – portent la responsabilité de cette révision générale des politiques publiques (RGPP) au niveau des départements. Il faut redonner des moyens d'agir, notamment humains, au préfet de département et pas uniquement pour les périodes de crise.

L'organisation actuelle de l'État, instituée par François Hollande, après le changement de la carte des régions, ne correspond pas aux besoins. La faiblesse de l'État pourrait être corrigée en revenant à la grande tradition républicaine, qui confère un rôle important au préfet de région, en particulier une capacité à commander les services de l'État.

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Renaud Muselier, président de Régions de France

Les dépenses engagées par les régions s'élèvent à 1,7 milliard d'euros, alors que nous entrons dans la deuxième vague.

Les mêmes causes ayant les mêmes effets, sans remise en question, on va se retrouver, à nouveau, avec un système en silo. Le Conseil scientifique s'exprimera à la télévision avant le Gouvernement, pour expliquer que la crise sera très difficile. Il ne donnera jamais aucun espoir, montrera des courbes mortifères. On ne parlera pas de Noël, ni d'aucune sortie possible par le haut. Alors que le Gouvernement doit faire face à la contrainte sanitaire – les lits de réanimation sont pleins –, la vie économique doit continuer. Le Conseil scientifique qui, dès l'entrée dans la première vague, a dit beaucoup de bêtises, continuera ses mises en garde.

Une des difficultés vient du fait qu'il y a des États dans l'État, tel le ministère de la santé. On a subi des contrôles tatillons. Les régions ont toutes fabriqué leur « covid résistance » ou « résilience », qui regroupent, à leurs côtés, les départements, les EPCI, les communes et Bpifrance. Dans la région PACA, 23,4 millions d'euros – sans aucun financement de l'État – ont été accordés à 3 349 entreprises sur la base de plateformes d'initiatives locales. Malheureusement, toutes ces mesures ont été entravées par des contrôles de légalité tatillons et des blocages des comptables publics.

Une autre difficulté est survenue quand les départements ont voulu légitimement aider le coiffeur, le boulanger, le professionnel d'à côté – nous avons eu un débat difficile à ce sujet avec les départements des Alpes-Maritimes et des Bouches-du-Rhône, ainsi qu'avec le président de l'ADF. Les départements n'ayant pas le droit d'accorder ce type d'aides économiques, l'État les a laissés, dans un premier temps, créer leur propre système de soutien économique, en infraction à la loi NOTRe. La multiplication des guichets a créé de la confusion. Par ailleurs, le financement d'un certain nombre d'EPCI ou de départements a été entravé – par exemple dans les Hautes-Alpes et le Vaucluse.

Les difficultés ont donc perduré, avant d'être réglées lors d'une rencontre entre la direction générale des collectivités locales (DGCL), la direction générale des finances publiques (DGFIP) et RdF le 5 septembre 2020. Ce n'est que par une intervention écrite auprès de la payeuse en date du 15 octobre 2020 que le malentendu a été définitivement levé. Il serait souhaitable d'avoir plus de fluidité à l'égard de décisions qui visent à assurer la survie des entreprises. Les départements, les mairies, les régions engagent un argent qui n'est pas celui de l'État pour payer des mesures qui ont été promises, auxquelles les entreprises ont droit.

L'acceptation de la deuxième vague par la population sera plus difficile – et on ne sait pas s'il y aura une troisième et une quatrième vague. Le problème, aujourd'hui, ce sont les cas contacts. Pour les dépister, nous devons inonder le pays de tests, avec des résultats sous vingt à trente minutes. Il faut pouvoir se faire tester immédiatement au moindre doute. C'est une obligation en termes de santé publique, puisque l'on ne connaît pas la maladie et que l'on continue à discuter des soins.

Depuis le début de l'été, je tire la sonnette d'alarme au sujet de la vaccination contre la grippe. Il faut vacciner la totalité de la population – en premier lieu les soignants et les plus de 60 ans. Je n'ai pas l'impression que ce choix ait été fait.

Il faudrait, à tout le moins, éviter la survenue d'une troisième et d'une quatrième crise, en se servant de la deuxième vague pour établir une doctrine sanitaire calée et organisée.

Il faut traiter les problèmes économiques des entreprises, faire en sorte que les mesures très efficaces prises par M. Le Maire soient opérationnelles – les décrets n'ont pas été publiés.

La crise sanitaire a été mal traitée et a entraîné, en cascade, une crise économique puis une crise sociale. Les deux questions que nous n'aurons plus à régler, ce sont les masques et le gel hydroalcoolique. En revanche, il faut inonder la France de centaines de milliers de tests. C'est le combat que je vais mener au niveau de RdF.

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Monsieur Bussereau, je souhaiterais que vous reveniez sur la question des EHPAD. Ces établissements, où 50 % des décès sont survenus, ont été les grands oubliés du début de la crise. Les personnels et les résidents n'ont été systématiquement testés, en cas de contamination, qu'à partir du 6 avril. Par ailleurs, il y a eu des difficultés pour hospitaliser les résidents – je ne parle même pas de la réanimation – et on a constaté un manque d'information, même en cas de décès. Quel regard portez-vous sur l'efficacité du plan bleu ?

En ma qualité d'ancien maire, je confirme que les relations entre les maires et les ARS étaient inexistantes. Les maires étaient parfois écoutés des préfets, mais pas toujours entendus. J'ai entendu des préfets dire aux maires qu'ils pouvaient organiser une manifestation, mais que, si elle se passait mal, ils ne les louperaient pas.

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Je suis une élue du Grand Est. Sans le président de la région, Jean Rottner, sans le président du conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry, et sans les élus de proximité, la situation aurait été encore plus catastrophique. Ils ont été au rendez-vous, notamment pour accompagner les professionnels de santé dans le domaine de la protection individuelle et pour faire des propositions de réorganisation aux côtés de Mme la préfète.

Je serai un peu moins sévère que vous envers le directeur de l'ARS, que je connais bien. J'ouvre une parenthèse, puisqu'on a évoqué la région PACA. M. de Mester a été confronté, lui aussi – vous avez parlé de « décisions en silo », de « tuyaux d'orgue » – à une non-réponse permanente à tous les messages d'alerte qu'il envoyait, alors que la première vague frappait de plein fouet.

On fait face aujourd'hui à une deuxième vague. Vos bilans de la gestion de la première vague sont assez catastrophiques, pour ne pas dire plus. Alors que nous sommes à quelques minutes de l'annonce d'un nouveau confinement par le Président de la République, pensez-vous disposer de marges de manœuvre pour faire entendre vos propositions d'organisation, de distribution de matériels, chacun à votre niveau, dans les territoires ?

Je vous remercie, monsieur Muselier, d'avoir alerté le ministre de la santé sur ce que vivait notre confrère, M. Raoult. J'ai envoyé, aujourd'hui encore, un message à l'équipe de Marseille pour savoir si on lui interdisait toujours de prescrire de l'hydroxychloroquine. Manifestement, le ministre de la santé a demandé à Sanofi de ne plus livrer ce médicament dans cette ville. Ne pensez-vous pas que, face à cette provocation, on pourrait basculer dans une insurrection à Marseille ?

Je suis très heureuse que votre maman de 93 ans ait pu être sauvée. Le grand-père de mon collaborateur, âgé de 90 ans, vient d'être sauvé, non pas à Marseille, mais à Lille, parce qu'il a croisé le chemin d'un médecin traitant qui a appliqué le protocole de M. Raoult. Des histoires comme celle-là, je peux vous en raconter beaucoup. Étant la cofondatrice du collectif « Laissons les médecins prescrire », je sais qu'il y a, sur tous les territoires, des médecins généralistes qui bravent les recommandations de la haute administration. Un commis de l'État peut-il imposer au ministre de la santé une stratégie médicale ?

On avait le droit de ne pas savoir en mars, mais aujourd'hui, plus de 150 papiers, revues scientifiques démontrent l'intérêt du traitement précoce. Peut-on continuer à laisser les Français mourir, à voir les soignants submergés à l'hôpital ? On sait que l'hôpital public n'a pas obtenu tous les moyens qu'il devait avoir dans le Ségur. Si on n'empêche pas l'afflux vers l'hôpital en proposant un traitement précoce, il me semble que les conséquences de la deuxième vague seront dramatiques.

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Nous sommes réunis pour tenter de trouver des solutions pour que toutes les collectivités locales travaillent ensemble. Je suis fatigué d'entendre tous ces propos sur la chloroquine. Il s'agit d'un débat scientifique ; or, ici, on fait de la politique. Il me paraîtrait pertinent de ne plus prononcer ce mot au sein de la mission.

S'agissant du directeur de l'ARS du Grand Est, monsieur Baroin, je partage votre constat, mais ce monsieur a été démis de ses fonctions le 8 avril. J'ai l'impression qu'on a remédié au problème.

Monsieur Muselier, je voudrais ajouter à votre chronologie la date du 30 mars 2019, quand Michael Ryan, de l'OMS, a déclaré : « Il n'y a aucune preuve spécifique suggérant que le port du masque par l'ensemble de la population présente un avantage particulier ». On comprend bien qu'il est extrêmement difficile de prendre une décision politique quand des sachants, comme les représentants de l'OMS, disent tout et son contraire. L'analyse des prises de parole de certains politiques devrait donc être nuancée.

Monsieur Baroin, le rôle des maires a été essentiel pendant la première crise. La décision de rouvrir les écoles a été un choix extrêmement difficile et courageux. On peut estimer aujourd'hui que c'était une bonne décision – l'école a une place essentielle. Il est de la compétence de l'État de décider d'ouvrir les établissements. Dans mon département de l'Hérault, j'ai reçu de nombreux appels de maires de petites communes, qui étaient très inquiets. D'abord, leur protection était en cause – vous vous rappelez le débat sur la responsabilité pénale des élus. Surtout, ils ont dû souvent suppléer au manque d'effectifs des employés des écoles pour pouvoir rouvrir. Quels retours avez-vous eus à ce sujet ?

Ma circonscription s'étend sur une partie de Montpellier et englobe Frontignan. Les deux maires, à l'époque, ont appelé à ne pas rouvrir les écoles. S'agissant d'une compétence de l'État, ajouter de la cacophonie à de tels moments ne peut que susciter de l'anxiété chez les enfants et leurs parents, qui plus est sans fournir d'arguments – ils n'en avaient pas. Ne faudrait-il pas y réfléchir ?

Enfin, s'agissant de la polémique sur les masques, je trouve dommage qu'on n'ait pas additionné les masques plutôt que de faire de la communication, en les décomptant selon leur provenance. Nos concitoyens ne souhaitaient certainement pas ces bagarres entre collectivités. En tout état de cause, on n'a pas été à la hauteur, face au stress ressenti par les Français.

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On connaît très mal ce virus. On ne sait pas comment il se comporte ni comment il évoluera. C'est la raison pour laquelle les avis, dans le milieu médical, sont si différents ; cette cacophonie entraîne des doutes au sein de la population.

L'espoir repose sur un vaccin. Il existe actuellement une forte demande pour le vaccin antigrippal, qu'on a eu des difficultés à se procurer. Malheureusement, on sait que ce dernier ne marche pas très bien contre d'autres virus. On peut s'interroger sur l'efficacité d'un vaccin contre le covid-19. Sans parler d'une quatrième ou d'une cinquième vague, peut-être faudra-t-il vivre avec le virus ? Quels remparts faudrait-il instituer pour lui résister ou le contenir ?

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Renaud Muselier, président de Régions de France

Madame Wonner, qu'il n'y ait pas de malentendu, je n'ai dit que du bien de M. de Mester.

Dès que nous avons été au courant de la situation dans le Grand Est, les présidents de régions se sont entretenus avec M. Rottner, qui était à la manœuvre et qui nous informait en permanence de la situation et de ce qui allait arriver. L'ARS du Grand Est étant manifestement défaillante, chaque président de région a compensé avec sa propre agence, ses dispositifs pour anticiper les difficultés qu'il allait rencontrer. Cette boucle permanente des présidents de région, toutes sensibilités politiques confondues, nous a permis de travailler ensemble sur la base des informations données par M. Rottner, que je tiens à remercier. Il a montré en permanence beaucoup de sang-froid et a été à la hauteur des difficultés. La crise nous a montré que les ARS fonctionnent plus ou moins bien en fonction de la qualité des êtres humains qui les pilotent. Personnellement, je n'ai eu aucun problème, à l'instar de Mme Pécresse et d'autres présidents de région.

Nous avons fait des propositions au Gouvernement tout au long de la crise. Je n'ai aucun problème avec le Premier ministre, avec qui nous avons trouvé des solutions. Hier, encore, M. Castex nous a reçus et nous lui avons fait des propositions. Je pense qu'il faut laisser les lycées ouverts, et continuer à vivre avec le virus.

Concernant le traitement précoce, je répondrai donc à votre question sans citer le nom du médicament dont tout le monde parle. Vous avez souligné l'importance du nombre de décès dans notre pays. Le professeur Raoult et son équipe ont fait un certain nombre de publications. On verra à la fin, en fonction des statistiques de décès par habitant, si le traitement précoce était utile. Je pense que c'est ce cas, d'autres sont d'un avis opposé. Je n'entre pas dans le débat scientifique, je suis un pragmatique. Ce médicament soigne et donne de l'espoir. Globalement, j'estime qu'il guérit.

Vous évoquez une possible insurrection à Marseille : non, nous ne sommes pas des révolutionnaires, bien que La Marseillaise ait été baptisée en hommage aux volontaires venus de cette ville. Il est vrai que nous avons un mode d'expression un peu particulier mais c'est le sentiment d'injustice qui crée l'insurrection, pas spécifiquement à Marseille. Il faudra expliquer pourquoi on ne peut plus prescrire un médicament qui ne tue pas et que le professeur Raoult a prescrit. Ça pose un problème de fond autrement plus important, en termes de liberté des médecins, forts de ce qu'ils ont appris en dix ans d'étude. On traite des patients, au quotidien, avec des médicaments particulièrement dangereux, dont on connaît les interactions. Je ne comprends donc pas pourquoi on ne pourrait pas prescrire ce médicament. Il faut faire attention à ce sentiment d'injustice, que ce soit à Marseille ou dans le reste du pays.

Monsieur Démoulin, je note avec beaucoup d'intérêt la déclaration du 30 mars 2019 de l'OMS. Cela dit, l'Organisation disait, le 16 mars dernier, qu'il fallait dépister massivement, et on attend toujours les tests, ce qui est sidérant. Mme Ndiaye s'est exprimée beaucoup plus tardivement. Chez M. Raoult, on a les résultats des tests en cinq heures, ce qui n'est manifestement pas le cas à Paris ou ailleurs en France.

J'ai toujours prêché pour la réouverture des lycées, je travaille main dans la main avec M. Blanquer. Nous avons rouvert les lycées dès que nous en avons eu l'autorisation. Les élèves n'ont pas eu de professeurs pendant 171 jours. Dans ma région – comme dans d'autres – le matériel informatique mis à disposition des lycées a permis de limiter le décrochage, mais il a tout de même pris des proportions majeures. Les lycées professionnels ont connu un désastre : les élèves ont décroché car ils n'avaient plus la disposition des machines-outils.

Concernant les masques, non, il n'y a pas de bagarre politique. Vous n'avez jamais entendu un président de région critiquer le Gouvernement lors de la première vague, jamais. J'ai demandé à mes présidents de région de ne rien dire et, croyez-moi, ce ne sont pas les plus gentils garçons de la vie politique et certains d'eux ont peut-être des arrière-pensées en vue des élections présidentielles. Aujourd'hui, nous parlons, car on n'est plus dans la même situation. Ne pas faire de polémique ne nous a rendus ni aveugles, ni muets.

En ce qui concerne l'Occitanie, la région PACA a fourni 2 millions de masques – sur les 5 millions qui nous étaient parvenus d'un coup – à Mme Delga, qu'elle nous a rendus plus tard. Mon ARS m'a dit qu'elle n'avait pas de masques FFP2, qu'elle n'avait rien à nous donner. À chaque fois que nous avons distribué des masques, nous avons toujours dit que nous le faisions avec l'État. Certes, des communes, des départements prioritaires ont obtenu des masques. On s'y est tous mis et on s'est débrouillés pour en avoir.

Monsieur Pont, M. Baroin, M. Bussereau et moi-même avons une expérience ministérielle. Nous avons tous géré des périodes de crise. Nous savons tous que faire partie d'un gouvernement est un enfer. Il faut prendre les bonnes décisions, être mesuré.

On entend tout et son contraire sur le vaccin, d'autant que ceux qui s'expriment à la télévision sont tous épidémiologistes ou experts… Lors de ses déclarations, le président du Conseil scientifique ne donne pas de conseils très utiles. Vous avez raison, nous devons apprendre à vivre avec le virus. Tant qu'on n'a pas les médicaments, on tâtonne ; la médecine et la science avancent, comme cela a été le cas s'agissant des traitements en matière de réanimation.

On n'est pas sûr de l'efficacité du masque, mais on doit le porter. Il en va de même pour le gel hydroalcoolique. On doit apprendre à vivre avec le virus, mais, pour cela, il faut laisser les gens vivre. On en revient à la question de l'insurrection, de l'acceptabilité de la privation de droits et de libertés de nombreuses personnes qui ont envie de s'amuser, de vivre et de travailler. Lorsqu'on punit tout le monde, lorsqu'on adopte des interdictions globales, lorsqu'on se fonde sur des arguments scientifiques qui ne sont pas tout à fait fiables – et qui peuvent être jugés discutables au sein de l'OMS ou du Conseil scientifique –, un sentiment d'injustice peut naître, et ça devient alors très compliqué pour le pouvoir central. Je veux absolument contribuer à éviter cela.

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Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France

Le problème majeur, ce sont les personnes âgées. Notre société vieillit. Mon père, qui a 97 ans, vit en EHPAD, et je peux vous dire que son état s'est dégradé après le confinement. J'attends donc avec beaucoup d'impatience de connaître le contenu de la loi autonomie.

Le traitement des personnes âgées en France est un problème majeur. Il convient absolument de développer toutes les alternatives à l'EHPAD d'où l'importance de l'aide à domicile. Aujourd'hui, quand une personne âgée est dépendante, on n'a pas d'autre choix que de la placer en EHPAD. Même avec les ADMR et les autres associations, il est impossible de trouver une aide à domicile pour le jour et une autre pour la nuit. Elles ont leurs propres contraintes ; quand leur enfant est malade et qu'elles ne peuvent pas venir, comment pallier leur absence ?

Il faut complètement revoir notre système d'aide à domicile, qui doit devenir une priorité nationale. Les départements, avec les communes et les centres communaux d'action sociale (CCAS), sont prêts à s'y engager encore plus. On doit aussi revoir le système des EHPAD, qu'ils soient publics, hospitaliers, privés, communaux, intercommunaux ou qu'ils appartiennent à de grands groupes français, maintenant devenus de dimension internationale. Notre système mène à la mort. C'est pourquoi chacun cherche à l'éviter pour ses proches le plus longtemps possible, alors qu'on est en train de reconfiner les établissements, d'empêcher les visites des petits-enfants, des enfants – ce que je comprends, compte tenu du contexte sanitaire. Même si nos grands groupes exportent ce système – en Chine, notamment –, il est terrifiant. Sa réforme est une priorité pour les collectivités, le Parlement et le Gouvernement – pour notre pays comme pour beaucoup d'autres États européens. Si on avait eu une canicule au printemps, le nombre de morts de personnes confinées dans des pièces non réfrigérées aurait été le double de ce qu'il a été.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France

Monsieur Gaultier, nous avions proposé l'idée du couple maire-préfet à Édouard Philippe, car nous avions constaté que le préfet de département n'avait plus d'autorité sur un certain nombre d'acteurs. Le ministre de l'éducation nationale est propriétaire de ses recteurs, le ministre de l'environnement, de ses DREAL… C'est un vrai problème. Il faut que les parlementaires se saisissent de cette question.

À la sortie de l'été, j'ai eu l'impression que le fonctionnement naturel de l'État avait repris le dessus. On a dû exercer une forte pression au mois d'août pour faire accepter aux ARS et aux préfets que les centres de dépistage, financés par le contribuable local, soient pilotés par les communes. Nous avons d'ailleurs souvent acheté des machines pour compléter les dispositifs de l'hôpital. Il est pénible de devoir se battre simplement pour installer des centres de dépistage destinés à compléter les services de l'État. Depuis trois semaines, c'est vrai, les choses vont mieux.

Madame Wonner, vous demandez si nous sommes bien préparés : votre question renvoie au fonctionnement du couple maire-préfet. Si la solution retenue par le Président de la République est, à nouveau, un confinement, à savoir la fermeture de tous les commerces non essentiels, on assumera la même responsabilité. En d'autres termes, on garantira des services publics minimums en matière de transports, d'ordures ménagères, de services funéraires, d'état civil, sans oublier les écoles – et les collèges pour les départements. Il semble qu'il y ait encore un point d'interrogation concernant les lycées et qu'on s'oriente vers la fermeture des facultés. Nous serons assez bien préparés pour répondre à ces missions.

En revanche, sommes-nous bien préparés pour affronter une deuxième vague, dont le président du Conseil scientifique dit qu'elle sera plus forte, et qui affectera, contrairement à la précédente, la totalité du territoire ? Je rappelle que la région la plus touchée a été le Grand Est et qu'une partie des malades d'Alsace, des Vosges, de Troyes, de la Lorraine ont été transférés en Allemagne, en Nouvelle-Aquitaine et en Bretagne. La façade ouest de la France n'avait pas été touchée par le virus, ce qui lui a permis de soulager d'autres régions. Ça ne sera pas le cas cette fois-ci.

J'ajouterai, parce que cela n'a pas été dit, qu'il existe une différence entre les CHU qui sont liés à une université et disposent d'internes et d'une flotte de médecins supplémentaires et les autres hôpitaux. Les centres hospitaliers qui ne sont pas accolés à une faculté de médecine sont en difficulté, car ils sont plus désarmés.

Cela explique la question qui a été posée au ministre de la santé, hier, sur la réserve sanitaire. Il a donné des chiffres, mais je suis incapable de vous dire combien nous avons de médecins ou d'infirmiers supplémentaires dans les hôpitaux des départements du Grand Est. Et je ne suis pas sûr, alors que vous appartenez à la majorité, que vous en sachiez plus que moi. On a simplement compris qu'un effort avait été réalisé pour obtenir des respirateurs supplémentaires, produits par Air Liquide, lesquels ne sont malheureusement pas compatibles avec le dispositif global visant à accompagner la réanimation des personnes atteintes du covid. Autrement dit, on a compris qu'il y avait de la bonne volonté, et qu'on avait essayé de la traduire en actes en juillet et en août, mais que ça conduisait, à la fin, à une impasse. Il faut avoir l'honnêteté de reconnaître qu'on en revient à la même situation.

Les maires – même s'ils n'ont pas de CHU – jouent un rôle central, puisque le centre hospitalier de la ville préfecture couvre la quasi-totalité d'un département, parfois même un peu au-delà – à savoir 300 000 à 500 000 habitants. On s'est demandé pourquoi aucune installation provisoire n'avait été aménagée près de ces centres hospitaliers pour augmenter – éventuellement doubler – le nombre de lits. On nous dit qu'il faut quinze ans pour former un médecin, mais pourquoi des accords n'ont pas été conclus – pas seulement en Europe, mais avec le Gouvernement chinois, par exemple ? Les Chinois mettent volontiers à disposition des médecins et des réanimateurs. L'État pourrait les payer deux ou trois fois plus, et les collectivités seraient très contentes de les accueillir.

Je le dis avant l'allocution du Président de la République : nous verrons quelle est la capacité d'absorption de nos établissements hospitaliers. En tout cas, retenez que les maires ont la volonté d'être aux côtés de l'État pour protéger les populations. Nous n'alimenterons aucune polémique. Ce que nous disons ici devant votre mission d'information, que nous respectons profondément – nous avons fait la même démarche à la demande de la Haute Assemblée – n'a rien de polémique. Il s'agit de constats, sur lesquels on peut être d'accord ou pas. Je vous dis la réalité que l'on a dû gérer. C'est l'intérêt général qui doit nous animer.

S'agissant des masques, le décret autorisant les réquisitions est bien un aveu d'impuissance de l'État. Les polémiques ont commencé à ce moment-là. En effet, les communes, les départements et les régions ont déployé une logistique – par voie aérienne – pour être livrés en masques, en lien avec de grandes entreprises. Or tout cela a été bloqué aux douanes, pour partie à Paris. Des avions sont ensuite allés à Saint-Étienne, à Lyon ou encore à Marseille. L'État a réquisitionné des masques – alors que ceux-ci avaient été commandés et payés par les contribuables locaux, sous le contrôle de l'Ordre des médecins ou de l'Ordre des pharmaciens, souvent en lien avec les ARS. Ces dernières avaient soit été à l'initiative de la démarche, soit avaient accepté, par leur silence, le fait que les collectivités locales jouent un rôle de distributeur et de logisticien que les agences ne pouvaient assumer. À titre d'exemple, la réquisition qui a eu lieu dans le Grand Est, lors du premier arrivage à Vatry, a été un élément de déstabilisation pour toute la région, et notamment pour la médecine de ville. Il faut le dire. Par ce décret, l'État a lui-même déclenché une polémique – inutile, nous sommes d'accord – et organisé la raréfaction de masques pour des publics qui étaient prioritaires puisqu'ils soignaient les patients, aux côtés des médecins hospitaliers. Je le dis devant vous, mais tout le monde le sait.

La question que vous posez au sujet de la réouverture des écoles est dépassée. Le maire de Montpellier a changé d'opinion, si j'ai bien compris. Le président de l'Association des maires de France que je suis n'est qu'un serviteur loyal de la loi. Si vous me demandez si un maire doit appliquer la loi, la faire respecter et l'accompagner, la réponse est oui. Mais les maires sont aussi des hommes qui ont dressé des constats, notamment sur l'organisation du déconfinement. Ils n'ont jamais fui leurs responsabilités mais on leur a demandé de travailler, en urgence, selon un certain protocole, alors qu'il y avait un danger à mettre nos employés au service de l'éducation nationale, alors que ce n'est pas une compétence municipale. Il était donc assez normal, au nom d'un exercice de responsabilité partagée, que nous demandions au législateur de créer un véhicule protecteur, non pas pour fuir ou s'engager dans une polémique politique, mais pour être au niveau de la mission que l'État nous confiait. L'État nous a demandé d'aller sur son terrain – celui du temps scolaire – et d'agir en lieu et place d'agents qui auraient dû relever de son autorité – et qui étaient devenus des agents municipaux. Nous l'avons fait grâce à vous, je dois le dire, car le Parlement a bien fait son travail, en créant, au moins jusqu'au mois de juillet, un cadre stabilisant, qui a permis à chaque maire d'intervenir.

Monsieur Pont, je ne suis pas capable de dire si nous aurons plus – ou moins – de remparts. Je peux simplement vous dire que les capacités hospitalières sont globalement au même niveau que lors du premier confinement. En revanche, je pense qu'il y a une meilleure maîtrise du point de vue de la médecine générale. Tout le monde a des stocks d'équipements de protection – les collectivités locales en ont constitué, à l'instar des représentants des professions médicales. Ces remparts existent. Le dispositif est beaucoup plus fluide. On n'aura plus ce problème, ce qui est déjà relativement rassurant.

En revanche, les fractures seront nombreuses, non seulement dans les domaines économiques, sociaux, sanitaires, mais aussi, au sein des populations que nous avons accompagnées au printemps, sur le plan psychologique. Nous devons intégrer cette dimension pour appréhender le prochain confinement. Je suis frappé de voir à quel point les mesures de couvre-feu, hors métropole, sont contestées depuis trois jours. Le week-end n'a pas été bon. Ce constat vaut aussi dans les relations avec le milieu économique, la restauration, l'hôtellerie, etc. Il y a une saturation, une peur immense de perdre son outil de travail – la transmission de son patrimoine. Les gens sont au bord du burn out.

On assiste également à une démobilisation du tissu associatif, culturel, sportif... Nous pouvons aider l'État et les parlementaires, en accompagnant, en étant à l'écoute, en faisant preuve de plus d'empathie, de compassion et d'une grande disponibilité. C'est ce que nous avons demandé à tous nos maires adjoints en charge des secteurs sur lesquels nous aurons à intervenir. Nous serons, dès demain, au plus près de nos populations pour éviter le pire, à savoir, éventuellement, des mouvements de sécession – Renaud Muselier a évoqué, pour sa part, l'« insurrection ». Il faut avoir conscience que ces mouvements peuvent susciter des difficultés en termes de suivi des contaminations. Nous répondrons présents, comme je l'ai dit dès hier au Premier ministre.

Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16 h 30

Présents. - M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, M. Jean-Pierre Door, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jean-Pierre Pont

Excusé. - M. Olivier Becht

Assistaient également à la réunion. - M. Nicolas Démoulin, Mme Martine Wonner