Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Castaner, ancien ministre de l'intérieur :

On ne peut pas écouter que Valeurs actuelles ! Les choix ne se font pas en fonction de la lecture de la presse, mais en fonction des moyens opérationnels dont on dispose.

Ce qui compte, c'est la protection opérationnelle. J'ai installé la réserve opérationnelle, dont les syndicats ont peu parlé – j'ai peut-être plus de liberté à présent pour le rappeler –, en leur proposant de ne travailler qu'une semaine sur deux, ce qui n'a pas forcément été le cas dans toutes les administrations. Cette décision allait au-delà des dispositifs comme l'autorisation spéciale d'absence (ASA). Le droit commun durant cette période a consisté à placer les agents à mi-temps, pour faciliter également les gestions familiales dans ce contexte difficile. C'était aussi une façon de les protéger.

À la sortie du confinement, il y a eu trois décès au titre du covid-19 à déplorer dans nos forces au sein du ministère de l'intérieur – dont aucun ne concernait une personne en contact avec du public. À titre de comparaison, j'ai en tête les chiffres relatifs à la profession des transporteurs, particulièrement meurtriers pendant cette période. De même, toutes les mesures de protection n'ont peut-être pas été prises sur de nombreux emplois directement exposés.

Le respect des règles, notamment des gestes barrières, et des bons comportements dans la police et la gendarmerie a favorisé leur protection. Je ne peux que m'en féliciter.

Vous m'avez également interrogé sur les territoires où il était plus difficile de faire respecter le confinement. J'ai eu l'occasion de dire que ce n'était pas le cas. Je pense en réalité qu'il était plus difficile de respecter le confinement dans certains territoires.

On le respectait nettement plus facilement dans une charmante maison d'une charmante commune des Alpes-de-Haute-Provence – à Forcalquier, par exemple –, en famille, en disposant de facilités pour se protéger, pour faire ses courses, et en bénéficiant d'un grand jardin et du soleil du sud, que dans une tour ou un appartement collectif. De même, cela était plus difficile pour ceux qui n'avaient pas plusieurs abonnements Internet à Netflix, Disney Channel, Canal+ ou à d'autres supports.

Pourtant, le confinement a été respecté, y compris par la jeunesse de ces quartiers. Les forces de l'ordre ont été très présentes. J'avais donné les chiffres du niveau de contrôle en Seine-Saint-Denis – que je n'ai plus – pour montrer justement qu'il était élevé. Cela a été retourné contre moi. On a dit qu'il y avait eu un « surcontrôle » de certains quartiers. Ce n'était pas le cas. Toutefois, il était important que nous soyons présents.

J'en viens enfin à la manifestation Traoré. Je précise qu'elle n'a pas eu lieu pendant le confinement. De mémoire, elle a eu lieu le 2 juin, après le confinement. Nous n'étions donc pas soumis aux mêmes règles. Cette manifestation était peut-être le symbole du fait que la jeunesse, qui y était très présente – non seulement autour du collectif Traoré, mais dans la vague de l'émotion soulevée par la mort de George Floyd – était aussi soulagée de la fin du confinement. Il aurait été possible de dire à ces 30 000 personnes qu'elles devaient circuler, qu'elles n'avaient pas à être là, et de tenter de les interpeller. Cependant, lorsque vous gérez l'ordre public vous devez le faire avec proportionnalité. Nous avons veillé à ce qu'il n'y ait pas d'exaction au cours de cette manifestation. Certains ont tenté d'en commettre en pénétrant notamment dans la maison des avocats, à l'entrée du tribunal. Les forces de l'ordre, sous l'autorité du préfet de police Didier Lallement, sont intervenues immédiatement pour les en empêcher. De la même façon, il y a eu quelques exactions en direction du périphérique, et les forces, sous l'autorité du préfet et en lien avec moi, ont fait en sorte qu'il ne se produise rien de grave et que la circulation ne soit pas empêchée.

Cependant, le principe de réalité fait que, lorsque 30 000 personnes viennent manifester, l'on ne peut les empêcher de le faire, sauf à assumer le risque de tendre la relation. Or dans l'ordre public la proportionnalité est absolument essentielle. Il est facile de dire « interdisons », mais il faut ensuite assumer les tensions. Je pense que, sous l'autorité du préfet de police, cette manifestation a été encadrée, bien gérée, et n'a pas connu de débordements. On peut ne pas être d'accord. Toutefois, l'ordre public, ce n'est pas seulement du déclaratif, c'est aussi du terrain.

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