Intervention de Gilles Bonnefond

Réunion du mercredi 29 juillet 2020 à 11h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine :

Le 31 mars et le 5 avril, un texte dit que les masques ne doivent pas être commercialisés à destination des consommateurs ; lorsque le 28 avril, la grande distribution annonce qu'elle dispose de 150 millions de masques, elle n'a pas claqué des doigts pour les avoir ! Elle a dû savoir – nous ne savons pas comment – qu'elle pouvait en acheter car elle allait être autorisée à en vendre, mais l'information n'a pas été partagée avec nous. Si nous avions été avertis, les deux circuits auraient fait au mieux pour s'approvisionner et mettre à disposition des masques. Nous avons nous-mêmes demandé que l'on fixe un prix maximum, afin d'éviter que certains profitent de la situation – nous avons passé du temps, avec le ministère de l'économie, pour déterminer le bon calibrage, en observant notamment ce qui se faisait en Espagne et dans d'autres pays. Nous étions dans une stratégie d'accompagnement. Mais pendant trois semaines, certains ont respecté une consigne très claire tandis que d'autres s'organisaient en fonction d'informations qu'ils étaient les seuls à détenir. Nous ne savons pas ce qui s'est vraiment passé.

Geodis a été une mauvaise expérience. Cette société s'occupait de l'importation de masques venant en particulier de Chine et faisait sonne métier de logisticien ; la cellule de crise a cru qu'elle serait plus performante que les grossistes-répartiteurs. Elle a distribué des masques pendant une semaine ; cela a été un fiasco. Selon notre enquête, 10 % des pharmaciens n'ont jamais reçu de masques chirurgicaux, d'autres en ont reçu trop, et certains n'ont eu que des masques enfants alors qu'ils en avaient besoin de masques adultes ; il y a également eu des incidents, des cartons arrivés ouverts, et personne ne savait quelle quantité il devait recevoir. On a très vite mis fin à ce système, unanimement reconnu comme inadapté. Chacun s'est accordé sur le fait que l'approvisionnement classique par les grossistes-répartiteurs était plus performant et plus facile à piloter, même s'il a également connu quelques imperfections du fait de la pénurie.

J'ai été outré des propos tenus durant leur audition par les biologistes médicaux libéraux sur les TROD. Ces tests doivent simplement permettre d'informer les patients. Ils s'appellent TROD mais ce sont les mêmes que les tests diagnostiques rapides (TDR) utilisés en laboratoire de biologie médicale. Ce sont les mêmes tests, référencés et contrôlés par le centre national de référence (CNR) et leur fiabilité est comprise entre 98 et 99 %. La technique de dosage d'immunoabsorption par enzyme liée (ELISA) est elle différente.

Quel est l'intérêt des TROD ? Simplement de permettre à un patient de savoir – et ils sont nombreux à le souhaiter – s'il a rencontré le covid-19, par exemple au mois de mars, quand bien même son médecin en doute. Si le test sérologique est positif, cela signifie qu'il a rencontré le covid-19 ; le pharmacien, qui est resté dix minutes avec lui, lui explique qu'il doit continuer à effectuer les gestes barrières – ce qu'il faut faire quel que soit le résultat du test –, et avertit le médecin pour qu'il prescrive un test de confirmation en laboratoire. Le doute sera levé, et le patient pourra rejoindre un parcours de soins. Si le test est négatif, le médecin est également prévenu : il est important, par exemple si la personne développe des symptômes grippaux à l'automne, de savoir si elle a eu ou non le covid-19 ; le diagnostic pourra ainsi être adapté à la situation. J'ai eu comme mon confrère Philippe Besset un patient en pharmacie qui pensait avoir contracté le virus alors que son médecin n'était pas de cet avis. Le test a montré qu'il avait produit des immunoglobulines G (IgG), et avait donc eu la maladie. Nous avons fait confirmer ce diagnostic en laboratoire. Les TROD viennent en complément de l'action des laboratoires ; ils constituent une aide pour les médecins et un outil pour informer les patients.

Nous ne nous sommes pas arrêtés là. Dans le cadre de l'association PandémIA, nous avons travaillé avec des chercheurs, des médecins, des spécialistes en virologie de l'hôpital Cochin et des membres de l'académie nationale de médecine pour recueillir toutes les informations liées aux TROD, et en tirer une étude, sécurisée et anonymisée, sur l'immunité populationnelle dans chaque région française. Celle-ci permet par exemple de savoir que 2 % de la population a été touchée dans telle région, et 5 % dans telle autre. Nous utilisons donc ces tests à des fins de recherche. Ils ne se substituent pas aux autres tests, ils les complètent. C'est aussi rendre service aux laboratoires de biologie médicale et leur faire gagner du temps – les files d'attente y sont particulièrement longues en ce moment – en évitant de leur envoyer une personne négative. C'est de la totale complémentarité. Je regrette que les choses ne soient pas perçues de cette manière.

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