Intervention de Patrick Pelloux

Réunion du mardi 28 juillet 2020 à 11h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) :

Pour répondre à Mme Corneloup, je dirai que l'hôpital public a servi : ses personnels ont une conscience aiguë de leur mission, ce dont ils avaient d'ailleurs déjà donné la preuve en 2003, lorsque même ceux qui n'étaient plus en activité étaient revenus pour soigner les personnes victimes de la canicule. Quant au peuple français, il a respecté les obligations liées au confinement, de Perpignan à Lille et de Brest à Strasbourg : il est donc non seulement vaillant, mais aussi discipliné, même si, de temps à autre, des sauvageons peuvent donner l'impression contraire – peut-être M. Ciotti ne sera-t-il pas d'accord avec moi, mais je pense qu'on va y arriver …

En ce qui concerne les EHPAD, il faut développer la prévention, ce qui se fera plus facilement si les différents systèmes coopèrent entre eux. Des expérimentations ont eu lieu ; j'en ai moi-même commencé une l'année dernière que je vais reprendre à la rentrée. Peut-être manque-t-il quelques éléments législatifs pour rendre obligatoire l'implication sur le terrain de médecins coordonnateurs des EHPAD – j'ai déjà vu des coordonnateurs d'EHPAD de Paris qui vivaient à Cannes, ce qui ne paraît pas normal. L'Assemblée nationale et le Sénat ont déjà émis des recommandations sur les critères relatifs aux bénéfices réalisés par certains consortiums et multinationales, et il semble bien qu'il faille mettre un peu d'ordre dans tout cela.

La question du corporatisme à l'hôpital me passionne et donne lieu à de nombreux débats. Certains estimeront justement que je n'ai pas le droit d'y prendre part, n'étant qu'un simple praticien hospitalier et non un professeur. Ceux-là, ne jurant que par l'université, les titres académiques et les chapeaux à plumes, semblent en être restés à la IVe République, et c'est peut-être ce qui explique que l'hôpital soit tellement en retard en matière de démocratie, notamment de démocratie participative : ainsi, il est encore extrêmement compliqué de faire participer les associations de malades.

Pour des raisons familiales, je n'ai pas eu la possibilité de devenir professeur de médecine. Je suis docteur au SAMU de Paris, praticien hospitalier, mais je ne viens pas du milieu universitaire, ce qui fait que je n'ai pas toutes les prérogatives dont dispose un professeur de la faculté de Paris. L'université médicale s'est progressivement écartée de sa vocation universelle. Certes, il existe des sociétés savantes, dont vous avez aujourd'hui quelques prestigieux représentants, mais aujourd'hui tout est payant : même pour participer à un congrès, il faut mettre la main à la poche, ce qui peut constituer un frein.

De même, les doyens de faculté disposent de pouvoirs considérables : ils peuvent, par exemple, décider d'un jour à l'autre d'augmenter le nombre d'étudiants en médecine. Or, ils sont élus par leurs pairs, ce qui est on ne peut plus ringard : ces tenants de l'universalisme ne devraient-ils pas être élus par l'ensemble des médecins du territoire de santé surtout quand cette élection a pour effet de mettre tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme, sans aucun contrepouvoir ! Ce que les parlementaires ont su faire en modernisant la vie politique, notamment en interdisant le cumul des mandats, n'a jamais été fait dans le monde de la médecine. Une seule personne peut ainsi tout bloquer dans un hôpital en devenant président de la commission médicale d'établissement (CME), chef de service, chef de pôle, représentant de l'ARS, et pour finir patron du Lions Club. C'est la réalité !

Il faudrait introduire la démocratie à l'hôpital, et je peux vous dire qu'on n'aurait aucune peine à y trouver des gens de valeur, capables d'exercer des responsabilités : aujourd'hui, il y a à la CME de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP‑HP) des chirurgiens qui sont brillantissimes, mais je n'ai pas le droit de voter pour eux ! En situation de crise, d'un coup, vous vous retrouvez avec des blocs qui s'affrontent en une guerre à pas feutrés. Le corporatisme médical est sans doute le plus exacerbé dans notre pays, et il est bien dommage qu'on ait tant de peine à en sortir.

Sur les transferts, je pense que la pratique répondait à un impondérable, et c'est la solution la plus rapide qui a été trouvée pour déplacer les malades. Pour la gestion des crises futures, il faut à mon sens prévoir la possibilité d'ouvrir des hôpitaux ou des services. Je milite avec le service de santé des armées – qui n'a pas le droit de prendre publiquement position – pour que l'hôpital du Val-de-Grâce puisse rouvrir pour servir de soupape en cas de crise à Paris.

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