Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Alors que ce matin, nous pouvions, d'une certaine manière, subir la situation puisque la proposition émanait du Président de la République, cet après-midi, elle provient de l'Assemblée nationale. Nous sommes donc en droit d'attendre le maximum de garanties et l'accord le plus large possible pour nommer une personne au Conseil constitutionnel.

Je vous le dis sans détours, madame : vous auriez dû refuser cette proposition si vos propos concernant l'indépendance étaient sincères. La théorie des apparences a des conséquences concrètes et traduit une réalité que personne ne conteste. D'ailleurs, la majorité souhaitait aller plus loin en exigeant un avis conforme. L'enjeu est crucial. M. Questel avait même interrogé Mme Malbec, lors de son audition par la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire, au sujet de la demande de levée d'immunité parlementaire de notre ancien collègue, Thierry Solère, aujourd'hui en poste à la présidence de la République. Vous le voyez, ces histoires d'impartialité, objective et subjective, nous préoccupent, à juste titre d'ailleurs car elles sont des garanties démocratiques. Quand on lit Le Canard enchaîné de ce matin, on peut se poser des questions sur cette proposition de nomination qui émane du président de l'Assemblée nationale. En vertu de la théorie des apparences, Mme Malbec n'est pas la bonne candidate pour occuper cette fonction. D'autres femmes, dans ce pays, disposaient sans doute des atouts requis pour devenir membre du Conseil constitutionnel – Chantal Arens pour ne citer qu'elle.

La fonction de directrice de cabinet du garde des Sceaux que vous occupez depuis deux ans est la cerise sur le gâteau. Vous n'avez eu de cesse, au travers des différents projets de loi, de tordre le bloc de constitutionnalité. Chacun doit rester dans son domaine de compétence : vous faites respecter la Constitution et nous votons la loi, en prenant le risque de nous faire censurer. Et comment pouvez-vous dire que vous tiendrez la gomme mais pas le crayon ? Lorsque le Conseil constitutionnel analyse sa décision, il propose, avec son crayon, une nouvelle rédaction qui franchira l'étape du contrôle ! C'est ainsi que vous avez pu faire passer l'usage des drones.

Quant au serment des magistrats, parlons-en. Je vous le lis : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. » Il n'est fait, à aucun moment, mention d'impartialité et d'indépendance. J'ai présidé la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire et nous avion proposé de le compléter en ce sens.

Nous sommes donc face à un problème. Je m'adresse à vous, chers collègues, notamment de la majorité : émettez un avis défavorable à la proposition de nomination du président de l'Assemblée nationale. En effet, nommer Mme Malbec va entacher l'impartialité et l'indépendance du Conseil, et va à l'encontre de la théorie des apparences – tout ce que nous sommes en droit d'attendre s'agissant d'une nomination pour les neuf années à venir.

J'ajoute qu'il existe un risque de conflit d'intérêts. Je crois savoir, Madame Malbec, que vous en avez un en ce qui concerne les textes relatifs à la sécurité dans ce pays et aux compétences de la police. Prévoyez-vous de vous déporter lors de leur examen ?

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