Intervention de Stéphane Peu

Réunion du mercredi 9 février 2022 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Je reprends à mon compte plusieurs des propos de mes collègues, à commencer par l'incompréhension face au choix de la proposition de loi comme véhicule législatif d'autant plus après les déconvenues de la loi dite Avia. Le projet de loi aurait été utilement précédé d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État. Quelles sont les raisons de ce choix qui nous laisse perplexe ?

Il faut y ajouter le fait que le règlement n'a pas donné lieu à un vote en séance plénière au Parlement européen et a fait l'objet d'un avis très réservé des trois rapporteurs spéciaux des Nations unies allant jusqu'à demander son retrait ainsi que de réserves de la part de plus d'une soixantaine d'ONG. Ce contexte politique et juridique aurait justifié une autre manière de procéder que celle qui nous est proposée.

Je vous soumets nos réserves sous forme de questions et nous ferons connaître notre position sur le texte en séance.

En premier lieu, le recours à des procédures automatisées, incontournable compte tenu des délais imposés, est préoccupant. L'exemple donné par Ugo Bernalicis est parlant : un même algorithme censure un député à la tribune de l'Assemblée nationale mais tolère des appels au meurtre de députés. Les filtres automatisés sont sujet à caution.

Deuxième faiblesse, il est indiqué que tout État membre de l'Union européenne pourra intervenir auprès d'hébergeurs dans n'importe quel autre État de l'Union. Or, il ne vous a pas échappé que tous les États membres n'ont pas la même conception de l'État de droit et de la liberté d'expression. En vertu du règlement, ne pourrait-on pas voir les caricatures de Charlie Hebdo, qui ont abouti au drame que l'on sait, censurées au nom d'une conception restrictive de la liberté d'expression dans certains pays selon laquelle le blasphème est assimilé à du terrorisme ? Ce serait un paradoxe fâcheux. Nous sommes inquiets de la possibilité donnée à certains États de prendre des décisions en contradiction avec nos valeurs.

Dans un texte qui affecte les libertés, l'État de droit, la séparation des pouvoirs ou le rôle du juge sont des sujets qui méritent toute notre attention. En l'espèce, alors qu'il est bien question d'une liberté, le juge est complètement évincé, ce qui dénote la fragilité du dispositif.

Je ne nie pas l'urgence à agir pour défendre de manière efficace nos valeurs sans pour autant les piétiner.

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