Intervention de Emmanuelle Ménard

Réunion du mercredi 19 janvier 2022 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Cette proposition de loi est présentée comme un texte de simplification, mais il ne s'agit pas que de ça – vous en convenez d'ailleurs. Elle suscite des interrogations et est loin d'être anodine, car elle aura des conséquences importantes.

Si l'on s'en tient aux quelques cas qui ont été le plus souvent cités ici ou dans la presse, les choses paraissent évidentes. Nous sommes touchés par les exemples de cette femme qui a divorcé et qui doit prouver en permanence qu'elle est bien la mère de ses enfants, parce qu'elle ne porte plus le même nom. Ou par ceux de personnes qui ont été brutalisées, violées ou tout simplement abandonnées par un père dont elles ne veulent plus porter le nom. Et l'on se dit qu'on pourrait faire évoluer la législation.

Pour autant, votre proposition de loi pose également de vraies questions, pour lesquelles les réponses sont beaucoup moins évidentes puisqu'il n'y a pas eu d'étude d'impact – et pour cause. Je me méfie toujours un peu des nouvelles lois qui sont guidées par l'émotion. Le nom de famille remplit une double fonction : il contribue à la construction des identités individuelles, mais il constitue aussi un outil de police générale.

Cette loi va-t-elle permettre à des débiteurs de se soustraire plus facilement à leurs obligations, ou à des délinquants d'échapper aux poursuites judiciaires ? D'un point de vue plus philosophique, le nom du père est un moyen de reconnaître ce dernier dans la filiation, et ce n'est pas neutre. La proposition de loi ne va-t-elle pas bouleverser encore un peu plus la construction de l'identité ? Sylviane Agacinski elle-même s'interroge et déplore « un terrible démontage du droit civil », en relevant que « L'état civil, c'est l'institution de la personne dans son identité sociale, son inscription symbolique dans une généalogie, un ordre qui ne dépend pas d'elle, et chacun ne peut pas décider de la loi commune. » En 2020, 4 293 demandes de changement de nom ont été déposées et seulement 44 % d'entre elles ont été acceptées. Savez-vous pourquoi ? Pour ma part, je n'ai pas trouvé la réponse.

La proposition de loi risque de donner le sentiment d'un état civil à la carte. Quelles seraient les conséquences sur l'organisation de l'État si les Français changeaient massivement leur nom de famille ?

Cette proposition part évidemment d'une bonne intention, mais elle soulève des questions qui sont loin d'être mineures et dont les conséquences pourraient n'apparaître que dans plusieurs années. C'est pourquoi j'attends d'avoir des réponses à mes questions avant de me prononcer.

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