Intervention de Aude Luquet

Réunion du mercredi 19 janvier 2022 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Luquet :

Un nom de famille, c'est bien plus que quelques lettres écrites sur un morceau de papier : c'est une identité, un lien qui nous ancre dans une histoire, entre le passé et l'avenir ; c'est un héritage, avec le poids qu'il comporte, et une responsabilité qui incombe à l'enfant avant même que celui-ci en ait conscience.

On a longtemps parlé de « patronyme » ; désormais, il est question de « nom de famille ». Alors que l'automaticité de l'attribution du nom du père était voulue, dans le but d'attacher un sujet à sa lignée en l'inscrivant de façon visible dans une continuité généalogique, il est désormais possible pour les parents, depuis la loi de mars 2002, de choisir entre le nom du père et celui de la mère, voire d'accoler les deux. Si le choix est désormais libre, 80 % des parents donnent à leur enfant le nom du père, et celui de la mère seul n'est choisi que dans 1 % des cas. Bien souvent, il est admis, consciemment ou non, que la mère donne naissance et que le père donne son nom. Cela n'est pas vécu comme un sacrifice, mais comme un équilibre dans le rapport à l'enfant.

Si le groupe MODEM n'est pas défavorable à la présente proposition de loi, il nous apparaît nécessaire, en parallèle, de travailler à une meilleure connaissance et application de la loi de 2002. En effet, si le combat pour l'égalité femmes-hommes est multiple concernant l'enfant, cette égalité est davantage à aller chercher du côté du rôle de chacun des parents plutôt que dans le choix du nom de l'enfant.

Nous avons déposé un amendement visant à modifier le titre de la proposition de loi afin que celui-ci soit davantage en adéquation avec l'objet du texte. Elle serait ainsi « relative au choix du nom issu de la filiation ». En effet, il s'agit ici non pas d'égalité entre les sexes mais d'identité à travers le choix d'un nom – et pas n'importe lequel : l'un de ceux issus de la filiation.

Les dispositifs relatifs à l'attribution du nom conviennent à une majorité des Français. Lors des auditions menées dans le cadre de la préparation de l'examen de la proposition de loi, plusieurs experts ont d'ailleurs clairement indiqué que le texte visait à répondre à des situations spécifiques et qu'il fallait se garder d'en faire une règle générale. Il ne paraît pas pertinent de présenter cette proposition de loi comme une nouvelle liberté qui serait offerte, car si l'on en faisait une règle générale, celle-ci irait à l'encontre de la règle de l'immutabilité du nom de famille, à laquelle les Français sont très attachés.

Toutefois, il existe de vraies difficultés, par exemple lorsqu'une mère a la garde de son enfant et que celui-ci a pour unique nom celui du père. Si ce dernier refuse que le nom de la mère soit au minimum accolé au sien, cela provoque des difficultés : la mère doit sans cesse prouver sa maternité. Cela vaut également pour un père ayant la garde d'un enfant portant seulement le nom de la mère. Il est donc nécessaire de faire évoluer la loi pour faire face à de telles situations.

À cet égard, l'article 1er, qui codifie les règles relatives au nom d'usage pour les mineurs, représente une réelle avancée. Néanmoins, nous avons quelques interrogations et remarques. Comment le consentement des enfants de plus de 13 ans sera-t-il recueilli ? Selon nous, la procédure doit être précisée. Pourquoi ne pas envisager que l'enfant se rende devant l'officier de l'état civil ou qu'il puisse donner son consentement par écrit ?

Concernant l'article 2, relatif au changement du nom de famille, nous sommes attachés au fait que celui-ci ne puisse se faire qu'une seule fois au moyen de la procédure simplifiée. Il convient en effet de ne pas trop s'éloigner de la procédure renvoyant à un motif légitime.

Nous avons une petite réserve quant au fait de faciliter la substitution du nom de famille, car cela heurte le principe d'immutabilité. Par ailleurs, il convient de faire attention à l'impact que le changement de nom pourrait avoir sur des enfants, notamment de moins de 13 ans, qui, sans avoir donné leur libre consentement, se retrouveraient prisonniers d'une décision qui concerne leurs parents. Un enfant ayant changé de nom avant ses 13 ans sans avoir eu à donner son consentement pourra-t-il utiliser la même procédure à sa majorité s'il s'avère que ce choix ne lui convenait pas ? Enfin, que se passerait-il si, dans une fratrie constituée de deux enfants, le premier, âgé de 11 ans, n'avait pas à donner son consentement, tandis que l'autre, âgé de 14 ans, refusait le changement de nom ?

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