Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes :

J'ai toujours un grand plaisir à vous retrouver. J'ai tenu à être parmi vous ce matin parce que la dette est à mes yeux un sujet primordial, mais aussi parce que c'est pour moi l'occasion de vous saluer avant la fin de la législature.

C'est en effet la mission de la Cour que de nourrir le débat public, d'éclairer la décision et de contribuer à votre contrôle sur les dépenses publiques. La Constitution a confié à la Cour une mission d'assistance du Parlement, et ce rôle me tient particulièrement à cœur, puisqu'il participe à l'excellente qualité de la relation qu'entretient notre institution avec la représentation nationale.

Sont présents à mes côtés, et je les en remercie, ceux qui ont mené à bien ce travail de grande ampleur, Stéphane Guéné, conseiller-maître en service extraordinaire, rapporteur général du rapport, Caroline Alexis, conseillère référendaire en service extraordinaire, ainsi que Jean-Pierre Laboureix, président de section, qui en a assuré le contre-rapport.

L'enquête intervient à la suite de publications antérieures de la Cour, en particulier le rapport sur la situation et les perspectives de juin 2021 qui comprenait un chapitre sur l'enjeu croissant de financement de la dette publique, celui sur la stratégie de finances publiques pour la sortie de crise réalisé à la demande du Premier ministre et le rapport public annuel 2022 que j'ai présenté la semaine dernière. C'est la raison pour laquelle la présente communication n'approfondit pas le thème, déjà évoqué à plusieurs reprises, de la soutenabilité de la dette publique et répond à votre demande de concentrer l'analyse sur la gestion de la dette, plus particulièrement celle de l'État par l'Agence France Trésor.

Le rapport de la Cour apporte quatre grands éclairages. Tout d'abord, il documente la progression forte et continue d'une dette publique désormais portée très majoritairement par l'État et financée très largement par les marchés financiers.

Il analyse ensuite la gestion de la dette de l'État par l'AFT, dont la stratégie repose pour l'essentiel sur le suivi de la demande des investisseurs. Il examine ainsi les sujets de débat récurrents, notamment au sein de votre commission, que sont les primes et décotes générées par l'émission sur souches anciennes, l'allongement de la maturité de la dette et la diversification des instruments de dette avec, en particulier, les obligations indexées sur l'inflation.

En troisième lieu, le rapport aborde la dimension européenne de la gestion de la dette publique, en présentant les conséquences pour la dette française des programmes d'achat de titres de l'Eurosystème et la perspective d'un retrait progressif de ces mesures de soutien. Il analyse aussi dans quelle mesure l'émergence de l'Union européenne comme grand émetteur de dette peut influer sur les conditions de gestion de la dette française.

Enfin, dans un contexte de très forte augmentation de la dette publique, le rapport pose la question du rôle de l'AFT dans la sphère des émetteurs publics en France et d'une plus grande coordination de leurs émissions.

Je débuterai en soulignant la très forte augmentation de notre dette publique et de son financement majoritairement assuré sur les marchés financiers.

La dette de l'ensemble des administrations publiques s'établit à 2 834 milliards d'euros au 30 septembre 2021, dernier chiffre disponible de comptabilité nationale. Elle est en hausse d'environ 480 milliards d'euros par rapport au début de 2019, dernière année avant la crise sanitaire. Cette très forte augmentation due à la crise sanitaire majeure que nous avons traversée s'ajoute à la dynamique des années précédentes marquées par des déficits publics persistants. C'est le fameux effet cliquet, à savoir la progression par paliers du ratio de dette des administrations publiques lors des crises, sans qu'il ne baisse jamais durablement lorsque la conjoncture redevient plus favorable. La dette publique a ainsi été multipliée par plus de trois en euros courants depuis la création de la monnaie unique sans bien sûr qu'il y ait un rapport de cause à effet ! C'est le reflet de l'ère des crises dans laquelle nous sommes entrés depuis le début du siècle.

En raison des déficits budgétaires récurrents, la dette de l'État s'élève à plus de 2 230 milliards d'euros à la fin du troisième trimestre 2021 et représente près de 80 % de l'ensemble de la dette publique. Son financement est assuré pour l'essentiel sur les marchés financiers, à 90 % par des titres à moyen et long termes. 40 à 60 % des émissions visent chaque année à rembourser les emprunts passés, le solde permettant de couvrir le déficit du dernier exercice.

La dette des administrations de sécurité sociale, soit 300 milliards d'euros au 30 septembre dernier, représente 10,6 % de la dette publique. Elle est largement concentrée sur quelques émetteurs, la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et l'UNEDIC. Son financement est assuré à 87 % en recourant aux marchés financiers.

En revanche, le financement bancaire reste privilégié pour la dette des administrations publiques locales, qui s'élève à 236 milliards d'euros au troisième trimestre 2021, soit 8,3 % du total. L'appel aux marchés financiers ne couvre que 18 % des encours de la dette locale. Il en est de même pour le financement des investissements hospitaliers qui repose pour l'essentiel sur le crédit bancaire.

Maintenant que le décor est planté, analysons le rôle central que joue l'AFT dans la gestion de la dette publique.

Service à compétence nationale, placé sous l'autorité du ministre de l'économie, des finances et de la relance et rattaché au directeur général du Trésor, l'Agence assume à titre principal la gestion de la dette de l'État et pourvoit à ses besoins de trésorerie. Elle peut être chargée par convention de la gestion de la dette d'entités publiques autres que l'État, comme c'est le cas avec la CADES depuis 2017.

L'AFT est une structure resserrée, qui emploie quarante-huit personnes, dont sept au titre de la convention de gestion avec la CADES. Son organisation est classique pour un émetteur de cette nature. La gestion opérationnelle est fondée sur une relation fluide au marché, avec le soutien de la Banque de France pour l'organisation matérielle des opérations d'émission. Les pratiques sont bien rodées dans le cadre posé par les lois de finances, sous forme d'une autorisation d'emprunts et d'un tableau de financement évaluatif.

La Cour considère que la stratégie d'émission de l'AFT s'est révélée robuste pendant la crise sanitaire et a permis de faire face dans de bonnes conditions à l'augmentation brutale et massive des besoins de financement.

L'AFT se fonde sur une analyse au plus proche des réalités du marché. Elle suit la demande des marchés, qui ne la distingue guère des autres grands émetteurs en Europe, afin de pouvoir émettre à tout moment des titres aux meilleures conditions financières pour l'État, avec des taux d'intérêt les plus faibles possible ainsi que des montants toujours plus importants de dette. Elle est aussi guidée par les principes de régularité, de transparence et de flexibilité.

Pour asseoir cette stratégie, l'AFT a instauré une relation étroite avec des acteurs de marché appelés spécialistes en valeurs du Trésor (SVT). Actuellement au nombre de 15, les banques SVT sélectionnées tous les trois ans s'engagent à acheter tous les titres émis par l'AFT sur le marché primaire puis à les revendre sur le marché secondaire. Elles sont aussi tenues d'animer le marché secondaire des titres d'État et interviennent comme conseils de l'Agence. Cette organisation éprouvée depuis 1987, que l'on retrouve dans la majorité des grands pays, permet d'assurer une bonne absorption de volumes de dette élevés, de maintenir une émulation entre acteurs et d'assurer un marché de la dette actif.

Cette stratégie a permis de couvrir des besoins de financement accrus durant la décennie 2010, et plus encore durant la crise sanitaire. Après avoir atteint un pic à 246 milliards d'euros en 2009 avec la crise financière, le besoin de financement de l'État s'est établi à 191 milliards d'euros en moyenne de 2010 à 2019. En 2020, il s'est brutalement élevé à près de 310 milliards d'euros. L'Agence a dû augmenter considérablement les quantités de titres émis, avec par exemple plus de 30 milliards d'euros émis au cours des seuls mois de juin et juillet 2020. En 2021, les émissions nettes de moyen et long termes se sont élevées à 260 milliards d'euros.

L'AFT a bénéficié de l'augmentation des dépôts et du nombre des correspondants du Trésor. La Cour recommande de poursuivre la centralisation de trésorerie des organismes publics sur le compte du Trésor pour diminuer le plus possible le recours au marché financier.

L'AFT a également pu bénéficier de la faiblesse des taux d'intérêt, en lien avec la politique d'achat de titres publics de l'Eurosystème. Celle-ci a permis de diminuer la charge d'intérêt supportée par le budget de l'État.

Pour autant, la forte augmentation récente de la dette a rendu celle-ci plus sensible à une remontée des taux d'intérêt. Là où, fin 2019, une hausse de 1 % des taux d'intérêt se traduisait par des charges d'intérêt plus élevées au bout de dix ans d'un peu plus de 20 milliards d'euros, ce même calcul réalisé fin 2021 aboutit maintenant à un surcroît de charges d'intérêt de près de 30 milliards d'euros.

Dans le prolongement de l'analyse de la stratégie de l'AFT, le rapport s'est intéressé à trois sujets de débat récurrents.

Il s'agit en premier lieu des primes et décotes. Afin de renforcer la liquidité des titres, l'Agence recourt de longue date à des émissions à partir de souches anciennes. Ces émissions conduisent à l'encaissement de primes ou à des décotes lorsque leur taux de coupon est différent du taux de marché.

L'augmentation très significative des primes nettes encaissées par l'État sur la dernière décennie résulte de la combinaison de deux facteurs : d'une part, la baisse tendancielle des taux sur cette période, mouvement amplifié quand les taux sont devenus négatifs car on ne peut pas émettre de titres portant des coupons négatifs ; d'autre part, la politique d'achats de titres publics par la Banque centrale européenne sur le marché secondaire, qui a créé une pression à la réémission sur des titres anciens de l'ensemble de la courbe des taux. Ces facteurs de marché ont conduit les principaux émetteurs européens à augmenter nettement ces dernières années ce type d'émission génératrice de primes, avec une ampleur qui diffère selon les conditions de taux d'intérêt et la structure par maturité de la dette de chacun des pays.

En 2020, ces primes nettes se sont élevées à près de 30 milliards d'euros. Mais les primes ne sont pas immuables. Avec l'augmentation récente des taux d'intérêt, le montant des primes a été réduit de moitié en 2021 et certaines émissions au début de l'année ont donné lieu à une décote et non à une prime.

L'encaissement des primes a pour effet de réduire, de manière temporaire, le ratio de la dette publique rapportée au PIB. Selon les estimations réalisées par l'AFT à la demande de la Cour, les primes nettes reçues par l'État jusqu'en 2020 ont permis, toutes choses égales par ailleurs, de diminuer l'encours de la dette publique d'environ 4,3 points de PIB fin 2020. Aussi important que puisse être l'effet temporaire des primes sur le niveau de la dette publique, cet effet ne résulte pas, selon notre analyse, d'une volonté de l'AFT de réduire en apparence le niveau de la dette.

En second lieu, le rapport examine la question de la maturité moyenne de la dette. La stratégie de l'AFT de suivi de la demande a-t-elle permis de bénéficier au mieux des bas taux d'intérêt à moyen et long termes et de diminuer suffisamment les risques de refinancement à terme ? L'AFT n'aurait-elle pas dû émettre sur des maturités plus longues pour profiter de taux d'intérêt bas comme l'y incitaient certains analystes ?

La Cour soutient la politique d'émission retenue par l'AFT. La France est parmi les pays européens comparables, celui dont la maturité de la dette est la plus élevée, à l'exception du Royaume-Uni du fait de l'importance des fonds de pension britanniques. La maturité moyenne de la dette n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années. Elle était de sept ans en 2015, elle est en 2021 proche de huit ans et demi, et sur les seules émissions de moyen et long termes, à plus de douze ans. La France représente près de la moitié des encours de dette à maturité résiduelle supérieure à trente ans. Il convient de rappeler enfin que le fait d'émettre sur des durées plus longues conduit à payer des taux d'intérêt plus élevés.

Troisième sujet de débats, le rapport examine comment l'AFT a diversifié sa stratégie de financement en recourant à de nouveaux instruments, les obligations indexées sur l'inflation et les obligations vertes, contribuant ainsi à élargir sa base d'investisseurs.

Créées en 1998, les obligations indexées représentent en moyenne 10 % des émissions annuelles de titres à moyen et long termes. Elles permettent aux investisseurs de se protéger contre le risque d'inflation et à l'État de bénéficier de meilleures conditions d'émission du fait de cet avantage que les investisseurs sont prêts à payer. Par ailleurs, le faible niveau d'inflation des dernières années a permis de réduire les charges d'intérêts. Par exemple, en 2020, plus de 2 milliards d'euros de charges d'intérêts ont été économisés de ce fait. À l'inverse, en 2021, la charge d'intérêts a augmenté d'un peu plus de 1,5 milliard d'euros entre la première et la deuxième loi de finances rectificative en raison d'une inflation plus élevée qu'attendu. Les obligations indexées constituent une composante importante de la palette d'outils de financement de l'AFT. La Cour appelle néanmoins à une vigilance particulière compte tenu des incertitudes actuelles sur l'évolution du niveau d'inflation.

La France a été l'un des premiers pays européens à émettre des OAT – obligations assimilables du Trésor – vertes en 2017. Dans ce marché en plein essor, la France est le premier émetteur avec plus de 42 milliards d'euros d'encours, loin devant l'Allemagne – 24 milliards –, le Royaume Uni – 19 milliards – et l'Italie – 13,5 milliards. Forts de maturités proches de vingt ans, ces titres ont une liquidité semblable aux obligations classiques. La demande très dynamique a permis d'obtenir des conditions très légèrement plus favorables que les autres obligations.

Ces réflexions illustrent l'importance de l'analyse stratégique dans la conduite de l'action de l'AFT. Si un travail de qualité est mené au sein de l'AFT, nous considérons qu'il pourrait être renforcé pour éclairer les marges de choix de l'AFT et contribuer à une revue globale de la stratégie chaque année. Nous recommandons aussi de développer la communication sur des éléments structurants de la stratégie de l'AFT, vis-à-vis de la représentation nationale mais également des milieux économiques, notamment lorsque ceux-ci sont dans le débat public.

Le rapport analyse ensuite l'action de l'AFT dans un environnement international en pleine évolution, avec les programmes d'achat d'actifs de la Banque centrale européenne (BCE) et l'apparition d'un nouveau grand émetteur sur les marchés, l'Union européenne.

Avec la crise sanitaire, les programmes d'achat de titres de la BCE sur le marché secondaire ont été nettement renforcés. Décidé en mars 2020 avec une enveloppe portée à 1 850 milliards d'euros, un programme spécifique, appelé Pandemic emergency purchase programme (PEPP), a fortement augmenté la demande. Sur la seule année 2020, ce programme a permis d'acheter plus de 120 milliards d'euros de dette française. En ajoutant les autres programmes, les volumes totaux d'achat de dette française par l'Eurosystème sur le marché secondaire sont évalués à 185 milliards d'euros pour 2020, soit plus que le déficit budgétaire à financer. Le retrait progressif de ces programmes, qui commence à s'esquisser, constitue un enjeu majeur pour un émetteur comme l'AFT.

L'offre de titres sur les marchés a également été modifiée par la crise sanitaire avec le net renforcement de la présence de l'Union européenne en tant qu'émetteur sur les marchés, pour financer des mesures de soutien sur le marché de l'emploi à hauteur de 100 milliards d'euros dans le cadre de programme SURE – support to mitigate unemployment risks in an emergency – et le plan de relance, baptisé NGEU, NextGenerationEU, d'un montant de 750 milliards d'euros. Les émissions européennes de l'ordre de 150 milliards d'euros par an jusqu'en 2026, aux caractéristiques proches de la dette française, pourraient faire naître une concurrence pour l'AFT. Toutefois, grâce à une demande soutenue par l'Eurosystème, l'activité de l'émetteur européen n'a pas conduit pour l'instant à une baisse de la demande de titres français. Cela reste néanmoins pour l'avenir un point d'attention.

Enfin, le rapport s'intéresse au rôle de l'AFT au sein des émetteurs publics en France. En effet, ces dernières années, ce rôle s'est élargi au-delà de la mission principale de l'Agence de gestion de la dette de l'État, pour prendre différentes directions.

En premier lieu, l'AFT est intervenue auprès d'autres émetteurs publics de façon ponctuelle, sur des missions d'assistance technique. Pendant la crise sanitaire par exemple, l'AFT a contribué à mobiliser dès mars 2020 les SVT, pour qu'ils apportent des financements complémentaires à l'ACOSS qui était affectée par les tensions sur les marchés financiers.

Le rôle de l'AFT s'est également élargi à l'occasion de la signature, en 2017, d'une convention de mandat visant l'intégration opérationnelle des équipes de la CADES. L'indépendance de la CADES est maintenue afin de respecter le principe de cantonnement et d'amortissement de la dette sociale, mais la responsabilité opérationnelle des activités de financement et de l'exécution du programme d'émission relève désormais de l'AFT. Le rapprochement de la CADES et de l'AFT peut être qualifié de réussite – il a permis de réduire les risques opérationnels et d'offrir de nouvelles opportunités aux personnels de la CADES – même si certains pans de celui-ci doivent encore être menés à leur terme, notamment en matière de systèmes d'information.

Enfin, l'AFT a instauré des échanges entre émetteurs publics pour éviter certains dysfonctionnements, comme des chevauchements de calendrier d'émission.

Dans un contexte de forte augmentation de la dette publique dans son ensemble, le champ d'action de l'AFT pourrait faire l'objet d'une redéfinition, ou, à tout le moins, d'une réflexion. Plusieurs scénarios sont envisageables : le premier est celui d'un maintien de la situation actuelle. Ce statu quo revient à poursuivre les interventions de l'AFT de manière ad hoc. Même s'il peut tenter certains acteurs, il ne semble pas être le plus approprié puisqu'il ne suit aucune logique de fond et ne permet pas de mettre en cohérence les ressources et les missions ; le deuxième scénario est celui d'une coordination renforcée autour de l'AFT. Celle-ci passerait par l'élaboration d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs de suivi de la bonne coopération entre les émetteurs, et par une formalisation, si nécessaire, de cette coopération, sous forme de conventions par exemple. La mise en place de trajectoires coordonnées d'émissions pourrait renforcer la synergie entre les émetteurs – ce qui est souhaitable. La Cour formule une recommandation en ce sens dans le rapport.

Enfin, le troisième scénario est celui de l'établissement de nouvelles conventions de mandat, à l'instar de celle passée avec la CADES. La question de l'intégration d'émetteurs existants peut paraître complexe pour l'UNEDIC en raison des spécificités de sa gouvernance, et tardive pour la Société du Grand Paris qui a déjà réalisé la majeure partie de son financement. Une telle intégration opérationnelle demeure envisageable, voire souhaitable, pour de potentiels nouveaux émetteurs publics qui pourraient émerger dans les années à venir. Il faut néanmoins réfléchir en amont aux critères à retenir afin de ne pas perdre de vue la mission centrale de l'AFT qui reste la gestion de la dette de l'État. Peut-être les deuxième et troisième scénarios peuvent-ils être combinés.

Une analyse approfondie de la faisabilité et de l'opportunité de chacun des scénarios semble souhaitable et nous formulons une recommandation en ce sens.

En conclusion, j'insiste sur un point essentiel à mes yeux : une bonne gestion de la dette publique ne suffit pas pour assurer sa soutenabilité. Elle ne saurait se substituer à une stratégie crédible de finances publiques.

Alors que la dette publique n'a cessé d'augmenter depuis la crise financière et atteint désormais un niveau très élevé, supérieur à 110 points de PIB et que le déficit structurel serait proche de cinq points de PIB en 2022, je veux rappeler le message récurent de la Cour : il est crucial, une fois passées les échéances démocratiques importantes qui attendent notre pays au printemps, d'élaborer une trajectoire de finances publiques permettant d'amorcer une décrue de la dette et de retrouver des marges de manœuvre pour financer les dépenses d'avenir et faire face à un prochain ralentissement de l'économie – la croissance en 2023 ne devrait pas s'établir au même niveau qu'en 2021 et 2022 qui sont des années de rattrapage fort. C'est pour la France une question de crédibilité et de souveraineté. Je ne peux que répéter notre souhait de voir rapidement prise, au début de la prochaine législature, une loi de programmation contraignante, qui précise les voies et moyens pour réduire notre dépendance à la dette, dans le cadre d'une stratégie de finances publiques conciliant soutien à la croissance, préparation de l'avenir et maîtrise de la dépense publique. C'est ce message que je suis venu porter devant vous à de nombreuses reprises déjà depuis ma nomination à la tête de la Cour et du Haut Conseil des finances publiques en juin 2020.

Au moment où se clôt la dernière session de la législature, je veux vous dire le plaisir que j'ai eu à travailler avec vous, monsieur le président et monsieur le rapporteur général ainsi qu'avec chacun des membres de la commission. La Cour et moi-même sommes toujours à la disposition du Parlement, et en particulier de cette commission, qui est notre interlocuteur privilégié pour contribuer à éclairer le débat sur les finances publiques et sur leur gouvernance.

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