Intervention de Christiane Taubira

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 9h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Christiane Taubira, ancienne ministre de la justice :

Je ne suis pas choquée à l'idée d'inscrire les dispositions de la circulaire dans un cadre législatif. Mais ce cadre est plus rigide : il faut donc bien mesurer les conséquences qu'aurait une modification des règles régissant la remontée d'information. Je prendrai un seul exemple, moins sensible politiquement, mais très important. Le ministère de la justice reçoit chaque jour de nombreux courriers de citoyens ordinaires, de justiciables. Je vais vous raconter une anecdote à ce propos. En tant que parlementaire, j'avais le souci de répondre à toutes les personnes qui m'écrivaient et je comptais faire de même au ministère de la justice. Mon directeur de cabinet m'a dit que ce serait impossible : je lui ai répondu que ça le serait. Comme il a beaucoup de tact, il m'a fait visiter le service du courrier : le personnel m'a expliqué que 1 700 lettres arrivaient chaque jour au ministère de la justice. Je me suis obstinée pendant deux semaines, puis je suis devenue raisonnable.

Mais ce courrier, il faut tout de même y répondre, et cela suppose d'avoir une remontée d'information ! Si ce n'est plus le ministère qui s'en occupe, alors il faut dire aux parquets généraux que les justiciables sont fondés à les interroger et que c'est à eux de gérer ces milliers de lettres. On peut considérer que tout cela est accessoire, que c'est une charge inutile pour le garde des Sceaux, mais le fonctionnement de la démocratie a des contraintes et l'institution judiciaire, c'est aussi le service public de la justice. Il faut que quelqu'un réponde aux justiciables et aux citoyens. Je ne suis pas contre l'idée d'inscrire les dispositions de la circulaire dans la loi, mais elle prévoit que quelqu'un se charge de cela. Et si le garde des Sceaux ne reçoit plus les informations, ses services ne peuvent plus répondre.

La loi du 25 juillet 2013 distingue clairement la politique pénale et l'action publique : il n'y a pas de confusion possible entre les deux – ou alors, c'est de la mauvaise foi. La seule zone qui pourrait être un peu trouble concerne la manière dont la remontée d'information peut amener à faire évoluer les lois. Mais je ne me fais pas d'inquiétude à ce sujet, parce que nous avons une vraie démocratie, que les lois sont débattues au Parlement et que nous avons des parlementaires très impliqués : j'ai pu le constater en tant que garde des sceaux. Notre parlement apporte les garanties d'un travail législatif approfondi.

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