Intervention de Julien Dami Le Coz

Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 16h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Julien Dami Le Coz :

Monsieur le rapporteur, nous n'attendions pas de cette audition qu'elle débouche sur une proclamation de l'innocence de Jérôme Kerviel. Nous sommes ici, très modestement, pour apporter un éclairage sur douze années d'une affaire extraordinaire. Ce caractère même me laisse penser que les dysfonctionnements auxquels nous nous sommes heurtés ne se révèlent que dans une part infime des affaires pénales. Je suis persuadé que dans 99 % des cas, sinon plus, la justice pénale et le parquet fonctionnent parfaitement bien, lien hiérarchique ou pas. Simplement, dans des dossiers à caractère politique ou financier, qui touchent à des intérêts importants et impliquent des personnalités, les réseaux se mettent en mouvement. L'e-mail du directeur juridique de Renault que nous avons cité – qui, j'espère, vous semble recevable, monsieur le rapporteur – est tout à fait révélateur du modus operandi d'un grand groupe ou de quelqu'un qui compte ayant affaire à la justice : il faut choisir un bon avocat, ayant les bons réseaux – pardon, Jérôme Kerviel, je n'ai pas les mêmes réseaux.

Je me garderai de commenter la mise en examen de Michel Maes dans le cadre d'une instruction préparatoire à Lyon – n'ayant pas eu accès au dossier, je ne connais pas les faits. La tentation serait forte, en effet, d'établir un lien avec les enregistrements, mais je veux garder un propos mesuré et objectif, comme Jérôme Kerviel et moi-même avons essayé, sans grand succès peut-être, de le faire.

S'agissant des classements sans suite, vous touchez du doigt une vraie difficulté qu'on rencontre dans ce type de dossiers « signalés » ou « sensibles ». Comment éviter que le ministère public fasse ce qu'il veut : enquêter ou non, garder le dossier en attente pendant trois ans puis, éventuellement, ouvrir une information ? J'y ai évidemment réfléchi. Le constat, s'agissant du procureur de la République, est paradoxal. Depuis vingt ans, le législateur n'a eu de cesse de conférer des prérogatives au ministère public en renforçant le couple parquet-police, et de marginaliser, ce faisant, le juge d'instruction. Le ministère public traite seul la quasi-totalité des plaintes et c'est lui qui décide de renvoyer une affaire devant une juridiction de jugement : plus de 95 % des affaires pénales ne sont pas examinées par un juge d'instruction.

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