Intervention de Michel Bouvier

Réunion du mercredi 17 juin 2020 à 15h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Michel Bouvier, professeur des universités, président de l'association pour la Fondation internationale de finances publiques :

Ce que je vais vous dire vous paraîtra tout à fait banal. Si, comme les magistrats, l'on n'est pas capable de gérer son budget, on se débrouille très mal dans la vie ! Il en va de même pour une famille, qui va vite à la déconfiture si elle n'est pas capable de gérer son budget, ou pour une entreprise qui peut déposer son bilan rapidement.

Les magistrats chargés de la gestion des crédits n'ont pas la possibilité de gérer correctement leurs fonds pour les raisons que j'ai évoquées plus haut – va-et-vient des crédits, régulation budgétaire, autant de facteurs qui font obstacle à une bonne gestion. Le service de la justice ne peut être correctement rendu sans une gestion qui soit, a minima, correcte.

Par ailleurs, les magistrats n'ont pas, de ce fait, de poids dans les discussions avec le ministère ni même avec la direction du budget. Si on ne parle pas le même langage, on ne se comprend pas. Ainsi, si j'ai le pouvoir de décider, je vais vous dire n'importe quoi, vous ne saurez pas si cela est vrai ou faux, entre ou non dans mon intérêt, etc. Je caricature, bien entendu, mais je souhaite vous donner une image la plus forte possible de cette situation.

Il existe une grande méfiance entre les ministères dépensiers et le ministère des finances. Les magistrats ont du mal à entamer un dialogue avec le contrôle budgétaire, car ils ne possèdent pas les concepts employés, et ne parlent pas la même langue.

Par ailleurs, ceux qui ont une certaine connaissance des finances publiques ont pu l'acquérir avec des concepts qui ne sont plus d'actualité. Depuis la LOLF, tout cela a changé. Nous utilisons des termes qui n'ont plus le même sens. De même, la notion d'autonomie financière des collectivités locales n'a plus le même sens qu'au moment des lois de décentralisation de 1982-1983. Il faut en être conscient.

Il faut donc apprendre le langage. Même la comptabilité est un langage. Nous ne parlons pas le même langage comptable à Londres et à Paris.

Par ailleurs, l'autonomie budgétaire est un facteur de crédibilité pour les magistrats. Si un magistrat parle un langage comptable à des budgétaires, ils seront d'abord surpris, mais il sera ensuite possible d'entamer un dialogue et de supprimer la défiance qui existe entre ces deux corps.

La formation dont je parlais plus haut pourrait permettre d'établir cette confiance. Les agents du ministère, les magistrats, les greffiers, ne pourront en effet pas être formés aux techniques financières publiques uniquement par le personnel de la justice, car les formateurs ne seraient pas assez nombreux. Il faudra aussi mobiliser des personnes de la direction du budget et de la direction générale des finances publiques. Un plan de formation doit être mis en œuvre, prévoyant la mobilisation de membres du ministère des finances. Il faut que les gens se rencontrent.

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