Intervention de Michel Bouvier

Réunion du mercredi 17 juin 2020 à 15h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Michel Bouvier, professeur des universités, président de l'association pour la Fondation internationale de finances publiques :

Le ministère de la justice compte très peu de financiers.

La question de la formation concerne la formation à la gestion. Cependant, fort de mon expérience dans un ministère, je peux vous dire que si l'on ne comprend pas le sens des techniques que l'on utilise, on les applique mal. Ce qui m'a aidé lorsque je travaillais au ministère c'était d'être en même temps à l'université. Je comprenais mieux le sens de ce que je faisais. Cela m'est toujours resté. Il faut que la formation associe la technique au sens des techniques employées. Il faut que l'on comprenne pourquoi l'on fait ceci ou cela, pour pouvoir le faire bien.

Par conséquent, un plan de formation est nécessaire pour les greffiers et les magistrats. Ce plan doit commencer par expliquer le sens de la réforme budgétaire introduite par la LOLF. Pourquoi a-t-on fait cela ? Sur quelle base ces concepts s'appuient-ils ? D'où viennent-ils – des institutions internationales, des entreprises, etc. ? J'ai participé à cette histoire à l'époque, pour tout vous dire.

La LOLF repose sur une logique. Les gens de ma génération la comprennent pour avoir vécue le changement. En revanche, les jeunes générations qui travaillent au ministère de la justice, au budget ou dans d'autres ministères n'ont pas vécu ces débats et n'ont pas été sensibilisées au sens de cette réforme. Ces techniques leur tombent donc dessus sans qu'elles en comprennent le sens. Je l'ai remarqué. C'est un manque important.

Un plan de formation doit comprendre une formation au sens de ces techniques, ainsi qu'une formation à tous les instruments de gestion très sophistiqués que l'on utilise. Le degré d'apprentissage de ces instruments doit varier cependant selon les fonctions auxquelles on s'adresse. Un magistrat n'a pas à savoir comment s'effectue le contrôle interne, entendu au sens du monde de l'entreprise.

Quant à savoir qui dirige, je suis favorable à des participations. On ne peut pas, dans un système complexe – c'est-à-dire un système composé d'acteurs en relation les uns avec les autres, et non forcément compliqué – se passer de la participation des uns et des autres aux actions menées et aux décisions prises, sans quoi les corporatismes jouent et font éclater le système.

Depuis les premiers chocs pétroliers, il y a presque 50 ans, les États se sont transformés et les sociétés sont devenues de plus en plus complexes, et comportent une multitude d'acteurs qui rétroagissent les uns sur les autres. Cela est particulièrement vrai dans les finances publiques. De nombreux acteurs des fonds publics passent ainsi dans le privé puis repassent du privé au public au cours de leurs carrières, par le biais des sociétés d'économie mixte et des autres structures existantes.

Il faut l'avoir en tête. C'est une question de méthode. Une méthodologie systémique est indispensable sur ce point, pour éviter de raisonner en « silos », ce qui revient à séparer les décisions prises et ne fonctionne jamais – d'autant moins dans des sociétés qui ne cessent de gagner en complexité du fait du développement de la mondialisation, de l'intelligence artificielle, etc. Ce système peut donner le vertige si l'on n'a pas de méthode pour l'analyser. Or le manque de méthode est un grand défaut que nous avons.

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