Intervention de Michel Reverchon-Billot

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 15h00
Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Michel Reverchon-Billot, directeur général du Centre national d'enseignement à distance (CNED) :

Pour introduire le débat et permettre les échanges, je commencerai par présenter le CNED. Il est un opérateur historique de l'enseignement et de la formation à distance, puisqu'il a été créé en 1939 pour répondre aux enjeux de l'époque, à savoir la scolarisation des élèves empêchés. Un élève empêché l'était alors en raison des conséquences de la guerre. Aujourd'hui, un élève empêché est un enfant soit malade, soit porteur de handicap, soit en itinérance – nous scolarisons beaucoup d'enfants du voyage, d'enfants circassiens ou d'enfants de bateliers. Nous scolarisons aussi, et cela constitue la grande hétérogénéité du CNED, les sportifs de haut niveau ou les enfants artistes.

Dès sa création, le CNED a poursuivi l'objectif d'assurer la promotion sociale par une offre de formation continue à distance pour les adultes en reprise d'études. Nous sommes aujourd'hui très présents dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et du compte personnel de formation (CPF).

Le CNED a connu plusieurs étapes historiques : nous sommes passés de centre d'enseignement par correspondance, utilisant les documents papier, à centre de télé‑enseignement, puis d'enseignement à distance pour enfin, aujourd'hui, suivant les évolutions technologiques, concevoir, produire et exploiter nos propres formations complètement en e-learning grâce au recours aux outils numériques. C'est pourquoi nous avons sans doute été un peu moins surpris que d'autres institutions par la nécessité de plonger dans le numérique du fait de la Covid : elle constituait déjà notre quotidien.

Ces évolutions ont demandé une forte adaptation des métiers et des compétences en interne. L'enseignement à distance demande une expertise très spécifique. Il n'est pas une simple mise à distance de l'enseignement en présence. Les périodes récentes ont montré les difficultés d'adaptation causées par un enseignement à distance sans transposition. C'est grâce aux évolutions technologiques majeures dans sa chaîne de fabrication ces dernières années que le CNED a pu répondre de manière très réactive au premier confinement par la mise en place du dispositif de continuité pédagogique « Ma classe à la maison ». Celui-ci a été mis en place très rapidement. Le CNED était jusqu'alors identifié comme un établissement de « l'empêchement scolaire », qui agissait à côté de l'école. Nous nous sommes rapidement aperçus que cet établissement pouvait agir aux côtés de l'école et apporter une plus-value à la scolarisation en présence. Ce nouveau positionnement du CNED a été bien identifié. Les dispositifs actuels permettent de renforcer la présence du CNED en appui aux établissements en présence.

« Ma classe à la maison » propose deux services. Tout d'abord, des parcours de scolarisation : il ne s'agit pas seulement de ressources qui demanderaient un accompagnement par des enseignants ou des adultes mais de parcours totalement autoportés, qui peuvent être travaillés quasiment en autonomie, ou sur prescription ou accompagnement des enseignants. Cela permet aux enseignants de les utiliser mais également aux élèves et aux familles de les utiliser seuls. Ensuite, nous proposons un service de classe virtuelle assortie de tutoriels de prise en main pour permettre d'assurer des cours en synchrone avec les élèves ou bien de garder le lien entre les enseignants et les élèves, notamment pour le premier degré.

Je vous apporte quelques chiffres sur la période du premier confinement. 1,9 million de familles ont ouvert un compte sur « Ma classe à la maison ». Je précise bien qu'il s'agit de 1,9 million de familles : une famille peut se connecter pour plusieurs enfants. Cela représente donc un nombre considérable d'élèves. S'agissant des enseignants, 500 000 d'entre eux – donc plus de la moitié du corps enseignant – se sont inscrits sur la plateforme. 12 millions de classes virtuelles se sont déroulées pendant le confinement. Nous avons lancé une enquête dès le début du déploiement de « Ma classe à la maison » : respectivement 83 % des familles et 82 % des enseignants interrogés ont estimé que ces plateformes ont permis aux élèves de continuer à apprendre et à progresser malgré la fermeture des établissements et des écoles.

Le CNED n'est pas que la crise sanitaire. Outre la scolarisation de 70 000 élèves en France et à l'étranger et la formation continue dans le cadre du CPF d'environ 140 000 adultes, le CNED a également la vocation d'élargir l'offre de formation dans les établissements et les territoires. Si un élève en classe de première ne trouve pas dans son lycée la spécialité qu'il souhaite suivre dans le cadre de la réforme du lycée, il peut – cela est tout à fait réglementaire – suivre cette spécialité à distance avec le CNED. Cela se fait à égalité de considération et de dignité. Il est tout à fait possible aujourd'hui dans un établissement en France de suivre une partie de son enseignement en présence et une partie à distance avec le CNED. Cela est également vrai pour les langues à faible diffusion : un élève scolarisé dans un lycée qui ne propose pas le japonais peut choisir d'apprendre le japonais au CNED.

Le CNED propose également de nouveaux services. Les élèves peuvent, par exemple, bénéficier d'une plateforme d'accès dans le cadre de remplacements de courte durée – dans le cas d'une absence de professeur inférieure à quinze jours, soit pour stage, soit pour maladie. Le chef d'établissement peut alors recourir à cette plateforme pour permettre la continuité pédagogique des élèves. Le CNED propose également un appui aux enseignements de spécialité : nous avons développé la plateforme « Ma spé' maths » qui permet de renforcer les compétences des élèves en spécialité mathématiques. Dans les territoires, en lien avec les collectivités territoriales et le ministère de l'enseignement supérieur, nous avons développé des lieux de formation : les campus connectés. Ils articulent formation à distance des étudiants et accompagnement en présence par des accompagnateurs.

Aujourd'hui, en seconde phase de confinement, nous avons réactivé à la demande du ministère « Ma classe à la maison » Nous avons tiré profit des enseignements de la première période, notamment en sécurisant les classes virtuelles. Nous avons eu affaire à des intrusions dans les classes virtuelles, assez réduites, qui concernent ce que l'on appelle « le chahut numérique ». Il s'est agi de 120 intrusions sur 12 millions de classes virtuelles. Cela est évidemment peu, mais cela est très perturbant quand cela arrive à un professeur. Nous avons donc sécurisé les classes virtuelles pour garantir la sécurité des enseignants et des élèves – cela n'est pas de trop dans le contexte actuel. Nous avons mis à jour les parcours de scolarisation afin de correspondre aux programmes de cette période de l'année. Nous avons également ajouté la partie scolarisation des élèves de 3 et 4 ans pour répondre à l'obligation d'instruction pour les élèves de 3 ans. Les connexions sont beaucoup plus modestes en cette seconde période, pour plusieurs raisons : l'ensemble des établissements ne sont pas fermés ; les rectorats et les collectivités territoriales se sont organisés pour proposer des solutions locales – des collectivités régionales ont par exemple proposé des classes virtuelles. « Ma classe à la maison » connaît aujourd'hui environ 800 000 connexions, avec un peu plus de 600 000 élèves et de 130 000 professeurs. L'intérêt pour la plateforme demeure mais évidemment de façon plus mesurée.

Pour terminer, le ministre a rappelé lors de la clôture des États généraux du numérique sa volonté de faire évoluer le CNED vers une académique numérique. Le CNED devrait poursuivre sa mission traditionnelle d'accompagnement et de scolarisation des élèves empêchés et de formation des adultes en reprise d'études, mais aussi développer son appui aux établissements en présence par des dispositifs complémentaires à l'enseignement en présence. Pour ce faire, le CNED bénéficie de 14,8 millions d'euros de crédits du programme d'investissements d'avenir (PIA). Ils doivent servir à la fois à procéder à des sauts technologiques dans la qualité des apprentissages des élèves et des adultes en formation, et à renforcer le positionnement du CNED comme partenaire des écoles et des établissements en présence. Je vous remercie.

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