Intervention de Pr Félix Rey

Réunion du lundi 24 février 2020 à 17h15
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Pr Félix Rey, chef de l'unité mixte de recherche de virologie structurale à l'Institut Pasteur :

Avec le temps, ces virus se sont développés, engendrant tous les problèmes que l'on connaît. Originaire de Misiones, une région tropicale d'Argentine où je n'avais jamais entendu parler de la dengue, j'ai été très surpris, en retournant chez moi vingt-cinq ans plus tard, d'y constater la présence de nombreux cas, alors que, dans les années soixante-dix, nous pensions tous avoir vaincu les maladies infectieuses, ce qui est malheureusement très loin de la vérité.

Pour en revenir à l'approche structurale du virus, nous utilisons les rayons X et la cryo-microscopie électronique, qui nous permettent d'obtenir une résolution quasi atomique sans avoir de cristaux, sachant que, lorsqu'on travaille à partir de cristaux, il faut parfois attendre dix ans pour obtenir des cristaux qui diffractent les rayons X suffisamment bien. Ce n'est plus nécessaire aujourd'hui grâce à ces microscopes très performants, dont l'Institut Pasteur possède un exemplaire et grâce auxquels s'est opérée « la révolution de la résolution » qui a valu à ses trois inventeurs le prix Nobel de chimie en 2019.

Nous sommes donc aujourd'hui à un moment-clef de l'étude de ces virus. La structure de la protéine de spicule du nouveau coronavirus a déjà été déterminée grâce à cette méthode. Plus globalement, les recherches menées dans ce domaine nous permettent de mieux comprendre certaines zones des protéines d'enveloppe, qui jouent un rôle important dans l'interaction avec les récepteurs, et de mieux les cibler, pour développer des antiviraux. Elles nous permettent d'autre part d'étudier chez les patients les anticorps capables de neutraliser le virus, d'analyser la manière dont ils se fixent sur le virus et quelles sont leurs interactions avec les épitopes.

Grâce à la vaccinologie inverse ( reverse vaccinology ), on peut ainsi, en faisant l'ingénierie des protéines, cibler les bons épitopes afin d'éviter d'induire des anticorps non voulus. Cette technique est particulièrement intéressante dans le cas de la dengue, car le fait de savoir comment les anticorps interagissent avec ces structures de surface, nous a permis de comprendre ce qui se passait avec les différents sérotypes, et pourquoi certains induisaient des anticorps qui n'étaient pas neutralisants mais au contraire aggravants.

On s'est ainsi aperçu que la dengue était un virus moins bien structuré que les autres et qui présentait des régions qui, normalement, sont enfouies et ne devraient pas être visibles. Parmi ces régions, se trouve une région appelée peptide de fusion, indispensable à la fusion des membranes et très immunogénique, c'est-à-dire qu'elle induit la production de nombreux anticorps ciblés sur cet épitope. Lors d'une nouvelle infection par un virus de sérotype différent, c'est cet endroit qui va être reconnu, or nous savons maintenant que, pour neutraliser une particule virale, il faut un nombre suffisant d'anticorps, qui recouvrent la particule de façon homogène. Si bien que, dans les cas d'infection secondaire par le virus de la dengue, les anticorps ne se fixant que sur les peptides de fusion exposés, non seulement ils ne suffisent pas à neutraliser le virus, mais cela va permettre à ce dernier de pénétrer dans les cellules munies d'un récepteur destiné aux anticorps qui y sont accrochés. Dans ces conditions, l'anticorps devient en quelque sorte un drapeau signalant au virus les cellules du système immunitaire à infecter, ce qui lui permet de se multiplier de façon beaucoup plus importante. Nos recherches actuelles tendent donc, à partir de ces études de structure, à stabiliser ces peptides de fusion pour trouver la réponse immunitaire appropriée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.