Intervention de Pr Frédéric Tangy

Réunion du lundi 24 février 2020 à 17h15
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Pr Frédéric Tangy, professeur et chef du laboratoire d'innovation vaccinale à l'Institut Pasteur :

Je travaille, pour ce qui me concerne, sur la recherche vaccinale, activité historique de l'Institut Pasteur. Nous avons actuellement un vaccin contre le chikungunya en phase 3 d'essais cliniques, c'est-à-dire très avancé, qui pourrait être mis sur le marché d'ici deux ans. Nous progressons également sur le vaccin contre le Zika. Pour la dengue, cela est plus compliqué du fait de l'existence de quatre sérotypes de virus.

Tous ces virus sont des flavivirus, transmis par les moustiques Aedes aegypti ou Aedes albopictus et appartenant à la famille des arbovirus, de l'anglais Arthropod-Borne viruses, c'est-à-dire des virus transmis par les arthropodes.

Pour en revenir à la dengue, du fait de l'existence des quatre sérotypes, il est quasiment impossible de savoir lequel de ces virus circulera à tel ou tel moment, d'autant que plusieurs sérotypes peuvent circuler en même temps, cette circulation simultanée connaissant d'ailleurs actuellement une recrudescence, ce qui s'explique probablement par le réchauffement climatique, la multiplication des échanges mondiaux et l'augmentation de la population de moustiques.

Il n'y a pas de croisement sérologique possible entre les différents flavivirus, qui incluent notamment la fièvre jaune et l'encéphalite japonaise, c'est-à-dire que les anticorps efficaces contre les uns ne protègent pas contre les autres. C'est également le cas pour les quatre sérotypes de la dengue, avec cette circonstance aggravante que les anticorps peuvent être non seulement non protecteurs mais facilitants.

En effet, en simplifiant, le corps, lorsqu'il est atteint par un virus, fabrique des anticorps neutralisants, dont il conserve la mémoire à long terme et qui pourront être rappelés lors d'une infection secondaire, sachant que le niveau d'anticorps neutralisants est corrélé avec la protection contre l'infection. Dans le cas d'une infection par la dengue – qui peut être asymptomatique –, vous allez développer des anticorps contre un premier sérotype : si, par la suite, vous êtes infecté par un deuxième sérotype, vos anticorps non protecteurs et facilitants peuvent augmenter la gravité de la maladie. C'est ce qu'on appelle l'ADE, pour Antibody-dependant enhancement, phénomène mis à jour il y a une vingtaine d'années et qui désigne une augmentation de l'infection due aux anticorps. Ces derniers n'empêchent ni la pénétration du virus dans l'organisme ni sa décapsidation, et le virus va ainsi pouvoir se lier aux monocytes, aux macrophages, aux cellules dendritiques, et aggraver la pathologie.

Dans ces conditions, la seule solution vaccinale est celle du vaccin tétravalent, qui agit contre les quatre sérotypes, sachant que l'on envisage de plus en plus un vaccin à beaucoup plus large spectre, qui couvre par exemple les virus du Zika et du chikungunya. Cela étant, la mise au point de ces vaccins combinés est longue et difficile.

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