Mme Eléonore Caroit attire l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les activités d'orpaillage illégal en Guyane ainsi que sur leurs conséquences environnementales et sanitaires sur le fleuve Maroni. Le fleuve Maroni n'est pas une simple frontière délimitant le Suriname de la Guyane, mais une véritable artère centrale de la vie économique et sociale locale qui rassemble un écosystème extrêmement riche. Or ce sont en moyenne dix tonnes d'or qui sont exploitées illégalement chaque année sur le versant français du Maroni. L'utilisation massive de mercure et de cyanure, nécessaire à l'extraction de l'or entraîne une pollution importante à la fois des sols et de l'eau. Cette pollution prive les habitants de l'accès à l'eau potable et provoque une asphyxie de la faune aquatique - un élément important de l'économie locale. À cela s'ajoute également l'impact social et sanitaire de la présence des garimpeiros (chercheurs d'or clandestins) qui alimente des réseaux criminels. La pérennité écologique du fleuve et la santé des habitants est aujourd'hui largement menacée par les activités d'orpaillage illégal. L'interconnexion territoriale des activités d'orpaillage illégal entre le département français et le territoire surinamais justifie de l'urgence d'une action conjointe de la France et du Suriname. Dans ce contexte, elle lui demande de quelle manière la France entend lutter contre le développement de l'orpaillage illégal sur le fleuve Maroni, en collaboration avec le Suriname, afin de limiter les conséquences environnementales, économiques et sociales de cette activité.
L'orpaillage illégal est la source d'atteintes graves à l'environnement et à la sécurité de nos compatriotes de Guyane. Cette activité criminelle conduit à la dégradation significative du patrimoine environnemental amazonien et menace la santé des populations du fait de l'usage du mercure et du cyanure qui sont à l'origine de catastrophes écologiques dramatiques. A notre demande, des barges d'orpaillage ont été détruites par les autorités surinamaises lors d'importantes opérations sur le Maroni et la Lawa à l'automne 2022. La mort de deux soldats français en mai dernier dans la lutte contre ce phénomène criminel nous conduit à accroître encore nos réponses à ce fléau, en coopération avec le Suriname. A la demande du Président de la République à l'occasion de son déplacement en Guyane en 2017, l'Etat a mobilisé des moyens accrus dans la lutte contre l'orpaillage illégal et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères y a pris toute sa part. Tout d'abord, nous avons considérablement renforcé notre dialogue politique avec les autorités surinamaises. Le Président de la République s'est entretenu avec le président Chandrikapersad Santokhi en marge du sommet UE-CELAC des 17 et 18 juillet, une première entre un président français et un président surinamais, afin de marquer notre volonté de renforcer notre partenariat bilatéral pour répondre ensemble aux enjeux sécuritaires et environnementaux communs. Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, s'est rendu au Suriname, le 30 septembre 2022, afin de donner une nouvelle impulsion en matière de coopération judiciaire. A cet égard, l'accord d'entraide judiciaire en matière pénale signé en 2021 avec le Suriname nous donne un cadre pour faciliter la lutte contre les trafics et l'orpaillage illégal. La France a également négocié et conclu avec le Suriname en mars 2021 un accord frontalier historique, mettant fin à plus d'un siècle d'incertitudes sur le tracé de notre frontière sur les trois premières sections (Maroni et Lawa). Il s'agissait d'une étape indispensable, sans laquelle aucune coopération sécuritaire et transfrontalière n'était possible. Par ailleurs, notre mobilisation a permis d'obtenir l'entrée en vigueur le 1er octobre 2022 de l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière de police, signé en 2006. Nous devons à présent mettre en place des patrouilles conjointes terrestres de part et d'autre de la frontière pour montrer que cette coopération est effective. En lien avec les actions menées dans le cadre de l'opération HARPIE de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, ces patrouilles visent à contrer les trafics clandestins sur le fleuve et à frapper la logistique des orpailleurs illégaux. C'est un élément essentiel dans la lutte contre l'orpaillage. Pour accompagner le renforcement de notre coopération sécuritaire et de défense, les effectifs de notre ambassade au Suriname ont significativement augmenté. Elle accueille, depuis le début de l'année, un nouvel attaché de sécurité pour la coopération policière. Elle accueillera également à partir du 1er août 2023 une mission de défense. Un autre axe important de notre action est l'accompagnement du Suriname, dans ses réflexions pour adapter et compléter son cadre législatif sur l'extraction minière, notamment à travers l'échange d'expertise. A cet égard, l'Assemblée nationale du Suriname a réalisé, le 27 mars 2023, une audition d'experts français au sujet de la lutte contre l'orpaillage illégal. Nous souhaitons aller plus loin, en particulier en accompagnant le gouvernement surinamais dans la mise en œuvre de la convention de Minamata sur le mercure. A cet effet, nous avons accru notre coopération technique, notamment en redynamisant le Conseil du fleuve et en encourageant le développement de projets innovants, tels que l'initiative BioPlateaux de l'Office international de l'eau visant à promouvoir une meilleure gestion des déchets. Nous nous appliquons également à renforcer la coopération entre les ministères de la Santé français et surinamais avec l'objectif d'aboutir à un accord portant sur la contamination aux métaux lourds, véritable fléau sanitaire, notamment chez les populations amérindiennes. Notre plan d'action contre l'orpaillage illégal dépasse le cadre strictement bilatéral. Il vise à inclure l'ensemble de la région du plateau des Guyanes qui affronte des défis sécuritaires communs. C'est pourquoi nous avons lancé à l'été 2021 un dialogue stratégique en format « plateau des Guyanes », incluant la France, le Guyana, le Suriname et le Brésil. Les autorités du Suriname ont accueilli avec succès la deuxième édition de ce dialogue du 24 au 25 novembre 2022 et le Guyana devrait organiser la prochaine édition en 2024. Le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) accompagne également, sur subvention, un projet d'appui à l'abandon progressif de l'usage du mercure dans la région (Guyane française, Suriname, Guyana) mené par WWF France. Dans le cadre de la commission mixte transfrontalière franco-brésilienne qui s'est tenue à Cayenne les 3 et 4 juillet, l'ensemble de ces sujets ont été traités et les autorités brésiliennes nous ont assurés que la lutte contre l'orpaillage illégal constituait une priorité pour le président Lula. Nous travaillons également avec le Guyana pour qu'il puisse adapter sa législation sur l'usage du mercure, afin d'endiguer sa propagation jusqu'à la frontière franco-surinamaise. Toutes ces actions démontrent la priorité attachée par la France à la lutte contre l'orpaillage illégal, qui nous a conduits à développer une coopération régionale de haut niveau pour un meilleur rendement opérationnel. Le renforcement de nos liens stratégiques et de notre soutien aux partenaires constituent les piliers de notre action sur le plateau des Guyanes.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.