M. Laurent Jacobelli interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la valorisation des métiers des personnels de surveillance. En effet, pour répondre aux problématiques de recrutement et de fidélisation des personnels pénitentiaires, deux solutions principales sont évoquées. La première consiste à permettre le recrutement de surveillants pénitentiaires adjoints contractuels. La deuxième consiste à passer les personnels du corps d'encadrement et d'application de la catégorie C à la catégorie B, ainsi que le corps de commandement de la catégorie B à la catégorie A. Or des mesures similaires ont déjà été prises pour les fonctionnaires de police et de la gendarmerie, sans que leur impact sur la fidélisation ne soit probant. La police nationale et la gendarmerie comptaient 6 000 départs de personnels en 2022. En quatre ans, la police nationale a perdu plus de 10 000 agents et plus de 15 000 pour la gendarmerie. Face à ce constat, les principaux syndicats pénitentiaires dénoncent une réforme « prêt à porter », qui ne résoudra pas les problèmes que rencontrent actuellement leurs corps de métier. Ils proposent quant à eux un contre-projet de corps en deux grades, avec des grilles prenant en compte les nécessaires augmentations de rémunération. Il souhaite donc connaître les raisons qui le poussent à croire que la réforme proposée par son ministère portera des effets plus positifs pour le personnel de surveillance que son équivalent pour la police nationale et la gendarmerie.
La réforme statutaire du corps de surveillance est la marque de reconnaissance du métier de surveillant, parmi les plus difficiles à exercer dans la fonction publique de l'État du fait, notamment, d'une confrontation permanente des personnels à des situations humaines complexes, empreintes de violence. La direction de l'administration pénitentiaire porte ainsi un projet ambitieux de revalorisation statutaire et indemnitaire de l'ensemble des corps de la filière de surveillance, et en parallèle, la création d'un statut de surveillant-adjoint contractuel. L'effort budgétaire réalisé est à souligner : plus de 100 millions d'euros (dont 47,2 millions d'euros pour l'année 2024) sont, en effet, consacrés à la réforme complète de la filière de surveillance et des corps de direction (DPIP et DSP). Au terme des annonces du ministre de la Justice, garde des Sceaux, et du ministre de la transformation et de la fonction publiques le 21 février 2023 à l'ENAP, cette réforme de la filière de surveillance de l'administration pénitentiaire sera effective au 1er janvier 2024. Le corps d'encadrement et d'application bénéficiera d'un passage vers la catégorie B, permettant de reconnaître et valoriser la diversité des missions du corps pour les 28 000 agents qui le composent. Le principe d'un corps en trois grades a été arbitré afin de conserver la structuration actuelle et de donner plus de perspectives d'évolutions de carrière aux agents : le premier grade sera ainsi composé des surveillants et surveillants-brigadier pénitentiaires ; le deuxième grade des brigadiers-chefs pénitentiaires et le troisième grade des majors pénitentiaires. Ce corps d'encadrement et d'application est réparti en deux filières : la filière encadrement et la filière expertise. Cette organisation rend possible une reconnaissance des missions des spécialistes, regroupés dans ce corps, au sein de la filière expertise. En effet, la filière expertise permet de reconnaître la diversité des missions exercées par les surveillants au sein des établissements pénitentiaires mais aussi hors les murs (équipes de sécurité pénitentiaire par exemple). Si le passage entre l'une et l'autre filière restera possible au cours de la carrière professionnelle de l'agent, les modalités d'avancement ne seront toutefois pas identiques. Les premiers surveillants actuellement en poste bénéficieront, par ailleurs, d'un plan de promotion exceptionnel au grade de major entre 2024 et 2026. Le pyramidage dans le corps a été très largement revu à la hausse pour atteindre la cible 60 % - 25 % - 15 % respectivement dans les 1er, 2ème et 3ème grades (contre aujourd'hui 92 % - 7 % - 1 %). Il devrait permettre de réaliser plus de 11 000 promotions au deuxième grade et plus de 4 500 promotions au troisième grade sur la période 2024-2028. Sur le plan indiciaire, les agents des trois grades bénéficieront de grilles nettement revalorisées. Par ailleurs, cette réforme s'accompagne parallèlement d'une revalorisation indemnitaire (l'ICP sera progressivement augmentée pour atteindre 3 835 € bruts annuels au 1er janvier 2026). La réforme du corps de commandement vise, quant à elle, à unifier et revaloriser toute la chaîne de commandement. Sur le plan statutaire, à compter du 1er janvier 2024, un nouveau corps de commandement de catégorie A regroupera le corps de chef des services pénitentiaires (CSP) et l'actuel corps de commandement de catégorie B (lieutenants-capitaines et commandants). Les commandants actuels bénéficieront d'un droit d'option d'un an afin de choisir ou non d'intégrer le nouveau corps de commandement. Ce corps sera composé de trois grades : les capitaines pénitentiaires, les commandants pénitentiaires et le troisième grade des commandants divisionnaires pénitentiaires. La fusion du corps des officiers et du corps des chefs des services pénitentiaires nécessitait, en effet, de penser l'architecture du nouveau corps de commandement en cohérence avec celle du corps des CSP (déjà corps de catégorie A). Le pyramidage dans le corps a été réévalué pour atteindre la cible de 85 % - 10 % - 5 % respectivement dans les 1er, 2ème et 3ème grades au 1er janvier 2027. Des modalités transitoires d'avancement vers la classe ou grade supérieur sont fixées dans le décret afin de faciliter l'atteinte du pyramidage cible. Les indices sommitaux des 1er, 2ème et 3ème grade ont été très largement réévalués pour atteindre notamment dans le dernier grade la hors échelle A. Sur le plan indemnitaire, ce nouveau corps bénéficiera également d'une revalorisation de l'IFO (Indemnité de fonction et d'objectifs). Concernant le statut des surveillants adjoints contractuels, le recrutement de ces agents est rendu possible suite au vote de l'article 43 du projet de loi de programmation justice en octobre 2023. Ces derniers ont vocation à assurer des missions d'appui et d'accompagnement des personnels du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance qui seront précisées dans un décret en Conseil d'Etat. Ces missions sont définies en concertation avec les organisations syndicales. Placés sous la responsabilité hiérarchique des chefs d'établissement, ils seront recrutés pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. Après un an d'exercice, ils auront accès à une voie réservée pour passer le concours de surveillant pénitentiaire. Ils devront être âgés d'au moins dix-huit ans et de moins de trente ans et être titulaires d'un diplôme au moins de niveau 3 (brevet des collèges ou diplôme équivalent). Ce nouveau statut permet donc à la direction de l'administration pénitentiaire de continuer à recruter des agents qui n'ont pas le baccalauréat. C'est en effet ce niveau de diplôme qui sera requis à partir du 1er janvier 2025 pour intégrer le corps d'encadrement et d'application, désormais corps de catégorie B. Enfin, ces réformes historiques seront soutenues par un plan de communication offensif et une adaptation de l'organisation de l'ENAP.
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