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Laure Lavalette
Question N° 983 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 30 août 2022

Mme Laure Lavalette interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la surveillance des familles de djihadistes français de retour en France. Mme la députée souhaite avant tout rappeler qu'il n'existe pas, dans le droit français, d'obligation pour les autorités françaises de juger et rapatrier les nationaux. Cela est rendu possible grâce au mécanisme de la personnalité active prenant comme critère la nationalité de l'auteur de l'infraction. L'article 113-13 du code pénal prévoit notamment la possibilité pour les juridictions françaises, de juger les infractions commises par un Français à l'étranger en matière de terrorisme. Mais il s'agit bien d'une possibilité et non d'une obligation. Le choix du retour des djihadistes français relève donc d'un choix politique et non d'une obligation juridique. Idem pour le rapatriement qui relève de négociations diplomatiques et non d'une procédure purement juridique puisqu'il ne s'agit pas d'une procédure d'extradition ni d'une expulsion. Il en va de même pour les familles de djihadistes. Le 5 juillet 2022, un groupe de 35 enfants et de 16 femmes de djihadistes a été rapatrié sur le territoire national. Huit femmes ont alors été placées en garde à vue en exécution d'un mandat de recherche ainsi qu'un mineur. Les autres enfants ont été pris en charge dans le cadre de procédures éducatives. Ce groupe s'ajoute aux 126 enfants dont les parents avaient rejoint des territoires repris à l'État islamique et déjà rapatriés en France depuis 2016. Il faut rappeler qu'en 2019, près de sept Français sur dix étaient opposé au retour des enfants djihadistes d'après un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour Franceinfo et Le Figaro. La question du rapatriement des familles est une question dont devraient pouvoir se saisir les citoyens et faire débat au sein des institutions parlementaires. Or cela n'est pas le cas. La pétition lancée par Damoclès contre le retour des djihadistes en France a d'ores et déjà collecté 233 813 signatures et prouve, là encore, que les Français se mobilisent contre ces retours. Cette mobilisation est parfaitement légitime puisqu'il en va de la sécurité commune des Français. Mme la députée rappelle qu'il existe, pour les Français de retour en France mais ne faisant pas l'objet de poursuites ni de condamnations pénales, un système de surveillance et de contrôle administratif renforcé. Ainsi, le ministre de l'intérieur peut prononcer diverses mesures telles qu'une obligation de déclaration de domicile ou une interdiction de fréquentation selon l'article L. 225-3 du code de sécurité intérieure. Il peut également demander une assignation à résidence ou une obligation de présentation aux services de police ou de gendarmerie selon l'article L. 225-2 du même code. Parce que les Français, qui n'ont pas la possibilité de se prononcer dans le débat public sur ces retours, s'inquiètent pour leur sécurité, un retour des autorités concernant les mécanismes de surveillance pour les familles de djihadistes serait un minimum. Elle l'interroge donc sur les mécanismes de surveillance mis en place pour les familles de djihadistes de retour sur le territoire national.

Réponse émise le 21 mars 2023

La décision de procéder aux rapatriements de femmes et d'enfants depuis la Syrie repose sur des considérations tant humanitaires que sécuritaires. La condition des enfants constitue une priorité pour le Gouvernement. Dans la mesure où les enfants présents dans les camps du Nord-Est syrien évoluent dans un environnement sécuritaire et sanitaire particulièrement dégradé, leur retour en France est nécessaire. Il est donc procédé à leur rapatriement autant que possible. Antérieurement aux opérations menées depuis le 5 juillet 2022, qui ont conduit au retour de 110 mineurs et 46 femmes, 4 opérations avaient déjà permis le rapatriement de 35 autres enfants. Seuls pouvaient alors être rapatriés les enfants en détresse humanitaire, orphelins, mineurs isolés ou dont les parents avaient donné leur accord pour les laisser partir seuls. En cohérence avec l'action défendue par le Gouvernement, cette doctrine a évolué. A leur arrivée sur le territoire national, ceux-ci bénéficient d'une prise en charge adaptée. Un dispositif spécifique a en effet été mis en oeuvre en 2018 pour assurer l'accueil et l'accompagnement de l'ensemble des mineurs de retour d'une zone d'opérations de groupements terroristes. Celui-ci s'appuie sur le droit commun de la protection à l'enfance et permet une coopération renforcée entre l'ensemble des acteurs chargés de leur suivi. D'une grande robustesse, il n'a eu de cesse de se renforcer ces dernières années. Sur le plan règlementaire, ces évolutions se sont traduites par l'émission d'une nouvelle circulaire interministérielle le 21 avril dernier, qui vient se substituer à deux précédentes instructions (23 mars 2017 et 23 février 2018). A ce jour, plus de 200 enfants font ainsi l'objet d'un accompagnement spécifique, dont les résultats s'avèrent particulièrement encourageants. La dégradation du contexte sécuritaire en zone syro-irakienne a également plaidé en faveur d'une évolution doctrinale en matière de rapatriement. L'Etat islamique (EI) s'efforce en effet de pérenniser son implantation dans cette zone et de reconstituer clandestinement ses capacités opérationnelles. Or, la France comptabilise aujourd'hui plus de 200 individus de nationalité française, ou résidents en France, de plus de 13 ans, détenus sur zone, principalement dans les camps et prisons du Nord-Est syrien. Le contexte actuel nourrit par conséquent une forme d'imprévisibilité quant à leur devenir sur zone. Le risque d'évasion et de dissémination de ces individus n'en est que plus prégnant. Les femmes rapatriées dans le cadre des dernières opérations ont été systématiquement remises aux autorités judiciaires dès leur arrivée sur le sol français afin qu'elles répondent de leurs actes. Toutes ces femmes sont poursuivies pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Cette infraction permet de punir l'appartenance à une organisation terroriste sur zone, sans qu'il soit nécessaire de démontrer la fonction occupée ou le rôle joué en son sein. Jusqu'en 2015, les retournées du jihad syro-irakien étaient jugés dans le cadre correctionnel et encouraient des peines d'emprisonnement inférieures à dix ans. Aujourd'hui, tous les individus présents sur zone sont suivis dans un cadre criminel et encourent des peines plus lourdes.

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