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André Chassaigne
Question N° 9800 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 11 juillet 2023

M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'urgence à faire évoluer la réglementation des boisements. Dans le périmètre de boisement réglementé, la distance de recul d'une plantation est généralement portée à 3 mètres par rapport à l'emprise des routes départementales et des chemins communaux et ruraux. Elle peut être de 50 à 150 m par rapport aux habitations, hameaux et villages et de 6 m par rapport à la limite des fonds voisins non boisés et par rapport aux rives des ruisseaux. Il est cependant rare que des sanctions soient prises contre les contrevenants. Dans le périmètre à boisement libre, aucune restriction ne peut être prescrite, les distances de plantation des fonds voisins étant celles prévues par l'article 671 du code civil, à savoir seulement 2 mètres pour les plantations qui dépasseront 2 mètres de haut. Les conséquences pour l'habitat existant sont particulièrement traumatisantes pour les personnes qui résident à l'intérieur de ce périmètre : fermeture du paysage, difficultés de circulation, crainte d'incendies impactant les habitations et disparition de toute activité agricole. La réglementation des boisements peut également classer des parcelles en boisement libre dans un sous-périmètre à reconquérir. Sans valeur réglementaire, ce classement est rarement opérationnel, d'autant plus que les demandes de défrichement concernant « les zones à reconquérir » doivent faire l'objet d'une « compensation » qui se fait au détriment de l'activité agricole. Cette exigence de compensation aggrave la déprise agricole qui frappe déjà les territoires concernés et s'oppose aux politiques conduites par les collectivités locales. De plus, en cas de coupe rase, l'interdiction de reboisement instauré par des périmètres « interdits après coupe rase » n'est possible que dans les massifs forestiers inférieurs à 4 ha. Dans les massifs forestiers supérieurs à 4 ha, le reboisement est totalement libre avec la seule application des règles du code civil. La prise en compte de la gêne du boisement pour l'habitat ne peut donc se faire que par un classement en zone à reconquérir, donc sans effet immédiat et avec une concrétisation très hypothétique au regard des contraintes. M. le député demande que soit mise à l'étude une modification du code civil permettant d'assurer une protection de l'habitat existant dans le périmètre à boisement libre, au regard notamment des risques accrus d'incendie, liés au réchauffement climatique. Il demande aussi que soient pris en compte les enjeux des territoires pour maintenir l'activité agricole en n'imposant pas systématiquement des « compensations ».

Réponse émise le 7 novembre 2023

Dans les zones exposées ou particulièrement exposées aux risques d'incendie des obligations légales de débroussaillement (OLD) s'appliquent aux particuliers et aux collectivités pour ce qui concerne les bâtiments publics afin de protéger tant les habitations des feux de forêts, que les forêts des départs de feux qui ont dans neuf cas sur dix une origine humaine. Les OLD relèvent du code forestier et visent à gérer des enjeux de sécurité publique sur ces territoires. Elles justifient une politique plus encadrée juridiquement, sous le contrôle de l'État et des communes, encore récemment confortée par la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. En effet, la proximité de l'habitat avec la forêt peut constituer une gêne, voire un risque aussi bien pour la population que pour la forêt elle-même. La mise en œuvre de ces OLD impose une mise à distance des arbres vis-à-vis des constructions et des arbres entre eux (au moins trois mètres) et de réduire le sous-étage. Cela a pour effet d'ouvrir le paysage sur le sous-bois tout en conservant une partie des effets microclimatiques régulateurs de la forêt. C'est une bonne manière de concilier les enjeux d'urbanisme et de défense de la forêt contre les incendies, sans détruire la forêt. Une autre approche consiste à déboiser pour éloigner la forêt de la zone urbaine, pour peu qu'un agriculteur ou un riverain accepte d'assurer l'entretien de ces espaces sans limite de durée. Cela constituerait une contrainte qu'il ne serait pas concevable d'imposer partout en France, surtout lorsqu'il s'agit de mises à distance conséquentes. Cela ne peut relever que de dispositions particulières relevant de cadres spécifiques permettant une approche au cas par cas. Alors que le code civil règle les conditions transversales d'un bon voisinage liées à la mitoyenneté, il n'a pas pour vocation à régler des questions d'aménagement du territoire qui relèvent d'autres politiques publiques. Ainsi, la réglementation des boisements relève du code rural et de la pêche maritime (CRPM) et plus précisément de son article L. 126-1. Elle vise à « favoriser une meilleure répartition des terres entre les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature ou de loisirs et les espaces habités en milieu rural et d'assurer la préservation de milieux naturels ou de paysages remarquables ». Depuis 2005, le pilotage et la responsabilité de cette réglementation sont confiés aux conseils départementaux, charge aux communes ou aux intercommunalités demandeuses d'en fixer les règles et leur délimitation. En application de l'article R. 126-2 du CRPM, le conseil départemental peut « fixer une distance minimale avec les fonds voisins, supérieure à celle prévue à l'article 671 du code civil, pour les semis, plantations et replantations ». Il peut également interdire le reboisement après coupe rase sur des parcelles, mais si aucun agriculteur n'est intéressé à les racheter pour son activité, alors la commune peut se voir contrainte de les acheter. La réglementation des boisements s'articule avec le code forestier pour permettre d'exempter d'autorisation les défrichements prescrits par la réglementation des boisements. En dehors de ce cas, il y a lieu de demander une autorisation pour les défrichements réalisés dans des massifs boisés de plus d'un à quatre hectares, selon les départements. Son obtention est conditionnée à une compensation qui peut être réalisée sous forme de travaux de reboisement, contribuant ainsi à l'amélioration des peuplements concernés. Ces travaux de reboisement sont généralement l'option retenue par les préfets de département lorsque les taux de boisement sont importants. Ainsi, même si elle rend obligatoire la compensation des surfaces défrichées, la loi forestière préserve les terres agricoles. Elle permet une compensation par des travaux « en nature », contribuant à l'amélioration du capital productif sur d'autres espaces déjà boisés. Dans un contexte où la forêt est amenée à contribuer plus largement aux objectifs d'atténuation du changement climatique, notamment en plantant un milliard d'arbres d'ici 2032 et en préservant, voire, en augmentant sa surface boisée, les défrichements doivent rester strictement proportionnés. Aussi, il n'est pas envisagé de faire évoluer la définition du défrichement, ni le principe de la compensation.

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