M. Sébastien Chenu appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur la crise majeure que connaissent actuellement les maisons d'opéra. La crise sanitaire a frappé durement le secteur culturel, en particulier les représentations théâtrales et opéras. Maintenu sous perfusion, la crise perdure au sein du secteur de l'art lyrique. En effet, l'inflation réduit les marges de manœuvres des maisons d'opéra en répercutant la hausse du coût de l'énergie, des transports et des maintenances sur le budget de ces maisons. Initialement, elles encaissèrent le coup en augmentant leurs ressources propres (opéra au cinéma, droits télé, etc.). Désormais, le poids de l'inflation devient considérable. À cette raison conjoncturelle s'ajoute la question des subventions publiques. En France, les pouvoirs publics assurent un apport crucial aux maisons d'opéra, qui théoriquement prennent en charge leurs frais structurels. Cependant, ces maisons d'opéra subissent une baisse alarmante des subventions publiques. C'est notamment le cas des collectivités territoriales qui délaissent la gestion en direct des opéras et les confient en délégation de service public (DSP). Il s'agit pour la collectivité d'éviter tout risque économique et de contraindre la structure à une obligation de résultats, avec le risque de restreindre la diversité artistique. L'Opéra de Lyon a par exemple vu une diminution de 500 000 euros de subvention allouée par la mairie et la région. Les collectivités territoriales restent pourtant les premiers financeurs de la culture, loin devant l'État. La réduction des budgets des maisons d'opéra pénalise également les jeunes chanteurs qui, en sortant du conservatoire, ne trouvent pas de travail. Enfin, le public a modifié ses habitudes suite à la crise sanitaire. Celui-ci délaisse progressivement les formules d'abonnement et privilégie l'achat de billets à la dernière minute. Ainsi, cette pratique fragilise les maisons d'opéra qui ne peuvent plus compter sur leur trésorerie à long terme. Elles doivent faire face à une augmentation des dépenses tout en peinant à trouver des recettes pérennes. Beaucoup de maisons d'opéra se tournent vers le mécénat. Or il n'a non seulement pas joué le rôle d'amortissement escompté pendant la crise sanitaire, mais 20 % des entreprises mécènes ont réduit leurs actions. Le mécénat a ses limites, surtout en France où celui-ci demeure sous-développé en comparaison à d'autres pays. Le désengagement de la puissance publique pose de nombreux risques aux maisons d'opéra. Tout d'abord, une sélection va s'opérer parmi les maisons entre celles qui peuvent rester compétitives et d'autres qui devront fermer. De nombreux opéras doivent ralentir la fréquence de leurs représentations, à l'instar de l'Opéra de Rouen en avril-mai 2023 ou de l'Opéra du Rhin. L'annulation de nombreux spectacles et in fine l'appauvrissement de l'offre va amplifier le phénomène de désert lyrique. Pour l'année 2023, 192 représentations lyriques et symphoniques ont déjà été supprimées sur l'ensemble du territoire. Il lui demande quelles mesures vont être prises pour permettre aux maisons d'opéra de sortir de la crise et maintenir des représentations sur l'ensemble du territoire.
La musique bénéficie d'un soutien historique de la part de l'État et des collectivités territoriales et la France bénéficie aujourd'hui d'un réseau unique : 30 maisons d'opéra, 31 orchestres permanents, plusieurs centaines d'ensembles indépendants, dont plus de 400 ont été soutenus par l'État en 2022 et un réseau riche de lieux d'enseignement. Le ministère de la culture s'est mobilisé ces dernières années face à la crise sanitaire puis inflationniste pour soutenir les maisons d'opéra. Ainsi, en 2021, 30 millions d'euros ont été accordés au secteur culturel au titre du plan de relance, en faveur des opéras, orchestres, ensembles et festivals du territoire afin de favoriser la reprise du spectacle vivant et la reconquête du modèle de création français. En 2022 et 2023, le Gouvernement s'est mobilisé pour compenser l'augmentation des coûts de l'énergie via l'amortisseur électricité et l'aide guichet qui s'adressent aux petites et moyennes entreprises non éligibles au bouclier tarifaire. Les établissements publics et les structures culturelles, notamment les orchestres et les maisons d'opéras, ont ainsi bénéficié de ces aides exceptionnelles. Selon les structures, l'amortisseur a permis de diminuer les coûts de 20 à 30 %. En plus des aides transversales, le ministère de la culture a soutenu, début 2023, au titre de l'aide à l'énergie, les orchestres et les opéras à hauteur de près de 700 000 euros. Si le contexte budgétaire est peu propice à des augmentations généralisées, il est nécessaire pour les partenaires publics et les professionnels de repenser collectivement leurs missions et leurs modèles économiques. C'est dans ce sens que le plan pour la création « Mieux produire, mieux diffuser » est proposé par le ministère de la culture. Pour le secteur lyrique, il s'agit de faire face aux transformations écologiques, numériques et sociétales du 21e siècle, en s'appuyant notamment sur davantage de coopération et de sobriété. Les professionnels doivent activement s'engager sur toutes les formes de mutualisation, favoriser les coproductions ainsi que la diffusion sur des temps plus longs afin que les œuvres rencontrent davantage le public. Ainsi, le ministère a organisé cette année une série de concertations avec l'ensemble des professionnels et des partenaires pour partager un diagnostic commun de ces mutations en cours. Ce travail doit maintenant permettre de formuler des réponses collectives. Un dialogue sera engagé dans les semaines et mois à venir avec les collectivités territoriales qui financent très majoritairement les institutions lyriques en région, pour tracer avec elles des perspectives financières à moyen terme permettant d'assurer leur pérennité.
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