M. Loïc Prud'homme interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications, sur les mesures qu'il entend mettre en œuvre pour lutter contre la fracture numérique, qui génère d'importantes difficultés dans le quotidien de milliers de personnes dans le pays. M. le député souhaiterait faire part à M. le ministre d'un témoignage édifiant d'une personne de sa circonscription qu'il a reçue à sa permanence et qui a été mise dans l'impossibilité de réaliser sa déclaration de biens immobilier de manière automne du fait de la dématérialisation des services publics. Ne possédant pas d'ordinateur et ne maîtrisant pas les outils numériques, madame a contacté le centre des impôts, qui lui a indiqué qu'aucun formulaire n'existait en format papier pour réaliser cette démarche. Du fait des difficultés qu'elle rencontre pour se déplacer, elle s'est rapprochée de France services par voie téléphonique, sans parvenir à obtenir de l'aide. Ce témoignage illustre tristement les conséquences de la dématérialisation à marche forcée des services publics, qui entraîne une détérioration des conditions d'exercice de leurs droits pour des milliers de citoyens qui ne possèdent ou ne maîtrisent pas les outils du numériques. En France, le droit à un accès égal aux outils numériques et à la société de l'information n'est pas garanti pour toutes et tous. Treize millions de Françaises et de Français se déclarent aujourd'hui en difficulté avec le numérique. Des pans toujours importants du territoire national n'ont pas un accès satisfaisant aux réseaux. L'accès au numérique est inégalement réparti entre les différentes catégories sociales : les plus riches sont bien mieux dotés que les classes moyennes inférieures. Une personne sur quatre ne dispose pas d'un téléphone mobile connecté à internet. Un quart des adultes n'ont aucun poste informatique chez eux, près de la moitié n'ont pas de tablette. Le numérique représente donc une barrière financière et exclut les précaires. Ceux-ci vivent une triple peine : moindre accès à leurs droits, moindre accès à l'information, moindre accès aux qualifications exigées dans le monde du travail. Dans un rapport de 2019, le Défenseur des droits a alerté sur les risques que la transformation numérique de l'action publique fait peser pour les usagers. Tout en rappelant que la dématérialisation peut constituer un avantage pour certaines personnes et faciliter l'accès aux droits, le Défenseur des droits rappelle qu'elle présente aussi le risque d'éloigner encore davantage du service public les usagers rencontrant des difficultés avec l'utilisation des outils numériques. Ceux-ci s'en trouvent discriminés par divers facteurs : parce qu'ils n'ont pas accès aux équipements, parce qu'ils ont du mal à s'en servir, parce que leur zone est mal couverte en réseau internet, parce qu'ils maîtrisent mal la langue française. Ainsi, la dématérialisation des services public est trop souvent utilisée comme prétexte pour fermer des guichets et supprimer des personnels. Pour que le développement du numérique ne favorise pas la reproduction des inégalités préexistantes, il est impératif de préserver en parallèle le droit à bénéficier de services humains, hors du champ numérique. Cela passe par le maintien et la réinstallation de services publics de proximité qui font vivre les bourgs et permettent aux citoyens d'accéder à l'ensemble des services essentiels au plus proche de leur lieu de vie. Il l'interroge donc sur les mesures qu'il entend mettre en œuvre pour garantir des alternatives humaines aux services numériques sur l'ensemble du territoire et lutter contre la fracture numérique qui entrave l'accès aux droits de milliers de citoyens.
Monsieur le Député, La fracture numérique est un phénomène social qui peut être facteur d'inégalités dans un contexte de dématérialisation des services administratifs. En effet, la récente étude du Centre de Recherche pour l'Étude et l'Observation des Conditions de Vie (CRÉDOC) et de Centre de recherche sur l'éducation, les apprentissages et la didactique de l'Université de Rennes (CREAD) fait état de 31,5% des Français de 18 ans qui se considèrent comme éloignés du numérique. C'est pourquoi l'Etat a mobilisé 250 millions d'euros dans le cadre du Plan de Relance en 2021, afin de rapprocher le numérique du quotidien des Français qui en sont le plus éloignés. L'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires est chargée par le Gouvernement, en lien avec les collectivités territoriales mais aussi avec les entreprises et associations de l'économie sociale et solidaire, de former et de déployer 4.000 conseillers numériques partout en France. Ils accompagnent les Français dans leurs usages numériques du quotidien et permettent à chacun de se saisir des opportunités que représente le numérique, afin qu'il devienne une chance et non une fatalité. Les conseillers numériques sont mobiles : ils se déplacent sur tout le territoire, et assurent des accompagnements sur l'ensemble de nos lieux de vie (espaces publics, associatifs, culturels, centre commerciaux, etc). Ils vont à la rencontre des usagers. Leurs modalités d'actions s'adaptent aux besoins, mais l'objectif de leur intervention est unique. Les conseillers numériques sont là pour permettre à chacun d'être un utilisateur critique et autonome. Le numérique est aujourd'hui une opportunité en matière d'éducation, de santé, de citoyenneté, de développement économique et de mobilité. Les conseillers numériques sont là pour que les Français puissent s'en saisir. Leur accompagnement est pensé comme un tremplin vers l'indépendance numérique : ils ne font pas à la place de, ils forment et accompagnent ponctuellement les usagers dans une démarche progressive de montée en compétences. Aujourd'hui plus de 2 millions accompagnements ont été réalisés par les 4000 conseillers numériques, dont 61 000 en Gironde, ce qui atteste du succès du dispositif et du besoin auquel il répond. C'est pourquoi le financement du dispositif est prolongé sur trois années supplémentaires. Un engagement dégressif et pluriannuel, qui a pour vocation d'encourager des stratégies d'inclusion numérique durables à échelle territoriale qui s'appuieront sur les coalitions d'acteurs locaux impulsées par France Numérique Ensemble - la nouvelle feuille de route 2023-2027 qui porte la stratégie nationale pour l'inclusion numérique. Cette montée en compétence de l'usager se complète avec le service public de proximité proposé par 2 379 Maisons France Service déployées partout en France. Elles permettent à chaque Français de trouver, à moins d'une trentaine de minutes de son domicile, un soutien dans la réalisation de ses démarches administratives. Ce soutien, ce sont les agents conseillers France services qui l'incarnent. Formés notamment à la réalisation des démarches des 9 opérateurs du dispositif, ils accompagnent au quotidien les citoyens dans la réalisation des demandes qui cadencent la vie administrative des Français. Les agents France services garantissent ainsi un accompagnement dans l'accès au droit, en réalisant avec et surtout à la place de l'usager, sur toute la durée de leur parcours. Au-delà de ce soutien essentiel, ils sont aussi des acteurs centraux de la vie des territoires. Ils matérialisent le lien entre habitants et les offres en ligne de services médicaux-sociaux, culturelle ou associative.
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