Mme Andrée Taurinya alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'absence de saisine de l'inspection générale de la justice (IGJ) à propos d'un meurtre survenu au centre pénitentiaire de la Talaudière le 29 décembre 2022. Un jeune homme de 25 ans, Mehdi Berroukeche, a été tué par son codétenu dans des circonstances troubles. Cette question écrite fait suite à un courrier envoyé à M. le ministre resté sans réponse depuis. Une enquête pénale est actuellement en cours pour analyser le discernement de son meurtrier au moment des faits, mais divers témoignages affirment que cet acte est intervenu dans une bouffée délirante. Il « entendait des voix, cela faisait des mois qu'il appelait au secours. Il prenait de l'alcool, des médicaments, pour calmer les voix. Il ne se rappelle pas des faits, mais personne ne le croit », rapporte ainsi un article de C. Becker dans le n° 112 de la revue Dedans Dehors (avril 2023). Comme dans de nombreux cas similaires, des alertes avaient été émises par des détenus comme par les surveillants sur l'état de dangerosité de cette personne. Depuis de trop longues années, l'administration pénitentiaire éponge malgré elle les conséquences des renoncements relatifs au traitement de la santé mentale en France. La prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques - qui n'ont rien à faire en prison - y est catastrophique. La prison ne saurait être considérée comme un hôpital psychiatrique de substitution. Aujourd'hui, elle est pourtant conçue comme telle. L'affectation des détenus dans des cellules collectives est un exercice périlleux pour l'administration qui doit essayer de composer entre différents critères pour prévenir l'émergence de tension. La surpopulation carcérale endémique rend cette mission d'autant plus complexe dans les établissements pénitentiaires placés sous la responsabilité du ministre. Le personnel en sous-effectif, épuisé, peu formé, en perte de sens, n'est plus en état de prévenir ces drames lorsqu'ils surviennent, un manque de vigilance des agents devenant fatal. Selon les chiffres produits par le ministère de la justice, le quartier de semi-liberté (QSL) de la Talaudière était occupé à 85 % au mois de décembre (soit 34 places occupées sur 40). Il semblait donc possible de procéder à l'encellulement individuel de détenus à propos desquels des alertes avaient été faites quant à leur dangerosité pour eux-mêmes comme pour les autres. Entre 2018 et 2022, neuf des quatorze homicides intervenus en détention se sont produits la nuit. À Saint-Étienne, les détenus ont sonné de longues minutes aux interphones sans être pris au sérieux. Il aura fallu attendre plus de quarante minutes avant qu'une intervention soit décidée. Le mode de fonctionnement du quartier semi-liberté et l'interphonie - critiqué tant par les détenus que par les surveillants - doit être sérieusement questionné. Plus de cinq mois se sont écoulés depuis les faits, Mme la députée est surprise de constater que l'Inspection générale de la justice (IGJ) ne s'est pas emparée de ce dossier. Il est impératif qu'elle puisse enquêter sur les probables fautes de service qui ont conduit à la mort de Mehdi Berroukeche. Elle lui demande donc solennellement de bien vouloir saisir l'IGJ pour que toute la lumière soit faite sur ces évènements qui laissent la communauté pénitentiaire et les Stéphanois profondément traumatisés.
A la suite du décès de Monsieur Berroukeche survenu le 28 décembre 2022 au centre pénitentiaire de la Talaudière, une enquête a été diligentée et des actes d'instruction sont en cours, notamment s'agissant d'expertises psychiatriques à venir relatives à l'auteur du meurtre. La situation fait l'objet d'une vigilance accrue de la direction de l'administration pénitentiaire en collaboration avec l'autorité judiciaire. Le ministère de la Justice est résolument engagé dans la lutte contre les violences en milieu fermé et en milieu ouvert. Ainsi, dans la continuité de la charte interministérielle des phénomènes de violence, signée en novembre 2021 par le garde des Sceaux, le plan national de lutte contre les violences en milieu carcéral (PNLV) décline cent mesures concrètes permettant d'agir sur les pratiques quotidiennes afin de prévenir toutes les formes d'agression. Ce plan se caractérise notamment par une meilleure formation des personnels à mieux prévenir et gérer les incidents. Les personnes détenues sont également impliquées dans cette politique pénale nationale via le dispositif du « codétenu accompagnant ». Ce dispositif consiste à mettre en relation une personne détenue arrivant dans un nouveau secteur avec l'un de ses pairs. Le ministère de la Justice finalise avec le ministère de la santé et de la prévention une feuille de route Santé-Justice 2023-2027 qui comprend plusieurs actions relatives à la santé mentale des détenus. Le développement des unités hospitalières spécialement aménagées, (UHSA), accueillent des détenus souffrant de troubles psychologiques qui nécessitent une hospitalisation avec ou sans consentement, se poursuit également. Neuf UHSA ont été mises en service depuis 2010 qui permettent de disposer d'une capacité d'accueil de 440 places. Une nouvelle phase de construction est prévue avec 3 futures UHSA qui seront implantées en région Normandie, Occitanie et en Ile-de- France. Enfin, les assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont tenues en septembre 2021 ont mis en lumière les difficultés globales de prise en charge des troubles et maladies psychiatriques en France. Le ministère de la Justice suit avec attention les travaux menés par le ministère de la santé et de la prévention.
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