Mme Martine Etienne alerte Mme la Première ministre sur l'annulation de l'agrément à l'association Anticor. La décision du tribunal administratif du 23 juin 2023 est un terrible coup porté à la démocratie et aux libertés associatives. Elle met en péril les efforts conséquents d'Anticor pour combattre la corruption en France. Sous-estimée, la corruption reste un phénomène systémique en France qui mine le quotidien des citoyens. Empêcher les citoyens de lutter contre ses effets délétères avec les armes du droit, c'est accentuer une tendance mortifère pour la démocratie. Pire, cette annulation est rétroactive et menace par conséquent une vingtaine d'instructions dans lesquelles Anticor avait justement initié l'ouverture d'une instruction judiciaire en se portant partie civile au nom des Français, comme les dossiers Sylvie Goulard et Alstom. La lutte contre la corruption portée par Anticor est indispensable, historique et essentielle pour la démocratie française. Rendre l'agrément à l'association, c'est permettre la lutte contre l'impunité des délinquants en col blanc et de reconnaître simplement l'intérêt à porter une affaire de corruption en justice. Confirmer l'annulation est une faute politique qui encourage les corrompus et poursuit la destruction des contre-pouvoirs. Mme la Première ministre a été saisie d'une nouvelle demande d'agrément par Anticor. Plus elle laissera le temps s'écouler, plus le soupçon d'une corruption tolérée par le pouvoir augmentera. Pour autant, il faut retirer au Gouvernement ce pouvoir d'agrément arbitraire, qui n'a pas lieu d'être dans un état de droit fort de ses contre-pouvoirs, et le confier à une autorité indépendante du pouvoir. Elle souhaite connaître sa position sur ce sujet.
Les associations qui proposent par leurs statuts de lutter contre la corruption doivent être agréées par le garde des sceaux, ministre de la justice, afin d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne certaines infractions financières. Cet agrément a été institué par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière afin de concilier le souci d'éviter des plaintes avec constitution de partie civile abusives d'une part, et le contentieux judiciaire généré sur ces constitutions qui était de nature à rallonger la durée des informations judiciaires d'autre part. Le législateur a prévu que pour prétendre à cet agrément, ces associations devaient remplir des conditions impératives : être déclarées depuis au moins cinq ans ; lutter activement contre la corruption ; compter un nombre suffisant de membres ; justifier du caractère désintéressé et indépendant de leurs activités ; avoir un fonctionnement régulier. La Première ministre considère que le ministère de la justice est le mieux placé pour apprécier qui doit accéder au prétoire du juge judiciaire. A cet égard, elle précise que la délivrance d'agréments à des associations pour agir en justice en application des dispositions du code de procédure pénale relève toujours du ministre de la justice, quel que soit l'objet de l'association concernée. Le rôle de la HATVP est très différent. Celle-ci a pour vocation de garantir la parfaite transparence de la vie publique et la probité des différents acteurs de la vie publique. La mission consistant à s'assurer de la capacité des associations à agir en justice est d'un tout autre ordre. Enfin, la Première ministre rappelle que la décision du ministre de la justice portant délivrance ou refus de délivrance d'un agrément à une association est placée sous le contrôle du juge administratif. Aussi, la Première ministre précise qu'à ce jour, le Gouvernement n'envisage pas de modifier cette procédure qui est équilibrée et pertinente. Par un arrêté du 2 avril 2021, l'agrément de l'association ANTICOR a été renouvelé par M. Jean Castex, alors Premier ministre, en application du décret de déport du garde des sceaux. Le 23 juin 2023, le tribunal administratif de Paris, saisi le 2 juin 2021 par des membres ou anciens membres de l'association ANTICOR, a annulé l'arrêté au motif qu'il avait été tenu compte de simples engagements de l'association pour estimer qu'elle remplissait deux des conditions de délivrance de l'agrément. L'association ANTICOR a annoncé avoir immédiatement fait appel de la décision du tribunal administratif et a formé une nouvelle demande d'agrément. S'il ne revient pas à la Première ministre de commenter cette décision de justice, elle précise que dès réception de la demande d'un nouvel agrément, elle a, dans le cadre du déport du garde des sceaux, transmis celle-ci aux services compétents du ministère de la Justice (secrétariat général et direction des affaires criminelles et des grâces). Cette demande est en cours d'instruction dans le délai de quatre mois imparti par les textes. Sur les effets de l'annulation, la perte de son agrément par l'association ANTICOR, l'empêche seulement d'exercer les droits reconnus à la partie civile, ce qui sera apprécié, pour chacun des dossiers concernés, au jour où la décision de justice interviendra. La Première ministre souligne toutefois que les procédures pénales concernées ne sont pas remises en cause si l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public, ce qui est le cas dans la très grande majorité d'entre elles. La Première ministre tient enfin à assurer de la détermination du Gouvernement à lutter contre la corruption, sous toutes ses formes.
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