M. Christophe Bentz appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le rapport de la Cour des comptes du 22 mai 2023 qui préconise la baisse des aides allouées à l'élevage dans un but écologique. Les élus agricoles des chambres d'agriculture de l'Aube et de la Haute-Marne ont récemment fait part de leurs inquiétudes face aux principales conclusions du rapport, qui ne reflètent en rien les enjeux de l'élevage. Si, effectivement, la Cour des comptes doit s'interroger sur la bonne utilisation des fonds publics destinés à l'élevage, ces élus s'interrogent sur l'imputation aux éleveurs d'une éventuelle mauvaise utilisation. Ses conclusions découragent ceux qui disposent d'exploitations bien structurées grâce à des années d'efforts d'investissement et de rationalisation. À l'heure des débats sur la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations, les conclusions découragent aussi les vocations dans un secteur agricole qui manque de bras. L'élevage présente de plus un grand intérêt environnemental. Les vaches sont en pâture et les prairies constituent des puits de stockage de carbone, des réservoirs de vie qui contribuent à compenser les impacts des émissions de méthane entérique des ruminants. L'élevage contribue en outre fortement au maintien de la biodiversité, des éléments paysagers structurants et des zones humides. La filière prend aussi sa part dans la décarbonation car la profession agricole ne reste pas inactive pour abaisser l'impact-carbone de son activité. Engagée à travers des actions telles que Carbon Agri, elle porte l'ambition d'atteindre les enjeux de la stratégie nationale bas-carbone tout en maintenant son potentiel productif. Chacune de ces actions traite de manière systémique les enjeux de l'eau, de la biodiversité, du carbone tout en cherchant l'adaptation au changement climatique. Elles combinent des conseils techniques et des actions d'animation, de communication et de contribution au dialogue avec les acteurs des territoires. La filière bovine ne produit que 11 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Par ailleurs, l'élevage nourrit les Français. Les consommateurs, malgré des campagnes anti-viande agressives, ne font pas le choix de diminuer leur consommation de produits carnés. Actuellement, la quantité de viande consommée s'élève, toutes catégories confondues, à 85 kilogrammes par an et par habitant. La viande bovine fournit moins de 25 kilogrammes par an et par habitant, soit moins que les 500 grammes de viande rouge recommandés par semaine et par habitant. Pourtant, il est aujourd'hui acquis que la régression des cheptels bovins est bien engagée (baisse de 837 000 vaches en six ans à l'échelle nationale) et qu'elle se traduit actuellement par une hausse des importations de viande (plus 20 % en un an). Or comme le préconise le rapport, une accélération de la baisse de la production nationale de viande engendrerait un recours accru aux importations de produits qui ne respectent pas les pratiques et les normes françaises. Les émissions de GES baisseraient sur le territoire français, mais l'empreinte carbone (qui comprend les GES importés) ne diminuerait pas. L'objectif recherché ne serait donc pas atteint, mais la dégradation de l'économie des filières agricoles serait en revanche réelle. Dans les régions françaises, les systèmes d'élevages associent cultures et élevages, en particulier grâce à la polyculture-élevage. À ce titre, ils sont reconnus pour leurs bénéfices. À l'échelle de la Haute-Marne, cela concerne environ 1 150 exploitations d'élevages sur 1 600 (soit 75 % du total des exploitations). La profession agricole a compris les défis auxquels elle doit s'atteler pour trouver le meilleur assemblage possible entre les différentes productions et adapter les pratiques avec, à chaque fois, des compromis qui exigent des choix dont les résultats s'apprécient sur le temps long. C'est pourquoi M. le député souhaite savoir si la Cour des comptes connaît la filière bovine avec ses hommes et ses femmes qui la construisent de manière vertueuse en répondant à des attentes sociétales. Il souhaite également savoir si l'État entend ne pas tenir compte de ces préconisations, mais soutenir ses éleveurs afin de garantir la souveraineté alimentaire des Français.
Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a tenu à faire savoir qu'il était pleinement conscient du sentiment d'incompréhension et d'exaspération que cette publication a soulevée au sein du monde agricole, et plus particulièrement chez les éleveurs. Il a ainsi rappelé son soutien en s'exprimant publiquement à ce sujet devant la représentation nationale. En cette occasion, il a rappelé que lorsqu'il s'agit d'agriculture, et d'élevage en particulier, le débat public est trop souvent caractérisé par la méconnaissance des réalités du modèle d'élevage actuel et par le dogmatisme, les stigmatisations ou les caricatures qui y sont liées. Et c'est dans cet esprit que le Gouvernement, à travers la voix de la Première ministre, a réaffirmé le 30 mai 2023 que la France pouvait être fière de son modèle d'élevage bovin et a affirmé qu'il avait un avenir. C'est la raison pour laquelle la France s'est montrée déterminée à soutenir l'élevage à travers la nouvelle politique agricole commune, l'élevage étant la filière la plus soutenue, ou dans le cadre des relations commerciales, en s'opposant à l'accord avec le Mercosur. Ce choix est d'ailleurs cohérent avec les objectifs gouvernementaux en matière de transition environnementale et de préservation de la biodiversité. En effet, le modèle d'élevage français présente la particularité d'avoir de nombreuses externalités positives. Un hectare de prairie permanente permet ainsi l'absorption annuelle de 403 kilos de dioxyde de carbone (CO2). Chaque année, les prairies stockent ainsi 8 millions de tonnes de CO2 en France. L'élevage est également le garant du réseau de haies et d'autres infrastructures agro-écologiques qui participent à la préservation de la biodiversité, la lutte contre les incendies dans de nombreuses régions et au maintien de paysages ouverts. C'est enfin l'élevage qui produit les engrais organiques nécessaires à l'agriculture biologique. Le monde de l'élevage est aujourd'hui au cœur de nombreux défis, tels que l'évolution de la démographie agricole, les aspirations nouvelles des actifs agricoles, l'évolution des pratiques alimentaires ou encore l'adaptation et l'atténuation du changement climatique. Dans ce contexte, il faut donc construire un nouveau cadre, dans lequel l'élevage aura toute sa place ; c'est tout le sens du Pacte et loi d'orientation et d'avenir agricoles. Ce pacte sera l'occasion de réaffirmer que la France a besoin d'éleveurs et que sa souveraineté alimentaire passe aussi par cette reconnaissance.
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